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09/02/2023 | FRANCE | N°20/00728

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 09 février 2023, 20/00728


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6



ARRÊT AU FOND

DU 09 FEVRIER 2023



N°2023/55



N° RG 20/00728



N° Portalis DBVB-V-B7E-BFOLR







SA ALLIANZ IARD





C/



[C] [V] [C]

Organisme KLESIA MUT'

Organisme SECURITE SOCIALE DES INDEPENDANTS COTE D'AZUR

















Copie exécutoire délivrée le :

à :



-SCP ROBERT & FAIN-ROBERT



-SELARL LIBERAS FICI & AS

SOCIES



-l'ASSOCIATION FAURE MARCELLE ET CAPOROSSI DIDIER

Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 17 Décembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/00780.



APPELANTE



Société ALLIANZ I...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 09 FEVRIER 2023

N°2023/55

N° RG 20/00728

N° Portalis DBVB-V-B7E-BFOLR

SA ALLIANZ IARD

C/

[C] [V] [C]

Organisme KLESIA MUT'

Organisme SECURITE SOCIALE DES INDEPENDANTS COTE D'AZUR

Copie exécutoire délivrée le :

à :

-SCP ROBERT & FAIN-ROBERT

-SELARL LIBERAS FICI & ASSOCIES

-l'ASSOCIATION FAURE MARCELLE ET CAPOROSSI DIDIER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 17 Décembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/00780.

APPELANTE

Société ALLIANZ IARD

En sa qualité d'assureur du véhicule de M. [D],

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Danielle ROBERT de la SCP ROBERT & FAIN-ROBERT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN.

INTIMEES

Madame [C] [V]

Assurée sociale 2 74 01 89 257 028

née le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 8],

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Isabelle FICI de la SELARL LIBERAS FICI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et assistée par Me Thierry CABELLO de la SELARL CABELLO ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON, plaidant.

Organisme KLESIA MUT

Venant aux droits de la mutuelle déléguée MUTUELLE ALMERYS

Dont le siège est [Adresse 5], agissant poursuites et diligences de leur Directeur Général, M. [R] [Z],

demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Marcelle FAURE de l'ASSOCIATION FAURE MARCELLE ET CAPOROSSI DIDIER, avocat au barreau de TOULON.

Organisme SECURITE SOCIALE DES INDEPENDANTS COTE D'AZUR, (ex RSI),

Signification DA le 13.03.20 à étude d'huissier,

demeurant [Adresse 6]

Défaillante.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Décembre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne VELLA, Conseillère, et Madame Fabienne ALLARD, Conseillère, chargés du rapport.

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anne VELLA, Présidente

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

Madame Louise de Bechillon, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Février 2023

ARRÊT

Par défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Février 2023,

Signé par Madame Anne VELLA, Conseillère et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé des faits et de la procédure

Le 25 juillet 2015, alors qu'elle était passagère d'un scooter conduit par M. [M] [K], Mme [C] [V] a été victime d'un accident de la circulation impliquant un véhicule conduit par M. [T] [O] et assuré auprès de la société Allianz.

Elle a saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 27 septembre 2017, a désigné le docteur [GX] [J] en qualité d'expert.

La victime a reçu plusieurs provisions pour un montant total de 80 000 €.

L'expert a déposé son rapport le 23 avril 2018.

Par acte des 29 et 30 janvier 2019, Mme [V] a fait assigner la société Allianz devant le tribunal de grande instance de Draguignan, afin d'obtenir, au contradictoire de la sécurité sociale des indépendants (SSI) et de la mutuelle Almerys, l'indemnisation de son préjudice corporel.

Par jugement du 17 décembre 2019, assorti de l'exécution provisoire, cette juridiction a :

- évalué le préjudice corporel de Mme [V] à 456 657,16 €, soit, après imputation des débours de la SSI, une somme de 370 907,78 € lui revenant ;

- condamné la société Allianz à payer à Mme [V] une somme de 290 907,78 € en réparation de son préjudice, provisions déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- ordonné la capitalisation des intérêts ;

- débouté Mme [V] de sa demande de doublement du taux de l'intérêt légal ;

- condamné la société Allianz aux dépens et à payer à Mme [V] une indemnité de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a détaillé ainsi les différents chefs de dommage de la victime directe :

- dépenses de santé actuelles : 87 732,97 € dont 2 215,59 € revenant à Mme [V] et 85 517,38 € revenant à la SSI

- perte de gains professionnels actuels : 20 755 €

- frais divers : 5 101,10 €

- assistance par tierce personne temporaire (16 €/heure) : 9 922,28 €

- dépenses de santé futures : 2 232 € dont 232,32 € revenant à la SSI et 2 000 € revenant à Mme [V]

- perte de gains professionnels futurs : rejet

- incidence professionnelle : 126 607 €

- assistance par tierce personne permanente : 109 602,81 €

- déficit fonctionnel temporaire (25 €/heure) : 8 675 €

- souffrances endurées 4,5/7 : 20 000 €

- préjudice esthétique temporaire 4/7 : 5 000 €

- déficit fonctionnel permanent 20 % : 40 800 €

- préjudice esthétique permanent 4/7 : 15 000 €

- préjudice d'agrément : 5 000 €,

- préjudice matériel : 229 €.

Pour statuer ainsi, il a considéré que :

- la perte de gains professionnels actuels est constituée des gains perdus dans le cadre de l'emploi en contrat à durée déterminée d'un an qu'elle devait débuter le 1er août 2015, mais également, après cette date, des indemnités d'aide au retour à l'emploi qu'elle n'a pas perçues ;

- Mme [V] ne démontre pas subir une quelconque perte de gains après consolidation puisqu'il résulte des documents produits qu'avant l'accident elle percevait en moyenne un revenu de 284 € par mois seulement ;

- Mme [V] ne peut plus exercer d'emploi impliquant des contraintes mécaniques et subira sa vie professionnelle durant une pénibilité d'exécution des tâches professionnelles.

Par acte du 16 janvier 2020, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la société Allianz a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a fixé le préjudice corporel global subi par Mme [V] à la somme de 456 657,16 € soit, après imputation des débours de la SSI une somme de 370 907,78 € lui revenant et l'a condamnée à payer à l'intéressée la somme de 290 907,78 € à titre de réparation de son préjudice corporel avec intérêts au taux légal à compter du jugement, ordonné la capitalisation des intérêts et l'a condamnée aux dépens et à payer à Mme [V] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile avec intérêts au taux légal à compter du jugement.

La mutuelle Klesia Mut est intervenue volontairement aux lieux et place de la mutuelle Almerys.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 29 novembre 2022.

Prétentions et moyens des parties

Dans ses dernières conclusions, régulièrement notifiées le 3 novembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société Allianz demande à la cour de :

' déclarer irrecevables les demandes de la mutuelle Klesia Mut venant aux droits de la mutuelle Almerys ;

' infirmer les dispositions du jugement relatives aux dépenses de santé actuelles, à la perte de gains professionnels actuels, aux frais divers, à l'assistance par tierce personne temporaire et définitive, aux dépenses de santé futures, à l'incidence professionnelle, au déficit fonctionnel, temporaire, aux souffrances endurées, au préjudice esthétique temporaire, au déficit fonctionnel permanent, au préjudice esthétique permanent et à l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile ;

' le confirmer en ce qu'il a rejeté la demande au titre de la perte de gains professionnels futurs, a évalué le préjudice d'agrément à 5 000 € et a rejeté la demande de doublement du taux de l'intérêt légal ;

Statuant à nouveau,

' évaluer le préjudice de Mme [V] à 329 468,22 € et subsidiairement à 350 070,70 € ;

' débouter Mme [V] du surplus de ses demandes ;

' dire n'y avoir lieu à indemnité de l'article 700 du code de procédure civile et laisser les dépens à la charge de Mme [V].

Elle chiffre son préjudice comme suit :

- dépenses de santé actuelles : 1 553,95 € revenant à Mme [V] et 85 517,38 € revenant à la SSI,

- frais divers restés à charge comprenant l'assistance par tierce personne temporaire à 12 € de l'heure : 3 547,98 €,

- perte de gains professionnels actuels : rejet et subsidiairement 10 602,48 €

- dépenses de santé futures : 232,32 €

- perte de gains professionnels futurs : rejet

- incidence professionnelle : rejet et subsidiairement 10 000 €

- assistance permanente de tierce personne (12 € de l'heure) : 65 910,24 €

- déficit fonctionnel temporaire (20 €/jour) : 6 985 €

- souffrances endurées : 12 000 €

- préjudice esthétique temporaire : 800 €

- déficit fonctionnel permanent : 32 200 €

- préjudice esthétique permanent : 10 000 €

- préjudice d'agrément : 5 000 €.

Au soutien de son appel et de ses prétentions, elle fait valoir que :

Sur la recevabilité des demandes de la mutuelle : la mutuelle Almerys aux droits de laquelle vient la mutuelle Klesia, qui n'a pas comparu en premier ressort, formule des demandes qu'elle n'a pas présentées devant le premier juge et qui, comme telles, sont irrecevables ;

Sur la perte de gains professionnels actuels : Mme [V] ne précise pas si la rémunération annoncée au contrat de travail était brute ou nette ; en tout état de cause, elle ne justifie pas que le contrat de travail était signé ; la perte des indemnités d'aide au retour à l'emploi n'est pas indemnisable, de sorte que subsidiairement, l'indemnisation doit être limitée à l'année prévue par le contrat ;

Sur la perte de gains professionnels futurs : comme tenu du relevé de carrière de Mme [V], le revenu espéré est totalement hypothétique puisqu'elle percevait en moyenne avant l'accident un revenu mensuel de 284 € par mois ; en tout état de cause, elle est apte à une activité sédentaire et a d'ailleurs bénéficié de plusieurs contrats à durée déterminée ;

Sur l'incidence professionnelle : la dévalorisation sur le marché du travail n'est pas démontrée, l'absence d'emploi procédant en l'espèce d'une absence de recherche d'emploi ; dès lors qu'il n'existe aucune perte de gains professionnels futurs et que la perte de gains professionnels actuels est modeste, l'incidence sur les droits à la retraite n'est pas démontrée ; en tout état de cause, le calcul de ce poste tel que proposé par Mme [V] procède d'une confusion avec le déficit fonctionnel permanent et les pertes de gains ;

Sur le doublement du taux de l'intérêt légal : elle a formulé une offre dans les délais impartis et versé des provisions, de sorte qu'aucune carence dans l'instruction du sinistre ne peut lui être reprochée, étant précisé que Mme [V] n'a pas fourni tous les justificatifs de ses demandes, de sorte que l'offre de l'assureur devant être appréciée au jour où elle est formulée, son offre n'était ni incomplète ni insuffisante.

Dans ses dernières conclusions d'intimée et d'appel incident, régulièrement notifiées le 17 octobre 2022, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, Mme [V] demande à la cour de :

' confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé qu'elle doit être indemnisée de l'ensemble de ses préjudices sur le fondement de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 ;

' confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépenses de santé actuelles, aux frais divers, à l'assistance par tierce personne temporaire, à la perte de gains professionnels actuels, à l'incidence professionnelle, aux dépenses de santé futures, aux souffrances endurées, au préjudice esthétique temporaire, au déficit fonctionnel permanent et à l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile ;

' l'infirmer en ses dispositions relatives aux frais de déplacement, à la perte de gains professionnels futurs, à l'assistance par tierce personne permanente, au déficit fonctionnel temporaire, au préjudice esthétique permanent et au préjudice d'agrément et condamner la société Allianz à lui payer, à ce titre la somme totale de 849 600,06 € ;

' dire que l'indemnité allouée produira intérêts au double du taux légal à compter du 25 mars 2016 jusqu'au jour de l'arrêt sur l'intégralité des postes de préjudices avant déduction du recours des tiers payeurs et capitalisation des intérêts ;

' condamner la société Allianz à lui payer une indemnité de 3 000 € au titre de l'article 7800 du code de procédure civile pour les frais exposés devant la cour et aux dépens, distraits au profit de son avocat.

Elle chiffre son préjudice de la façon suivante :

- dépenses de santé actuelles : 2 215,59 € hors débours

- frais divers restés à charge : 3 547,98 €

- préjudice matériel : 289,90 €

- assistance par tierce personne temporaire (20 € de l'heure) : 9 922,28 €

- perte de gains professionnels actuels : 20 755 €

- dépenses de santé futures : 2 000 € hors débours

- perte de gains professionnels futurs : 654 951,55 €

- incidence professionnelle : 126 607 €

- assistance permanente de tierce personne (20 € de l'heure) : 150 856,53 €

- déficit fonctionnel temporaire (1 150 €/mois) : 11 600 €

- souffrances endurées : 20 000 €

- préjudice esthétique temporaire : 5 000 €

- déficit fonctionnel permanent : 40 800 €

- préjudice esthétique permanent : 20 000 €

- préjudice d'agrément : 10 000 €.

Elle fait valoir que :

- l'arrêt de travail a duré vingt quatre mois ; au moment de l'accident, elle avait cessé son activité de naturopathe, peu lucrative et devait commencer le 1er août 2015 un contrat à durée déterminée d'un an avec un salaire de 883,545 € nets par mois avec possibilité de renouvellement et d'embauche en contrat à durée indéterminée ; elle a également perdu une chance de percevoir l'allocation d'aide au retour à l'emploi pendant un an, soit 848,40 € par mois ;

- les préjudices permanents doivent être capitalisés selon le barème de la gazette du palais 2020 taux 0 % :

- à cause des séquelles, elle ne peut plus exercer les emplois qu'elle exerçait avant l'accident, comme serveuse ou personnel d'entretien ; elle n'a aucune qualification hormis en qualité de naturopathe mais cette activité n'est pas lucrative ; le contrat de travail qu'elle avait signé concernait un emploi d'entretien auquel elle doit renoncer ; elle a droit à l'indemnisation d'une perte de gains à hauteur du SMIC auquel elle pouvait prétendre, moins les revenus perçus lorsqu'elle a pu travailler et, pour l'avenir, sa perte annuelle doit être capitalisée selon un indice de rente viagère afin de tenir compte de l'incidence des pertes de gains sur les droits à la retraite ;

- si la cour n'indemnise pas totalement la perte de gains professionnels futurs, elle doit l'indemniser d'une incidence professionnelle au titre d'une pénibilité et d'une perte de chance professionnelle ;

- sur le préjudice d'agrément : l'expert retient une importante pénibilité lors de la pratique des activités sportives ou de loisir imposant des contraintes mécaniques même modérément importantes au niveau du membre inférieur gauche alors qu'elle avait l'habitude de pratiquer la randonnée ainsi que les brocantes ou vides greniers ;

- aucune offre provisionnelle au sen s de l'article L.211-9 du code des assurances n'a été formulée ; le doublement du taux de l'intérêt légal est dû à compter du 25 mars 2016 soit huit mois après l'accident ; l'offre du 18 octobre 2018 est manifestement insuffisante et incomplète alors que l'assureur avait connaissance de l'existence de préjudices à caractère professionnel.

Dans ses dernières conclusions, régulièrement notifiées le 13 mars 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la mutuelle Klesia Mut demande à la cour de :

' confirmer le jugement entrepris ;

' condamner la société Allianz à lui payer la somme de 7 810,71 € ;

' débouter la société Allianz de ses demandes ;

' condamner la société Allianz à lui payer une indemnité de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, distraits au profit de son avocat.

Elle fait valoir que :

- la prohibition des demandes nouvelles en cause d'appel suppose que la partie à laquelle on l'oppose ait comparu en première instance ;

- elle a droit au remboursement des frais de santé qu'elle a pris en charge ;

- ses débours correspondent à des dépenses de santé.

La SSI, assignée par Mme [V], par acte d'huissier du 13 mars 2020, délivré à domicile et contenant dénonce de l'appel et des conclusions, n'a pas constitué avocat.

Par courrier adressé au greffe de la cour d'appel, elle a fait connaître le montant définitif de ses débours pour 85 749,70 €, correspondant à des prestations en nature au titre des dépenses de santé actuelles ( 85 517,38 €) et des dépenses de santé futures (232,32 €).

*****

L'arrêt sera rendu par défaut conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

L'appel porte sur les chefs du jugement qui ont fixé le préjudice corporel global subi par Mme [V] à la somme de 456 657,16 € et ont condamné l'assureur à payer à cette dernière la somme de 290 907,78 € avec intérêts au taux légal à compter du jugement et capitalisation de ces derniers, ainsi qu'aux dépens et au paiement d'une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le droit à indemnisation n'est pas remis en cause devant la cour.

Sur la recevabilité des demandes de la mutuelle Klesia

L'assureur conteste la recevabilité de ses demandes au motif qu'elles sont nouvelles devant la cour.

En application de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Le caractère nouveau d'une demande en appel s'apprécie en comparant les demandes formulées devant la cour avec celles qui avaient été soumises au premier juge. Il suppose en conséquence que la partie à laquelle cette fin de non recevoir est opposée ait comparu en première instance.

A défaut, ses prétentions devant la cour ne sauraient être considérées comme nouvelles et comme telles, irrecevables en application du texte précité.

En l'espèce, la mutuelle Klesia Mut n'a pas comparu devant le premier juge.

En conséquence, ses demandes sont recevables.

Sur le préjudice corporel

L'expert, le docteur [J], indique que Mme [V] a souffert au titre des lésions initiales d'une fracture de la diaphyse fémorale gauche bifocale et d'une plaie délabrante de la jambe gauche.

De ces lésions, elle conserve comme séquelles une limitation de la flexion du genou gauche, une laxité chronique du genou dans le plan frontal, une limitation de la flexion dorsale de la cheville gauche et une insuffisance musculaire au niveau de la jambe gauche.

L'expert conclut à :

- un arrêt de l'activité professionnelle du 25 juillet 2015 au 25 juillet 2017,

- un déficit fonctionnel temporaire total du 25 juillet 2015 au 11 septembre 2015,

- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 75 % du 12 septembre 2015 au 30 novembre 2015,

- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 50 % du 1er décembre 2015 au 23 novembre 2016,

- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 25 % du 24 novembre 2016 au 25 juillet 2017,

- une consolidation au 25 juillet 2017,

- incidence professionnelle : nécessité d'une reconversion vers une activité sédentaire,

- des souffrances endurées de 4,5/7,

- un préjudice esthétique temporaire de 4/7,

- un déficit fonctionnel permanent de 20 %,

- un préjudice esthétique permanent de 4 /7,

- un préjudice d'agrément

- un besoin d'assistance de tierce personne de deux heures par jour du 12 septembre 2015 au 30 novembre 2015, une heure par jour du 1er décembre 2015 au 23 novembre 2016 et trois heures par semaine du 24 novembre 2016 au 25 juillet 2017, et de trois heures par semaine à titre viager.

Son rapport constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime, née le [Date naissance 1] 1974, sans emploi au moment de l'accident, et de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Mme [V] était âgée de 41 ans au moment de l'accident et de 43 ans au moment de la consolidation. Elle est à ce jour âgée de 48 ans.

Préjudices patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Dépenses de santé actuelles 95 002,31 €

Ce poste est constitué de :

- frais médicaux et pharmaceutiques, frais de transport, massages, appareillage pris en charge par la SSI, soit 85 517,38 € ;

- les frais de santé remboursés par la mutuelle Klesia : 7 328,95 € ;

- frais restés à la charge de la victime :

* solde du CRF de Bessillon (877 €), acquisition d'un releveur de pied, prescrit le 22 septembre 2015 (127 €), achat de Kelocote gel cicatrisant (249,95 €) et injections intra-cicatricielles (300 €), soit 1 553,95 € non contestés par la société Allianz ;

* lunettes de vue : certes, le siège des lésions ne concerne pas le visage. Cependant, il résulte de la procédure de police que Mme [V], passagère du scooter, a été éjectée du véhicule lors de la collision et est tombée au sol. La cinétique de l'accident ne permet pas d'exclure de manière formelle les dégâts allégués sur ses lunettes de vue. Par ailleurs, Mme [V] produit une facture d'achat de lunettes de vue de la société Afflelou est en date du 5 août 2015, soit seulement dix jours après l'accident. Cette facture, combinée aux circonstances de l'accident permet de considérer que Mme [V] a bien endommagé ses lunettes de vue lors de l'accident, de sorte qu'elle est légitime à demander l'indemnisation de leur remplacement, soit 602 € lui revenant à ce titre ;

*séances d'hypnothérapie : Mme [V] réclame l'indemnisation de trois séances d'hypnothérapie pour un montant total de 150 €, justifiées selon elle par le stress majeur que lui a causé l'accident et la peur panique qu'elle a ressentie après celui-ci pour assurer la conduite d'un véhicule automobile. Dans son rapport, l'expert n'évoque pas la nécessité de telles séances ni même le stress induit par l'accident sur la conduite automobile. La cour ignore, en l'absence d'annexion au rapport des doléances, si Mme [V] a fait état de ce stress post-traumatique lors de son examen par l'expert, mais celui-ci, en tout état de cause, n'a retenu ni traumatisme psychique au titre des blessures, ni syndrome de stress post-traumatique au titre des séquelles. Mme [V] produit un certificat médical du docteur [GO] [A], médecin généraliste, faisant valoir qu'elle est suivie pour 'troubles paniques en voiture'. Dans une attestation du 8 novembre 2018, Mme [U] [Y], psychothérapeute, expose que Mme [V] a bien souffert d'une phobie de la conduite dans les suites de l'accident. Cependant, le médecin généraliste, qui assure avoir suivi Mme [V] pour ces troubles, n'évoque pas la nécessité de séances d'hypnose et n'indique pas les avoir prescrites. Par ailleurs, ces avis sont officieux et n'ont été précédés d'aucun débat contradictoire entre les parties. S'ils ont été communiqués dans le cadre de la procédure afin d'être soumis au contradictoire, la cour ne peut les prendre en considération que si d'autres éléments les corroborent. Or, ils ne sont pas corroborés par les éléments de l'examen médico-légal qui n'évoque à aucun moment un quelconque traumatisme psychique en lien avec l'accident. Par ailleurs, lors de l'accident Mme [V] ne conduisait pas un véhicule automobile puisqu'elle était passagère d'un scooter lorsque la collision s'est produite. En considération de ces éléments, les frais d'hypnothérapie ne peuvent être indemnisés au titre des conséquences dommageables de l'accident.

Au total, la somme de 2 155,95 € revient à Mme [V] au titre des dépenses de santé actuelles.

- Frais divers 3 608,88 €

Ils sont représentés par :

- les honoraires d'assistance à expertise par le docteur [W], médecin conseil. Ces dépenses supportées par la victime, nées directement et exclusivement de l'accident, sont par la même indemnisables. Mme [V] verse aux débats la facture de 1 356 € qui n'est discutée par la société Allianz ni dans son principe ni dans son montant ;

- des frais de déplacement pour se rendre aux divers examens et consultations médicales, soit la somme de 2 191, 98 € qui n'est pas contestée par la société Allianz dans son principe ou son montant ;

- frais de location d'un téléviseur pendant l'hospitalisation : ces frais sont sollicités au titre du préjudice matériel mais s'analysent en réalité en des frais divers. Ils ont été induits par l'hospitalisation à laquelle la victime a été contrainte de sorte qu'ils sont indemnisables, soit la somme de 60,90 € revenant à Mme [V] à ce titre.

Le montant total des frais divers s'élève ainsi à 3 608,88 € qui reviennent à Mme [V].

- Perte de gains professionnels actuels 18 679,80 €

Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus.

Le calcul de la perte subie commande de calculer l'assiette de la perte en appliquant le salaire de référence à la période d'arrêt retenue par l'expert, puis d'imputer les sommes perçues au titre d'un maintien du salaire et la créance des organismes sociaux au titre des indemnités journalières versées pendant la période entre le fait dommageable et la date de consolidation.

L'absence d'activité professionnelle procurant des gains avant l'accident ne constitue pas un argument suffisant pour refuser toute indemnisation au titre de ce poste.

Il en va ainsi, notamment, lorsque la victime démontre qu'elle devait travailler et que les blessures l'en ont empêchée.

En l'espèce, Mme [V] a été hospitalisée jusqu'au 11 septembre 2015. Elle a ensuite souffert d'un déficit fonctionnel temporaire a 75 % jusqu'au 30 novembre 2015 puis à 50 % jusqu'au 23 novembre 2016.

L'expert retient une impossibilité de travailler du jour de l'accident au jour de la consolidation, soit du 25 juillet 2015 au 25 juillet 2017.

Au moment de l'accident, Mme [V] était sans emploi.

Il résulte cependant d'une attestation du directeur de l'EHPAD de [Localité 7] qu'elle devait être employée en qualité d'agent de service hospitalier (ASH) au service hygiène des locaux de l'établissement dans le cadre d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE) du 1er août 2015 au 31 juillet 2016, soit pendant un an.

Il est donc démontré qu'elle se trouvait dans une dynamique de retour à l'emploi dans le cadre de la politique publique d'insertion.

Il n'est cependant produit aucun contrat de travail dûment conclu avant l'accident.

Mme [V] n'ayant perdu qu'une éventualité favorable, ne peut réclamer l'indemnisation totale de la perte des gains stipulés dans ce contrat.

Elle a tout au plus perdu une chance de conclure ce contrat d'accompagnement dans l'emploi, et de percevoir les gains qui y sont stipulés. Cette perte de chance doit être évaluée à 90 % si on considère que le contrat d'accompagnement dans l'emploi relève d'un mécanisme d'insertion, c'est à dire d'aide aux personnes en difficulté d'accès à l'emploi, qu'il est exonéré de charges sociales et concerne des secteurs d'activités non marchands dans lesquels il existe une forte demande de main d'oeuvre.

Le directeur de l'Ehpad atteste que Mme [V] aurait perçu dans le cadre de ce contrat une rémunération de 883,54 € par mois. Compte tenu des termes de cette attestation, la somme s'entend nécessairement en net à payer.

S'agissant de la période allant du 1er août 2016 au 25 juillet 2017, non couverte par le contrat d'accompagnement dans l'emploi, Mme [V] justifie qu'elle aurait perçu une allocation d'aide au retour à l'emploi puisque ce type de contrat a pour effet de relancer ou prolonger les droits à indemnité de chômage du salarié qui en bénéficie. Le montant de ses droits aurait été de 848,40 € selon la simulation réalisée sur le site internet de pôle emploi. La perception d'une rémunération de ce montant ne peut être considérée comme purement hypothétique puisque le CAE a pour vocation de faciliter l'insertion des personnes en difficulté pour accéder à l'emploi et qu'il est souvent suivi de la conclusion d'un contrat à durée déterminée ou à durée indéterminée. En l'occurrence, Mme [V] a, a minima, perdu une chance de percevoir le SMIC qui s'élevait à cette époque à 1 141,16 €. Or, la perte de gains alléguée au titre de l'allocation d'aide au retour à l'emploi est à peine inférieure à une perte de chance de 80 % de percevoir le SMIC dans le cadre d'un contrat de travail.

Cependant, l'analyse de la perte de gains entre la date de l'accident et la fin du CAE espéré doit être ici reproduite puisque Mme [V] n'a perdu qu'une éventualité favorable.

En conséquence, la perte entre le 1er août 2016 au 31 juillet 2017 sera indemnisée sous forme d'une perte de chance évaluée à 90 % de percevoir l'allocation d'aide au retour à l'emploi dans la suite du CAE et ce jusqu'au 25 juillet 2017, date de la consolidation des blessures.

Au vu de ses éléments, la perte de gains est la suivante :

- du 1er août 2015 au 31 juillet 2016 : 9 542,32 € (883,54 € x 12 x 90 %)

- du 1er août 2016 au 25 juillet 2017 : 9 137,26 € (848,40/30 x 359 x 90 %),

et au total 18 679,80 €.

En l'absence d'indemnités journalières versées par la CPAM, la somme revient en totalité à Mme [V].

- Assistance par tierce personne 11 224,29 €

La nécessité de la présence auprès de Mme [V] d'une tierce personne n'est pas contestée dans son principe ni son étendue pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d'autonomie mais elle reste discutée dans son coût.

L'expert précise, en effet, que Mme [V] a eu besoin d'une aide non spécialisée de deux heures par jour du 12 septembre 2015 au 30 novembre 2015, d'une heure par jour du 1er décembre 2015 au 23 novembre 2016 et trois heures par semaine du 24 novembre 2016 au 25 juillet 2017.

En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées. Eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, des tarifs d'aide à domicile en vigueur dans la région, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire moyen de 18 €.

L 'indemnité de tierce personne s'établit à 11 224,29 €.

Préjudices patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Dépenses de santé futures 2 714,08 €

Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation et incluent les frais liés soit à l'installation de prothèses soit à la pose d'appareillages spécifiques nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique.

Il est constitué par :

- des frais futurs prévus par l'organisme social à hauteur de 232,32 €

- des frais de santé engagés par la mutuelle Klesia : 481,76 €

- des frais d'injections d'acide hyaluraunique : Mme [V] justifie que ces injections lui ont été prescrites par le docteur [L] [X]. Il résulte du rapport d'expertise médicale qu'elle a présenté après l'accident une cicatrice très disgracieuse au niveau de la jambe gauche. En effet, la plaie n'a pas bien évolué et plusieurs interventions ont été nécessaires, notamment deux parages afin d'exciser des zones de nécrose cutanée, la pose d'une plaque en silicone pour préparer le derme à une autogreffe et une autogreffe. Le docteur [E], chirurgien plasticien a recommandé, compte tenu de l'aspect de la peau, des injections d'acide hyaluraunique et de graisse autologue pendant deux ans. L'expert lui même, au titre des dépenses de santé futures, renvoie au protocole prescrit par le docteur [E], chirurgien plasticien dans un certificat médical du 20 octobre 2018. Le docteur [X] chiffre le coût des séances d'injection d'acide hyaluraunique à 200 € l'une, précisant qu'elles ne sont pas remboursées par la CPAM et qu'une séance est nécessaire tous les deux mois, soit une dizaine de séances au total. En revanche, les séances d'injection de graisse autologue sont remboursées par la caisse.

Ces injections étant justifiées par le caractère très disgracieux de la cicatrice causée par l'accident doivent être indemnisées au titre des conséquences dommageables de l'accident, soit une somme de 2 000 € qui revient à Mme [V] à ce titre.

- Perte de gains professionnels futurs 510 766,70 €

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

L'expert retient un handicap pour toutes les activités imposant des contraintes mécaniques au niveau du membre inférieur gauche, telles que marche prolongée, station débout prolongée, et port de charges mêmes modérément lourdes. Selon lui, les séquelles ont rendu nécessaire un reclassement sur une activité sédentaire.

Au moment de l'accident, Mme [V] était sans emploi, mais bénéficiait d'une perspective d'embauche en qualité d'agent de service hospitalier en Ehpad dans le cadre d'un contrat d'aide à l'emploi, pour un salaire de 883,54 € par mois.

Elle soutient que, sans les séquelles dont elle est atteinte, elle aurait pu trouver sans difficulté un emploi d'agent d'entretien rémunéré au salaire minimum et demande en conséquence l'indemnisation d'une perte de gains depuis la date de consolidation avec, pour le futur, une capitalisation viagère.

La société Allianz conteste cette analyse, se référant, d'une part à l'absence d'emploi procurant des gains avant l'accident, d'autre part à l'absence d'inaptitude totale et définitive au travail, enfin aux emplois exercés depuis la consolidation qui, selon elle, démontrent que Mme [V] est en mesure de travailler.

Ainsi qu'il a été indiqué dans le cadre de l'analyse de la perte de gains professionnels actuels, Mme [V] ne justifie d'aucun contrat de travail en cours au moment de l'accident. En revanche l'attestation du directeur de l'Ehpad selon laquelle elle devait être employée en qualité d'agent de service hospitalier dans le cadre d'un CAE permet de considérer que l'accident, qui a contrarié tout travail pendant deux ans, a fait perdre à Mme [V] l'opportunité de bénéficier aux termes de ce contrat d'insertion, d'une embauche en qualité d'ASH.

Dès lors que les séquelles, telles qu'analysées par l'expert contre-indiquent les activités imposant des contraintes mécaniques au niveau du membre inférieur gauche, il doit être considéré que Mme [V] n'est plus en mesure de se faire recruter sur un poste d'ASH en EHPAD.

Il s'agit en effet d'un travail physiquement pénible qui requiert de bonnes capacités physiques dont Mme [V], du fait de l'accident, ne dispose plus. Certes, il est démontré qu'elle a été recrutée après consolidation sur un poste d'agent des écoles. Cependant, il s'agissait de contrats très courts qui ne signifient pas nécessairement qu'elle est en mesure d'occuper au long cours et à temps plein un poste d'agent d'entretien ou d'agent des écoles qui nécessite également la pleine possession de ses capacités physiques.

La cour évalue la perte de chance à 60 % en considérant que Mme [V] s'inscrivait dans une dynamique d'insertion par le travail mais qu'une embauche en CDI n'était pas certaine, que le secteur d'activité dans lequel elle s'apprêtait à travailler est en pénurie de main d'oeuvre et qu'elle n'est pas inapte à tout emploi puisqu'elle est en mesure d'occuper un poste à caractère sédentaire.

Le salaire moyen perçu par une ASH s'élève au SMIC.

En conséquence, il convient d'indemniser Mme [V] d'une perte de gains professionnels futurs à hauteur de 60 % du SMIC, avec revalorisation de celui-ci afin de tenir compte de la dépréciation monétaire, et ce au titre de la période échue mais également de la période à échoir.

Entre la date de consolidation et la date du présent arrêt, Mme [V] aurait dû percevoir :

- du 26 juillet 2017 au 31 décembre 2017 : 6 102,94 €(1 151,50 €/30x 159 jours)

- du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018 : 14 083,20 € (1173,60 € x 12 mois)

- du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019 : 14 450,28 € (1 204,19 € x 12 mois)

- du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2020 : 14 628 € (1 219 € x 12 mois)

- du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2021 : 14 772 € ;(1 231 € x 12 mois)

- du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2022 : 15 233,40 € (1 269,45 € x 12 mois) ;

- du 1er janvier 2023 au 9 février 2023 : 1 804 € (1 353 €/30 x 40 jours),

et au total 81 073,82 €.

Elle a perçu dans le cadre de son contrat d'agent des écoles la somme totale de 1 742 € qui vient en déduction.

La perte indemnisable s'élève donc à 47 599,09 €[(81 073,82 - 1 742) x 60%).

À compter du présent arrêt, la perte annuelle s'élève à 12 988,80 € (1 804 € x 60 % x12 mois).

Mme [V] demande une capitalisation viagère afin de tenir compte des droits à la retraite.

Elle était âgée de 41 ans lorsque l'accident s'est produit. Si elle ne travaillait pas au moment de celui-ci, il est établi qu'elle avait décidé de se réinsérer professionnellement en intégrant un parcours d'aide à l'emploi. L'accident entraîne une perte de gains indemnisable à hauteur de 90 % pendant deux ans, puis de 60 % d'un SMIC après consolidation.

Les pensions de retraite dans le secteur privé étant calculée sur les vingt cinq meilleures années, la perte de gains impactera nécessairement ses droits à la retraite.

Si en l'absence de relevé de carrière, la cour n'est pas en mesure de calculer précisément cette incidence, celle-ci est certaine dans son principe du fait de l'absence de trimestres cotisés et de la réduction de l'assiette des cotisations pendant a minima huit ans. Par ailleurs, la perte de gains n'est indemnisée qu'à hauteur de 12 988 € par an, ce qui représente un gain mensuel de seulement 1 082 €, soit une somme très inférieure au montant moyen de la pension de retraite en France qui s'élève actuellement à 1 509 € brut par mois.

La perte annuelle sera donc capitalisée selon un indice de rente viager pour une femme âgée de 48 ans à la consolidation afin de tenir compte de l'incidence sur les droits à la retraite.

L'évaluation du dommage devant être faite au moment où la cour statue, le barème de capitalisation utilisé sera celui publié à la Gazette du palais du 15 septembre 2020, taux d'intérêt 0,3 %, qui apparaît approprié, eu égard aux données démographiques et économiques actuelles.

La perte à échoir s'élève donc à 463 167,61 € (12 988,80 x 35, 659 ).

Au total, la perte de gains professionnels futurs représente une somme de 510 766,70 €.

En l'absence de rente à imputer, la somme revient en totalité à Mme [V].

- Incidence professionnelle 15 000 €

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap.

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la perte de gains ne serait pas indemnisée en totalité, Mme [V] revendique une incidence professionnelle au titre de la pénibilité induite par les séquelles, d'une dévalorisation sur le marché du travail et d'une perte de droits à la retraite.

La perte de gains n'étant pas indemnisée en totalité mais seulement en considération d'une perte de chance, il convient d'examiner cette demande.

L'incidence sur les droits à la retraite étant indemnisée au titre de la perte de gains professionnels futurs ne saurait faire l'objet d'une double indemnisation via le poste incidence professionnelle.

En revanche, l'expert retient une pénibilité et la nécessité d'un reclassement sur un emploi sédentaire.

La nature des séquelles corrobore les conclusions de l'expert puisque Mme [V] souffre depuis la consolidation d'une limitation de la flexion du genou gauche, d'une laxité chronique du genou dans le plan frontal et d'une limitation de la flexion dorsale de la cheville gauche.

Ces séquelles ne lui permettent plus d'accéder aux emplois qui nécessitent une bonne mobilité du membre inférieur gauche. Mme [V] n'étant pas diplômée, les métiers auxquels elle est susceptible de postuler sont les plus pénibles physiquement puisque le manque de main d'oeuvre se situe essentiellement sur les secteurs du nettoyage ou de l'aide à la personne ou, s'ils ne le sont pas, tels les postes d'hôtesses de caisse, les plus précaires et marqués par le sous emploi (temps partiels et emplois du temps fractionnés).

Un salarié âgé de 48 ans sans diplôme ni qualification doit être en mesure d'afficher une bonne forme physique pour se valoriser sur le marché du travail qui demeure très concurrentiel.

Il en résulte que si Mme [V] n'est pas inapte à tout emploi, les séquelles dont elle est atteinte du fait de l'accident entraînent une dévalorisation sur le marché du travail et une pénibilité qui ne peuvent demeurer sans réparation.

En considération de ces éléments, la cour évalue l'incidence professionnelle venant compléter la perte de gains à la somme de 15 000 €.

En l'absence de rente à imputer, la somme revient en totalité à Mme [V].

- Assistance par tierce personne 139 962,25 €

La nécessité de la présence auprès de Mme [V] d'une tierce personne n'est pas contestée dans son principe ni son étendue pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d'autonomie mais elle reste discutée dans son coût.

L'expert précise qu'elle a besoin d'une aide non spécialisée de trois heures par semaine à titre viager.

En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées. Eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, des tarifs d'aide à domicile en vigueur dans la région, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire moyen de 18 €.

L 'indemnité de tierce personne s'établit ainsi :

- période échue du 25 juillet 2017 au 5 janvier 2023 : 20 998,29 €

- période à échoir : le besoin annuel s'élève à 3 186,99 € sur 512 jours afin de tenir compte des jours fériés et des fins de semaine.

L'évaluation du dommage devant être faite au moment où la cour statue, le barème de capitalisation utilisé sera celui publié à la Gazette du palais du 15 septembre 2020, taux d'intérêt 0,3 %, qui apparaît approprié, eu égard aux données démographiques et économiques actuelles.

Après multiplication du besoin annuel par l'euro de rente viager pour une femme âgée de 46 ans lors de la liquidation, l'indemnité due au titre de la période à échoir s'élève à 118 963,96 €.

Au total, l'indemnité au titre de la tierce personne permanente s'élève à 139 962,25 €.

Préjudices extra-patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire 10 485 €

Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence, le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

Il doit être réparé sur la base d'environ 900 € par mois, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie soit :

- un déficit fonctionnel temporaire total du 25 juillet 2015 au 11 septembre 2015 : 1 470 €

- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 75 % du 12 septembre 2015 au 30 novembre 2015 : 1 800 €

- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 50 % du 1er décembre 2015 au 23 novembre 2016 : 5 385 €

- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 25 % du 24 novembre 2016 au 25 juillet 2017 : 1 830 €

et au total la somme de 10 485 €.

- Souffrances endurées 20 000 €

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison du traumatisme initial, des multiples fractures, des interventions chirurgicales, de l'importance de la plaie délabrante et de la nécrose vers laquelle elle a évolué, de l'autogreffe, des séances de rééducation, des pansements et des investigations ; évalué à 4,5/7 par l'expert, il justifie l'octroi d'une indemnité de 20 000 €.

- Préjudice esthétique temporaire 5 000 €

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique. Chiffré à 4/7 par l'expert pendant toute la période avant consolidation au titre d'une nécrose de la plaie opératoire qui a rendu la cicatrice très disgracieuse et nécessité une greffe de peau et des injection d'acide hyaluraunique et de graisse autologue, il justifie une indemnisation à hauteur de 5 000 €.

Préjudices extra-patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent 44 800 €

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence personnelles, familiales et sociales.

Il est caractérisé par une limitation de la flexion du genou gauche, une laxité chronique du genou dans le plan frontal, une limitation de la flexion dorsale de la cheville gauche et une insuffisance musculaire au niveau de la jambe gauche, ce qui conduit à un taux de 20 % justifiant une indemnité de 44 800 € pour une femme âgée de 43 ans à la consolidation.

- Préjudice esthétique 20 000 €

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique.

Évalué à 4/7 au titre de la boiterie, d'une station unipodale instable sur le membre inférieur gauche, de l'importante zone cicatricielle très disgracieuse intéressant la quasi totalité de la face antérieure de la face médiane de la jambe gauche avec extension dans le creux poplité et de la diminution du volume musculaire de la jambe, de la cicatrice d'environ six cm de grand axe sur cinq mm de large située au dessus du grand trochanter gauche, de la cicatrice juste au dessus de cette dernière d'environ trois cm de grand axe, de la cicatrice sur la face externe de la portion basse de la cuisse, de l'amyotrophie du quadriceps gauche et de l'hyperlaxité interne du genou, il doit être indemnisé à hauteur de 20 000 €.

- Préjudice d'agrément 5 000 €

Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.

L'expert a retenu une importante pénibilité lors de la pratique des activités sportives ou de loisir imposant des contraintes mécaniques même modérément importantes au niveau du membre inférieur gauche, notamment pour la randonnée.

Mme [V] produit plusieurs attestations de Mmes [I] [B], [N] [S], [F] et [P] [H], MM. [G] et [NE] [H] qui certifient avoir régulièrement pratiqué la randonnée avec elle avant l'accident.

Elle verse également aux débats une attestation de Mme [N] [S] qui indique qu'avant l'accident, elle fréquentait les brocantes et les vides greniers.

L'expert ne s'est pas prononcé sur ces activités de loisirs. Cependant, il retient une importante pénibilité pour toutes activités sollicitant même modérément le membre inférieur gauche.

Tel est le cas de ces deux activités qui nécessitent de la part de celui qui les pratique des jambes en état d'assurer une déambulation.

Elle justifie donc ne plus pouvoir pratiquer certaines activités sportives ou de loisirs auxquelles elle s'adonnait régulièrement avant l'accident, ce qui justifie l'octroi d'une indemnité de 5 000 €.

Récapitulatif des préjudices

Postes de préjudice

préjudice total

part victime

part SSI

Part mutuelle

dépenses de santé actuelles

95 002,28 €

2 155,95 €

85 517,38 €

7 328,95 €

frais divers

3 608,88 €

3 608,88 €

-

-

perte de gains professionnels actuels

18 679,80 €

18 679,80 €

-

-

assistance par tierce personne temporaire

11 224,29 €

11 224,29 €

-

-

dépenses de santé futures

2 714,08 €

2 000 €

232,32 €

481,76 €

perte de gains professionnels futurs

510 766,70 €

510 766,70 €

-

-

incidence professionnelle

15 000 €

15 000 €

-

-

assistance par tierce personne permanente

139 962,25 €

139 962,25 €

-

-

déficit fonctionnel temporaire

10 485 €

10 485 €

-

-

souffrances endurées

20 000 €

20 000 €

-

-

préjudice esthétique temporaire

5 000 €

5 000 €

-

-

déficit fonctionnel permanent

44 800 €

44 800 €

-

-

préjudice esthétique permanent

20 000 €

20 000 €

-

-

préjudice d'agrément

5 000 €

5 000 €

-

-

Total

902 243,28 €

808 682,87 €

85 749,70 €

7 810,71 €

Le préjudice corporel global subi par Mme [V] s'établit ainsi à la somme de 902 243,28 € soit, après imputation des débours de la SSI (85 749,70 €) et de la mutuelle Klesia (7 810,71 €), une somme de 808 682,87 € lui revenant qui, en application de l'article 1231-7 du code civil, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 17 décembre 2019 à hauteur de 290 907,78 € et du prononcé du présent arrêt soit le 9 février 2023 pour le surplus des sommes dues.

Il sera également fait application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, de sorte que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront eux-mêmes intérêt.

Sur le préjudice matériel

Mme [V] demande l'indemnisation des dommages causés à son casque. Elle est tombée au sol lors de la collision.

Or, elle justifie avoir fait l'acquisition d'un casque de moto le 20 mars 2018, étant précisé que compte tenu des blessures, elle n'était pas en mesure de remonter à moto avant cette date.

Le casque est un équipement de sécurité impératif pour tout usager de deux-roues et il est indispensable qu'il soit en état de remplir sa fonction.

En conséquence, le rachat d'un casque après l'accident doit être considéré comme imputable à l'accident et comme tel indemnisable.

La somme de 229 € revient à ce titre à Mme [V].

Sur le doublement du taux de l'intérêt légal

L'article L.211-9 du code des assurances impose à l'assureur de présenter à la victime qui a subi une atteinte à sa personne, une offre d'indemnité, comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice, dans un délai maximal de huit mois à compter de l'accident, l'offre pouvant avoir un caractère provisionnel si l'assureur n'a pas, dans le délai de trois mois à compter de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. Un nouveau délai de cinq mois, à compter de la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation est ouvert pour l'offre définitive d'indemnisation.

Ce dispositif est assorti d'une sanction, qui réside dans le paiement d'intérêts au double du taux légal, prévue en ces termes par l'article L. 211-13 du code des assurances : « lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L. 211-9, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre où le jugement est devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur ».

Mme [V] demande que la sanction prenne effet à compter du 25 mars 2016, soit huit mois après l'accident.

Selon le texte précité, le délai le plus favorable à la victime s'applique.

Or, aucune offre provisionnelle au sens de L 211-9 du code des assurances, c'est à dire poste par poste, n'a été adressée à Mme [V] par l'assureur avant le 25 mars 2016.

Le doublement du taux de l'intérêt légal est donc dû à compter du 26 mars 2016.

La première offre d'indemnisation présentée par l'assureur est datée du 18 octobre 2018, date à laquelle la société Allianz lui a proposé une indemnisation à hauteur de 105 909,20 €.

Cependant, cette offre est incomplète puisqu'aucune offre n'a été formulée au titre de la perte de gains professionnels actuels, de la perte de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle alors que l'expert a retenu une impossibilité de travailler à compter de l'accident et pendant deux ans et qu'il retient au titre des séquelles la nécessité d'un reclassement sur un poste purement sédentaire.

La société Allianz soutient qu'elle n'était pas en possession des pièces de justificatives de Mme [V].

Cependant, si le délai pour présenter l'offre est suspendu jusqu'à réception des renseignements demandés lorsque l'assureur n'a reçu aucune réponse ou une réponse incomplète dans les six mois suivant la présentation de la correspondance par laquelle il demande à la victime les informations prévues par les articles R. 211-37 et R. 211-38, il lui appartient de démontrer qu'il a réclamé ces éléments à la victime.

En l'espèce, la société Allianz ne produit aucune pièce démontrant qu'elle a adressé à Mme [V] une quelconque demande en ce sens. L'offre du 18 octobre 2018 mentionne même expressément 'les pièces et justificatifs que vous nous avez communiqués'.

Il doit donc être tenu pour acquis que Mme [V] a informé l'assureur de ses réclamations au titre des postes professionnels ainsi que des éléments fondant sa réclamation.

En tout état de cause, cette offre est insuffisante en ce qu'elle porte sur la somme de 105 909,20 € qui représente moins du tiers de l'indemnité allouée.

Elle est donc impropre à arrêter le cours de la sanction.

Dans ses conclusions du 24 septembre 2019, la société Allianz a proposé une somme de 220 577,04 €. Là encore, cette offre est incomplète en ce que, si elle propose une indemnisation au titre de la perte de gains professionnels actuels et de l'incidence professionnelle à titre subsidiaire, elle ne contient toujours aucune offre au titre de la perte de gains professionnels futurs alors que la société Allianz avait connaissance du préjudice revendiqué au titre de ce poste et des conclusions de l'expert sur les restrictions professionnelles.

Par ailleurs, et en tout état de cause, elle est également insuffisante en ce qu'elle représente moins du tiers de l'indemnité allouée.

Il n'est justifié d'aucune offre d'indemnisation postérieure, complète et suffisante puisque devant la cour, les conclusions des 25 mars 2020 et 24 août 2020 ne contiennent aucune offre, même subsidiaire, au titre de la perte de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle, et que celles des 8 septembre 2020, 14 juin 2021 et 3 novembre 2021, si elles contiennent une offre au titre de l'incidence professionnelle de 10 000 € à titre subsidiaire, n'offrent aucune indemnité au titre de la perte de gains professionnels futurs.

L'offre incomplète ou insuffisante est assimilée à une absence d'offre.

Lorsqu'aucune offre complète et suffisante n'a été formulée, la sanction a pour assiette l'indemnité allouée par le juge avant déduction de la créance des tiers payeurs et des provisions qui ont éventuellement été versées.

En conséquence, la société Allianz sera condamnée à payer à Mme [V] des intérêts au double du taux légal à compter du 26 mars 2016 jusqu'au jour de l'arrêt devenu définitif sur la somme de 902 243,31 €.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles alloués à la victime sont confirmées.

La société Allianz, qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation, supportera la charge des entiers dépens d'appel.

L'équité justifie d'allouer au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour, une somme de 3 000 e à Mme [V] et une somme de 1 000 € à la mutuelle Klesia.

Par ces motifs

La Cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Déclare recevables les demandes de l'organisme Klesia Mut ;

Confirme le jugement, hormis sur le montant de l'indemnisation de la victime et les sommes lui revenant,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Condamne la société Allianz à payer à Mme [C] [V] les sommes suivantes :

- 2 155,95 € au titre des dépenses de santé actuelles

- 3 608,88 € au titre des frais divers

- 18 679,80 € au titre de la perte de gains professionnels actuels

- 11 224,29 € au titre de l'assistance par tierce personne temporaire

- 2 000 € au titre des dépenses de santé futures

- 510 766,70 € au titre de la perte de gains professionnels futurs

- 15 000 € au titre de l'incidence professionnelle

- 139 962,25 € au titre de l'assistance par tierce personne permanente

- 10 485 € au titre du déficit fonctionnel temporaire

- 20 000 € au titre des souffrances endurées

- 5 000 € au titre du préjudice esthétique temporaire

- 44 800 € au titre du déficit fonctionnel permanent

- 20 000 € au titre du préjudice esthétique permanent

- 5 000 € au titre du préjudice d'agrément

- 229 € au titre du préjudice matériel,

le tout sauf à déduire les provisions versées et avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2019 à hauteur de 290 907,78 € et du 9 février 2023 pour le surplus des sommes dues ;

- une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ;

Condamne la société Allianz à payer à l'organisme mutualiste Klesia Mut les sommes suivantes :

- 7 810,71 € en remboursement de ses débours

- une indemnité de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ;

Condamne la société Allianz à payer à Mme [V] des intérêts au double du taux légal à compter du 26 mars 2016 jusqu'au jour de l'arrêt devenu définitif sur la somme de 902 243,31 € ;

Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront eux-mêmes intérêt dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil ;

Condamne la société Allianz aux entiers dépens d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-6
Numéro d'arrêt : 20/00728
Date de la décision : 09/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-09;20.00728 ?
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