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10/02/2023 | FRANCE | N°19/01248

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 10 février 2023, 19/01248


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 10 FEVRIER 2023



N° 2023/ 20





RG 19/01248

N° Portalis DBVB-V-B7D-BDVGB







SAS BOUYGUES IMMOBILIER





C/



[B] [N]

























Copie exécutoire délivrée le 10 Février 2023 à :



- Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE







- Me Pierre ARNOUX

, avocat au barreau de MARSEILLE





























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 21 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F 17/01153.





APPELANTE



SAS BOUYGUES IMMOBILIER...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 10 FEVRIER 2023

N° 2023/ 20

RG 19/01248

N° Portalis DBVB-V-B7D-BDVGB

SAS BOUYGUES IMMOBILIER

C/

[B] [N]

Copie exécutoire délivrée le 10 Février 2023 à :

- Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- Me Pierre ARNOUX, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 21 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F 17/01153.

APPELANTE

SAS BOUYGUES IMMOBILIER, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Vincent MANIGOT, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur [B] [N], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Pierre ARNOUX, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Janvier 2023, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 10 Février 2023.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Février 2023

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

FAITS ET PROCÉDURE

M. [B] [N] a été engagé par la société Bouygues Immobilier, en qualité de responsable d'achats, chef de groupe, coefficient 120, statut cadre, par contrat à durée à indéterminée à temps complet prenant effet le 05 janvier 2015. La convention collective nationale applicable était celle des cadres du bâtiment.

Au dernier état de la relation contractuelle, M. [N] percevait une rémunération brute moyenne mensuelle de 4.677,30 €.

Le 12 septembre 2016, le salarié était convoqué à un entretien préalable à un licenciement pour le 22 septembre suivant avec mise à pied à titre conservatoire, l'employeur lui demandant de restituer immédiatement le matériel de l'entreprise.

M. [N] était licencié pour faute grave par lettre recommandée du 11 octobre 2016.

Le salarié saisissait le12 mai 2017 le conseil de prud'hommes de Marseille en contestation du licenciement prononcé à son encontre et en paiement d'indemnités.

Par jugement du 21 décembre 2018 le conseil de prud'hommes a statué comme suit :

« Dit que le licenciement pour faute grave de M. [B] [N] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Dit que la moyenne des salaires s'élève à la somme de : 4. 677,30 €

Condamne en conséquence la Société Bouygues Immobilier à verser au salarié les sommes suivantes :

- 9.354,60 € bruts, à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 935,46 € bruts, à titre d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 1.715,00 € bruts, à titre d'indemnité de licenciement;

- 4.577,91 € bruts, à titre de rappel de salaire sur mise à pied ;

- 457,79 € bruts, au titre des congés payés y afférents ;

- 18.709,20 € nets, à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif;

- 2.500,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Enjoint la Société Bouygues Immobilier à :

Remettre au salarié une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un solde de tout compte rectifiés conformément à la présente procédure.

Dit n'y avoir lieu à assortir cette remise d'une astreinte.

Régulariser la situation du salarié auprès des organismes sociaux.

Toutes les condamnations bénéficieront de la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1154 du Code Civil.

Précise donc que les condamnations concernant des créances de nature :

- salariale porteront intérêt au taux légal à compter de la demande en justice ;

- indemnitaire porteront intérêt au taux légal à compter de la présente décision.

Ordonne le remboursement par l'employeur aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois et dit qu'une copie certifiée conforme du présent jugement sera adressée par le greffe aux dits organismes. (art. L1235-4 du code du travail)

Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire des dispositions du présent jugement qui ne sont pas de plein droit exécutoires par application de l'article R1454-28 du Code du travail.

Rejette toutes les autres demandes des parties.

Condamne la Société Bouygues Immobilier aux entiers dépens.»

Par acte du 21 janvier 2019 le conseil de la société Bouygues Immobilier a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 20 septembre 2019, la société Bouygues Immobilier demande à la cour de :

« Infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Marseille en date du 21 décembre 2018 en ce qu'il a considéré que le licenciement de M. [N] ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et qu'il a condamné la Société Bouygues Immobilier à lui payer les sommes suivantes:

- 9.354,60 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 935.46 € bruts au titre des congés payés afférents ;

- 1.715 € bruts à titre d'indemnité de licenciement ;

- 4.577,91 € bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire ;

- 457,79 € bruts au titre des congés payés afférents ;

- 20.000 € nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;

- 5.000 € nets à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct ;

- 4.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dire et juger que le licenciement pour faute grave de M. [N] est pleinement justifié ;

Dire et juger que M. [N] ne justifie d'aucun préjudice moral distinct ;

En Conséquence,

Débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions;

Recevoir la Société Bouygues Immobilier en sa demande reconventionnelle et condamner M. [N] à lui verser la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner M. [N] aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître Romain Cherfils, membre de la Selarl Lexavoue Aix En Provence, Avocats associés aux offres de droit.»

Dans ses dernières écritures communiquées par voie électronique le 25 juin 2019 M. [N] demande à la cour de :

«Dire et Juger irrecevable et infondé l'appel interjeté par la société Bouygues Immobilier à l'encontre du jugement rendu le 21 décembre 2018 par le Conseil de prud'hommes de Marseille, section encadrement (RG n° F 17 /01153) ;

Débouter la société Bouygues Immobilier de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions;

Recevoir M. [N] en son appel incident et le dire bien fondé ;

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a :

- alloué la somme de 18.709,20 € 51 à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif au lieu des 35.000 € demandés à ce titre ;

- débouté M. [N] de sa demande de paiement de la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct ;

- dit n'y avoir lieu à assortir la remise de l'attestation Pôle Emploi, du certificat de travail et le solde de tout compte rectifiés avec une astreinte ;

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire des dispositions du jugement qui ne sont pas de plein droit exécutoires par application de l'article R.1454-28 du code du travail ;

- rejeté toutes les autres demandes de M. [N] ;

- octroyé la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Et ce faisant, statuant de nouveau :

Dire et Juger que le licenciement pour faute grave de M. [N] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamner en conséquence la société Bouygues Immobilier à verser à M. [N] les sommes suivantes :

- 9.354,60€ bruts, à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 935,46€ bruts, à titre d'indemnité de congés payés y afférent ;

- 1.715€ bruts, à titre d'indemnité de licenciement ;

- 4.577,91€ bruts, A titre de rappel de salaire sur mise à pied ;

- 457,79€ bruts, au titre des congés payés y afférents ;

- 35.000€ nets, à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

- 5.000€ nets, à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct ;

Ordonner la remise des documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation Pôle emploi, solde de tout compte, bulletin de salaire) rectifiés conformément à la décision à intervenir, sous astreinte de 100€ par jour de retard à compter de la notification de ladite décision, la Cour de céans se réservant le droit de liquider l'astreinte ;

Dire et Juger que les condamnations prononcées seront assorties d'intérêts à taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes ;

Ordonner la capitalisation des intérêts ;

Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, en toutes ses dispositions ;

Condamner la société Bouygues Immobilier , outre aux entiers dépens, à verser la somme de 4.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .»

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour relève que l'intimé ne développe aucun moyen à l'appui de sa demande d'irrecevabilité de l'appel interjeté par la société.

I) Sur le bien fondé du licenciement

La lettre de licenciement était libellée dans les termes suivants :

« Vous avez été embauché le 5 janvier 2015 en qualité de Responsable Achats. Lors de votre embauche, nous vous avons remis le Code d'Ethique du Groupe Bouygues (fait que vous avez d'ailleurs confirmé lors l'entretien préalable) qui, dans son chapitre 15 concernant les relations avec les fournisseurs, précise les éléments suivants: 'Les collaborateurs n'acceptent de recevoir directement ou indirectement aucun paiement, cadeau, prêt, divertissement ou avantage de quiconque engagé dans une relation d'affaires avec le Groupe '.

Le Code d'Ethique fait également référence aux 'programmes de conformité ' du Groupe, qui viennent préciser certaines règles. Dans ce cadre, le programme de conformité ' Conflits d'intérêts' apporte des précisions sur les situations dans lesquelles un collaborateur du Groupe Bouygues pourrait être confronté à un conflit d'intérêts en lien avec son activité professionnelle. Ce programme souligne expressément qu'un 'collaborateur doit s'abstenir de se mettre en situation de contrepartie de l'entreprise ou de créer un lien avec le partenaire '.

Enfin, le référentiel de contrôle interne, dans son paragraphe PG.12.16, stipule encore plus explicitement qu'un ' acheteur ou un collaborateur effectuant des achats pour l'entreprise ne passe pas de commande à titre personnel aux fournisseurs de l'entreprise avec lesquels il est en relation commerciale'. Le risque de conflit d'intérêts est évident et indiscutable entre un collaborateur qui négocie les achats pour le compte de son employeur et les fournisseurs de son employeur. Cette interdiction de toute relation commerciale à titre privé entre l'acheteur et les fournisseurs de l'entreprise est une mesure de prévention absolument nécessaire au regard de l'évidente exposition au risque de conflit d'intérêts. C'est d'ailleurs pourquoi ce point précis a de nouveau fait l'objet d'un rappel a l'ensemble des collaborateurs de la filière achats à l'occasion du séminaire des 8 et 9 octobre 2015, auquel vous avez bien entendu participé.

Lors de l'entretien du 22 septembre dernier, nous vous avons demandé de vous expliquer concernant la situation suivante :

-D'une part la réalisation de travaux dans votre résidence principale par l'entreprise Beitech, entreprise qui intervient pourtant très régulièrement pour Bouygues immobilier, et ce, en totale contradiction avec les règles d'éthique précitées,

-Et d'autre part, le fait d'avoir bénéficié, de la part de cette entreprise, d'une remise commerciale affichée de 3 900€, soit plus de 26%, sur la prestation effectuée à votre domicile.

Ces éléments ont été portés à notre connaissance par la Société Beitech elle-même tout début septembre.

Lors de l'entretien du 22 septembre dernier, vous avez confirmé la réalité de ces travaux à votre domicile et vous nous avez indiqué que la remise commerciale vous avait été accordée en contrepartie d'une malfaçon. Vous nous avez ensuite proposé de nous en apporter la preuve.

Or, a ce jour, nous n'avons toujours aucun élément permettant de justifier cette remise commerciale. La violation de ces règles d'éthique, dont vous aviez pourtant connaissance, est d'autant plus grave au regard de votre fonction d'acheteur et de la remise commerciale dont vous avez bénéficié. Un tel comportement nuit à la réputation et à l'image de notre entreprise et de notre groupe, tant en externe vis-a-vis de nos partenaires et clients qu'en interne vis-a-vis de nos propres collaborateurs.

Dans ces conditions, et compte tenu de la gravité des éléments rappelés ci-dessus, nous n'avons pas d'autre choix que de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave (...) ».

La société reproche au salarié d'avoir sciemment violé les règles internes à l'entreprise et celles relatives à la prévention des situations de conflit d'intérêts en contractant à titre personnel avec un fournisseur régulier de l'entreprise et en obtenant une remise commerciale indue rendant impossible la poursuite des relations contractuelles.

Elle fait valoir que le salarié s'est vu remettre des documents spécifiques dont notamment le code d'éthique du groupe Bouygues, le règlement intérieur en vigueur au moment des faits, le programme de conformité anticorruption et conflit d'intérêts ainsi que le référentiel de gestion des risques de contrôle interne et qu'il avait la possibilité d'obtenir les informations via l'Internet de la société.

Elle indique que l'entreprise Beitech a consenti à M. [N] des tarifs préférentiels pour des travaux au domicile du salarié alors que ce dernier occupait un poste sensible en tant que responsable d'achat et qu'il avait la charge de sélectionner les entreprises pour les marchés de travaux des opérations immobilières constituant un conflit d'intérêt.

Elle précise que le salarié n'a nullement alerté sa hiérarchie de son intention de passer commande à titre personnel auprès d'un fournisseur et que s'agissant de l'octroi de la remise commerciale en raison de malfaçons, il n'a fourni aucun document.

Le salarié soutient que les documents sur lesquels se fonde l'employeur dans la lettre de licenciement pour imputer au salarié un manquement aux règles d'éthique de l'entreprise n'ont jamais été portés à sa connaissance .

Il fait valoir qu'il n'a bénéficié d'aucun traitement de faveur du fait de ses fonctions au sein de la société Bouygues immobilier et qu'il n'a pas bénéficié de tarifs préférentiels.

Il indique que la jurisprudence estime qu'un risque de conflit d'intérêts ne peut justifier un licenciement et que la société ne démontre pas qu'elle aurait été informée au début du mois de septembre par l'entreprise Beitech de ce que le salarié aurait bénéficié d'une remise de 26 % dans la mesure où celle ci a été faite en raison des malfaçons qui lui sont imputables et que c'est bien la société appelante qui a contacté le fournisseur.

Le salarié précise que lors de l'entretien il ne lui a été jamais été demandé expressément de fournir la preuve des motifs de la remise et il estime que le licenciement est disproportionné, la société n'ayant jamais cherché à obtenir un complément d'information auprès de la société Beitech quant aux raisons de la réduction financière.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

Il incombe à l'employeur qui l'invoque d'en apporter la preuve.

Le contrat de travail du 17 octobre 2014 mentionne en son article 11 sur les conditions générales d'exercice des fonctions que pendant la durée du contrat le salarié s'engage « à se conformer aux recommandations et notes de service de la direction générale et de sa hiérarchie, au règlement intérieur, au règlement d'utilisation du système d'information et de télécommunications et autres Chartres applicables au sein de Bouygues immobilier (...) ».

Le 8 janvier 2015, il a été remis en main propre au salarié, le code d'éthique du groupe Bouygues et la charte des ressources humaines du groupe.

Le salarié a également été informé au vu de cette attestation que le règlement intérieur et ses annexes, en plus d'être présent sur l'affichage obligatoire de chacun des sites, était accessible sur l'intranet de Bouygues immobilier (kiosque) et que l'ensemble des procédures en vigueur dans l'entreprise était également accessible et mis à jour régulièrement sur l'intranet (pièce 1 appelante).

Le règlement intérieur prévoit en son article 1.6 Ethique que « conformément aux engagements pris par le groupe Bouygues en matière d'éthique, notamment dans le cadre de ses programmes de conformité, les collaborateurs salariés ont l'obligation de respecter la totalité des procédures en vigueur dans l'entreprise, notamment celles visant à lutter contre les risques de conflits d'intérêts et les risques d'entente.(pièce 15 appelante)

Si les programmes de conformité et en particulier les programmes de conformité « conflit d'intérêts et anticorruption » n'ont pas été remis au salarié il en est toutefois fait mention dans le règlement intérieur et les salariés doivent s'y reporter sur l'intranet de la société. Les salariés pouvant télécharger les procédures (pièce 22 appelante ).

Le référentiel de gestion des risques et de contrôle interne mis à jour le 11 mai 2015 indique clairement en son paragraphe PG. 12.16 qu'un « acheteur ou un collaborateur effectuant des achats pour l'entreprise ne passe pas de commande à titre personnel au fournisseur de l'entreprise avec le lesquels il est en relation commerciale » et était également accessible sur l'intranet Kiosque 'Espace organisation et gouvernance .(Pièce3 appelante).

La cour relève que la société a procédé à une communication régulière sur l'éthique et les programmes de conformité, en particulier le 29 octobre 2014 avec une note d'application le 4 novembre 2014 mais aussi une communication interne sur l'éthique et les programmes de conformité diffusée le 15 octobre 2015.

La responsable de l'éthique Bouygues immobilier était connue depuis le 1er décembre 2010 et cette information avait été publiée sur le site kiosque Espace Ethique en 2014. (pièces 19 et 20 appelante).

Les collaborateurs de la société ont été sensibilisés aux questions d'éthique avec un module éthique obligatoire : «Quel comportement adopter » visant à présenter des situations susceptibles de présenter un risque éthique et il était précisé dans une série de cas la nécessité d'informer sa hiérarchie. Le salarié a même passé un Quiz de validation mentionnant expressément que le recours à un intermédiaire devait être préalablement autorisé. (pièces 5 et 21 de la société).

Un séminaire Achats a été prévu le 8 et 9 octobre 2015 rappelant aux salariés présents les règles éthiques concernant les cadeaux et la nécessité de ne pas passer commande à titre personnel au fournisseur de l'entreprise.(pièce 10)

A cet égard, le salarié a reconnu dans son courrier du qu'une clé USB lui avait été remis où figure cette information, indiquant toutefois que la commande avait déjà été réalisée en septembre 2015.

Au regard de ces éléments, le salarié ne peut donc valablement soutenir qu'il n'avait pas connaissance des documents définissant la politique éthique applicable au sein de la société et du groupe Bouygues, que les programmes ne lui auraient pas été remis ou même que le référentiel n'aurait pas été évoqué lors de l'entretien préalable alors qu'il lui appartenait de lire attentivement le règlement intérieur de la société mais surtout l'attestation de remise de documents ou il s'engageait à prendre connaissance du règlement intérieur et de ses annexes ainsi que des procédures en vigueur dans l'entreprise accessibles sur l'intranet de Bouygues immobilier (kiosque) et à les mettre en 'uvre.

Au surplus, la cour relève que ce dernier avait déjà été employé en tant que responsable achats à l'international tous corps d'état en 2003/2006 auprès de Bouygues bâtiment international et qu'il ne pouvait donc ignorer les règles d'éthique instaurée dans le groupe, un comité de l'éthique et du mécénat ayant été créé le 3 septembre 2004 avec la nomination de [J] [S] en 2010 en tant que responsable de l'éthique au sein de Bouygues immobilier, nomination renouvelée en 2014 (pièces 19 et 20 de l'appelante).

Par ailleurs, si M. [N] justifie que les travaux réalisés à son domicile ont été payés et que la remise commerciale correspondrait à des malfaçons de la part de la société Beitech au vu du courrier du 18 décembre 2015, il n'en demeure pas moins qu'en passant à titre personnel une commande de travaux avec la société Bei Tech, dont il n'est pas contesté qu'elle était un fournisseur de la société Bouygues immobilier, alors qu'il était responsable des achats et sans avoir été préalablement autorisé à le faire, le salarié a commis un manquement fautif caractérisant une faute grave.

Enfin, le fait que le salarié n'ait fait l'objet d'aucune mesure disciplinaire antérieure ou même l'absence d'un préjudice pour la société sont inopérants au regard de la nécessité pour les collaborateurs de respecter les règles d'éthique et d'exemplarité inscrites par la société dans le cadre des relations contractuelles.

Eu égard aux responsabilitées confiées à M. [N], la faute avérée constitue une violation des obligations du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, justifiant la mise à pied et le licenciement pour faute grave.

Dès lors, le jugement doit être infirmé.

II) Sur les conséquences financières du licenciement

Le salarié doit être débouté de ses demandes tant salariales qu'indemnitaires liées à la rupture et la decision infirmée sur ces points mais également sur l'application de la sanction de l'article L.1235-4 du code du travail.

Le salarié soutient qu'il a subi un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi en raison des conditions particulièrement vexatoires de son licenciement. Il invoque le fait que suite au licenciement il a été confronté à la séparation de son couple, sa compagne l'ayant quitté peu de temps après sa perte abusive d'emploi.

La cour constate que les conditions vexatoires du licenciement ne sont pas avérées au regard de la faute grave qui a été retenue et il n'est pas démontré que la séparation du couple soit la conséquence du licenciement, de sorte que l'intimé doit être débouté de sa demande à ce titre.

III) Sur les frais et dépens

Le salarié qui succombe doit s'acquitter des dépens de la procédure sans distraction, le ministère d'avocat n'étant pas obligatoire devant la présente juridiction.

L'quité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et Y ajoutant,

Dit que le licenciement pour faute grave est justifié ;

Rejette l'ensemble des demandes de M. [B] [N] ;

Dit la sanction de l'article L.1235-4 du code du travail inapplicable ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [B] [N] aux dépens de la procédure d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/01248
Date de la décision : 10/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-10;19.01248 ?
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