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20/01/2023 | FRANCE | N°19/04263

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 20 janvier 2023, 19/04263


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 20 JANVIER 2023



N°2023/ 10



RG 19/04263

N° Portalis DBVB-V-B7D-BD6K3







SARL 'LES OLIVERAIES DU MAS DE BEDARRIDES'





C/



[U] [M]









Copie exécutoire délivrée le 20 janvier 2023 à :



- Me Jean raphaël FERNANDEZ, avocat au barreau de MARSEILLE





-Me François MAIRIN,

avocat au barreau de TARASCON




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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage d'ARLES - section A - en date du 25 Juin 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 10/75.





APPELANTE



SARL 'LES OLIVERAIES DU MAS DE ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 20 JANVIER 2023

N°2023/ 10

RG 19/04263

N° Portalis DBVB-V-B7D-BD6K3

SARL 'LES OLIVERAIES DU MAS DE BEDARRIDES'

C/

[U] [M]

Copie exécutoire délivrée le 20 janvier 2023 à :

- Me Jean raphaël FERNANDEZ, avocat au barreau de MARSEILLE

-Me François MAIRIN,

avocat au barreau de TARASCON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage d'ARLES - section A - en date du 25 Juin 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 10/75.

APPELANTE

SARL 'LES OLIVERAIES DU MAS DE BEDARRIDES', demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Jean raphaël FERNANDEZ de la SELARL FERNANDEZ GUIBERT & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [U] [M], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 08 Novembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Isabelle MARTI, Président de chambre suppléant, chargées d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Janvier 2023.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Janvier 2023

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

La société «Les Oliveraies du Mas de Bédarrides» dont le siège social était situé à [Localité 2] et la gérante était Mme [G] [H], a embauché à compter du 1er janvier 2008, M. [U] [M], en qualité d'ouvrier agricole spécialisé coefficient 115, la convention collective des exploitations agricoles du département des Bouches du Rhône étant applicable.

Sa rémunération brute mensuelle était fixée à 1 580 euros pour 39 heures hebdomadaires de travail.

Le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'Arles le 23 février 2010, aux fins d'obtenir notamment le paiement d'heures supplémentaires, de congés non pris, sollicitant également la revalorisation de sa qualification professionnelle.

Convoqué le 8 mars 2010 à un entretien préalable au licenciement fixé au 18 mars 2010, M. [M] a été licencié pour faute grave par lettre recommandée du 30 mars 2010.

Selon jugement du 25 juin 2014, le conseil de prud'hommes en sa formation de départage, a statué comme suit :

Dit que Monsieur [U] [M] justifie d'heures supplémentaires pour les années 2008 (534 heures) et 2009 (293 heures).

Condamne la SARL LES OLIVERAIES DU MAS DE BEDARRIDES à payer à M. [M] la somme de 6 993,33 € au titre des heures supplémentaires outre la somme de 699,33€ à titre d'incidence congés payés.

Dit que M. [M] a été dans une situation de travail dissimulé en raison d'heures déclarées sur le bulletin de paies inférieures à celles effectivement réalisées.

Condamne la SARL LES OLIVERAIES DU MAS DE BEDARRIDES à payer à M. [M] la somme de 10 404, 96 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé.

Condamne la SARL LES OLIVERAIES DU MAS DE BEDARRIDES à payer à M. [M] la somme de 1 000 € pour non-respect des durées maximales de travail.

Condamne la SARL LES OLIVERAIES DU MAS DE BEDDARRIDES à payer à M. [M] la somme de 1 133, 90 € au titre des congés payés non pris en 2008.

Dit que le licenciement de M. [M] est sans cause réelle et sérieuse.

Condamne la SARL LES OLIVERAIES DU MAS DE BEDARRIDES à payer à M. [M] la somme de 35 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamne la SARL LES OLIVERAIES DU MAS DE BEDARRIDES à payer à M. [M] la somme de 3 468, 32 € à titre d'indemnité de préavis outre la somme de 346, 83 € à titre d'incidence congés payés.

Condamne la SARL LES OLIVERAIES DU MAS DE BEDARRIDES à payer à M. [M] la somme de 346, 82 € à titre d'indemnité de licenciement.

Condamne la SARL LE SOLIVERAIRS DU MAS DE BEDARRIDES à délivrer à M. [M] les documents sociaux conformes à la présente décision (bulletin de paie, attestation pôle emploi').

Déboute Monsieur [U] [M] du surplus de ses demandes.

Déboute la SARL LES OLIVERAIES DU MAS DE BEDARRIDES de l'intégralité du surplus de ses demandes reconventionnelles.

Condamne la SARL LES OLIVERAIES DU MAS DE BEDARRIDES à payer à M. [M] la somme de 400 € en application de l'article 700 du CPC.

Condamne la SARL LES OLIVERAIES DU MAS DE BEDARRIDES aux entiers dépens. Dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire.

Le conseil de la société a interjeté appel par déclaration du 23 juillet 2014.

L'affaire a été radiée selon arrêt du 3 mars 2017.

Après conclusions de remise au rôle du 6 mars 2019, les parties ont été convoquées pour l'audience du 8 novembre 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions développées oralement, la société demande à la cour de:

Réformer dans son ensemble le dispositif du jugement concerné, à l'exception de l'appréciation retenue au titre de la qualification professionnelle du salarié.

Débouter le salarié de ses entières demandes.

Condamner le salarié à rembourser la somme de 12 642,21 euros déjà versée au titre de l'exécution provisoire.

Condamner le salarié à verser à l'employeur la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner le salarié aux entiers dépens.

Le cas échéant, accorder à l'employeur un délai de 24 mois pour s'acquitter d'éventuelles condamnations.

Dans ses dernières écritures reprises lors des débats, M. [M] demande à la cour de :

« Déboutant la partie adverse de toute demande, fin ou prétention plus ample ou contraire,(...)

L'infirmer pour le surplus, et ce faisant,

Condamner la SARL LES OLIVERAIES DU MAS DE BEDARRIDES à payer à Monsieur [M] les sommes suivantes :

- 30.692,52 euros au titre de rappel des heures supplémentaires 2005-2009 non-payées outre 3.069,25 euros à titre d'incidence sur congés payés.

- 3 000 euros à titre d'indemnité pour non-paiement des heures supplémentaires,

- 3 000 euros à titre d'indemnité pour atteinte à la sécurité du travailleur,

- 5 000 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la qualification professionnelle,

Au principal, dire et juger que le licenciement est nul et subsidiairement qu'il est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamner la SARL LES OLIVERAIES DU MAS DE BEDARRIDES à payer à Monsieur [M] les sommes suivantes :

- 12 042, 77 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 1 734, 16 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

- 62 429, 76 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamner la SARL LES OLIVERAIES DU MAS DE BEDARRIDES à délivrer à Monsieur [M] les bulletins de salaires 2005-2010 dûment rectifiés sous astreinte de 30 euros par jour de retard.

Condamner la SARL LES OLIVERAIES DU MAS DE BEDARRIDES à délivrer à Monsieur [M] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et le bulletin de salaire du mois de mars 2010 dûment rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter de la notification de la décision à intervenir.

Condamner la SARL LES OLIVERAIES DU MAS DE BEDARRIDES à payer à Monsieur [M] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du CPC, en cause d'appel.

Condamner la SARL LES OLIVERAIES DU MAS DE BEDARRIDES aux entiers dépens.»

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties visées par le greffier à l'audience.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la relation contractuelle

Dans le cadre de sa demande d'heures supplémentaires remontant à l'année 2005, l'intimé fait état d'un transfert du contrat de travail : il conteste sa signature sur le contrat de 2008 ainsi que sur la lettre de démission concomitante. Il invoque un lieu d'exploitation qui est le même et dès lors s'estime fondé à solliciter la condamnation de Mme [H] à payer les heures supplémentaires pour les années 2005-2009.

La société soutient l'irrecevabilité de la demande pour la période de 2005-2007, expliquant que si M. [M] était salarié de Mme [G] [H], il n'y a pas eu de continuité juridique, considérant l'article L.1224-1 du code du travail inapplicable, en raison de l'absence d'apport en nature, et d'une activité modifiée, relevant également le défaut de fondement matériel de la demande.

Le premier juge a rejeté l'ensemble des demandes du salarié antérieures à 2008, à défaut de contrat de travail produit.

Il est constant toutefois que M. [M] a commencé à travailler «pour la famille [H]» à compter de juin 1986, comme le démontre les bulletins de salaire qu'il produit intégralement mais aussi de très nombreuses attestations, citant sa présence aux côtés de M. [T] [H] puis de Mme [G] [H].

En réalité, il s'évince des documents produits et notamment des inscriptions au registre du commerce que cette dernière, reprenant la suite de son époux [T], exerçait jusqu'au 31 décembre 2007, en son nom propre, à la fois une activité agricole et une activité de moulin à huile.

Les activités ont ensuite été scindées, la société «Les Oliveraies du Mas de Bédarrides» créée début 2008 (pièce n°20 de l'appelante), ayant pour objet l'exploitation, la conservation, la gestion des biens agricoles dépendant du mas de Bédarrides et la société «Moulin à huile [T] [H] et Fils», créée le 20 juin 2008, ayant pour activité la fabrication, le stockage et la commercialisation de l'huile d'olive, paraissant être dirigée par [Y] [H].

L'article L.122-12 du code du travail devenu en mai 2008, l'article L.1224-1 prévoit : «S'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.»

Ces règles d'ordre public ont vocation à s'appliquer, comme répondant exactement à la situation sus-visée de mise en société, étant précisé qu'en outre, il est établi le transfert d'une unité économique à savoir l'exploitation agricole, dans laquelle les pouvoirs de Mme [H] sont demeurés inchangés.

Dès lors, le contrat de travail a été totalement transféré puisqu'il s'exécutait pour l'essentiel dans le secteur qui a fait l'objet du transfert.

En conséquence, la démission invoquée comme la signature d'un nouveau contrat (pièces n°13 de la société) étaient non seulement inutiles mais en tout état de cause la cour relève leur caractère douteux, eu égard à l'absence de similitude avec la signature du salarié résultant de son passeport, M. [M] apportant en outre la preuve par la pièce n°25 que son frère [L] a été embauché en 2005 par Mme [H] et qu'il s'agit de la signature de celui-là - contrairement aux affirmations de la comptable, au demeurant dans le cadre d'une attestation non conforme à l'article 202 du code de procédure civile (pièce n°14).

Dès lors, la cour dit que la relation contractuelle s'établit à compter du 1er janvier 1986 étant précisé que le salarié s'accorde à dire que l'ancienneté remontant à 1978, telle que figurant sur le certificat de travail et sur les bulletins de salaire à compter de 2009, résulte d'une erreur, probablement du service comptable.

Sur la qualification professionnelle

Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.

Au visa de l'article 26 de la convention collective applicable, M. [M] indique qu'employé depuis plus de 24 ans dans l'exploitation, il avait une parfaite maîtrise des moyens d'exploitation et encadrait du personnel, revendiquant la catégorie ouvrier hautement qualifié niveau II coefficient 180.

C'est par des motifs exacts et pertinents adoptés par la cour que le premier juge a, énonçant le texte conventionnel sur les tâches des deux emplois, dit que les pièces produites par M. [M], soit uniquement des attestations, ne démontraient pas que l'intimé avait effectué celles d'ouvrier hautement qualifié décrites par la convention collective.

La cour ajoute que si le salarié faisait preuve de polyvalence et était amené en qualité de salarié permanent et le plus ancien d'une toute petite entreprise, à donner des ordres aux saisonniers sur des périodes très restreintes, ces éléments sont insuffisants à lui permettre d'obtenir une plus haute qualification que celle attribuée.

En conséquence, la demande indemnitaire de M. [M] a été à juste titre rejetée.

Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Au titre des années 2005, 2006 et 2007, la demande de M. [M] est recevable, au regard des règles relatives au transfert du contrat de travail, notamment de l'article L.1224-2 du code du travail qui prévoit que le nouvel employeur est tenu aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur.

Toutefois, la cour relève que l'intimé ne produit aucun décompte précis, aucun calendrier sur les périodes concernées, se référant par comparaison uniquement aux heures supplémentaires effectuées ultérieurement, ce qui ne permet pas à l'employeur de répondre.

En conséquence, il convient de rejeter l'appel incident sur ce point.

Pour les années 2008 et 2009, le premier juge a, à juste titre, retenu que le salarié présentait des éléments de nature à étayer sa demande, par certaines des attestations, des décomptes hebdomadaires repris dans les conclusions devant la cour en pages 20 & 22.

La cour ajoute que les pièces n°5 et 7, sont des feuilles de calcul écrites manifestement par l'employeur, du fait des calculs et termes employés, par exemple «à fin novembre 2009, les oliveraies vous doivent 140 euros qui vous seront réglés sur les paies à venir», expression récurrente dans ces documents manuscrits, lesquels présentent des chiffres précis quant au nombre d'heures supplémentaires accomplies, sur la période restreinte de cueillette des olives soit d'octobre à décembre, mais également une forme de compensation entre des indemnités kilométriques accordées, des indemnités de panier, ce qui n'est pas admissible.

De son côté, l'employeur se borne à critiquer les éléments fournis par le salarié, sans jamais s'expliquer de façon concrète sur les importantes indemnités kilométriques attribuées les mois concernés et n'apportant pas la contradiction sur les horaires pratiqués à ces périodes, par des éléments objectifs, les deux seules attestations produites pour l'une ne concernant pas M. [M] et l'autre étant établie en termes généraux quant à un départ du salarié à 18h mais sans préciser les jours concernés.

La cour relève en outre que même si l'essentiel du travail effectué après cet horaire concernait le moulin à huile, les attestations très nombreuses des voisins et clients démontrent que M. [M] a toujours procédé à la réception des olives provenant des autres propriétés alentours, que même si ce travail supplémentaire était fait au profit d'une autre entité, l'employeur les a reconnues dans ses feuilles de calcul, eu égard à l'imbrication des personnes et des lieux.

En conséquence, après analyse des pièces présentées par les parties, la cour a la conviction que M. [M] a effectué des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été réglées .

Cependant, s'agissant de l'année 2009, les calculs opérés par l'intimé à hauteur de 534h30 ne correspondent pas au relevé manuscrit de la pièce n°7 qui établit tout au plus le nombre d'heures à 119h30 et la cour constate en outre que le calcul sur les deux années n'est pas conforme à l'article 42 de la convention collective lequel ne prévoit une majoration de 50% qu'à compter de la 47ème heure.

Dès lors, la créance salariale s'établit pour l'année 2008 à la somme de 1 469,96 euros outre 147 euros au titre des congés payés afférents et pour l'année 2009, à 3846,95 euros outre 384,70 euros au titre des congés payés afférents.

Sur le travail dissimulé

C'est par des motifs exacts et pertinents que le premier juge a retenu la dissimulation intentionnelle du nombre d'heures effectuées, l'explication sur les indemnités kilométriques donnée par l'employeur n'étant pas crédible et la seule pièce présentée par lui (n°42) insuffisante à établir l'existence de distances parcourues pour le compte de l'entreprise, alors même que le domicile du salarié était très proche du siège de l'exploitation et n'a pas été modifié au cours de la période contractuelle.

La méthode utilisée avait notamment pour effet d'éviter à l'employeur de payer des charges sociales, ne pouvant bénéficier d'aucune exonération à ce titre et dès lors, le jugement doit être confirmé quant à l'allocation de l'indemnité forfaitaire au salarié.

Sur la durée maximale de travail

Même après avoir rectifié le compte des heures supplémentaires, il s'avère que la société a manqué à ses obligations à plusieurs reprises concernant le respect des durées maximales quotidiennes et hebdomadaires, ce qui a causé à M. [M] un préjudice certain, puisqu'il ressort des décomptes qu'il travaillait les samedis et dimanches à certaines périodes.

En conséquence, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que l'employeur n'avait pas préservé la santé de son salarié en ne lui accordant pas de repos suffisants mais M. [M] ne démontre pas un préjudice plus ample que celui fixé en première instance.

Sur le préjudice distinct

L'intimé ne justifie pas d'un préjudice distinct du non paiement des heures supplémentaires ou d'un préjudice qui n'aurait pas déjà été indemnisé en lien avec le non respect de la législation, de sorte que sa demande incidente doit être rejetée.

Sur les congés non pris

Le salarié prétend qu'au cours de l'année 2007-2008, il a été dans l'impossibilité de prendre ses congés (il n'a pris qu'un seul jour) ; il indique qu'en avril 2009, il a posé 16 jours de congés imputés sur l'année 2008 et qu'en 2009, il n'a pu poser 17 jours dont il réclame la liquidation.

Qualifiant d'ubuesque voire d'incompréhensible l'argumentation de la société, il rappelle qu'il appartient à l'employeur de prendre toutes les mesures pour permettre au salarié de prendre ses congés payés.

La cour relève que le raisonnement de la société est parfaitement clair et est basé sur les bulletins de salaire dont il résulte que :

- au 31/05/2008, soit à la fin de la période de référence, le salarié avait pris 10 jours en janvier 2008 (et non pas 1 seul) et que restaient sur son compte 29 jours,

- au 31/05/2009, il avait bénéficié de 12 jours de congés payés imputés sur les 29 acquis, de sorte qu'il lui restait au total 47 jours (17 de l'année N-1 outre 30 de l'année N) comme le démontre le bulletin de salaire de juillet 2009,

- les 17 jours ont été purgés au mois d'août 2009, le bulletin de salaire de fin août ne faisant plus apparaître que les 30 jours acquis.

Non seulement M. [M] ne peut réclamer le paiement de ces 17 jours déjà pris mais il n'a pas émis de critique sur le solde de tout compte qui doit mentionner l'indemnité compensatrice de congés payés ; par ailleurs, il ne démontre d'aucune façon qu'il aurait été empêché de prendre des congés chaque année, le décompte visé ci-dessus démontrant le contraire .

En tout état de cause et conformément à la jurisprudence qu'il cite lui-même, il ne pourrait prétendre qu'à une indemnité en réparation du préjudice subi, alors qu'il fait un calcul arithmétique non fondé.

En conséquence, c'est à tort que la décision déférée a, sans aucun motif, fait droit à sa demande.

Sur la rupture du contrat de travail

La seule concomitance entre la saisine du conseil de prud'hommes par le salarié et le licenciement ne peut avoir pour effet de démontrer que ce dernier était une mesure de rétorsion à l'action en justice et ce d'autant que la lettre de licenciement est exempte de toute allusion à la procédure en cours, de sorte que la demande en nullité ne peut prospérer.

1- Sur le bien fondé du licenciement

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, même pendant la durée du préavis ; l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement du 30 mars 2010 qui fixe les limites du litige évoque en substance les fautes qualifiées de graves, suivantes :

- avoir le 3 février 2010, en état d'ébriété, dirigé une manoeuvre hasardeuse ayant eu pour effet de détruire le mur d'un petit bâtiment,

- ne pas avoir attaché la tige maîtresse correctement ce qui sur 16 pieds a provoqué sous le poids de la neige le 7 mars 2010 leur destruction et avoir négligé de butter 39 de ces plants,

- des absences injustifiées les 21 décembre 2009, 8 janvier 2010 et 8 mars 2010,

- avoir adapté une attitude inquiétante en tenant des propos agressifs le 5 mars 2010 tant à l'égard de la comptable que de Mme [H].

Le premier juge a de façon exhaustive examiné les trois premiers motifs ci-dessus-visés en les écartant, considérant qu'il existe un doute sur le quatrième.

L'appelante, qui a la charge de la preuve, n'apporte aux débats aucun élément nouveau devant la cour, qui adoptant les motifs du premier juge, ajoute que :

- le premier grief n'est sous-tendu que par une seule attestation ; il n'est pas établi que le salarié avait bu de l'alcool et était coutumier du fait mais surtout la manoeuvre avec un chariot élévateur n'a pas été conduite par M. [M] mais a été effectuée par le propre fils de la gérante, également salarié, sur lequel le salarié n'avait aucune autorité ; en tout état de cause, il n'est démontré aucun préjudice par la société, laquelle au demeurant n'a pas même adressé un courrier ou une sanction alors qu'elle avait été avertie des faits immédiatement et ne peut invoquer utilement une intention de nuire de la part du salarié, le fait de démolition ne pouvant lui être imputé,

- s'agissant du défaut d'entretien des arbres ou de mauvaises pratiques, la société qui qualifie ces actes de négligence ou de désintérêt professionnel n'établit pas l'intention maligne dont elle se prévaut de la part de M. [M], de sorte que la faute ne peut être retenue,

- outre la prescription des faits pour absences injustifiées de décembre et janvier, il est démontré par les bulletins de salaire que pour les dates visées, le salarié était en congés payés et le 8 mars 2010, l'intimé par sa pièce n°58 justifie d'un relevé de neige de 28 cm à [Localité 2], de sorte que l'événement exceptionnel est seul à l'origine de la destruction d'arbres et que même si le salarié est venu sur son lieu de travail à 14h pour venir chercher le chèque de sa paye du mois de février, il ne peut lui être reproché d'être reparti eu égard aux difficultés de circulation générées par cet épisode neigeux,

- l'attestation de M. [E] (pièce n°50 de l'appelante) ne fait état que d'un ton agressif de la part de M. [M] - venu le 5 mars 2010 pour chercher son chèque de la paye de février - vis à vis de la comptable, le geste décrit n'étant pas corroboré par d'autres éléments et la comptable évoque des «vociférations» mais il n'est pas établi de menaces comme indiqué dans la lettre de licenciement; de la même façon, lors de l'entrevue avec Mme [H], l'orthophoniste a entendu des éclats de voix, des «vociférations» et le mot tribunal mais aucun des témoignages produits ne fait état de menaces, la cour relevant au demeurant un décalage des horaires entre les faits rapportés par les témoins et rappelant que le tribunal était déjà saisi par M. [M].

La cour observe au demeurant que lors de l'entretien préalable au licenciement tel que retranscrit par le conseiller du salarié (pièce n°15), ce dernier a répondu à l'ensemble des griefs en acceptant par respect pour sa patronne la présence d'un tiers et à la fin, la gérante Mme [H] a démontré son affection pour lui, ce qui conduit à écarter toute intention maligne ou menaçante de la part du salarié et dès lors un traumatisme ayant pu subsister de ce fait.

En considération de ces éléments, la cour dit que le licenciement disciplinaire n'est pas fondé et s'analyse en conséquence comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, par confirmation du jugement entrepris.

Sur les conséquences financières du licenciement

L'indemnité compensatrice de préavis n'est pas autrement discutée et correspond à deux mois de salaire conformément à l'article 53 de la convention collective.

L'indemnité conventionnelle de licenciement fixée à 1/10ème de mois étant moins favorable que les dispositions relatives à l'indemnité légale de licenciement prévues à l'article R.1234-2 du code du travail, ces dernières doivent être retenues mais dans la version antérieure au 27 septembre 2017, à savoir que l'indemnité ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté, le calcul de l'intimé étant erroné comme reprenant des dispositions actuelles.

En conséquence, le salaire de référence étant de 1 734,16 euros (moyenne des douze derniers mois telles que résultant de l'attestation Pôle Emploi et montant retenu par le salarié) et son ancienneté étant non de 24 ans et 10 mois ou 31 ans comme il le soutient, mais de 23 ans et 11 mois en tenant compte du préavis, le montant revenant à M. [M] est de 11 512,26 euros.

Tenant compte de la taille de la société (4 salariés suivant l'attestation Pôle Emploi), de l'irrégularité de procédure concernant l'assistance de l'employeur par une personne étrangère à la société, de l'âge du salarié lors de la rupture (55 ans), des circonstances de celle-ci et du fait qu'il n'a pas retrouvé d'emploi permanent dans l'année qui a suivi et a été indemnisé par Pôle Emploi ainsi qu'il en est justifié, la cour fixe l'indemnisation globale pour licenciement abusif et irrégulier de M. [M] à la somme de 35 000 euros, par confirmation du jugement.

L'employeur doit être condamné à remettre les documents conformes au présent arrêt.

Sur les demandes de la société

Le présent arrêt, infirmatif partiellement, constitue s'il y a lieu, le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, et dès lors il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la société en restitution des sommes versées du fait de l'exécution provisoire.

La demande de la société visant à obtenir des délais de paiement n'est étayée par aucun document et doit être rejetée comme non fondée.

Sur les frais et dépens

La société appelante qui succombe au principal, doit s'acquitter des dépens d'appel, être déboutée de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à ce titre payer à M. [M] la somme supplémentaire de 1 600 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme le jugement entrepris dans ses seules dispositions relatives au montant des heures supplémentaires 2008 et 2009, aux congés non pris et à l'indemnité légale de licenciement,

Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés et Y ajoutant,

Condamne la société «Les Oliveraies du Mas de Bédarrides» à payer à M. [U] [M], les sommes suivantes :

- 1 469,96 euros au titre des heures supplémentaires de l'année 2008,

- 147 euros au titre des congés payés afférents,

- 3 846,95 euros au titre des heures supplémentaires de l'année 2009,

- 384,70 euros au titre des congés payés afférents,

- 11 512,26 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 1 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne à la société «Les Oliveraies du Mas de Bédarrides» de délivrer à M. [M] un bulletin de salaire récapitulatif mentionnant les heures supplémentaires pour 2008 et 2009 et conforme au présent arrêt,

Dit n'y avoir lieu à astreinte,

Rejette le surplus des demandes de M. [M],

Déboute la société de ses demandes,

Condamne la société «Les Oliveraies du Mas de Bédarrides» aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/04263
Date de la décision : 20/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-20;19.04263 ?
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