La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/01/2023 | FRANCE | N°18/17974

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 27 janvier 2023, 18/17974


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 27 JANVIER 2023



N° 2023/ 015



RG 18/17974

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDKWE







[F] [S]





C/



SAS REYNAUD ET FILS























Copie exécutoire délivrée le 27 Janvier 2023 à :



-Me Stéphane MAMOU, avocat au barreau de TOULON



- Me Clément BENAIM, avocat au barreau de MARSEILLE

>




























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 30 Juin 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 14/01457.





APPELANT



Monsieur [F] [S], demeurant [Adresse 2]



repré...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 27 JANVIER 2023

N° 2023/ 015

RG 18/17974

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDKWE

[F] [S]

C/

SAS REYNAUD ET FILS

Copie exécutoire délivrée le 27 Janvier 2023 à :

-Me Stéphane MAMOU, avocat au barreau de TOULON

- Me Clément BENAIM, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 30 Juin 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 14/01457.

APPELANT

Monsieur [F] [S], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Stéphane MAMOU, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

SAS REYNAUD ET FILS, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Clément BENAIM, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Ludovic TANTIN, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2023.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2023

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

Selon contrat de travail à durée indéterminée du 3 mars 2009, M. [F] [S] a été embauché par la société Salvi, en qualité de préparateur-livreur niveau 2 échelle 2 de la convention collective nationale du commerce de gros.

Son contrat a été transféré à la société Reynaud & Fils à compter du 1er avril 2012.

Le 14 février 2013, M.[S] a été victime d'un accident du travail, consolidé le 3 février 2014 et pour lequel le salarié s'est vu attribuer une rente annuelle de 20%.

Lors de la 2ème visite de reprise du 21/02/2014, la médecine du travail a émis l'avis suivant : « Inapte au poste de préparateur de commandes et chauffeur livreur, Etude de poste effectuée le 13/02/2014, serait apte à un poste sans manutention (pas plus de 5 kilos), sans station debout ni station assise prolongée, sans montée et descente d'escalier, Conduite automobile pas plus d'une demi-heure. »

M.[S] a été licencié par lettre recommandée du 11 avril 2014 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Contestant notamment cette mesure, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille par requête du 19 mai 2014.

Selon jugement du 30 juin 2016, le conseil de prud'hommes a débouté M.[S] de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Le conseil de M.[S] a interjeté appel par déclaration du 7 novembre 2016.

L'affaire a été radiée par arrêt du 26 octobre 2018.

La remise au rôle est intervenue selon conclusions du 8 juin 2018 et les parties convoquées pour l'audience du 22 novembre 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 12 juin 2018, M.[S] demande à la cour de :

«INFIRMER le jugement du Conseil des Prud'hommes de Marseille du 30 juin 2016,

Et la Cour statuant à nouveau et y ajoutant,

DECLARER le licenciement de Monsieur [S] sans cause réelle ni sérieuse et abusif,

CONDAMNER à payer à Monsieur [S] la somme de 40 000.00 € à titre de dommages et

intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et abusif,

En toute hypothèse, CONDAMNER à payer à Monsieur [S] la somme de 40 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour indemniser la perte d'emploi consécutive et la faute inexcusable de l'employeur,

CONDAMNER à payer à Monsieur [S] les rappels de primes de 2009 à 2013 soit :

- Rappel de prime année 2009 = 1 192.33 €

- Rappel de prime année 2010 = 1 436.13 €

- Rappel de prime année 2011 = 1 439.17 €

- Rappel de prime année 2012 = 1 444.20 €

- Rappel de prime année 2013 = 1 444.20 €

CONDAMNER à remettre au salarié les documents suivants sous astreinte de 200.00 € par jour de retard : Attestation POLE EMPLOI régularisée mentionnant l'ancienneté + indemnité spéciale de licenciement, Certificat de travail régularisé mentionnant l'ancienneté à compter du 03/03/2009, Registre du personnel de la société REYNAUD ET FILS, Fiches de paies régularisées

CONSTATER que l'employeur refuse de communiquer les registres du personnel complets,

CONDAMNER à payer au salarié la somme de 2 500.00 € au titre de l'article 700 du Code

de Procédure Civile,

CONDAMNER aux entiers dépens du procès distraits au profit de Maître Stéphane MAMOU

Avocat aux offres de droit.»

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 8 février 2017, la société Reynaud & Fils demande à la cour de :

«CONSTATER la cause réelle et sérieuse du licenciement de Monsieur [S],

CONSTATER l'absence de bien fondé des demandes en rappels de salaires de Monsieur

[S],

DEBOUTER Monsieur [S] de l'intégralité de ses demandes,

CONDAMMER Monsieur [F] [S] à verser la somme de 3.000 euros en application

des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile), outre les entiers dépens (article

699 du Nouveau Code Civil de Procédure Civile).»

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE L'ARRÊT

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur les rappels de prime

Au visa de la convention collective, M.[S] sollicite le paiement d'une prime annuelle due depuis 2009, rappelant que la société est soumise à une solidarité avec l'ancien employeur du fait du transfert.

L'intimée considère que les demandes antérieures au mois de mai 2011 sont prescrites

en application de l'article L.3245-1 du code du travail, que le règlement des primes entre le mois de mai 2011 et le mois d'avril 2012 incombe à la société Salvi et que les primes annuelles ont été versées au salarié en avril et décembre 2013.

Selon l'article 3.7.3 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, dans sa rédaction antérieure à l'avenant n° 70 du 15 janvier 2019, le montant de la prime annuelle, pour les salariés qui n'ont pas fait l'objet d'absences autres que celles prévues par le texte, est égal à 100 % du salaire forfaitaire mensuel de novembre (heures supplémentaires exceptionnelles exclues).

En application de l'article L.3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat. »

En conséquence, les demandes de M.[S] concernant les primes 2009 et 2010 sont prescrites, étant précisé en outre que M.[S] ne pouvait recevoir de prime en 2009 puisqu'il avait moins d'un an d'ancienneté.

L'employeur démontre avoir réglé la prime annuelle 2012, par la somme de 1 486,09 euros sur le bulletin de salaire du mois d'avril 2013 et celle de l'année 2013, sur le bulletin de salaire de décembre 2013, à hauteur de 171,47 euros compte tenu de l'absence du salarié pour accident du travail à compter du 14 février 2013.

En application de l'article L.1224-2 du code du travail, «le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification», ce qui, au-delà des obligations comprises dans le contrat de travail, s'étend aux créances dont le salarié était titulaire sur l'ancien employeur.

Dès lors qu'il ne ressort pas des bulletins de salaire produits par M.[S] que ce dernier a perçu cette prime pour l'année 2011, la société intimée doit lui régler la somme demandée de 1 439,17 euros, inférieure à celle à laquelle il aurait pu prétendre.

Sur le licenciement

Le salarié invoque l'absence de preuve de l'impossibilité de le reclasser et considère que c'est la faute de l'employeur qui est à l'origine de l'inaptitude et du licenciement.

La société n'a pas répondu à ce dernier moyen.

L'employeur est tenu d'une obligation de sécurité dont il doit assurer l'effectivité. Cette obligation est définie par l'article L. 4121-1 du code du travail dans sa généralité et par l'article L. 4121-2 dans ses mesures précises et concrètes.

Le salarié indique que l'accident du travail est intervenu alors qu'il portait des charges lourdes, avec une configuration des lieux particulièrement inadaptée, en présence d'escaliers et de l'étroitesse des lieux. Il rappelle que la présente cour a reconnu dans son arrêt du 17 novembre 2017 la faute inexcusable de l'employeur.

En l'espèce, les circonstances de l'accident du travail du 14 février 2013 telles que décrites par le salarié dans sa pièce n°13 ont été retenues par la cour statuant sur la faute inexcusable et dont l'arrêt est devenu définitif, en relevant sur la base des photographies produites par l'employeur, d'une part, que le lieu de stockage n'était pas adapté à la tâche puisque le salarié s'était retrouvé en déséquilibre dans un escalier exigu alors qu'il était porteur d'une charge lourde et d'autre part, que l'employeur avait été avisé d'une demande de déclaration de maladie professionnelle pour des maux de dos dès le 7 septembre 2012.

Le salarié démontre ainsi que l'employeur a manqué à son obligation de prévention notamment et dès lors que l'inaptitude constatée par la médecine du travail est consécutive au manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen relatif à l'obligation de reclassement.

Sur les conséquences financières de la rupture

La cour relève que si au sein de ses écritures page 3, l'appelant invoque un non respect de la procédure de licenciement réclamant une somme de 1 931,83 euros à titre de dommages et intérêts, cette demande n'a pas été reprise dans le dispositif de ses conclusions, et en conséquence, la cour n'en est pas saisie.

L'indemnité minimale de douze mois prévue à l'article L.1226-15 du code du travail est due quelles que soient la taille de l'entreprise et l'ancienneté du salarié.

Aux termes de l'article L.1226-16 du code du travail, les indemnités prévues aux articles L.1226-14 et L.1226-15 du même code sont calculées sur la base du salaire moyen qui aurait été perçu par l'intéressé au cours des trois derniers mois s'il avait continué à travailler au poste qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail, la notion de salaire étant définie par le taux personnel, les primes, les avantages de toute nature, les indemnités et les gratifications qui composent le revenu.

Ainsi que l'indique M.[S], la moyenne des trois derniers mois de salaire avant l'accident du travail s'établit à 1 931,83 euros et compte tenu de l'âge du salarié à la date de la rupture (65 ans), des justificatifs concernant sa prise de retraite en 2017, il y a lieu de fixer à la somme de 28 000 euros, son indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les autres demandes

La demande de remise de fiches de paie régularisées et du registre du personnel n'est pas justifiée. En revanche, l'employeur doit être contraint à délivrer un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt et mentionnant l'ancienneté du salarié à compter du 2 mars 2009, du fait du transfert du contrat de travail, mais il n'est pas nécessaire de prononcer une astreinte.

La société intimée succombant au principal doit s'acquitter des dépens de la procédure, sans distraction, le ministère d'avocat n'étant pas obligatoire devant la présente juridiction, être déboutée de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à ce titre, condamnée à payer à M.[S] la somme de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme le jugement déféré, dans ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau et Y ajoutant,

Déclare prescrites les demandes relatives aux primes 2009 et 2010,

Dit le licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle notifié le 11 avril 2014, dénué de cause réelle et sérieuse, comme étant consécutif à un manquement préalable de la société Reynaud et Fils à son obligation de prévention de sécurité,

Condamne la société Reynaud et Fils à payer à M. [F] [S] les sommes suivantes:

- 1 439,17 euros au titre de la prime annuelle 2011,

- 28 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne la remise par la société Reynaud et Fils à M.[S] d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt et mentionnant l'ancienneté du salarié à compter du 2 mars 2009,

Dit n'y avoir lieu à astreinte,

Condamne la société Reynaud et Fils aux dépens de 1ère instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 18/17974
Date de la décision : 27/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-27;18.17974 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award