COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 09 FÉVRIER 2023
N° 2023/143
Rôle N° RG 22/08377 N° Portalis DBVB-V-B7G-BJROX
SARL ETUDES ET DEVELOPPEMENTIMMOBILIERS EDIM
C/
BANQUE INTERNATIONALEA LUXEMBOURG BIL
AUCUNEETAT FRANCAIS
Syndic. de copro. LE VERLAINE
Société DE L'IMMEUBLE BARCELONA
Organisme FONDS COMMUN DE TITRISATION CEDRUS
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Isabelle FICI
Me Paul GUEDJ
Me Yannick HENTZIEN
Me Romain CHERFILS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution de GRASSE en date du 23 Mai 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 21/00072.
APPELANTE
SARL ETUDES ET DEVELOPPEMENT IMMOBILIERS EDIM
inscrite AU RCS de Cannes sous le n°485357180 prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 5]
représentée par Me Isabelle FICI de la SELARL LIBERAS FICI & ASSOCIES, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
plaidant par Me Julien CHAMARRE de la SELARL NEVEU- CHARLES & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE, substitué par Me Matthieu BOTTIN, avocat au barreau de NICE
INTIMES
BANQUE INTERNATIONALE A LUXEMBOURG BIL
anciennement dénommée DEIXA BIL, inscrite au RCS de LUXEMBOURG sous le n° 6307 poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 6]
représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
assistée de Me Marlène LEROY de la SELARL ELOCA, avocat au barreau de PARIS
ETAT FRANÇAIS
représenté par le Pôle de recouvrement spécialisé des Alpes Maritimes dont le siège social sis [Adresse 2]
assigné à jour fixe le 27 juin 2022 à personne habilitée,
défaillant
Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 13]
[Adresse 7], pris en la personne de son syndic en exercice le Cabinet MARCELLIN, SARL immatriculée au RCS de CANNES sous le numéro B 378 008 031, elle-même prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant et domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 8]
représenté et assisté par Me Yannick HENTZIEN de la SCP HENTZIEN - BOCQUET-HENTZIEN, avocat au barreau de GRASSE
Syndicat des copropriétaires de l'IMMEUBLE [Adresse 10]
[Adresse 4]
représenté par son syndic en exercice FONCIA AD IMMOBILIER dont le siège social est [Adresse 1]
assigné à jour fixe le 28 juin 2022 à personne habilitée,
défaillant
PARTIE INTERVENANTE
FONDS COMMUN DE TITRISATION CEDRUS ayant pour société de gestion la société EQUITIS GESTION, SAS immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro B 431 252 121, ayant son siège social [Adresse 9], et représenté par la société MCS ET ASSOCIES,
SAS immatriculée au RCS de Paris sous le numéro B 334 537 206, ayant son siège social [Adresse 3], en qualité de recouvreur, et agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice y demeurant en cette qualité (venant aux droits de la SOCIETE GENERALE en vertu d'un bordereau de cession de créances en date du 29 novembre 2019 soumis aux dispositions du Code monétaire et financier)
Intervenant volontaire
représenté par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
assisté de Me Sébastien CAVALLO de la SELARL THEMA, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 07 Décembre 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Pascale POCHIC, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Février 2023, puis prorogé au 09 Février 2023.
ARRÊT
Réputé Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Février 2023,
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, procédure et prétentions des parties
Par acte reçu le 20 mars 2007 par maître Pannetier, notaire associé à Nice, la société Dexia Banque Internationale à Luxembourg (Dexia Bil) a consenti à M. [Y] [S], gérant de société, une ouverture de crédit en compte courant à concurrence de 1 800 000 euros destinée à la constitution d'un portefeuille de valeurs mobilières auprès de ladite banque à hauteur d'une valeur minimum de 800 000 euros et à financer pour 1 million d'euros des besoins de trésorerie en vue d'investissements immobiliers.
Par le même acte la SNC Hacienda, la SARL Castel Immo et la SAR Etudes et Développements Immobiliers (Edim) ont consenti à la banque une garantie hypothécaire sur des biens leur appartenant, à concurrence, pour la société Edim, de la somme de 500 000 euros.
Par jugement du 11 janvier 2009, le tribunal de commerce de Cannes a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de cette société et arrêté le plan de redressement par jugement du 4 mai 2010.
La banque Dexia Bil a déclaré sa créance par lettre recommandée du 28 septembre 2009 pour un montant de 1.215.520,08 euros. Sur contestation de maître Cardon, mandataire judiciaire, le juge-commissaire, par ordonnance du 16 juillet 2013, a admis la créance au passif de la société Edim à titre hypothécaire échu et à hauteur de la somme de 500.000 euros. Par un arrêt devenu irrévocable rendu le 25 juin 2020 la cour de ce siège a infirmé cette ordonnance et rejeté la créance déclarée par la banque. L'expiration du plan de redressement a été constatée par ordonnance du président du tribunal de commerce de Cannes le 7 décembre 2020.
A la suite de la défaillance de l'emprunteur dans le remboursement du prêt, la société Banque Internationale à Luxembourg (Bil), anciennement dénommée Dexia Bil, a en vertu de la copie exécutoire de l'acte authentique du 20 mars 2007, par exploit du 9 février 2021, fait délivrer à la société Edim un commandement de payer valant saisie immobilière pour avoir paiement de la somme totale de 500.000 euros, emportant saisie des droits et biens lui appartenant, affectés à sa garantie, situés sur la commune de Mandelieu La Napoule (Alpes Maritimes) dans un ensemble immobilier dénommé « Les Ormes » et sur la commune de Cannes (Alpes Maritimes) dans un ensemble immobilier dénommé « Le Verlaine » plus amplement désignés au cahier des conditions de vente déposé au greffe du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nice le 7 mai 2021.
Ce commandement a été dénoncé à Me Cardon, ès qualité de mandataire judiciaire, et Me Huertas, ès qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Cet acte publié le 19 mars 2021 étant demeuré infructueux, la société Bil a fait assigner la société Edim à l'audience d'orientation devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Grasse, lors de laquelle la société Edim a contesté les poursuites et sollicité subsidiairement, l'autorisation de vendre amiablement les biens saisis.
Par jugement du 23 mai 2022, le juge de l'exécution a pour l'essentiel :
' rejeté les fins de non-recevoir opposées par la société Edim ;
' dit que la créance de la société Bil, soumise à la prescription quinquennale n'est pas prescrite
' dit en conséquence qu'elle est recevable et bien fondée en ses poursuites et à se prévaloir contre cette société de la garantie réelle qu'elle lui a consentie par acte notarié du 30 janvier 2007 ;
' dit que la société Edim est prescrite en sa demande d'annulation de son engagement; la déboute de sa demande tendant à voir déclarer caduques les inscriptions hypothécaires prises par la société Bil ;
' dit que les conditions des articles L. 311-2, L. 311-4 et L.311-6 du code des procédures civiles d'exécution sont réunies et que le créancier poursuivant a satisfait au respect des dispositions du code des procédures civiles d'exécution relatives à la saisie immobilière ;
' dit que la société Bil poursuit la saisie immobilière au préjudice de la société Edim pour une créance liquide et exigible, d'un montant de 500.000 euros arrêtée au 31 août 2020, montant de sa garantie ;
' autorisé la vente amiable des biens et droits immobiliers saisis au préjudice, de la SARL Edim et fixé le prix en deçà duquel ces biens ne pourront pas être vendus eu égard aux conditions économiques du marché à la somme de :
- 350 000 euros pour les lots 168 et 8 de la Résidence [12] ;
- 120 000 euros pour le lot 170 de la résidence [12] ;
- 370 000 euros pour les lots 136, 116, 107 de la résidence [Adresse 13] ;
' condamné la société Edim aux dépens de l'incident ;
' l'a condamnée à payer à la société Bil une indemnité de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Edim a relevé appel de ce jugement d'orientation par déclaration du 10 juin 2022 mentionnant l'ensemble des chefs du dispositif de la décision.
Par ordonnance en date du 21 juin 2022 elle a été autorisée à assigner à jour fixe et les assignations délivrées à cette fin par exploits des 27, 28 et 30 juin 2022 et du 5 juillet 2022 ont été remises au greffe le 8 juillet 2022.
Aux termes de ses écritures notifiées le 25 aout 2022 la société Edim demande à la cour, au visa des articles 5 et 7 de la convention de Rome du 19 juin 1980, des article 2243 du code civil, L.218-2 du code de la consommation et L.223-21 du code de commerce de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Et statuant à nouveau,
A titre principal,
- déclarer que le contrat de prêt du 12 mars 2007 intégré dans l'acte du 20 mars 2007 est soumis au droit de la consommation,
- déclarer que la prescription biennale est applicable au contrat de prêt du 12 mars 2007 intégré dans l'acte du 20 mars 2007,
- déclarer que la prescription est acquise depuis le 27 août 2011, en conséquence,
- prononcer la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale de l'action de la société Bil, par application de l'ancien article L. 137-2 du Code de la consommation, devenu l'article L 218-2 du code de la consommation,
- déclarer la société Bil irrecevable en son action de saisie immobilière diligentée à l'encontre de la société Edim,
- de débouter la société Bil de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
A titre subsidiaire,
Vu l'article 189 du code de commerce luxembourgeois,
- déclarer que le contrat de prêt du 12 mars 2007 intégré dans l'acte du 20 mars 2007 est soumis aux dispositions du code de commerce luxembourgeois,
- déclarer que la prescription décennale est applicable au contrat de prêt du 12 mars 2007 intégré dans l'acte du 20 mars 2007,
- déclarer que la prescription est acquise depuis le 27 août 2019, en conséquence,
- prononcer la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la créance et de l'action de la société Bil,
- déclarer la société Bil irrecevable en son action de saisie immobilière diligentée à l'encontre de la société Edim,
- de débouter la société Bil de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
A titre subsidiaire également,
Vu l'article L.110-4 du code de commerce français,
- déclarer, dans l'hypothèse où la cour retiendrait l'application du droit français, que le contrat de prêt du 12 mars 2007 intégré dans l'acte du 20 mars 2007 est soumis aux dispositions du code de commerce français,
- déclarer que la prescription quinquennale est applicable au contrat de prêt du 12 mars 2007 intégré dans l'acte du 20 mars 2007,
- déclarer que la prescription est acquise depuis le 27 août 2014, en conséquence,
- prononcer la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la créance et de l'action de la société Bil,
- déclarer la société Bil irrecevable en son action de saisie immobilière diligentée à l'encontre de la société Edim,
- débouter la société Bil de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
A titre plus subsidiaire, pour le cas où le juge de céans estimerait par extraordinaire que la prescription n'est pas acquise,
Vu l'article L.223-21 du code de commerce,
- prononcer la nullité des engagements pris par la société Edim, notamment au regard de l'absence de représentation régulière de la société Edim,
- déclarer que les inscriptions hypothécaires sont caduques, en conséquence,
- débouter la société Bil de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
A titre encore plus subsidiaire,
- déclarer que la créance revendiquée par la société Bil n'est ni certaine ni exigible en l'absence de tout décompte régulier et actualisé,
En conséquence,
- débouter la société Bil de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
A titre infiniment subsidiaire,
Vu les mandats de vente,
- autoriser la société Edim à vendre amiablement les biens saisis pour un prix qui ne saurait être inférieur à :
- 350 000 euros pour les lots 168 et 8 de la Résidence les [12] ;
- 120 000 euros pour le lot 170 de la Résidence les [12] ;
- 370 000 euros pour les lots 136, 116 et 107 de la Résidence [11].
Dans tous les cas,
- condamner la société Bil au paiement d'une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens.
A l'appui de ses demandes elle fait valoir que conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation (Civ. 3ème, 12 mai 2021, n°19-16.514), l'action hypothécaire ne survit pas à la prescription de l'action personnelle et soutient qu'il y a lieu d'appliquer la loi française concernant l'acte de prêt, a fortiori, à l'engagement hypothécaire du tiers garant.
Elle énumère les éléments qui orientent les liens vers la France en indiquant notamment le contrat de prêt a été signé par un notaire français sur le territoire national par M. [S] ressortissant français résidant en France où il avait été démarché par les services de la banque, rappelant qu'elle même est une société de droit français et que son engagement hypothécaire a été pris sur des biens situés en France.
Elle relève par ailleurs que la banque a choisi le droit français pour délivrer à M. [S] un commandement de payer le 6 juin 2013.
Elle ajoute que si la société Bil revendiquait l'application de la loi luxembourgeoise, il ressort de l'article 5 § 2 de la convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles que, s'agissant des contrats conclus par les consommateurs, que « nonobstant les dispositions de l'article 3, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle », ce point étant d'ailleurs repris dans l'acte d'engagement hypothécaire qui précise dans son article 18 que « le présent contrat est soumis au droit luxembourgeois pour tout ce qui n'est pas de la compétence exclusive de la loi française ». Elle invoque les dispositions de l'article 7 de la Convention de Rome et soutient que le caractère impératif des dispositions de l'article L218-2 du code de la consommation (anciennement L137-2 du code de la consommation) relatif à la prescription biennale doit recevoir application en l'espèce dès lors que le contrat de prêt octroyé par la banque Dexia Bil visait un besoin de trésorerie et non un contrat de prêt immobilier et qu'en tout état de cause la destination du prêt n'a pas d'incidence quant au rattachement du contrat aux règles protectrices du droit de la consommation ainsi qu'il ressort d'un arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation en date du 11 février 2016 (n°14-22.938).
Elle conteste l'existence d'actes interruptifs de prescription en indiquant que la banque a dénoncé la convention de crédit d'un montant de 1.800.000 euros par lettre recommandée avec avis de réception du 27 août 2009 et qu'elle n'a pas agi dans le délai de deux ans. Elle rappelle que la déclaration de créance de la banque à sa procédure collective, ayant été rejetée par arrêt du 25 juin 2020, elle n'a pas d'effet interruptif en application de l'article 2243 du code civil.
Subsidiairement, si la cour devait retenir l'application du droit luxembourgeois, elle se prévaut de la prescription décénnale de l'article 189 du code de commerce luxembourgeois, applicable aux obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants, ainsi qu'il ressort des décisions de justice luxembourgeoises qu'elle cite.
Elle indique par ailleurs que si la cour devait reconnaître le caractère professionnel de l'emprunteur tout en admettant l'application du droit français, il lui appartiendra d'appliquer la prescription quinquennale.
Elle conteste tout effet interruptif de prescription aux actes diligentés par la banque à l'encontre de la SNC Hacienda et de M. [S], ces actes n'ayant pas été délivrés par un huissier luxembourgeois et ne visant pas les dispositions de la loi luxembourgeoise alors que les commandements de droit luxembourgeois doivent obéir au formalisme et aux règles de signification tels que prévus pour tous les actes d'huissiers luxembourgeois, par application des articles 153 et suivants du nouveau code de procédure civile du Grand-Duché de Luxembourg.
Et s'agissant des actes de saisie immobilière délivrés à l'encontre de l'autre garant hypothécaire, à savoir la société Hacienda , ceux-ci ne peuvent avoir aucun effet interruptif de prescription tant à l'égard du débiteur principal qu'à l'égard des autres garants hypothécaires, puisqu'il résulte des articles 2245 et 2246 du code civil français, identiques aux articles 2249 et 2250 du code civil luxembourgeois, qu'exception faite du cas où le cautionnement est solidaire, l'interruption faite à l'égard de la caution n'opère pas à l'égard du débiteur ou d'une autre caution et que cela est d'autant plus vrai à l'égard du garant hypothécaire qui n'est pas un débiteur solidaire puisqu'il n'est pas tenu personnellement à la dette du débiteur principal.
Elle en déduit qu'en l'absence d'acte interruptif de prescription valable à l'égard de l'emprunteur, le commandement de payer valant saisie immobilière délivré à l'encontre de la SNC Hacienda n'a eu aucun effet interruptif de prescription qui s'étendrait à elle.
Elle relève les contradictions de la banque qui prétend d'une part, que l'article 156 du nouveau code de procédure civile luxembourgeois concerne uniquement les assignations et, qu'en conséquence, le commandement de payer doit obéir à la loi française, et d'autre part, qu'il faut appliquer la loi du lieu d'inexécution du contrat, conformément à l'article 10 §2 de la Convention de Rome, et, qu'en conséquence, le commandement de payer doit obéir à la loi française, mais qui affirme qu'en revanche, il faut appliquer la loi du contrat quant aux effets du contrat, c'est-à- dire en matière de prescription, et qu'en conséquence, il est nécessaire d'appliquer la loi luxembourgeoise.
Par ailleurs la société Edim réfute l'argument de la société Bil selon lequel la procédure de saisie immobilière poursuivie à l'encontre de la SNC Hacienda, tiers garant, aurait suffi à interrompre la prescription à l'égard de la société Edim tiers garant, au prétexte que le, débiteur principal, aurait été attrait à la procédure, alors que l'assignation du débiteur principal n'est pas requise par les textes lorsqu'il existe un tiers détenteur ou un tiers garant, qu'en outre dans cette procédure la banque n'a formé aucune demande en justice, interruptive de prescription, à l'encontre de M. [S].
A titre subsidiaire, elle invoque la nullité de son engagement en raison d'une part, de l'absence à l'acte notarié de l'annexe établissant sa présentation par le clerc de notaire et d'autre part, du caractère étranger à son objet social, M. [S], son ancien gérant, ne pouvant régulièrement garantir un emprunt personnel en engageant les biens de la société dont il est le représentant.
Elle affirme que le moyen de défense tiré d'une exception de nullité est perpétuel et constitue une défense au fond qui peut être proposé en tout état de cause conformément à l'article 72 du code de procédure civile en sorte qu'aucune prescription ne peut lui être valablement opposée.
Elle soulève encore la caducité de l'inscription hypothécaire au motif qu'en l'absence de terme précis fixé dans l'acte d'affectation hypothécaire, la banque ne pouvait procéder au renouvellement de son hypothèque qui est arrivée à expiration le 16 mars 2016.
Plus subsidiairement, elle soutient l'absence de caractère certain et liquide de la créance commandée, la banque ayant bénéficié de nombreux remboursements et se montre taisante sur les autres garanties dont elle dispose notamment sur les portefeuilles de valeurs mobilières attachés aux contrats de prêts. La société Edim argue par ailleurs d'une absence de taux contractuel valide le calcul du montant des intérêts, évalué au 18 août 2020 à 179.705,62 euros étant impossible, le décompte produit par la banque ne comportant aucune mention du taux d'intérêt, de sorte qu'il est impossible de vérifier le calcul des intérêts et que la société Bil ne peut prétendre qu'au taux légal.
Enfin elle renouvelle sa demande d'autorisation de vente amiable des biens saisis, en se prévalant de deux mandats de vente.
Par écritures notifiées le 2 décembre 2022 la société Bil, conclut à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, au rejet des demandes de l'appelante et à sa condamnation au paiement de la somme de 4500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens d'appel distraits au profit de son conseil, maître Paul Guedj.
A cet effet la banque rappelle que si la prescription applicable à la sûreté réelle est trentenaire conformément à l'article 2227 du code civil français, cette sûreté qui n'est que l'accessoire de la créance, n'est plus susceptible d'être mobilisée dans l'hypothèse où la créance principale est prescrite et elle soutient que tel n'est pas le cas en l'espèce.
Elle indique en effet que le contrat de prêt est soumis à la loi luxembourgeoise, ainsi qu'en ont décidé les parties, et ce conformément aux dispositions de l'article 3 de la Convention de Rome et que les seules réserves à cette liberté de choix sont prévues aux articles 5 et 7 de la convention, qui ne remettent pas en cause l'applicabilité du droit choisi.
Et s'agissant de l'article 5 relatif aux contrats conclus avec les consommateurs, la banque conteste cette qualité à M. [S] dès lors que l'opération portait sur une opération de crédit de 1 800 000 euros dont 1 000 000 euros à affecter à des investissements immobiliers témoignant de la nature professionnelle du prêt. Elle souligne en outre que la ligne de crédit mise à disposition de l'emprunteur était inscrite sur des comptes tenus au Luxembourg en sorte qu'en vertu du paragraphe 4 de l'article 5, ce texte ne trouve pas à s'appliquer.
Elle affirme par ailleurs que les dispositions de l'article L.218-2 du code de la consommation ne constituent pas une loi de police au sens de l'article 7§2 de la convention de Rome.
Elle soutient en conséquence que la prescription applicable est fonction du droit luxembourgeois soit la prescription trentenaire prévue par et que l'article 2262 du code civil et subsidiairement s'agissant la prescription décennale prévue par l'article 189 du code de commerce luxembourgeois, elle note qu'il résulte de l'article 2244 code civil luxembourgeois qu'une demande en justice, un commandement ou une saisie signifié à celui que l'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription, et que dans le cas présent la créance a été poursuivie à l'encontre de la société Hacienda en vertu d'un commandement valant saisie immobilière délivré le 28 juin 2013, qu'un commandement de saisie avait été signifié à l'emprunteur le 6 juin 2013, et elle rappelle que dans le cadre de la saisie immobilière le projet de distribution a été rendu exécutoire par une ordonnance du 17 janvier 2018, qu'ainsi la prescription qui a été interrompue, n'était pas acquise à la date de la délivrance du commandement valant saisie immobilière délivré à la société Edim le 9 février 2021.
Elle indique que les dispositions de l'article 156 du nouveau code de procédure civile luxembourgeois invoqué par l'appelante, sont relatives uniquement aux assignations et que le commandement de payer délivré à M.[S] est conforme aux dispositions de l'article 10 §2 de la convention de Rome, et n'a pas fait l'objet de contestation, ces effets étant déterminés par la loi choisie par les parties à savoir le droit luxembourgeois, en sorte qu'il a valablement interrompu la prescription, ajoutant qu'il n'existe par de contradiction à conférer à un commandement instrumenté dans les formes imposées par l'Etat dans lequel est délivré les effets, au fond, attachés à cet acte par le droit étranger qui gouverne la loi régissant le contrat.
Enfin, elle indique que si la prescription quinquennale de l'article L.110-4 du code de commerce français devait s'appliquer, elle a été interrompue par les poursuites en saisie immobilière engagées conjointement contre la société Hacienda et le débiteur.
Par ailleurs la banque soulève la prescription de la demande de nullité présentée par l'appelante, qui ne constitue pas une défense au fond, en signalant que l'engagement de la société Edim a reçu un début d'exécution par l'inscription de l'hypothèque prise le 30 avril 2007 en sorte que la prescription est acquise depuis le 19 juin 2013.
Elle conteste la caducité alléguée de la garantie hypothécaire, en indiquant que les inscriptions primitives ont fait l'objet d'un renouvellement, et que doit être distinguée la durée de validité de l'inscription d'hypothèque et le terme de l'engagement de la société, subordonné en l'espèce conformément aux stipulations contractuelles, au règlement total par M. [S] de son encours.
Sur la liquidité et l'exigibilité de la créance, l'intimée souligne que la société Edim ne démontre nullement que la banque aurait reçu des règlements autres que ceux qu'elle reconnaît avoir perçus et elle ajoute que le gage de valeurs mobilières de 800 000 euros est sans incidence sur la garantie due par la société Edim et s'avère de plus, inexact, puisque le portefeuille gagé, abondé à raison des sommes prêtées le 20 mars 2007 et de celles objets d'un concours distinct du 30 janvier précédent, a été liquidé le 15 octobre 2008 pour la somme de 2.262.272,15 euros, qui a été viré sur le compte courant M. [S] dans ses livres et à partir de ce compte les sommes de 600.000 euros et 27.185,49 euros ont été affectées le même jour au remboursement de la ligne de crédit en principal et intérêts et à l'issue de ces imputations l'encours actualisé à valoir équivalait à 1.221.346,85 euros, ce montant correspondant au solde repris dans le décompte annexé au commandement de saisie immobilière.
Elle affirme que les modalités de calcul des intérêts, leur base, taux et leur périodicité ne sont pas contestables et leurs critiques s'avèrent vaines dans la mesure où depuis la clôture du compte documentant le concours de M. [S], intervenue le 25 septembre 2009,elle n'a comptabilisé aucun intérêt et qu'au surplus elle ne poursuit à l'encontre de la société Edim que le paiement dans la limite de son engagement fixé à 500 000 euros.
Par conclusions notifiées le 8 novembre 2022 le fonds commun de titrisation Cedrus , venant aux droits de la Société Générale, et ayant pour société de gestion la SAS Equitis Gestion représentée par la SAS MCS et Associés, demande à la cour de :
- le recevoir en ses présentes écritures, le déclarer bien fondé et y faisant droit ;
- le déclarer, bien fondé à intervenir volontairement à la présente instance ;
- condamner la partie défaillante à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de vente.
Il rappelle en substance que la société Edim était titulaire d'un compte courant ouvert dans les livres de la Société générale et a conclu avec cette banque une convention cadre de cession de créances professionnelles permettant de garantir le découvert en compte consenti par la Société Générale et qu'en application de cette convention, la société Edim lui a cédé une créance sur la SPA d'un montant de 462 983,56 euros résultant d'une facture n°08/05/SPA, qui n'a pas été réglée. La Société Générale a donc fait assigner la société Edim et la SPA en paiement devant le tribunal de commerce de Cannes. Toutefois la société Edim a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire et la Société Générale a déclaré sa créance définitivement admise à la somme de 462 983,56 euros.par arrêt de cette cour en date du 21 mars 2014 à l'encontre duquel le pourvoi formé par la société Edim a été rejeté par décision de la Cour de cassation rendue le 1er mars 2016.
Il indique venir aux droits de la Société Générale par suite de la cession de créances selon acte du 29 novembre 2019, comprenant notamment les créances détenues à l'encontre de la société Edim, cession dont celle-ci a été informée de même que les organes de la procédure collective, par lettres recommandées du 15 et 20 janvier 2020, 11 février 2020 et 2 juillet 2020.
Le FCT précise qu'eu égard à la procédure de fixation de sa créance, il n'a pu bénéficier des règlements du plan de redressement mis en oeuvre et qui a pris fin au mois de mai 2020 et n'a pu obtenir aucun paiement. Il a ainsi été autorisé par ordonnance du président du tribunal de commerce de Cannes en date du 7 avril 2022, à inscrire des hypothèques sur les biens immeubles appartenant à la société Edim, qui lui ont été dénoncées le 17 mai 2022.
Il indique avoir déclaré ses créances dans les procédures de saisies immobilières et les a dénoncées aux différents créanciers par actes du 9 juin 2022. Son intervention aux procédures de saisies immobilières a bien été actée par le juge de l'exécution comme en attestent les jugements rendus le 22 septembre 2022, ordonnant la reprise de la procédure de vente forcée.
Créancier inscrit depuis le 9 juin 2022, soit postérieurement au jugement dont appel, il soutient
disposer d'un intérêt certain à intervenir à la présente procédure afin de faire valoir ses droits de créancier à l'encontre de la société Edim le cas échéant et signale qu'à la date de ses écritures, sans avoir communication des conclusions des parties dans la présente procédure, il ne formule aucune demande et s'en remet à justice sur les prétentions développées par l'appelante et les intimés.
Par conclusions notifiées le 21 septembre 2022 le [Adresse 13], rappelle qu'il est titulaire d'une hypothèque légale sur le fondement d'une assignation devant le tribunal d'instance de Cannes, publié et enregistré le 25 janvier 2017 au 1er bureau de la conservation des Hypothèques de Grasse, 1er bureau, et du superprivilège du syndicat des copropriétaire de l'article 2374 du code civil et demande à la cour de :
- statuer ce que de droit quant aux mérites des demandes formées en voie d'appel par les parties appelante et intimée principales
En tout état de cause,
- condamner toute partie succombante au paiement d'une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance.
Le Trésor public (Pole de recouvrement spécialisé des Alpes Maritimes) et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 10], cités par actes délivrés les 27 et 28 juin 2022 à personne se déclarant habilitée, n'ont pas constitué avocat.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application de l'article 474 alinéa 1 du code de procédure civile l'arrêt sera réputé contradictoire ;
Sur l'intervention du FCT Cedrus :
Vu les dispositions de l'article 554 du code de procédure civile ;
L'intervention volontaire du FCT Cedrus ayant pour société de gestion la SAS Equitis Gestion représentée par la SAS MCS et Associés, venant aux droits de la Société Générale par suite de la cession de créances du 29 novembre 2019, comprenant celle détenue à l'encontre de la société Edim, autorisée par ordonnance du 7 avril 2002 à inscrire une hypothèque provisoire sur les immeubles de cette société, inscription dénoncée à celle-ci le 17 mai 2022, ne fait pas l'objet de critique et sera déclarée recevable ;
Sur la prescription de la créance et l'extinction de l'hypothèque :
La prescription discutée est celle prévue à l'article L.137-2, devenu L.218-2 du code de la consommation, qui dispose que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ;
En application de ce texte, la prescription biennale n'est applicable à la demande en paiement formée par un professionnel contre une personne physique que si cette dernière a eu recours à ses services à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole.
La portée de la prescription en cause détermine le sort de l'hypothèque qui garantit la créance du professionnel, dès lors qu'il n'est pas discuté que si la garantie réelle consentie par la société Edim est soumise à la prescription trentenaire attachée aux actions réelles immobilière de l'article 2227, elle s'éteint en application de l'article 2248 du même code, par l'extinction de l'obligation principale ;
Il n'est pas discuté que pour le contrat de crédit souscrit par M. [S], de nationalité française, auprès de la banque luxembourgeoise Dexia BIL, et le cautionnement hypothécaire de la société Edim, dont l'emprunteur était le gérant, les parties ont fait le choix, comme les y autorise l'article 3 la Convention de Rome du 19 juin 1980, applicable audit contrat, de l'application du droit luxembourgeois 'pour tout ce qui n'est pas de la compétence exclusive de la loi française' ;
Pour prétendre à la prescription de la créance la société Edim se prévaut de l'application du droit de la consommation français, le contrat ayant été signé en France par M. [S], ressortissant français résidant en France, elle même étant une société de droit français et les biens qu'elle a affectés à la garantie des prêts situés en France ;
Toutefois il s'agit là, ainsi que le relève la société Bil, de critères subsidiaires de rattachement prévus par l'article 4 de la Convention, applicable en l'absence de choix des parties sur la loi applicable au contrat, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, peu important que les actes aient été signés en France ;
L'appelante invoque en second lieu les dispositions de l'article 5 paragraphe 2 et de l'article 7 de la Convention.
L'article 5 relatif au 'contrats conclus par les consommateurs' dispose :
'1. Le présent article s'applique aux contrats ayant pour objet la fourniture d'objets mobiliers corporels ou de services à une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, ainsi qu'aux contrats destinés au financement d'une telle fourniture.
2. Nonobstant les dispositions de l'article 3, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle :
- si la conclusion du contrat a été précédée dans ce pays d'une proposition spécialement faite ou d'une publicité, et si le consommateur a accompli dans ce pays les actes nécessaires à la conclusion du contrat,
ou
- si le cocontractant du consommateur ou son représentant a reçu la commande du consommateur dans ce pays,
ou
- si le contrat est une vente de marchandises et que le consommateur se soit rendu de ce pays dans un pays étranger et y ait passé la commande, à la condition que le voyage ait été organisé par le vendeur dans le but d'inciter le consommateur à conclure une vente.
3. Nonobstant les dispositions de l'article 4 et à défaut de choix exercé conformément à l'article 3, ces contrats sont régis par la loi du pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, s'ils sont intervenus dans les circonstances décrites au paragraphe 2 du présent article.
4. Le présent article ne s'applique pas :
a) au contrat de transport ;
b) au contrat de fourniture de services lorsque les services dus au consommateur doivent être fournis exclusivement dans un pays autre que celui dans lequel il a sa résidence habituelle.
5. Nonobstant les dispositions du paragraphe 4, le présent article s'applique au contrat offrant pour un prix global des prestations combinées de transport et de logement.'
Selon l'article 7 de la convention :
'1. Lors de l'application, en vertu de la présente convention, de la loi d'un pays déterminé, il pourra être donné effet aux dispositions impératives de la loi d'un autre pays avec lequel la situation présente un lien étroit, si et dans la mesure où, selon le droit de ce dernier pays, ces dispositions sont applicables quelle que soit la loi régissant le contrat. Pour décider si effet doit être donné à ces dispositions impératives, il sera tenu compte de leur nature et de leur objet ainsi que des conséquences qui découleraient de leur application ou de leur non-application.
2. Les dispositions de la présente convention ne pourront porter atteinte à l'application des règles de la loi du pays du juge qui régissent impérativement la situation quelle que soit la loi applicable au contrat.'
Ainsi que l'objecte à juste titre la banque Bil, l'article 5 relatif aux contrats conclus par les consommateurs ne peut recevoir application, dès lors que M. [S] n'avait pas cette qualité, définie par la convention comme celui qui agit « pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle », étant à l'époque de la souscription du prêt, directeur de société et gérant des trois sociétés s'étant portées cautions hypothécaires de cette opération de crédit portant sur une ouverture de compte courant de 1 800 000 euros ayant pour finalité, ainsi qu'il l'a expliqué dans le cadre de son audition par les services fiscaux, de financer les opérations de promotion immobilière de la société Edim, dont il était le gérant, ajoutant qu'il avait été contraint par la banque de contracter à titre personnel ;
Au surplus le texte ne s'applique qu'aux contrats ayant pour objet la fourniture 'd'objets mobiliers corporels ou de services à une personne' et aux contrats destinés à les obtenir, alors que l'ouverture de crédit consentie par la banque à M. [S] avait pour objet ,à concurrence d'un million d'euros, de financer des besoins de trésorerie en vue d'investissements immobiliers ;
Le caractère professionnel du prêt excluant l'application des dispositions de l'article L. 218-2 du code de la consommation, est en conséquence inopérant le moyen tiré des dispositions de l'article 7 de la Convention sur les lois de police ;
La prescription applicable est donc soumise au droit luxembourgeois.
Mais c'est à tort que la société Bil, qui ne conteste pas sa qualité de commerçant, invoque la prescription civile trentenaire de l'article 2262 du code civil luxembourgeois, alors que le prêt en cause s'inscrivant dans son activité commerciale, relève de la prescription décennale édictée par l'article 189 du code de commerce luxembourgeois qui dispose que 'les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes'.
Et il n'est pas contesté qu'en vertu de l'article 2242 du code civil luxembourgeois cette prescription est interrompue par une citation en justice, un simple commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire ;
Vainement la société Edim conteste l'effet interruptif du commandement de payer délivré en France par la banque à M. [S] le 6 juin 2013 au motif qu'il n'a pas été délivré par un huissier luxembourgeois et ne vise pas les dispositions de la loi luxembourgeoise, conformément aux dispositions de l'article 156 du nouveau code de procédure civile du Grand-Duché du Luxembourg, alors que ce texte, ainsi qu'exactement retenu par le premier juge, est relatif aux assignations délivrées aux personnes résidant à l'étranger et que par ailleurs l'acte extra judiciaire, délivré le 6 juin 2013 à la personne de M. [S], concomitamment à une procédure de saisie immobilière mise en oeuvre par la banque à l'encontre de la SNC Hacienda, autre caution hypothécaire, n'a pas fait l'objet de contestation de celui-ci , seul habilité pour ce faire;
Cet acte a donc valablement interrompu la prescription décennale de la créance, qui en conséquence n'était pas acquise à la date de la délivrance le 9 février 2021 du commandement de payer valant saisie immobilière , le jugement étant confirmé sur ce point, excepté en ce qu'il mentionne sans s'en expliquer, que la créance de la société Bil est soumise à la 'prescription quinquennale'.
Sur la nullité des engagements pris par la société Edim :
Celle-ci argue à ce titre de son absence de représentation régulière à l'acte authentique du 20 mars 2007 et d'un engagement étranger à son objet social ;
La société Bil lui oppose à bon droit la fin de non recevoir tirée de la prescription, dont il n'est pas contesté qu'elle est régie par les dispositions législatives françaises ;
En effet l'exception de nullité qui est perpétuelle ne peut être invoquée que pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a pas encore été exécuté, or ainsi que l'a retenu à bon droit le premier juge, l'acte notarié fondant les poursuites a reçu un commandement d'exécution par l'inscription le 30 avril 2007 de l'hypothèque sur les biens affectés à la garantie de la banque ;
L'irrecevabilité de la demande mérite en conséquence d'être approuvée.
Sur la caducité de la garantie hypothécaire :
L'appelante soulève cette exception au motif qu'en l'absence de terme précis fixé dans l'acte d'affectation hypothécaire, la société Bil ne pouvait procéder au renouvellement de son hypothèque arrivée à expiration le 16 mars 2016, sans toutefois émettre de critiques sur la motivation du premier juge qui par des motifs complets et pertinents que la cour adopte, a retenu qu'il résultait de l'article 9 de l'acte notarié que l'engagement a été donné par la société Edim en garantie du prêt, c'est à dire jusqu'à son remboursement intégral, et que ce terme n'étant pas advenu, l'inscription avait été régulièrement renouvelée le 1er février 2016 ;
Il s'ensuit la confirmation du jugement de ce chef.
Sur l'absence de caractère liquide et certain de la créance :
La société Edim fait à nouveau plaider que la banque a bénéficié de nombreux remboursements, mais pas plus qu'en première instance elle ne rapporte la preuve qui lui incombe, en vertu de l'article 1353 alinéa 2 du code civil, de versements autres que ceux déduits du montant de la créance en cause, en sorte que le moyen ne peut être accueilli ;
Par ailleurs c'est à l'issue d'une analyse exacte des extraits du compte ouvert dans les livres de la société Bil au nom de M. [S] que le premier juge, dont la motivation n'est pas critiquée, a écarté le moyen tiré de l'existence de gages de valeurs mobilières, encore détenus par la banque. Il s'ensuit par adoption de motifs, le rejet du moyen.
Enfin l'illisibilité alléguée du taux d'intérêts dont la société Edim tire pour conséquence que la banque ne peut prétendre qu'au taux légal n'est pas repris au dispositif des écritures de l'appelante qui seul saisit la cour en vertu de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile.
Par ailleurs l'article 10.1 de la convention de crédit annexée à l'acte notarié de prêt qui stipule que « les intérêts débiteurs dus au titre de la ou des avance(s) à terme(s) fixe(s) seront calculés sur base du nombre de jours exacts/360 au taux EURIBOR (Euro InterBank Offered Rate)/IRS ou LIBOR (London InterBank Offered Rate) en CHF/IRS correspondant à la durée et à la devise du tirage sollicité plus une marge de 1,25% p.a. et seront payables trimestriellement, nets de toute retenue à la source. Pour les avances ne dépassant pas 3 mois, les intérêts seront payables à l'échéance de ces dernières, nets de toute retenue à la source », détermine sans ambiguïté le taux de référence, qui fait l'objet de publication, ses modalités de calcul sur une année et la marge appliquée ;
D'autre part, ainsi qu'exactement relevé par le premier juge, le décompte de la banque comporte le montant des intérêts courus qui n'ont pas été comptabilisés postérieurement au 30 septembre 2009, soit après la clôture du compte de M. [S], le 25 septembre 2009 et la créance est limitée au montant de la garantie donnée par la société Edim soit à la somme de 500 000 euros;
Les conditions de la mise en oeuvre de la saisie immobilière, réservée aux termes de l'article L311-2 code des procédures civiles d'exécution, au créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, sont donc réunies, le jugement étant confirmé de ce chef.
Sur la demande de vente amiable :
Il y a été fait droit par le jugement d'orientation dont la banque demande la confirmation intégrale, étant observé que par jugement du 22 septembre 2022, en l'absence de justification par la société Edim d'un engagement écrit d'acquisition le juge de l'exécution a ordonné la vente forcée des biens saisis.
Sur les autres demandes :
L'appelante qui succombe en son recours supportera les dépens d'appel et sera tenue d'indemniser la société Bil des nouveaux frais de défense exposés devant la cour à concurrence de la somme de 2 500 euros et de payer au FCT Cedrus ainsi qu'au [Adresse 13] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant après en voir délibéré conformément à la loi, par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,
REÇOIT l'intervention volontaire du fonds commun de titrisation Cedrus représenté par la société MCS et Associés, venant aux droits de la Société Générale ;
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions excepté en ce qu'il a dit que la créance de la Banque Internationale à Luxembourg soumise à la prescription quinquennale, n'est pas prescrite ;
STATUANT à nouveau de ce chef ;
DIT que la créance de la Banque Internationale à Luxembourg soumise à la prescription décennale, n'est pas prescrite ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la SARL Etudes et Développement Immobilier à payer à la société Banque Internationale à Luxembourg la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et au fonds commun de titrisation Cedrus représenté par la société MCS et Associés ainsi qu'au [Adresse 13], la somme chacun de 1000 euros en vertu des mêmes dispositions ;
CONDAMNE la SARL Etudes et Développement Immobilier aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE