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26/01/2023 | FRANCE | N°18/11369

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-7, 26 janvier 2023, 18/11369


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7



ARRÊT AU FOND

DU 26 JANVIER 2023



N°2023/36













Rôle N° RG 18/11369 - N° Portalis DBVB-V-B7C-

BCXNO







SARL BAHE





C/



[U] [P] épouse [X]





































Copie exécutoire délivrée

le :

à :Me Gilbert SAVIOZ





Me

Michaël BISMUTH





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Président du TGI de MARSEILLE en date du 15 Mai 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/05455.





Jugement du Président du TGI de MARSEILLE en date du 03 Juillet 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/06268.







APPELANTE





SARL BAHE ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT AU FOND

DU 26 JANVIER 2023

N°2023/36

Rôle N° RG 18/11369 - N° Portalis DBVB-V-B7C-

BCXNO

SARL BAHE

C/

[U] [P] épouse [X]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :Me Gilbert SAVIOZ

Me Michaël BISMUTH

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Président du TGI de MARSEILLE en date du 15 Mai 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/05455.

Jugement du Président du TGI de MARSEILLE en date du 03 Juillet 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/06268.

APPELANTE

SARL BAHE Société à responsabilité limitée à associé unique, demeurant [Adresse 1] / France

représentée par Me Gilbert SAVIOZ, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame [U] [P] épouse [X], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Michaël BISMUTH de la SELARL CABINET BISMUTH, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Novembre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Madame Carole DAUX-HARAND, Président Rapporteur,

et Madame Carole MENDOZA, Conseiller-Rapporteur,

chargées du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère

M. Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2023.

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 07 novembre 1985, les consorts [L] aux droits desquels vient [U] [P] épouse [X], ont donné à bail pour une durée de 9 ans à la société UNIRO-FRANCE, aux droits de laquelle vient la S.A.R.L. BAHE, un local à usage commercial situé [Adresse 1]. La S.A.R.L. BAHE exerce l'activité de grossiste en vêtements.

Le bail a été renouvelé à compter du 1er octobre 2012 moyennant un loyer de 10.800 euros par an.

Le 16 février 2017, [U] [P] épouse [X] a adressé à la S.A.R.L. BAHE un mémoire prévu par l'article L145-23 du Code de Commerce demandant la fixation et la révision du loyer annuel à 40 000 euros HT à compter du 12 octobre 2016.

Par acte d'huissier du 11 mai 2017, se prévalant d'une modification notable des facteurs locaux de commercialité, [I] [P] épouse [X] a assigné la S.A.R.L. BAHE afin d'obtenir le déplafonnement du loyer et sa fixation à la valeur locative soit à la somme de 40 000 euros par an à compter du 12 octobre 2016.

Par jugement du 15 mai 2018, le juge des loyers commerciaux du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE a ordonné avant-dire droit une expertise, désigné Monsieur [M] [G] pour y procéder et fixé le loyer annuel provisionnel, maintenu pendant la durée de l'instance, au montant actuel, tout en réservant les autres demandes et en réservant les dépens.

Le premier juge a retenu, au visa de l'article L.145-38 du code de commerce, que l'ouverture d'une ligne de tramway avait incontestablement eu des conséquences positives sur l'activité des commerces situés à proximité du local loué et que les éléments de comparaison produits par la bailleresse permettaient d'établir que la variation de la valeur locative était supérieure à 10%. Estimant contradictoires les allégations des parties quant à la fixation du du loyer révisé, il a ordonné une expertise.

Par jugement du 3 juillet 2018 en omission de statuer après saisine par la S.A.R.L. BAHE, le juge des loyers commerciaux du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE a statué ainsi :

- ordonne la rectification de l'omission de statuer entachant le jugement en date du 15 mai 2018,

- écarte la règle du plafonnement de loyer en ce la variation de la valeur locative est supérieure à 10%

Le 6 juillet 2018, la S.A.R.L. BAHE a relevé appel des deux décisions.

Madame [X] née [P] a constitué avocat.

Par arrêt du 25 mars 2021, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a :

- infirmé les jugements déférés en toutes leurs dispositions sauf en ce qu'a été fixé le loyer annuel provisionnel pendant la durée de l'instance au montant actuel.

Statuant nouveau :

- ordonné une expertise et commis pour y procéder Monsieur [G] [M] aux fins notamment de dire si une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative est intervenue entre le 1er octobre 2012 et le 12 octobre 2016 ( article L. 145-38 alinéa 3 du code de commerce précité) et de fournir tous les éléments d'appréciation sur la valeur locative des lieux loués

- statué sur la consignation mise à la charge de Madame [P] épouse [X]

- sursis à statuer sur l'ensemble des demandes.

- renvoyé l'affaire à la mise en état.

- dit que les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens seront réservés.

Le rapport d'expertise a été déposé le 02 juin 2022.

Par conclusions notifiées le 06 mars 2022 sur le RPVA auxquelles il convient de se référer, la SARL BAHE demande à la cour de statuer ainsi :

- de débouter le bailleur de ses demandes,

- d'annuler, infirmer ou réformer le jugement rectifié entrepris pour tous les chefs du jugement expressément critiqués non déjà rectifiés par l'arrêt mixte,

- de dire et juger que les conditions du déplafonnement ne sont pas remplies par le bailleur,

- de fixer le loyer en principal annuel révisé au 12 octobre 2016 à la somme de 11.859, 81 euros HC HT si la cour adopte l'avis de l'expert,

- de condamner le bailleur à lui verser la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner le bailleur aux dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître SAVIOZ.

Elle indique que la période de référence à prendre en compte est celle s'écoulant du premier octobre 2012 au 12 octobre 2016.

Elle soutient que le bailleur ne démontre pas l'existence d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10% de la valeur locative sur la période considérée.

Elle précise être un grossiste en tissus et note que les transactions commerciales n'imposent pas de déplacements fréquents, si bien que les arguments liés à au tramway n'ont pas de portée.

Elle note s'appuyer sur les conclusions de l'expert.

Elle relève que les arguments du bailleur sont inopérants s'agissant des transactions dans le quartier. Elle relève qu'en tout état de cause, les transformations du tramway ont déjà été intégrées dans la fixation du loyer à la valeur locative lors de la date de la dernière fixation du prix du loyer.

Par conclusions notifiées le 09 novembre 2022 sur le RPVA auxquelles il convient de se référer, Madame [P] épouse [X] demande à la cour :

- de confirmer le jugement rendu 15 mai 2008

- de condamner la société BAHE à verser la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de la SELARL CABINET BISMUTH

Elle souligne que les travaux de tramway, la réfection de la Canebière, la refonte de la place des Capucines, à 30 mètres du commerce, sont des modifications matérielles des facteurs locaux de commercialité ayant eu une incidence favorable sur l'activité du commerce de son preneur, qui ont entraîné une variation de la valeur locative supérieure à 10%. Elle souligne que le local loué est situé dans une zone à forte attractivité concernant les commerces de vente de tissus et de vêtements en gros et au détail, qui constitue l'essentiel de l'activité essentielle du locataire.

Elle ajoute que des travaux conséquents, effectués dans l'immeuble , profitent au preneur.

Elle discute la valeur locative.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 09 novembre 2022.

MOTIVATION

Sur le déplafonnement du loyer

Selon l'article L 145-38 du code du commerce, dans sa version alors applicable, la demande en révision ne peut être formée que trois ans au moins après la date d'entrée en jouissance du locataire ou après le point de départ du bail renouvelé.

De nouvelles demandes peuvent être formées tous les trois ans à compter du jour où le nouveau prix sera applicable.

Par dérogation aux dispositions de l'article L. 145-33, et à moins que ne soit rapportée la preuve d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative, la majoration ou la diminution de loyer consécutive à une révision triennale ne peut excéder la variation de l'indice trimestriel du coût de la construction ou, s'ils sont applicables, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, intervenue depuis la dernière fixation amiable ou judiciaire du loyer (...).

Le bail a été renouvelé à compter du premier octobre 2012. Le bailleur a sollicité le déplafonnement du loyer le 16 février 2017 au visa de l'article L 145-38 du code du commerce pour le voir augmenter et fixer à la somme annuelle de 40.000 euros HT.

Il lui appartient de démontrer l'existence d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité (ayant une incidence favorable pour le commerce considéré) ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10% de la valeur locative.

L'article R 145-6 du code du commerce énonce que les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.

Il s'agit en conséquence exclusivement de facteurs externes au bail et au local. Ainsi, le bailleur ne peut s'appuyer sur l'existence de travaux effectués au sein de l'immeuble dans lequel se trouve le local loué. Il ne peut pas plus s'appuyer sur l'évolution des loyers commerciaux du secteur considéré.

La période à prendre en considération est celle s'écoulant du premier octobre 2012 au 12 octobre 2016.

L'activité de la SARL BAHE est celle de la vente de commerce de gros de vêtements et d'articles de confection pour femmes selon l'attestation de l'expert comptable du 24 novembre 2017confirmée par les constatations de l'expert judiciaire.

L'expert explique que la création d'un arrêt de tramway sur la ligne T3 à Belsunce-Alcazar, mise en place le 30 mai 2015, alors qu'un tel arrêt existait déjà antérieurement au premier octobre 2012 grâce à la ligne T2, ne constitue pas une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant eu une incidence favorable au commerce considéré, puisque 95% des clients de cette société sont des revendeurs détaillants, dont les transactions commerciales n'imposent pas de déplacements fréquents et qui utilisent un moyen de transport essentiellement différent d'un moyen de transport en commun de type tramway. L'expert ajoute que les travaux d'aménagement de la Canebière, qui datent d'avant le premier octobre 2012 et qui ont consisté en une réfection totale de la chaussée a entraîné une forte réduction de la place laissée aux voitures avec un élargissement des trottoirs et des abords pour redonner la place aux piétons.

Le bailleur ne produit aucune pièce permettant d'écarter utilement les constatations et les analyses de l'expert. Il ne démontre pas l'existence d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité (ayant une incidence favorable pour le commerce considéré) ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10% de la valeur locative. Il n'étaye pas son argument relatif à la refonte de la place des capucines et n'apporte aucune démonstration à l'appui de sa demande.

Il convient en conséquence de rejeter la demande de Madame [X] née [P] tendant à voir déplafonner le loyer.

Le jugement déféré du 15 mai 2018 rectifié le 03 juillet 2018 sera infirmé sur ce point. Il sera en revanche confirmé en ce qu'il a ordonné une expertise.

L'article 568 du code de procédure civile énonce que lorsque la cour d'appel infirme ou annule un jugement qui a ordonné une mesure d'instruction, ou qui, statuant sur une exception de procédure, a mis fin à l'instance, elle peut évoquer les points non jugés si elle estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive, après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d'instruction.

Il n'y a pas lieu d'évoquer le dossier et de fixer le montant du loyer annuel au 12 octobre 2016, débat qui se poursuivra devant le premier juge, étant précisé qu'il a été jugé par la cour que le loyer ne pouvait être déplafonné en application de l'article L 145-38 du code du commerce, selon les arguments du bailleur.

Sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

Madame [X] née [P] est essentiellement succombante. Elle sera condamnée aux dépens d'appel qui comprendront le coût de l'expertise judiciaire ordonnée par la cour; ces dépens pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile. Elle sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

Il n'est pas équitable de laisser à la charge de la SARL BAHE les frais irrépétibles qu'elle a exposés en appel. Madame [X] née [P] sera condamnée à lui verser la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a sursis à statuer sur les autres demandes et sur les dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe

INFIRME le jugement du 15 mai 2018 rectifié par le jugement du 03 juillet 2018 en ce qu'il a écarté la règle du plafonnement du loyer en raison l'existence d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10% de la valeur locative,

CONFIRME pour le surplus,

DIT n'y avoir lieu à évocation,

REJETTE la demande de Madame [X] née [P] au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour,

CONDAMNE Madame [X] née [P] à verser à la SARL BAHE la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrpétibles exposés en appel,

CONDAMNE Madame [X] née [P] aux dépens de la présente instance qui comprendront les frais d'expertise judiciaire et qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-7
Numéro d'arrêt : 18/11369
Date de la décision : 26/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-26;18.11369 ?
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