La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/01/2023 | FRANCE | N°22/05787

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 20 janvier 2023, 22/05787


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND

(RENVOI APRES CASSATION)



DU 20 JANVIER 2023



N°2023/ 11



RG 22/05787

N° Portalis DBVB-V-B7G-BJIGY







[R] [K]





C/



Société SNEF







Copie exécutoire délivrée

le 20 janvier 2023 à :



- Me Romain CHERFILS,

avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





- Me Agnès ERMENEUX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE


<

br>







Décisions déférées à la Cour :



Jugement de Départage du Conseil de prud'hommes de Marseille en date du 26 octobre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° F 16/00994.

Arrêt de la Cour d'appel d'Aix en Provence en date du 17 janvier ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

(RENVOI APRES CASSATION)

DU 20 JANVIER 2023

N°2023/ 11

RG 22/05787

N° Portalis DBVB-V-B7G-BJIGY

[R] [K]

C/

Société SNEF

Copie exécutoire délivrée

le 20 janvier 2023 à :

- Me Romain CHERFILS,

avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- Me Agnès ERMENEUX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décisions déférées à la Cour :

Jugement de Départage du Conseil de prud'hommes de Marseille en date du 26 octobre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° F 16/00994.

Arrêt de la Cour d'appel d'Aix en Provence en date du 17 janvier 2020

Arrêt de la Cour de Cassation du 16 février 2022

APPELANT

Monsieur [R] [K], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

S.A SNEF, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Agnès ERMENEUX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Frédéric FRIBURGER, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Novembre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargées du rapport.

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Janvier 2023.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Janvier 2023.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

M. [R] [K] a été engagé en 1994 par la société Industrie Concept Etude Réalisation dite ICER, puis son contrat de travail a été transféré en 2014 à la société mère, la société Snef.

Le salarié a été élu le 18 septembre 2014, pour une durée de deux ans, en qualité de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société.

Le salarié a saisi le 26 avril 2016 la juridiction prud'homale aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, invoquant des modifications de son contrat de travail, un harcèlement moral et une discrimination syndicale.

Selon jugement de départage du 26 octobre 2017, le conseil de prud'hommes de Marseille a débouté M.[K] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

A la suite d'un avis d'inaptitude rendu le 18 décembre 2017 par la médecine du travail et précisant que le maintien dans l'emploi serait gravement préjudiciable à la santé du salarié, selon lettre recommandée du 14 février 2018, M.[K] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

La cour d'appel d'Aix-en-Provence, saisie d'un appel du salarié à l'encontre du jugement du conseil de prud'hommes de Marseille, a rendu le 17 janvier 2020, l'arrêt suivant :

«INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande au titre de la discrimination syndicale,

Statuant à nouveau, y ajoutant,

CONSTATE que M.[K] renonce à ses demandes au titre de l'indemnité de congés payés et de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

FIXE le salaire moyen de M.[K] à la somme de 5 535,51 euros bruts (moyenne des douze derniers mois, treizième mois et prime compris),

DIT que la société SNEF a commis des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société SNEF au jour du licenciement,

En conséquence,

CONDAMNE la société SNEF à payer à Monsieur [K] les sommes suivantes :

' Indemnité compensatrice de préavis 16 607,53 € net

' Indemnité de congés payés afférents au préavis 1 660,58 € nets

' Indemnités au titre des salaires de la période de protection 59.414,47€ nets

' Indemnités de congés payés afférents à cette période de protection 5941,40 € nets

' Indemnités au titre de la perte de participation patronale sur la mutuelle complémentaire 841,70€ nets.

' Indemnités au titre de la perte de l'indemnité de panier 343,46 € nets

' Indemnités au titre de la perte de pension de retraite ETAM/IACtrA 1726,99 € nets

' Indemnités au titre de la perte de pension de retraite complémentaire 7591,26 € nets

' Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 105.000,00 € nets,

DIT que la société SNEF s'est rendue coupable de harcèlement moral à l'encontre de M.[K],

CONDAMNE la société SNEF à payer à M.[K] la somme de 5 000 euros nets CSG-CRDS à titre de dommages et intérêt pour harcèlement moral,

DÉBOUTE M.[K] de sa demande au titre de la violation de l'obligation de sécurité de résultat,

ORDONNE la remise des documents de rupture dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision, sans astreinte,

DIT que les sommes porteront intérêts à compter du jour de la demande en justice en ce qui concerne les rappels de salaires et à compter de l'arrêt en ce qui concerne les dommages et intérêts, et que les intérêts de ces sommes seront capitalisés,

CONDAMNE la société SNEF à payer à Monsieur [K] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNE la société SNEF aux entiers dépens.»

Par arrêt du 16 février 2022, la Cour de cassation a statué ainsi :

«CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société SNEF à verser à M. [K] :

- une indemnité au titre des salaires de la période de protection d'un montant de 59 41 4,47 euros,

- une indemnité de congés payés afférents à cette période de 5 941,40 euros,

- une indemnité au titre de la perte de participation patronale sur la mutuelle complémentaire de 841,70 euros nets,

- une indemnité au titre de la perte de panier de 343,46 euros,

- une indemnité au titre de la perte de pension retraite ETAM de 1 726,99 euros nets,

- une indemnité au titre de la perte de pension de retraite complémentaire de 7 591,26 euros nets

- une somme de 105 000 euros nets à titre de dommages-intéréts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

l'arrêt rendu le 17 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne M. [K] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes .»

Par déclaration notifiée par voie électronique le 20 avril 2022, M.[K] a saisi la cour de renvoi.

L'affaire a été fixée pour plaidoiries à l'audience du 8 novembre 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 2 novembre 2022, M.[K] demande à la cour de :

« INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Marseille,

Statuant de nouveau,

JUGER que la période de protection du salarié protégé court au jour de l'introduction de l'instance,

En conséquence,

CONDAMNER la société SNEF à payer à Monsieur [K] les sommes suivantes :

- Indemnités au titre des salaires de la période de protection 59 414.47€ nets

- Indemnités de congés payés afférents à cette période de protection 5 941.40 € nets

- Indemnités au titre de la perte de participation patronale sur la mutuelle complémentaire 814.70 € nets.

- Indemnités au titre de la perte de l'indemnité de panier 343.46 € nets

- Indemnités au titre de la perte de pension de retraite ETAM/IACtrA 1 726.99€ nets

- Indemnités au titre de la perte de pension de retraite complémentaire 7 591.26€ nets

A TITRE PRINCIPAL, JUGER il existe un lien d'indivisibilité unissant le chef cassé de l'indemnité devant revenir à Monsieur [K] suite à son licenciement et la demande afférente à la qualification des effets de la résiliation judicaire du contrat de travail de Monsieur [K] en ceux d'un licenciement nul.

JUGER que la résiliation judicaire prononcée aux torts exclusifs de la société SNEF au jour du licenciement ne produit pas les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse mais les effets d'un licenciement nul,

En conséquence,

CONDAMNER la société SNEF a versé à Monsieur [K] :

A titre principal la somme de 299 268.65 euros Nets CSG-CRDS de dommages et intérêts pour licenciement nul,

A titre subsidiaire la somme de 182 890.61 euros nets CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

JUGER que la question relative au manquement à l'obligation de prévention n'a pas été atteint par la cassation présente un lien de dépendance nécessaire avec la question relative au harcèlement moral et à la résiliation judiciaire prononcée pour des faits de harcèlement.

JUGER que tout changement de norme pourra être invoqué lors d'un procès en cours, tant qu'une décision de justice irrévocable n'est pas intervenue,

A TITRE SUBSIDIAIRE, JUGER que le montant des dommages et intérêts revenant à Monsieur [K] doivent s'élever à la somme de 91 335.91 euros, soit 16.5 mois de salaires,

JUGER que constitue un changement de norme le fait qu'une faute dommageable de l'employeur ouvrait droit à une indemnisation, sans qu'il soit nécessaire de produire d'autres éléments probants

En conséquence,

CONDAMNER la société SNEF au paiement de la somme de 30 000 euros nets CSG-CRDS de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de prévention,

CONFIRMER la condamnation de la société SNEF au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du CPC prononcé lors de l'arrêt du 17 janvier 2020.

CONDAMNER la société SNEF en outre au paiement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du NCPC en considération des frais exposés après plus de six années de procédure,

CONDAMNER la société SNEF aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel ainsi qu'aux intérêts de droit à compter de la saisine du conseil de Prud'hommes, ceux d'appel distraits au profit de Maître Romain CHERFILS, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, Avocats associés, aux offres de droit.»

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 7 novembre 2022, la société SNEF demande à la cour de :

«Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Marseille du 26 octobre 2017, hormis sur le chef des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Infirmer partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau,

Juger que l'indemnisation allouée à M.[K] doit être déterminée en application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, et qu'elle doit être limitée au minimum légal de 3 mois de salaire soit 16 606,53 euros,

Subsidiairement,

Juger que l'indemnisation allouée à M.[K] sur le fondement de l'article L.1235-3-1 du code du travail doit être limitée au minimum légal de 6 mois de salaire soit 33 213,06 euros,

En tout état de cause,

Condamner M.[K] à verser la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .»

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE L'ARRÊT

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur les demandes au titre de la violation du statut protecteur

Le salarié considère que dans son arrêt du 16 janvier 2022 (sic), la Cour de cassation est revenue sur sa jurisprudence en jugeant que les indemnités relatives à la période de protection ne sont dues que si le mandat est toujours en cours au jour de la rupture du contrat de travail.

Il considère que cette règle pose difficulté, le privant des droits qui étaient les siens au jour de la demande, et réclame en conséquence une indemnité au titre des salaires pour la période du 26 avril 2016 au 18 mars 2017 et des indemnités au titre de la participation patronale à la mutuelle complémentaire, perte de retraite ETAM, perte de retraite complémentaire et perte de l'indemnité de repas.

La société fait valoir qu'à la date d'effet de la résiliation judiciaire, fixée à celle de son licenciement, M.[K] ne bénéficiait plus du statut protecteur depuis le 31 mars 2017 et que l'esprit de la Loi ne permet pas de retenir l'analyse du salarié, considérant en outre qu'en opportunité, cela reviendrait à indemniser par deux fois M.[K] puisque le contrat de travail s'est poursuivi au-delà de la période de protection.

Accueillant le deuxième moyen de cassation pris dans sa première branche, soulevé par la société, la Haute Cour a, au visa de l'article L. 2411-13 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 et l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, rappelé qu'en application de ces textes, le salarié protégé dont la demande de résiliation judiciaire est accueillie n'a droit, au titre de la violation de son statut protecteur, qu'au paiement d'une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait dû percevoir jusqu'a l'expiration de la période de protection en cours au jour de sa demande en résiliation.

Elle a précisément sanctionné la cour d'appel, pour avoir alloué une indemnité à compter de la demande de résiliation judiciaire, soit du 26 avril 2016 - date de la saisine du conseil de prud'hommes - au 18 mars 2017, date de la fin de son statut protecteur, alors que si la période de protection était en cours au moment de la demande, elle était expirée lorsqu'elle a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Contrairement à ce qu'indique M.[K], la Cour de cassation a déjà statué en ce sens et notamment par l'arrêt du 8 avril 2021 (n°18-21901) et dès lors il ne peut exciper utilement d'un revirement de jurisprudence.

Il convient de préciser qu'au contraire de la prise d'acte, la demande de résiliation judiciaire ne produit aucun effet immédiat, le contrat de travail se poursuivant comme les mandats dont le salarié est investi, et la date de la résiliation judiciaire ne pouvant être celle de la demande en justice, en l'espèce.

En conséquence, à la date de prononcé de la résiliation judiciaire - non remise en cause par l'arrêt de cassation - soit le 14 février 2018, le mandat n'étant plus en cours et la période de protection étant expirée le 18 mars 2017, le salarié est mal fondé à solliciter des sommes au titre de la violation du statut protecteur et dès lors doit être débouté de ses demandes à ce titre.

Sur la résiliation judiciaire et ses effets

Les parties s'accordent à dire que les moyens du pourvoi soutenus par la société quant à la rupture, ayant été rejetés, la décision de la cour est devenue définitive quant à l'imputabilité de la rupture, à l'employeur.

1- Sur les demandes au titre d'un licenciement nul

M.[K], au visa des articles 624, 625 et 638 du code de procédure civile, considère que les dispositions de l'arrêt cassé concernant l'évaluation des dommages et intérêts devant lui être alloués se trouvent dans un lien de dépendance nécessaire avec le chef non cassé relatif aux effets de la résiliation judiciaire lui permettant de dire que cette dernière produit les effets d'un licenciement nul en raison de son statut de salarié protégé et du fait qu'elle est fondée sur des faits de harcèlement, et donc de solliciter des dommages et intérêts pour licenciement nul.

La société indique que M.[K] n'explicite nullement le prétendu lien d'indivisibilité ou de dépendance, estimant les jurisprudences citées par le salarié non transposables et rappelle le périmètre de la cassation, pour dire irrecevables les demandes du salarié et inapplicables les dispositions de l'article L.1235-3-1 du code du travail, relatives au licenciement nul.

L'article 623 du code de procédure civile dispose : «La cassation peut être totale ou partielle. Elle est partielle lorsqu'elle n'atteint que certains chefs dissociables des autres.»

L'article 624 du même code prévoit que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

L'article 625 du même code prescrit : « Sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé. Elle entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.(...)».

L'article 633 du même code édicte que la recevabilité des prétentions nouvelles est soumise aux règles qui s'appliquent devant la juridiction dont la décision a été cassée.

L'article 638 du même code prévoit que l'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation.

La cour de renvoi constate que les demandes de M.[K] ont été les mêmes tant devant le conseil de prud'hommes de Marseille que devant la cour et qu'elles étaient présentées sous la même forme, soit une demande de résiliation judiciaire ayant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, puis une simple demande à titre de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral.

Dès lors que la demande visant à dire le licenciement nul est entièrement nouvelle, elle est irrecevable devant la cour de renvoi.

En outre, dans ses motifs comme dans son dispositif, la Cour de cassation n'a pas remis en cause les effets de la résiliation judiciaire tels que prononcés par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, à savoir un licenciement sans cause réelle et sérieuse mais seulement une violation de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017, applicable à une rupture consacrée postérieurement à ce texte, concernant l'indemnité allouée, laquelle était supérieure au maximum fixé par celui-ci.

En conséquence, les demandes de M.[K] ne peuvent prospérer.

2- Sur l'indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salarié expose à l'appui de sa demande visant à lui allouer 16,5 mois de salaire qu'il avait une ancienneté de 22 ans, des charges de famille (deux enfants étudiants et son épouse) et qu'âgé de 56 ans, ses chances de retrouver un emploi sont corrompues, rappelant qu'il a bénéficié des indemnités chômage pendant 24 mois.

La société demande une stricte application de l'article L.1235-3 du code du travail à savoir le minimum de trois mois, ne remettant plus en cause le salaire moyen fixé par la cour à de céans à 5 535,51 euros bruts.

Tenant compte de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise, du fait qu'il n'a pu tiré que de faibles revenus de son entreprise créée après son licenciement et a été indemnisé par Pôle Emploi pendant une longue période, la cour fixe à la somme de 91 335 euros, la juste indemnité revenant à M.[K], avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt cassé partiellement.

3- Sur la sanction de l'article L.1235-4 du code du travail

Aux termes de ce texte, notamment dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Cette sanction doit être appliquée d'office à hauteur de six mois.

Sur l'obligation de sécurité

Le salarié indique que la question relative au manquement à l'obligation de prévention n'a pas été atteinte par la cassation mais considère qu'elle présente un lien de dépendance nécessaire avec la question relative au harcèlement moral et à la résiliation judiciaire prononcée pour des faits de harcèlement.

Il fait état subsidiairement d'un changement de norme consacré par deux arrêts de la Cour de cassation du 19 janvier 2022, dont il déduit que le manquement de l'employeur à une obligation de prévention ne se confond pas avec le harcèlement moral et cause nécessairement un préjudice distinct au salarié.

La société invoque l'irrecevabilité de la demande, le salarié n'ayant pas formé de pourvoi incident sur ce point et ce chef de préjudice ne présentant aucun lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire avec ceux atteints par la cassation, soit l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle de la période de protection.

Elle considère que la décision de la cour de céans a donc l'autorité de la chose jugée, les arrêts visés par M.[K] ayant mis un terme à la règle prétorienne d'irrecevabilité du moyen de cassation visant une décision par laquelle la juridiction de renvoi s'est conformée à la doctrine de l'arrêt de cassation, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Elle rappelle subsidiairement que la dichotomie des préjudices n'est pas nouvelle, de sorte que M.[K] n'est pas fondé à invoquer un changement de norme et conclut très subsidiairement à l'absence d'un préjudice démontré.

Le rejet de la demande visant à obtenir des dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité n'a pas fait l'objet d'un pourvoi incident de la part du salarié, de sorte que les dispositions de l'arrêt du 17 janvier 2020 sont devenues définitives.

Dès lors, le salarié est mal fondé à opposer tant un lien de dépendance avec le harcèlement moral qu'un changement prétendu de norme.

En conséquence, la demande doit également être rejetée.

Sur les frais et dépens

La société doit s'acquitter des dépens, être déboutée de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à ce titre payer la somme de 2 500 euros à M.[K].

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 16 février 2022,

Statuant dans les limites de la cassation,

Confirme le jugement entrepris SAUF dans ses dispositions relatives au rejet de la demande de résiliation judiciaire ayant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau du chef infirmé et Y ajoutant,

Condamne la société Snef à payer à M. [R] [K] la somme de 91 335 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2020,

Ordonne le remboursement par la société Snef à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de 6 mois,

Dit qu'à cette fin, une copie certifiée conforme de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi, par le greffe,

Condamne la société Snef à payer à M.[K] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M.[K] de ses autres demandes,

Condamne la société Snef aux dépens de la présente procédure.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 22/05787
Date de la décision : 20/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-20;22.05787 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award