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30/01/2023 | FRANCE | N°22/00590

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-11 référés, 30 janvier 2023, 22/00590


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11 référés





ORDONNANCE DE REFERE

du 30 Janvier 2023



N° 2023/ 49





Rôle N° RG 22/00590 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKHDO







Association CEDIS





C/



[D] [P]

[K] [R] épouse [P]





























Copie exécutoire délivrée





le :





à :



- Me Karine LHOTELL

IER



- Me Sylvie LANTELME





Prononcée à la suite d'une assignation en référé en date du 20 Octobre 2022.





DEMANDERESSE



Association CEDIS, association soumise à la loi du 1er juillet 1901, demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Karine LHOTELLIER de la SELARL BRL - BAUDUCCO - ROTA - LHOTELLIER, avoca...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11 référés

ORDONNANCE DE REFERE

du 30 Janvier 2023

N° 2023/ 49

Rôle N° RG 22/00590 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKHDO

Association CEDIS

C/

[D] [P]

[K] [R] épouse [P]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Karine LHOTELLIER

- Me Sylvie LANTELME

Prononcée à la suite d'une assignation en référé en date du 20 Octobre 2022.

DEMANDERESSE

Association CEDIS, association soumise à la loi du 1er juillet 1901, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Karine LHOTELLIER de la SELARL BRL - BAUDUCCO - ROTA - LHOTELLIER, avocat au barreau de TOULON substituée par Me Serge LHOTELLIER, avocat au barreau de TOULON

DEFENDEURS

Monsieur [D] [P], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Sylvie LANTELME de la SCP IMAVOCATS, avocat au barreau de TOULON substituée par Me Léa DURAND-STEPHAN, avocat au barreau de TOULON

Madame [K] [R] épouse [P], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Sylvie LANTELME de la SCP IMAVOCATS, avocat au barreau de TOULON substituée par Me Léa DURAND-STEPHAN, avocat au barreau de TOULON

* * * *

DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ

L'affaire a été débattue le 28 Novembre 2022 en audience publique devant

Véronique NOCLAIN, Président,

déléguée par ordonnance du premier président.

En application des articles 957 et 965 du code de procédure civile

Greffier lors des débats : Manon BOURDARIAS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Janvier 2023.

ORDONNANCE

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 30 Janvier 2023.

Signée par Véronique NOCLAIN, Président et Manon BOURDARIAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Monsieur [D] [P] et madame [K] [P] née [H] sont propriétaires d'un appartement dans l'ensemble immobilier 'L'Oustaou' sis [Adresse 2]. La terrasse de cet appartement donne sur une grande cour, qui donne elle-même sur une petite cour dépendant d'un autre immeuble dans lequel l'association CEDIS exploite depuis 2011 en rez-de-chaussée une micro-crèche dénommée ' Les Petits Ecureuils'.

Les époux [P], au motif qu'ils supportent des nuisances sonores émanant de cette micro-crèche, ont sollicité en 2013 l'organisation d'une expertise; celle-ci a été ordonnée le 17 janvier 2014 et l'expert [J] a déposé son rapport le 15 octobre 2018.

Suivant acte d'huissier du 26 avril 2019, les époux [P] ont fait assigner l'association CEDIS devant le tribunal de grande instance de Toulon en exécution de travaux et paiement de dommages et intérêts au titre du trouble anormal de voisinage.

Par jugement contradictoire du 11 mai 2022, le tribunal judiciaire de Toulon a principalement:

-condamné l'association CEDIS à faire réaliser sur la terrasse de la micro-crèche les travaux suivants préconisés par l'expert [J] dans son rapport du 15 octobre 2018 dans un délai de 5 mois à compter du jugement: -mise en place de revêtements absorbants contre les parois, le sol et les parties basses des murs et dans les placards ou les zones de rangement des jouets,

-augmentation de la hauteur des deux murs latéraux de la courette du côté de l'habitation des époux [P],

-mise en place d'une couverture acoustique au-dessus de la courette composée de deux couches : une toiture en matériaux transparents double peau type polycarbonaote et une toile spéciale absorbant une grande partie des bruits;

-dit que faute pour l'association CEDIS d'avoir fait réaliser des travaux dans le délai imparti, elle sera redevable d'une astreinte de 50 euros par jour de retard pendant une durée de 5 mois;

-condamné l'association CEDIS à payer aux époux [P] la somme de 3.000 euros en paiement de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance et du préjudice moral;

-condamné l'association CEDIS à payer aux époux [P] la somme de 1.300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens;

-ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration du 11 juillet 2022, l'association CEDIS a interjeté appel du jugement sus-dit.

Par acte d'huissier du 20 octobre 2022 reçu et enregistré le 21 octobre 2022, l'association CEDIS a fait assigner les époux [P] au visa des dispositions de l'article 524 du code de procédure civile aux fins, à titre principal, d'arrêt l'exécution provisoire de la décision déférée, à titre subsidiaire, que lui soit accordé un délai de 18 mois à compter de la signification de l'ordonnance de référé pour réaliser les travaux et en tout état de cause, aux fins de condamner les époux [P] aux entiers dépens, distraits au profit de maître Karine Lhotellier, sur son affirmation de droit.

La demanderesse a soutenu ses dernières écritures signifiées aux défendeurs le 25 novembre 2022 lors des débats du 28 novembre 2022. Elle a confirmé ses prétentions initiales.

Par écritures précédemment notifiées le 23 novembre 2022 et maintenues lors des débats, les époux [P] ont demandé de rejeter les prétentions de l'association CEDIS et de condamner cette dernière à leur verser une indemnité de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens, distraits au profit de maître Sylvie Lantelme, avocat aux offres de droit.

Il sera renvoyé aux écritures des parties pour un examen complet des moyens soutenus.

MOTIFS DE LA DECISION

En application de l'article 524 du code de procédure civile, lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d'appel, par le premier président ou son délégataire statuant en référé, que si elle est interdite par la loi ou si elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

Celles-ci sont appréciées au regard de la situation du débiteur de l'obligation, compte tenu de ses facultés et au regard de celles de remboursement de la partie adverse.

Il sera relevé que l'association Cedis, qui présente une demande d'arrêt de l'exécution du jugement déféré, ne présente de moyens au soutien de sa demande que s'agissant les travaux mis à sa charge par le jugement.

Il sera rappelé qu'au visa de l'article 524 ci-dessus exposé que le premier président n'a pas compétence pour examiner les moyens de réformation du jugement déféré; les moyens présentés par l'association CEDIS à ce sujet seront donc rejetés. (Cf ses écritures page 7,8).

Au soutien de sa demande, l'association CENEDIS fait état de l'existence d'un risque de conséquences manifestement excessives en exposant que:

-les travaux auraient un caractère irréversible, d'une ampleur 'considérable' bien qu'ayant une 'efficacité douteuse'; l'expert n'a pas au surplus pris en compte l'impact des travaux sur la prise ne charge des bébés et jeunes enfants, se bornant à ne prendre en compte que les bruits signalés par les époux [P] ;

-le coût des travaux est 'disproportionné'; le rapport [J] les a chiffrés à 60.000 euros et la note technique Giglio ( sa pièce 20) qu'elle communique les chiffre plutôt à 99 383,40 euros; cette note technique révèle au surplus que d'autres aménagements et démarches seront à réaliser par l'association Cedis; un nouvel agrément sera également à solliciter auprès des services de la PMI portant sur l'ensemble de la structure; il conviendra également d'obtenir une déclaration préalable de travaux pour la réalisation de laquelle l'association Cedis devra faire appel à un architecte ; la commune de Toulon pourrait s'opposer à cette déclaration préalable ; l'expert [J] a omis de prendre en compte des frais supplémentaires et autres dépenses liés à ces aménagements complémentaires ;

-la micro-crèche devra fermer pendant 5 semaines, ce qui va engendrer une perte d'exploitation à hauteur de 22.056 euros ; cette fermeture entraînera également la fermeture de l'entreprise d'insertion 'Les Mamans Cuisinières du Monde' qui confectionne et livre les repas aux enfants ;

-il y aurait une 'atteinte disproportionnée au principe général de continuité du service public de la petite enfance et du service public de l'insertion et de l'emploi' en raison de la fermeture de la micro-crèche pendant 5 semaines; 10 familles seront privées de l'accueil de leur nourrisson ou de leur jeune enfant ; cela impactera durement les familles concernées, situées dans deux quartiers prioritaires, pour certaines salariées de la communauté d'agglomération Provence Méditerranée, et les enfants, dont certains sont porteurs de handicaps ; les salariés de la micro-crèche au nombre de 6 seront placés en chômage technique pendant la période des travaux.

En réplique, les époux [P] exposent que l'association Cedis ne justifie pas de l'impossibilité de réaliser les travaux ni que leur réalisation serait en soi irréversible; ils ajoutent que l'association Cedis produit des documents nouveaux non communiqués en 1ère instance, ainsi, la note technique d'un architecte (pièce 20) non débattue en amont lors des opérations d'expertise; ils affirment que les travaux ne vont pas nécessiter de permis de construire, que l'association Cedis, vu l'ancienneté du litige, aurait du solliciter en amont les subventions nécessaires pour réaliser les travaux demandés, que ces travaux ne vont pas mettre en péril l'activité de l'association et qu'il n'est pas démontré que ces mêmes travaux vont lui faire perdre son agrément, que leur trouble anormal de voisinage est incontestable, que l'association Cedis aurait pu exécuté a minima une partie des travaux depuis le prononcé du jugement, ainsi, le rehaussement des murs latéraux et que la preuve d'un risque de conséquences manifestement excessives n'est pas rapportée.

Il sera rappelé qu'avant le prononcé du jugement déféré, une expertise judiciaire a été ordonnée le 17 janvier 2014 et que les travaux de l'expert [J] ont duré plus de 4 années, le rapport définitif de l'expert ayant été déposé le 15 octobre 2018; cela signifie que les parties ont eu plus de 4 ans pour faire valoir leurs observations, prendre des dires et solliciter toutes investigations complémentaires; eu égard à cette durée particulièrement longue de l'expertise judiciaire, il ne peut être valablement considéré comme étant 'un risque de conséquences manifestement excessives' l'ensemble des éléments que la demanderesse soulève dans le présent référé qui ont trait à la réalisation matérielle des travaux et ses inconvénients s'agissant de la structure et de ses usagers, enfants et adultes, alors que ces mêmes éléments ont pu faire l'objet d'un débat devant l'expert; il sera d'ailleurs noté que la 'note technique Giglio' remise en pièce 20 par la demanderesse au soutien de ses prétentions n'a pas été soumise à l'expert [J] ni au débat des parties en 1ère instance.

S'agissant des démarches à réaliser par l'association Cedis, éventuelle demande de permis de construire, nouvel agrément auprès de la PMI, déclaration préalable de travaux, l'association Cedis ne démontre pas en quoi elles entraîneraient pour elle, dans l'attente de l'arrêt d'appel, un risque de conséquences manifestement excessives.

S'agissant du coût des travaux, évalué par l'expert [J] contradictoirement à la somme de 60.000 euros dans son rapport du 15 octobre 2018, l'association Cedis ne fait pas la preuve qu'elle n'a pu ou ne pourra obtenir des subventions lui permettant d'y faire face.

L'association Cedis fait état du caractère 'irréversible' des travaux; or, il sera rappelé que ces travaux consistent en un rehaussement de deux murs latéraux, d'une pose de revêtement dans la structure et de la mise en place d'une couverture acoustique au-dessus de la courette= ces travaux ne sont donc pas d'une ampleur particulière (ils sont d'ailleurs prévus sur 5 semaines uniquement) et en tout état de cause, leur caractère d'irréversibilité n'est démontré par aucun document technique; au surplus, il sera rappelé que l'exécution du jugement se fait aux risques et périls de celui qui exécute.

Enfin, l'association Cedis fait état des conséquences préjudiciables en lien avec la fermeture de la structure pendant les 5 semaines de durée des travaux litigieux = conséquences sur les enfants, leurs familles et les salariés de la micro-crèche; or, lors des débats, la partie défenderesse a indiqué, sans contestation de la part de l'association Cedis, que la micro-crèche était fermée en août, ce qui permettrait à la demanderesse de disposer d'un temps utile pour réaliser les travaux, et qu'au surplus, l'association Cedis gérait 4 crèches, ce qui devrait lui permettre d'accueillir les enfants voire, de redistribuer ses salariés; la preuve d'un risque quelconque en lien avec la fermeture de la structure le temps nécessaire aux travaux n'est donc pas rapportée. Pour les mêmes motifs, l' atteinte disproportionnée au principe général de continuité du service public de la petite enfance et du service public de l'insertion et de l'emploi' liée à la fermeture de la structure pendant 5 semaines n'est pas prouvée.

Faute de preuve de l'existence d'un risque de conséquences d'une particulière gravité en lien avec l'exécution du jugement déféré, la demande d'arrêt de l'exécution provisoire sera écartée.

Enfin, l'association Cedis sollicite du premier président l'octroi d'un délai de 18 mois pour exécuter les travaux; or, le premier président n'a pas compétence pour modifier le dispositif d'une décision; au surplus, il sera noté que les travaux auxquels l'association Cedis a été condamnée ont été exposés par l'expert dans son rapport déposé le 15 octobre 2018, que l'assignation délivrée en 1ère instance date du 4 décembre 2013 et le jugement critiqué du 11 mai 2022, ce qui permet de vérifier que l'association Cedis a en réalité déjà bénéficié de délais, notamment pour solliciter en amont du présent référé les subventions et autorisations lui permettant de réaliser les travaux litigieux. Cette demande est, quoi qu'il en soit, irrecevable.

L'équité commande de condamner l'association Cedis à verser aux époux [P] une indemnité de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Puisqu'elle succombe, l'association Cedis sera également condamnée aux dépens de l'instance, sans distraction, le présent référé étant sans représentation obligatoire.

PAR CES MOTIFS,

Statuant en référés, après débats en audience publique, par décision contradictoire

-Ecartons la demande d'arrêt de l'exécution provisoire ;

-Disons irrecevable la demande de l'association Cedis d'octroi de délais afin de réaliser les travaux mis à sa charge par le jugement déféré ;

- Condamnons l'association Cedis à verser aux époux [P] une indemnité de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamnons l'association Cedis aux dépens de la présente instance ;

Ainsi prononcé par la mise à disposition de la présente décision au greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 30 janvier 2023 , date dont les parties comparantes ont été avisées à l'issue des débats.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-11 référés
Numéro d'arrêt : 22/00590
Date de la décision : 30/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-30;22.00590 ?
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