COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 19 JANVIER 2023
N° 2023/49
Rôle N° RG 22/08954 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJTQ3
[P] [E]
C/
S.A.R.L. HELP
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Jean-François JOURDAN
Me Sandra JUSTON
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de NICE en date du 01 avril 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/00244.
APPELANTE
Madame [P] [E]
née le 27 juillet 1989 à [Localité 7], demeurant [Adresse 8]
représentée par Me Jean-François JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Carole DUNAC-BORGHINI de la SCP E BORGHINI. C BORGHINI, avocat au barreau de NICE, plaidant
INTIMEE
S.A.R.L. HELP
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 1]
représentée par Me Sandra JUSTON substituée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Célia SUSINI, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 29 novembre 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme OUVREL, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
M. Gilles PACAUD, Président
Mme Catherine OUVREL, Conseillère rapporteur
Mme Angélique NETO, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2023,
Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
La SARL Help exerce une activité de transports routiers de fret interurbains sur la commune de [Localité 6]. Dans le cadre de son activité de remorquage, la SARL Help a été mandatée par le commissariat de [Localité 6] le 29 avril 2019 aux fins d'enlèvement d'un véhicule de marque Peugeot, modèle 307, immatriculé [Immatriculation 5].
Par acte d'huissier de justice du 5 février 2021, la SARL Help a fait assigner madame [P] [E], dont elle soutient qu'elle est propriétaire du véhicule, devant le juge des référés.
Par ordonnance réputée contradictoire en date du 1er avril 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nice a :
dit qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés de déclarer abandonné un véhicule,
autorisé la SARL Help à faire procéder à l'enlèvement du véhicule appartenant à madame [P] [E], de marque Peugeot, immatriculé [Immatriculation 5], afin de le faire stationner dans un lieu autre, aux frais, risques et périls de madame [P] [E],
condamné madame [P] [E] à payer à la SARL Help la somme provisionnelle de 23 794,39 €,
condamné madame [P] [E] au paiement des dépens et d'une somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 12 mai 2021, une saisie-attribution a été pratiquée auprès de la Caisse d'Epargne sur un compte appartenant à madame [P] [E] à hauteur de 28 255,48 €.
Selon déclaration reçue au greffe le 18 mai 2021, madame [P] [E] a interjeté appel de la décision, l'appel portant sur l'annulation de la décision et sur la critique de toutes les dispositions de l'ordonnance déférée dûment reprises.
Par arrêt du 4 novembre 2021, la procédure a été retirée du rôle de la cour, puis réinscrite le 21 juin 2022.
Par dernières conclusions transmises le 14 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, madame [P] [E] demande à la cour :
d'annuler l'assignation et l'ordonnance pour non respect des dispositions de l'article 659 du code de procédure civile alors que son adresse était connue,
de réformer, à défaut, l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, vu la cession du véhicule survenue le 16 novembre 2018,
de débouter la SARL Help de toutes ses demandes, faute de lien contractuel entre les parties,
à titre subsidiaire, vu l'encadrement des tarifs, de dire que le montant réclamé par la SARL Help ne peut dépasser 15,20 € pour le déplacement du véhicule, 120,18 € pour son enlèvement, 6,36 € par jour de frais de garde, soit 1 793,52 € pour la période de 282 jours, entre le 29 avril 2019 et le 5 février 2021, et, 61 € pour l'expertise, soit, au plus, 1 989,90 €,
de débouter la SARL Help de ses demandes,
de condamner la SARL Help à lui payer la somme de 3 600 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Madame [P] [E] soutient que l'assignation qui lui a été délivrée le 5 février 2021 est nulle dans la mesure où l'huissier de justice n'a pas effectué toutes les démarches utiles pour lui délivrer son acte, notamment en ne se renseignant pas auprès de l'administration fiscale, sans quoi il aurait eu connaissance de son adresse à [Localité 7]. Elle affirme justifier de son changement d'adresse et de son domicile à [Localité 7] (attestation de formation, attestation d'accueil de son enfant et déclaration auprès des services fiscaux dès mai 2019). Elle fait valoir que tant l'assignation que la signification de l'ordonnance réputée contradictoire ont été effectuées à une adresse erronée depuis le 1er août 2018, ce dont l'huissier de justice a été informé dans le cadre de la saisie attribution pratiquée en exécution. Elle fait valoir que même dans l'acte de dénonce de la saisie, l'huissier de justice n'a pas rectifié son adresse. Elle ajoute que n'est pas produit l'accusé réception stipulé à l'article 659 du code de procédure civile.
Au principal, elle soutient avoir vendu le véhicule en cause le 16 novembre 2018 à un garagiste en vue de sa destruction, donc avant l'enlèvement du véhicule réalisé le 29 avril 2019. Elle explique s'être fiée à ce professionnel pour effectuer l'ensemble des démarches nécessaires, ainsi que cela lui incombait. Elle en déduit qu'elle n'est plus propriétaire du véhicule et ne peut donc pas être recherchée en paiement par l'intimée, n'ayant aucun lien contractuel avec elle. Madame [P] [E] soutient que la demande de la SARL Help n'est pas juridiquement fondée. Elle conteste tout abandon du véhicule, ainsi que tout refus d'obtempérer de sa part, déniant sa présence lors de l'enlèvement du véhicule et soutenant qu'aucune poursuite n'a été engagée à ce titre. Elle se défend d'être le déposant du véhicule, donc d'être à l'origine du trouble manifestement illicite revendiqué par la SARL Help. Elle conteste la preuve d'un préjudice par la SARL Help. Elle ajoute que l'intimée est fautive d'avoir attendue aussi longtemps avant d'agir, laissant croître la dette.
Madame [P] [E] conteste également le fondement du dépôt nécessaire invoqué par la SARL Help, dans la mesure où il n'est, en l'occurrence, justifié d'aucune réquisition de la force publique, et où, en tout état de cause, seul le commissariat serait alors déposant, de sorte qu'il lui appartient alors de saisir l'agent du Trésor.
S'agissant de la demande de provision, madame [P] [E] soutient l'existence de contestations sérieuses quant à son défaut de qualité de propriétaire du véhicule concerné, et quant à son défaut de qualité de mandant déposant de ce véhicule. Elle met en avant la mauvaise foi de la SARL Help à qui il appartient de poursuivre le bon propriétaire. Elle conteste le montant des frais réclamés compte tenu de l'encadrement tarifaire auquel la SARL Help est assujettie et de la durée de garde concernée (282 jours et non 589). En tout état de cause, elle justifie avoir fait enregistrer cette déclaration de cession en préfecture, de sorte qu'elle ne saurait être tenue à un quelconque paiement au delà de cette date.
Par dernières conclusions transmises le 10 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SARL Help sollicite de la cour qu'elle :
confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
juge irrecevable le moyen de nullité de l'assignation et de l'ordonnance pour non respect des dispositions de l'article 659 du code de procédure civile,
déboute madame [P] [E] de sa demande de nullité de l'assignation et de l'ordonnance à ce titre,
juge que madame [P] [E] était le propriétaire légal du véhicule au moment de son remorquage,
juge que madame [P] [E] ne rapporte pas la preuve de la cession du véhicule litigieux,
déboute madame [P] [E] de toutes ses demandes,
décide que le gardiennage prolongé du véhicule de madame [P] [E] lui cause un trouble de jouissance,
dise que ce trouble de jouissance constitue un trouble manifestement illicite,
déclare le véhicule abandonné,
ordonne, à titre principal, à madame [P] [E] de procéder à l'enlèvement du véhicule de marque Peugeot, immatriculé [Immatriculation 5], à ses frais, risques et périls, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
l'autorise, à titre subsidiaire, à faire procéder à l'enlèvement de ce véhicule aux frais, risques et périls de madame [P] [E],
déclare non sérieusement contestable l'obligation de madame [P] [E] à paiement d'une provision,
condamne madame [P] [E] au versement d'une somme de 23 794,39 € TTC à titre de provision à valoir sur sa créance, décomposée comme suit :
- frais de remorquage : 165,83 € HT,
- frais de mise à disposition : 80,83 € HT,
- frais de gardiennage du véhicule à raison de 33 € HT par jour pendant 589 jours, soit 19 437 € HT depuis le 29 avril 2019
- courrier recommandé et simple : 50 € HT
- expertise véhicule léger : 95 € HT,
' juge que la somme provisionnelle sera à parfaire au jour de la décision à intervenir,
En tout état de cause :
' déboute madame [P] [E] de toutes ses demandes,
' condamne madame [P] [E] à lui payer 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
La SARL Help soutient que son intervention sur réquisition de la force publique a conduit à un dépôt nécessaire, au sens de l'article 1948 du code civil, de sorte que les frais de gardiennages sont dus par le déposant, même en l'absence de tout contrat. Elle explique avoir obtenu des condamnations à paiement contre les propriétaires des véhicules dans une trentaine de dossiers, dans le même cadre qu'ici.
S'agissant de la nullité de l'assignation invoquée par madame [P] [E], la SARL Help fait valoir que l'huissier de justice a accompli les diligences requises en application de l'article 659 du code de procédure civile notamment le 5 février 2021, après s'être rendu à son dernier domicile connu à [Localité 6], tel que communiqué par le commissariat de [Localité 6] suite à l'enlèvement de son véhicule. Elle soutient que madame [P] [E] était nécessairement présente lors de cet enlèvement puisqu'il est fait état d'un refus d'obtempérer sur l'ordre de mise au garage, peu important l'absence de poursuite à ce titre. L'intimée ajoute que l'huissier de justice a procédé à des recherches auprès des voisins, de la mairie, des services postaux et sur internet. Elle assure justifier du courrier recommandé requis. Elle en déduit que l'assignation a bien été délivrée au dernier domicile connu de madame [P] [E], cette dernière ayant été défaillante dans la communication de son changement d'adresse au regard de l'article 104 du code civil, dès lors non opposable à la SARL Help. Elle indique en effet que madame [P] [E] ne justifie avoir déclaré son changement d'adresse aux services fiscaux que le 15 mai 2019, soit postérieurement à l'enlèvement du véhicule au cours duquel seul le domicile de [Localité 6] a pu être communiqué. Enfin, la SARL Help invoque la mauvaise foi de madame [P] [E] qui a refusé encore lors de la dénonce du procès-verbal de saisie-attribution, dans un premier temps, de transmettre sa nouvelle adresse.
Au principal, la SARL Help invoque un trouble manifestement illicite dans la mesure où le véhicule en cause encombre ses locaux depuis le 29 avril 2019, ce qui constitue un trouble de jouissance, ce d'autant que le véhicule concerné est hors d'usage et est destiné à la destruction. Elle estime donc que sa propriétaire, madame [P] [E], a abandonné son véhicule. Quant à la prétendue cession du véhicule le 16 novembre 2018, la SARL Help soutient que madame [P] [E] ne rapporte pas suffisamment la preuve de ce qu'elle ne serait plus propriétaire du véhicule, n'ayant notamment pas rempli les formalités administratives idoines, notamment ainsi que l'exige l'article R 322-4 du code de la route. Elle fait valoir que ces formalités n'ont été réalisées que le 20 mai 2021, alors que lors de l'enlèvement, au cours duquel elle était présente, elle était toujours propriétaire de celui-ci. Elle met en doute la véracité d'une telle cession de véhicule et invite madame [P] [E] à mettre en cause son acquéreur le cas échéant.
La SARL Help soutient, par ailleurs, détenir une créance non sérieusement contestable à l'endroit de madame [P] [E] au titre des frais engagés. Malgré deux mises en demeure, elle fait valoir l'absence de réponse de l'appelante. Actualisés au 7 décembre 2020, elle invoque des frais à hauteur de 23 794,39 € TTC. Elle explique ne pas être une fourrière et être intervenue sur réquisitions des forces de l'ordre à qui il incombe d'informer le propriétaire de l'enlèvement de son véhicule. Elle conteste toute tarification réglementaire de ses frais.
L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 15 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La cour d'appel précise, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constatations', de 'prise d'acte' ou de 'dire et juger' qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques.
Sur la nullité de l'assignation
En vertu de l'article 659 du code de procédure civile, lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte.
Le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l'huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie du procès-verbal, à laquelle est jointe une copie de l'acte objet de la signification.
Le jour même, l'huissier de justice avise le destinataire, par lettre simple, de l'accomplissement de cette formalité.
Les dispositions du présent article sont applicables à la signification d'un acte concernant une personne morale qui n'a plus d'établissement connu au lieu indiqué comme siège social par le registre du commerce et des sociétés.
Par application de l'article 103 du code civil, le changement de domicile s'opérera par le fait d'une habitation réelle dans un autre lieu, joint à l'intention d'y fixer son principal établissement. L'article 104 du même code prévoit que la preuve de l'intention résultera d'une déclaration expresse, faite tant à la municipalité du lieu que l'on quittera, qu'à celle du lieu où on aura transféré son domicile. Enfin, en vertu de l'article 105 du code civil, la preuve de l'intention résultera d'une déclaration expresse, faite tant à la municipalité du lieu que l'on quittera, qu'à celle du lieu où on aura transféré son domicile.
En l'espèce, il est exact que l'ordre de mise en garage délivré le 29 avril 2019 par le commissariat de Nice relativement au véhicule de marque Peugeot, gris, immatriculé [Immatriculation 5], indique que son propriétaire est madame [P] [E], domiciliée [Adresse 2]. C'est à cette adresse que madame [P] [E] a été assignée par la SARL Help le 5 février 2021 en vue de comparaître devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nice. C'est cette même adresse qui est mentionnée dans le cadre de la procédure de première instance et dans l'ordonnance entreprise, réputée contradictoire puisque madame [P] [E] n'a pas comparu. C'est aussi l'adresse mentionnée sur le procès-verbal de saisie-attribution du 17 mai 2021.
Certes, madame [P] [E] justifie avoir déménagé le1er août 2018, et avoir fait état de sa nouvelle adresse, située [Adresse 4], dans le cadre de sa déclaration de revenus signée le 6 mai 2019 au titre des revenus 2018. Elle justifie de la présence de sa fille à [Localité 7] en 2019 ainsi que du suivi d'une formation en 2019 dans ce même département. Néanmoins, elle ne justifie d'aucune autre démarche de changement de domicile, notamment auprès de la municipalité de [Localité 6].
Surtout, il convient d'observer que l'assignation délivrée par l'huissier de justice à madame [P] [E] le 5 février 2021 répond aux exigences de l'article 659 du code de procédure civile, ci-dessus rappelées. En effet, l'huissier de justice fait état des diligences par lui accomplies comme suit : '( je) certifie m'être transporté, ce jour, à l'adresse ci-dessus déclarée par le requérant ou son mandataire (soit [Adresse 2]), comme étant l'adresse de la dernière demeure connue du défendeur, avoir constaté qu'à ce jour, aucune personne répondant à l'identification du destinataire de l'acte.
Vu les casiers postaux à la porte de l'immeuble, vu les noms portés sur le tableau de sonnerie des occupants, poursuivant mes recherches, je me suis adressé aux voisins et aux commerçants du quartier qui m'ont déclaré qu'ils ignoraient tout de cette personne et n'avoir aucune information sur le lieu éventuel de son nouvel établissement.
Les services de la mairie et les services postaux n'ont pu me fournir aucune indication quant à l'adresse actuelle du susnommé.
J'ai par ailleurs, procédé à des recherches sur internet, mais en vain,
Les diligences ainsi effectuées n'ayant pas permis de retrouver le destinataire de l'acte, (je) constate que celui ci n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, et (j'ai) dressé le présent procès-verbal conformément aux dispositions de l'article 659 du code de procédure civile pour servir et valoir ce que de droit'. Il résulte de ces mentions que l'huissier de justice a procédé aux recherches suffisantes et requises, sans qu'il puisse lui être reproché de ne pas s'être renseigné, en sus, auprès des services fiscaux. Ainsi, si madame [P] [E] n'a pas pu être destinataire de l'assignation devant le juge des référés, c'est à raison de ses propres manquements, sans qu'il puisse être valablement soutenu que l'huissier de justice devait avoir connaissance de son déménagement antérieur lors de la délivrance de son acte en 2021.
L'assignation est donc parfaitement régulière, de sorte qu'aucune annulation n'est encourue et que cette prétention doit être écartée.
Sur la demande tendant à déclarer le véhicule abandonné
Ainsi que justement relevé par le premier juge, cette prétention ne saurait prospérer devant le juge des référés qui ne tire d'aucun texte le pouvoir de prendre une mesure ainsi définitive. L'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a écarté cette demande.
Sur la demande tendant à l'enlèvement du véhicule de madame [P] [E]
Par application de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le trouble manifestement illicite se caractérise par toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. En outre, aucune condition d'urgence ou d'absence de contestation sérieuse n'est requise pour l'application de l'article susvisé.
Il résulte des dispositions de l'article 1915 du code civil que le dépôt, en général est un acte par lequel on reçoit la chose d'autrui, à la charge de la garder et de la restituer en nature. Ce dépôt peut être initié par un tiers pour le compte du propriétaire de la chose.
Aux termes de l'article 1917 du même code, le dépôt proprement dit est un acte essentiellement gratuit. Aux termes de l'article 1920 de ce code, le dépôt est volontaire ou nécessaire.
L'article 1949 du même code dispose que le dépôt nécessaire est celui qui a été forcé par quelque accident, tel qu'un incendie, une ruine, un pillage, un naufrage ou autre événement imprévu. L'article 1947 du même code prévoit que la personne qui a fait le dépôt est tenue de rembourser au dépositaire les dépenses qu'il a faites pour la conservation de la chose déposée, et de l'indemniser de toutes les pertes que le dépôt peut lui avoir occasionnées.
Aux termes de l'article 2286 du code civil, peut se prévaloir d'un droit de rétention (...) celui dont la créance impayée est née à l'occasion de la détention de la chose (...).
Le contrat de dépôt auprès d'un garagiste, accessoire à un contrat d'entreprise, est présumé fait à titre onéreux de sorte qu'il appartient au déposant de rapporter la preuve de son caractère gratuit. Toutefois, en l'absence de contrat d'entreprise accessoire à ce dépôt, ce dernier est présumé fait à titre gratuit. Il appartient alors au dépositaire de rapporter la preuve de son caractère onéreux.
Aucune des parties n'invoque, ni ne revendique l'existence d'un contrat d'entreprise (ex : contrat de réparation du véhicule) qui serait l'accessoire du dépôt de sorte qu'il appartient à la SARL Help, dépositaire, de rapporter la preuve de l'existence du caractère onéreux du dépôt.
En vertu de l'article R 322-4 du code de la route, il est prévu, au titre des formalités de délivrance d'un certificat d'immatriculation des véhicules :
I. ' En cas de changement de propriétaire d'un véhicule soumis à immatriculation et déjà immatriculé, l'ancien propriétaire doit effectuer, dans les quinze jours suivant la cession, une déclaration au ministre de l'intérieur l'informant de cette cession et indiquant l'identité et le domicile déclarés par le nouveau propriétaire. Avant de remettre le certificat d'immatriculation à ce dernier, l'ancien propriétaire doit le barrer et y porter d'une manière très lisible et inaltérable la mention : " vendu le... /... /... " ou " cédé le... /.. /.... " (date de la cession), suivie de sa signature, et, sauf en cas de vente ou de cession à un professionnel de l'automobile, remplir le coupon ou, à défaut, découper la partie supérieure droite de ce document lorsqu'il comporte l'indication du coin à découper.
II. ' L'ancien propriétaire effectue la déclaration mentionnée au I soit directement par voie électronique, soit par l'intermédiaire d'un professionnel de l'automobile habilité par le ministre de l'intérieur.
III. ' En cas de cession à un professionnel de l'automobile, ce dernier effectue une déclaration d'achat dans les quinze jours suivants la transaction, soit directement par voie électronique, soit par l'intermédiaire d'un professionnel de l'automobile habilité par le ministre de l'intérieur.
IV. ' Lorsqu'un professionnel de l'automobile propriétaire d'un véhicule déjà immatriculé le revend à un non professionnel de l'automobile, il remet à l'acquéreur le certificat d'immatriculation sur lequel sont portées les mentions prévues au I, accompagné du récépissé de la déclaration d'achat en sa possession et remplit, s'il existe, le coupon de ce certificat d'immatriculation.
V. ' Dans chacun des cas définis aux alinéas précédents, la remise du certificat d'immatriculation doit être accompagnée d'un certificat, établi depuis moins de quinze jours par le ministre de l'intérieur, attestant à sa date d'édition de la situation administrative du véhicule. Celle-ci précise l'existence ou non d'un gage ainsi que toute opposition au transfert du certificat d'immatriculation du véhicule ou au transfert de la propriété du véhicule.
VI. ' Le ministre chargé des transports définit par arrêté pris après avis du ministre de l'intérieur les conditions d'application du présent article, notamment en ce qui concerne la situation administrative du véhicule, les véhicules tombés dans une succession, vendus aux enchères publiques ou à la suite d'une décision judiciaire, et les véhicules de location.
VII. ' Le fait de ne pas effectuer les déclarations ou de ne pas respecter les délais prévus au présent article est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe.
En l'espèce, la SARL Help a procédé à l'enlèvement du véhicule de marque Peugeot, gris, immatriculé [Immatriculation 5] et l'a reçu en dépôt sur la demande des services de police de [Localité 6] en date du 29 avril 2019, le véhicule apparaissant dégradé sur la voie publique sans qu'il soit spécifié qu'il s'agisse d'un véhicule volé, accidenté ou détruit par incendie. Dès lors, il importe peu que le propriétaire du véhicule n'ait pas expressément consenti au dépôt de ce véhicule, celui-ci s'analysant en un dépôt nécessaire au sens de l'article 1949 du code civil, et, en vertu de l'article 1951 du même code, étant régi par les mêmes règles que le dépôt volontaire.
La SARL Help justifie avoir adressé à madame [P] [E], apparaissant en qualité de propriétaire du véhicule en cause sur l'ordre de mise en garage délivré par les services de police le 29 avril 2019, des mises en demeure, par lettres recommandées avec accusé de réception, les 15 mai 2019 et 28 octobre 2020, aux fins de venir retirer le dit véhicule et l'informant du caractère onéreux du gardiennage, avec indication des tarifs pratiqués. Ainsi, à tout le moins à compter de ces mises en demeure, le caractère onéreux du dépôt apparaît acquis.
La SARL Help se prévaut du trouble que lui cause la présence du véhicule concerné encombrant son parc et immobilisant indûment une place de stationnement, l'empêchant d'exploiter pleinement son bien.
De son côté, madame [P] [E] ne remet pas en cause la prise en charge de ce véhicule par la SARL Help, mais conteste sa qualité de propriétaire du véhicule lors même du remorquage de celui-ci.
En effet, madame [P] [E] produit une déclaration de cession portant sur ce véhicule, datée du 16 novembre 2018 au bénéfice de monsieur [L] [M], dont le numéro Siret est le 79193100900025, demeurant [Adresse 3], cette déclaration de cession étant signée par l'acheteur et la venderesse. L'appelante produit un extrait Kbis de la SARL Espace Clean Automobile, demeurant à la même adresse et dont le gérant est précisément monsieur [L] [M], cette société, créée le 12 mars 2013, ayant pour objet l'achat et la vente de véhicules d'occasions, notamment. Elle justifie également de la carte nationale d'identité de monsieur [L] [M], ainsi que de la résiliation de son contrat d'assurance automobile pour cause de vente, précisément à la date du 16 novembre 2018.
La SARL Help prétend que cette cession ne peut en aucun cas valoir transfert de propriété en ce que les formalités administratives de cession, et notamment la déclaration en préfecture, n'ont pas été réalisées puisque le propriétaire du véhicule a été identifié, le 29 avril 2019, par les services de police, sur consultation du service d'immatriculation des véhicules, comme étant madame [P] [E]. L'intimée invoque la violation de l'article R 322-4 du code de la route qui,
certes, rend obligatoire une telle obligation, mais ne la sanctionne que dans le cadre d'une contravention de quatrième classe. En outre, force est de relever qu'en cas de cession d'un véhicule par un particulier à un professionnel, c'est à ce dernier qu'incombe les formalités administratives de cession, de sorte qu'en l'occurrence, madame [P] [E] a légitimement pu s'en référer à son acheteur pour réaliser ces démarches.
S'agissant de la seule mention 'refus d'obtempérer' portée sur l'ordre de mise en garage délivré par le commissariat de [Localité 6], elle ne démontre en rien la présence de madame [P] [E] lors de l'enlèvement de son véhicule, alors que l'appelante justifie de l'absence de toute procédure pénale à son encontre au titre d'un tel 'refus d'obtempérer'.
En tout état de cause, il appert qu'au jour de l'enlèvement du véhicule, soit le 29 avril 2019, une contestation réelle existe quant au véritable propriétaire du véhicule de marque Peugeot, gris, immatriculé [Immatriculation 5], de sorte que le trouble manifestement illicite dont se prévaut la SARL Help envers madame [P] [E] n'est pas établi avec l'évidence requise en référé.
Dans ces conditions, il ne peut être fait droit à la demande de la SARL Help tendant à l'enlèvement du véhicule litigieux. L'ordonnance entreprise doit être infirmée.
Sur la demande de provision au titre des frais d'enlèvement et de gardiennage
Par application de l'article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Il convient de rappeler qu'il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu'en son montant, qui n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.
En l'occurrence, force est de retenir le doute suscité sur le fait que madame [P] [E] soit la véritable propriétaire du véhicule en cause lors de son remorquage et de sa réception dans les locaux de la SARL Help le 29 avril 2019, à raison de la production ci-dessus visée de la déclaration de cession du 16 novembre 2018 au bénéfice d'un professionnel de l'achat et la vente de véhicules d'occasion. Dès lors, il s'en déduit l'existence d'une contestation sérieuse faisant obstacle à la demande en paiement provisionnel présentée par la SARL Help au titre des frais d'enlèvement et de gardiennage du véhicule de marque Peugeot, gris, immatriculé [Immatriculation 5], en exécution d'un contrat de dépôt nécessaire à titre onéreux.
Cette prétention ne peut donc qu'être rejetée en référé. L'ordonnance entreprise doit être infirmée.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
La SARL Help qui succombe au litige sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de madame [P] [E] les frais, non compris dans les dépens, qu'elle a exposés pour sa défense.
Dès lors, l'ordonnance entreprise doit être infirmée sur la charge des dépens et la condamnation de madame [P] [E] au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Une indemnité de 2 000 € se trouve justifiée au profit de madame [P] [E], en appel, au titre des frais irrépétibles.
L'intimée supportera en outre les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Rejette la demande de madame [P] [E] tendant à l'annulation de l'assignation que lui a fait délivrer la SARL Help devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nice le 5 février 2021, et par voie de conséquence, dit n'y avoir lieu à annulation de la décision entreprise,
Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés de déclarer abandonné le véhicule,
Infirme l'ordonnance entreprise en ses autres dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de la SARL Help tendant à faire procéder à l'enlèvement du véhicule de marque Peugeot, gris, immatriculé [Immatriculation 5], afin de le faire stationner en un autre lieu aux frais, risques et périls de madame [P] [E],
Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de la SARL Help tendant au paiement par madame [P] [E] d'une somme provisionnelle de 23794,39 € TTC au titre des frais d'enlèvement, d'expertise et de gardiennage du véhicule de marque Peugeot, gris, immatriculé [Immatriculation 5],
Condamne la SARL Help à payer à madame [P] [E] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SARL Help de sa demande sur ce même fondement,
Condamne la SARL Help au paiement des dépens de première instance et d'appel.
La Greffière Le Président