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19/01/2023 | FRANCE | N°20/01713

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 19 janvier 2023, 20/01713


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6



ARRÊT AU FOND

DU 19 JANVIER 2023



N° 2023/23

N° RG 20/01713



N° Portalis DBVB-V-B7E-BFRS5



[E] [T]



C/



[R] [M]

Société MACSF - MUTUELLE D'ASSURANCES DU CORPS DE SANTÉ FRANÇAIS - MACSF

Société CLINIQUE [14]

GIE CLINIQUE [14]

Société AXA FRANCE IARD

Organisme ONIAM

Société HIA SAINTE ANNE

Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (CPAM) DU VAR



Copie exécutoire dé

livrée

le :

à :



-SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE



-SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES



-Me Hervé ZUELGARAY



- SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES













Décision déférée à la Cour :...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 19 JANVIER 2023

N° 2023/23

N° RG 20/01713

N° Portalis DBVB-V-B7E-BFRS5

[E] [T]

C/

[R] [M]

Société MACSF - MUTUELLE D'ASSURANCES DU CORPS DE SANTÉ FRANÇAIS - MACSF

Société CLINIQUE [14]

GIE CLINIQUE [14]

Société AXA FRANCE IARD

Organisme ONIAM

Société HIA SAINTE ANNE

Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (CPAM) DU VAR

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE

-SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES

-Me Hervé ZUELGARAY

- SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 05 Décembre 2019 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 18/02146.

APPELANT

Monsieur [E] [T]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 9] (ALGERIE)

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Françoise BOULAN de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant, et assisté par Me Marion PONTILLE, avocat au barreau de LYON, plaidant.

INTIMES

Monsieur [R] [M]

Neurochirurgien,

demeurant [Adresse 10]

représenté et assisté par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et par Me Philippe CHOULET de l'AARPI CABINET CHOULET AVOCATS, avocat au barreau de LYON.

La MACSF - MUTUELLE D'ASSURANCES DU CORPS DE SANTÉ FRANÇAIS - MACSF

Venant aux droits du SOU MÉDICAL,

Société d'assurance à forme mutuelle, inscrite au SIREN sous le numéro 775 665 631,

demeurant [Adresse 8]

représentée et assisté par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et par Me Philippe CHOULET de l'AARPI CABINET CHOULET AVOCATS, avocat au barreau de LYON.

Société CLINIQUE [14],

demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Hervé ZUELGARAY, avocat au barreau de NICE.

GIE CLINIQUE [14],

demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Hervé ZUELGARAY, avocat au barreau de NICE.

SA AXA FRANCE IARD

Société au capital social de 214.799.030 €, inscrite au RCS de NANTERRE,

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Hervé ZUELGARAY, avocat au barreau de NICE.

ONIAM Office National des Indemnisations des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales,

demeurant [Adresse 16]

représentée par Me Jean-François JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et assisté par Me Patrick DE LA GRANGE de la SELARL DE LA GRANGE ET FITOUSSI AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant.

Société HIA SAINTE ANNE,

Assignée le 31/03/2020 à étude d'huissier. Signification et assignation en date du 15/05/2020 à étude. Signification conclusions en date du 11/06/2020 à étude. Signification le 02-03-2022, à personne habilitée. Signification conclusions en date du 14/11/2022 à personne habilitée,

demeurant [Adresse 7]

Défaillante.

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (CPAM) DU VAR,

Assignée le 31/03/2020 à personne habilitée. Signification et assignation en date du 15/05/2020 à étude. Signification conclusions en date du 11/06/2020 à étude. Signification le 02-03-2022, à personne habilitée. Signification conclusions en date du 14/11/2022 à personne habilitée,

demeurant [Adresse 3]

Défaillante.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 22 Novembre 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Fabienne ALLARD, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Anne VELLA, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Janvier 2023.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Janvier 2023,

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé des faits et de la procédure

En décembre 2016, M. [E] [T], qui souffrait d'un canal lombaire étroit décompensé par une hernie discale L3-L4 et résistant à la kinésithérapie et qui avait déjà été opéré trente ans plus tôt d'une hernie sur ce même disque, a consulté M. [R] [M], neurochirurgien. Ce médecin a préconisé un geste de décompression canalaire avec cure de la hernie lombaire.

Au cours de l'intervention, qui a été réalisée le 14 décembre 2016 à la clinique [14] de [Localité 12], une brèche durale s'est produite.

Au réveil, M. [T] a ressenti une difficulté à bouger les membres inférieurs et à contrôler ses urines, de sorte qu'une réintervention a été décidée et réalisée en deux temps afin d'évacuer un hématome épidural.

En dépit de ces deux interventions, M. [T] a souffert d'un syndrome de la queue de cheval.

En février 2017, une hernie discale C5-C6 foraminale droite est apparue, qui a donné lieu à une prise en charge chirurgicale (arthrodèse et ostéosynthèse) à l'HIA Sainte Anne dans les suites de laquelle M. [T] a souffert d'une dysphagie et d'une dysphonie.

Souffrant d'un déficit sensitivo moteur distal ainsi que de complications sphinctériennes, M. [T] a saisi la commission d'indemnisation et de conciliation (CCI) de Provence Alpes Côte d'Azur (PACA) afin d'obtenir l'indemnisation du préjudice corporel subi à la faveur de l'intervention réalisée le 14 décembre 2006 par M. [M].

La CCI a désigné en qualité d'expert M. [A] [J] qui a déposé son rapport le 16 octobre 2017.

Le 21 décembre 2017, la CCI a rejeté la demande d'indemnisation de M. [T], considérant qu'aucune faute ne pouvait être retenue à l'encontre de M. [M] ou de la clinique Saint Marguerite et qu'aucune indemnisation par la solidarité nationale n'était due dès lors que la prise en charge n'avait pas eu des conséquences anormales au regard de l'état de santé antérieur du patient comme de son évolution prévisible.

Par acte du 10 avril 2018, M. [T] a fait assigner M. [M] et son assureur la société mutuelle assurance du corps de santé français (MACSF), la clinique [14] et son assureur la société AXA France Iard, le HIA Saint Anne et l'ONIAM devant le tribunal de grande instance de Toulon, afin d'obtenir, au contradictoire de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Var, l'indemnisation de son préjudice corporel et, avant dire droit sur celle-ci, la désignation d'un expert avec pour mission de chiffrer son préjudice corporel et l'allocation d'une provision.

Par jugement du 5 décembre 2019, cette juridiction a :

- débouté M. [T] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamné M. [T] à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2 000 € à M. [M] et son assureur la société MACSF et la somme de 2 000 € à la clinique [14] et son assureur la société AXA France Iard ;

- condamné M. [T] aux dépens et autorisé Maître [H] [W] à faire application à son profit des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, il a considéré que l'évolution prévisible classique de la pathologie initiale dont souffrait M. [T] en l'absence de traitement est la survenue d'un syndrome de la queue de cheval se traduisant par une paraplégie aux conséquences comparables à son état de santé actuel et qu'en tout état de cause, la condition d'anormalité ne peut être considérée comme remplie dès lors que, dans les conditions où l'acte a été accompli (c'est à dire sur une cicatrice opératoire fibreuse), il présentait un risque élevé de complication.

Par acte du 4 février 2020, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. [T] a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a rejeté l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens ainsi qu'à payer une indemnité de l'article 700 du code de procédure civile d'une part à M. [M] et son assureur, d'autre part à la clinique [14] et son assureur.

Par arrêt en date du 21 avril 2021, la cour a :

- avant dire droit sur les demandes de M. [T], à l'encontre de l'ONIAM, ordonné une mesure d'expertise et désigné pour y procéder, le docteur M. [U] [L], neurochirurgien et à défaut le docteur [V] [I], neurochirurgien, avec pour mission, notamment de dire si son état de santé l'exposait au risque de survenue d'un syndrome de la queue de cheval, de déterminer l'origine de ce syndrome dont il souffre depuis l'intervention en précisant de quel événement il est la conséquence (brèche durale et/ou hématome épidural), de décrire la brèche durale qui s'est produite au cours de l'intervention et ses conséquences, de préciser la fréquence de survenue d'une telle brèche en tenant compte des circonstances de l'intervention (reprise chirurgicale), de décrire l'hématome épidural qui est survenu dans les suites de l'intervention et d' indiquer si celui-ci a pour origine la brèche durale qui s'était produite au cours de l'intervention et dans l'affirmative par quel mécanisme et d'indiquer la fréquence de survenue d'un hématome épidural en tenant compte des circonstances de l'intervention et en précisant si la dissection du bloc de fibrose est susceptible d'augmenter le risque ;

- déclaré le GIE et la société clinique [14], la société Axa assurances IARD et le HIA Sainte Anne hors de cause ;

- réservé les dépens et frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Le docteur [I], qui a procédé aux opérations, a déposé son rapport le 12 novembre 2021.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 8 novembre 2022.

A l'audience du 22 novembre 2022, avant la clôture des débats et à la demande des parties, l'ordonnance de clôture a été révoquée et la procédure à nouveau clôturée.

Prétentions et moyens des parties

Dans ses dernières conclusions, régulièrement notifiées le 2 novembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, M. [T] demande à la cour de :

' infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

' dire que l'hématome épidural à l'origine de la constitution d'un syndrome de la queue de cheval dont il a été victime dans les suites de l'intervention réalisée le 14 décembre 2016 par le docteur [M] à la clinique [14] constitue un accident médical non fautif imputable à un acte de soins, dont les conséquences excédent les seuils de gravité fixés par les dispositions susvisées et présentent un caractère d'anormalité tant au regard de l'état de santé du patient que de l'évolution prévisible de celui-ci ;

' condamner l'ONIAM à réparer son entier préjudice et à lui payer la somme de 1 865 363,35 € en réparation de celui-ci ;

' débouter les intimés de toutes demandes à son encontre ;

' condamner l'ONIAM à lui payer la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamner l'ONIAM aux dépens, distraits au profit de son avocat.

Il ventile son préjudice comme suit :

- frais divers restés à charge : 23 728,15 €

- assistance temporaire par tierce personne (22 € de l'heure) : 96 074 €

- dépenses de santé futures : 5 293 €

- frais de logement adapté : 48 928,05 € outre réserve pour le surplus

- frais de véhicule adapté : 114 380,06 €

- assistance permanente par tierce personne : 1 043 778 €

- déficit fonctionnel temporaire (30 € par jour) : 27 760 €

- souffrances endurées : 45 000 €

- préjudice esthétique temporaire (30 € par jour) : 10 000 €

- déficit fonctionnel permanent : 155 000 €, à raison de 145 000 € au titre des séquelles physiologiques et psychiques, 5 000 € au titre des douleurs permanentes, et 5 000 € au titre du trouble dans les conditions d'existence ;

- préjudice esthétique permanent : 25 000 €

- préjudice d'agrément : 50 000 €

- préjudice sexuel : 40 000 €

- préjudice d'établissement : 20 000 €.

Au soutien de son appel et de ses prétentions, il fait valoir qu'il a droit à l'indemnisation totale de son préjudice par la solidarité nationale et que :

- il ne peut se tenir debout de sorte qu'il a besoin d'un fauteuil de douche et d'une barre d'appui pour les transferts de son fauteuil roulant vers ce fauteuil de douche ; l'élévateur vertical autoportant, type Domoflex 30, installé en extérieur, lui permet depuis le parking d'accéder à l'étage de sa maison ; il a engagé des frais pour se rendre aux expertises (docteur [J], docteur [I]) et devant la CCI ;

- les frais de véhicule adapté correspondent au coût d'acquisition d'un nouveau véhicule adapté à son handicap, soit 32 500 € correspondant au véhicule Kian Nirho, premier véhicule adapté acquis, 30 001 € correspondant au coût d'achat initial du véhicule Grand Scenic TCE 160 FAP EDC 5 acquis le 16 décembre 2020, auxquels s'ajoutent des frais d'adaptation pour 1 052 €, des leçons de conduite et un treuil de chargement de son fauteuil roulant avec une fréquence de renouvellement de 5 ans à l'exception des frais de conduite ;

- les frais de logement adapté sont constitués des frais qui ont été nécessaires pour adapter le logement dans lequel il vit, qui n'était pas adapté puisque les pièces de vie sont situées au premier étage, soit le coût de réalisation d'une salle de bains au rez de chaussée, adaptée à son handicap, outre la réserve du surplus des dépenses car il entend faire l'acquisition d'un logement adapté ;

- l'assistance par tierce personne permanente doit être indemnisée à raison de 22 € de l'heure sur 410 jours par an afin de tenir compte des jours fériés et des vacances ; l'indemnité doit lui être allouée sous forme de capital et non de rente afin qu'il soit libre d'utiliser les fonds à sa convenance ;

- le déficit fonctionnel temporaire doit être évalué à partir d'un forfait journalier de 30 € et augmenté de la somme de 10 000 € afin de réellement prendre en compte la perte des joies usuelles de la vie courante, c'est-à-dire le préjudice sexuel et le préjudice d'agrément temporaires ;

- l'existence d'un préjudice esthétique permanent implique que la victime a subi, durant la maladie traumatique, un préjudice esthétique temporaire d'ampleur au moins équivalente au préjudice esthétique permanent, lequel ne se révèle qu'à la stabilisation des lésions ;

- l'expert a retenu un déficit fonctionnel permanent de 60 % qui ne saurait être minoré au regard de l'importance des troubles subsistants après consolidation :

- le préjudice d'agrément est très important en regard de la vie très active qu'il menait avant l'intervention ;

- il existe un préjudice d'établissement puisque s'il peut voir ses petits enfants, il est privé de toute possibilité d'avoir avec eux des activités et de s'en occuper.

Dans ses dernières conclusions d'intimé, régulièrement notifiées le 4 novembre 2022, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, l'ONIAM demande à la cour de :

' dire ce que de droit sur la réformation du jugement ;

' réduire les indemnités sollicitées par M. [T] ;

' lui donner acte qu'il s'en remet à l'appréciation de la cour concernant la demande de réserve des dépenses de santé futures et des frais de logement adapté ;

' rejeter la demande d'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile ;

' rejeter toute autre demande.

Il propose de chiffrer le préjudice de la façon suivante :

- frais divers restés à charge : 1 345,15 € (700 € de frais de conseil, frais de transmission du dossier médical, frais de déplacement justifiés) ;

- assistance temporaire par tierce personne (13 € de l'heure) : 49 179 €

- dépenses de santé futures : 3 696,52 €

- frais de véhicule adapté : 7 975,13 €

- frais de logement adapté : rejet

- assistance permanente par tierce personne : 128 544 € à verser sous forme de rente trimestrielle de 8 034 € ;

- déficit fonctionnel temporaire : 7 668 €

- souffrances endurées : 17 500 €

- préjudice esthétique temporaire : rejet

- déficit fonctionnel permanent : 68 000 €

- préjudice esthétique permanent : 8 281 €

- préjudice d'agrément : 15 000 €

- préjudice sexuel : 10 000 €

- préjudice d'établissement : rejet.

Ne contestant plus son obligation indemnitaire, il fait valoir que :

- les aménagements du domicile réalisés avant consolidation (fauteuil et barre de douche, fauteuil élévateur autoportant, n'ont pas été retenus par l'expert) ;

- les périodes au titre desquelles M. [T] réclame une assistance par tierce personne correspondent pour partie à des périodes d'hospitalisation, alors qu'il convient d'indemniser uniquement celles où il était à domicile ;

- les dépenses de santé futures sont constituées uniquement par l'assistance électrique retenue par l'expert à l'exclusion du fauteuil de douche ;

- les frais de véhicule adapté correspondent exclusivement au surcoût engendré par l'adaptation du véhicule au handicap, à renouveler tous les sept ans ;

- les frais de construction d'une nouvelle salle de bains ne sont pas retenus par l'expert qui indique que M. [T] peut monter au premier étage grâce aux rampes qu'il a fait installer dans l'escalier ; M. [T] ne produit qu'un devis à l'exclusion de toute facture ;

- l'assistance par tierce personne permanente doit être indemnisée à partir d'un forfait horaire de 13 € et s'agissant de l'avenir, il convient d'allouer l'indemnité sous forme de rente, cette modalité de paiement permettant de tenir compte de l'évolution des aides qui pourraient être accordées dans l'avenir à M. [T], notamment la prestation de compensation du handicap (PCH) et l'allocation perte d'autonomie (APA) ainsi que des éventuelles périodes d'hospitalisation ;

- le déficit fonctionnel permanent ayant été mal évalué par l'expert, il convient de retenir un taux de déficit fonctionnel temporaire partiel avant consolidation de 50 % ;

- il n'y a pas lieu d'indemniser un préjudice esthétique temporaire non retenu par l'expert dès lors qu'il existe un préjudice esthétique permanent ;

- le déficit fonctionnel permanent comprend la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel, de sorte qu'il n'est pas justifié d'indemniser à part des séquelles physiologiques et psychologiques, des douleurs et des troubles, le tout faisant partie intégrante du déficit fonctionnel permanent ; pour un syndrome de la queue de cheval complet, avec troubles sphinctériens, anesthésie en selle, le taux de déficit fonctionnel permanent normalement retenu est aux alentours de 30 à 50 %, de sorte qu'il convient de retenir un taux de 50 % ;

- il n'existe aucun préjudice d'établissement puisque M. [T] est déjà marié et père de famille et que la privation évoquée relève avant consolidation du déficit fonctionnel temporaire et après consolidation du déficit fonctionnel permanent au titre d'une privation des plaisirs de l'existence et en tout état de cause, le fait d'être en fauteuil roulant ne l'empêche pas de voir ses petits enfants.

Dans leurs dernières conclusions, régulièrement notifiées le 3 mars 2022, la société clinique [14], le GIE clinique [14] et la société AXA demandent à la cour de condamner M. [T] à leur payer la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, distraits au profit de leur conseil.

Ils font valoir qu'aucune demande indemnitaire n'est dirigée à leur encontre mais qu'ayant été intimés, ils ont droit à l'indemnisation des frais irrépétibles que l'appel les a contraints à engager.

Dans leurs dernières conclusions d'intimé, régulièrement notifiées le 25 avril 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, M. [M] et la société MACSF demandent à la cour de :

' confirmer en toutes ses disposions le jugement du 5 décembre 2019 ;

' prononcer leur mise hors de cause ;

' condamner M. [T] à leur payer une indemnité de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, distraits au profit de leur conseil.

Ils font valoir qu'aucune faute causale de prise en charge ne peut être imputée à M. [M], le patient ayant manifestement été victime d'un accident médical non fautif dont ce dernier ne saurait être tenu de réparer les conséquences dommageables.

L'HIA Sainte Anne, assigné par M. [T], le docteur [M] et la société MACSF par actes d'huissier des 31 mars 12 mai 2020 et 11 juin 2020, délivrés à personne habilitée, contenant dénonce de l'acte d'appel et des conclusions d'appelants, n'a pas constitué avocat.

La CPAM du Var, assignée par M. [T], par actes d'huissier des 31 mars et 15 mai 2020, délivrés à personne habilitée et contenant dénonce de l'acte d'appel et des conclusions d'appelants, n'a pas constitué avocat.

Par courrier adressé au greffe de la cour d'appel le 28 février 2020, elle a fait connaître le montant définitif de ses débours pour 7 726,55 €, correspondant à des prestations en nature.

******

L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

L'appel porte sur l'ensemble des chefs de jugement de la décision de première instance.

Par arrêt du 21 avril 2021, le GIE et la société clinique [14], la société Axa assurances IARD et le HIA Sainte Anne ont été déclarés hors de cause.

Sur le droit à indemnisation de M. [T] par la solidarité nationale

En application de l'article L 1142-1 II du code de la santé publique, lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale, lorsqu'il est directement imputable à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'il a eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présente un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.

Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret.

Il résulte de ce texte que, pour prétendre à une indemnisation par la solidarité nationale, le patient doit démontrer :

- qu'il a été victime d'un accident médical non fautif ;

- que cet accident médical non fautif a eu pour lui des conséquences anormales au regard

de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci ;

- que le dommage présente un caractère de gravité apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.

A l'issue des opérations d'expertise ordonnées par la cour, l'ONIAM ne conteste plus que M. [T] remplit les conditions posées par le texte précité de sorte qu'il a droit à l'indemnisation de son préjudice par la solidarité nationale au titre de l'accident médical non fautif dont il a été victime le 14 décembre 2016.

Sur le préjudice corporel

L'expert, le docteur [I] conclut dans son rapport d'expertise que M. [T] a souffert, à la faveur de l'accident médical, d'un hématome épidural responsable d'une paraplégie bilatérale sur un syndrome de la queue de cheval en dessous de L4 avec déficit du membre supérieur côté droit et atteintes multi-radiculaires C5 C6 droite.

Il conserve comme séquelles un syndrome de la queue de cheval avec troubles génito sphinctériens complets, douleurs neuropathiques et marche quasi impossible.

L'expert conclut à :

- un déficit fonctionnel temporaire total du 15 au 27 décembre 2016, du 28 décembre 2016 au 30 juin 2017, sauf à déduire 10 % pendant 45 jours au titre de la période normale de convalescence ;

- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 75 % du 1er juillet au 5 décembre 2017 ;

- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 67 % du 6 décembre 2017 au 4 février 2019 ;

- une consolidation au 5 février 2019 ;

- une assistance par tierce personne de 8 heures par jour du 1er mai 2017 au 5 décembre 2017 pour les jours où il était présent à son domicile, 7 heures par jour du 6 décembre 2017 au 4 février 2019 puis 6 heures par jour à vie ;

- aides techniques : un fauteuil roulant à renouveler tous les cinq ans (fauteuil pliant, fauteuil tous terrains avec roue électrique, fauteuil à assistance électrique), attelles à renouveler tous les deux ans, béquilles, rollator, autosonsages ;

- un véhicule adapté à son état avec treuil pour charger le fauteuil,

- des souffrances endurées de 5,5/7

- un déficit fonctionnel permanent de 60 % ;

- un préjudice esthétique permanent de 4/7

- un préjudice d'agrément total

- un préjudice sexuel, de procréation et d'établissement,

- une impossibilité de s'occuper de ses petits enfants.

Son rapport constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime, née le [Date naissance 1] 1949, de son statut de retraité et de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

M. [T] était âgé de 67 ans au moment de l'accident et de 69 ans au jour de la consolidation. Il est actuellement âgé de 73 ans.

L'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue. En conséquence, lorsqu'une capitalisation sera nécessaire, elle sera effectuée selon le barème de la gazette du palais 2020, taux 0,3 % qui apparaît approprié, eu égard aux données démographiques et économiques actuelles.

Préjudices patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Frais divers 23 690,84 €

Ils sont représentés par :

- les honoraires d'assistance à expertise par le professeur [N], médecin conseil. Les factures s'élèvent à 1 200 € et 1 460 € soit au total 2 640 €.

Ce montant est élevé mais il s'agit d'une dépense qui a été supportée par la victime et qui est née directement et exclusivement de l'accident médical non fautif qui ouvre droit à une réparation au titre de la solidarité nationale.

Par ailleurs, les opérations d'expertise ont été longues et complexes en ce qu'elles ont donné lieu à des contestations, tant de la part des acteurs de santé que de l'ONIAM avec un enjeu très important pour [T] qui était susceptible d'être privé de toute indemnisation.

Il était donc légitime à s'entourer de l'avis d'un spécialiste reconnu afin de bénéficier d'une assistance spécialisée lors des opérations d'expertise.

La somme de 2 640 € revient dont à M. [T] à ce titre.

- les frais d'obtention du dossier médical : M. [T] justifie, selon facture de l'hôpital privé de [Localité 15] et avis de pré-paiement de l'hôpital [C] [O], avoir été contraint de débourser la somme de 40,38 € afin d'obtenir les pièces de son dossier médical ; cette dépense étant née directement et exclusivement de l'accident médical non fautif qui ouvre droit à une réparation au titre de la solidarité nationale, il a le droit d'en être indemnisé, soit 40,38 € lui revenant à ce titre ;

- le fauteuil de douche et barre d'appui : dans son rapport, l'expert n'évoque pas la nécessité d'un quelconque fauteuil de douche et d'une barre d'appui. Cependant, les conditions dans lesquels M. [T] se déplace sont difficiles, il demeure très instable en position debout et la marche est hésitante et laborieuse. L'expert précise en effet qu'il peut tout au plus faire quelques pas avec un cadre. La salle de bains ou de douche est un environnement particulièrement glissant, propice aux chutes mêmes pour les personnes valides. Son état justifie donc qu'il bénéficie d'un fauteuil de douche et d'une barre d'appui qui lui permettront de prévenir les risques de chute. A ce titre, il lui revient donc la somme de 540,07 € (529,17 € +10,90 €) ;

- l'élévateur vertical autoportant : cet équipement est destiné à permettre à M. [T] d'accéder au premier étage de son habitation par l'extérieur directement depuis le parking. L'ONIAM s'oppose à l'indemnisation de cet aménagement au motif que l'expert ne l'a pas retenu et qu'en tout état de cause, M. [T] peut accéder au premier étage depuis l'habitation dès lors qu'il a fait installer des barres verticales sur l'escalier. Il est exacte que cet équipement n'est pas mentionné dans le rapport d'expertise. L'expert a omis dans ces conclusions, de répondre à la mission qui lui demandait de se prononcer sur l'aménagement du logement dont cet équipement fait partie. Cependant, en page 11 de son rapport, il se réfère expressément à la pièce 37 de Me [P], avocat de M. [T], détaillant les aménagements nécessaires en précisant qu'il les 'valide'.

La cour n'est pas en possession de cette pièce n°37 afin de s'assurer que l'aménagement contesté y figure.

Cependant, M. [T] produit un rapport officieux du docteur [K] [B], médecin titulaire d'un diplôme d'ergonomie appliquée, qui fait état au titre des aménagements nécessaire, de l'installation de cet élévateur vertical. Certes, cet avis ne procède pas d'une expertise judiciaire réalisée au contradictoire des parties, mais il n'est pas contesté que M. [T] se déplace quasi constamment en fauteuil roulant et que l'expert préconise d'ailleurs, pour le véhicule, un treuil lui permettant d'intégrer son véhicule avec fauteuil. Les deux rampes installées de chaque côté de l'escalier conduisant du rez de chaussée à l'étage, si elles sécurisent en partie la montée, le contraignant malgré tout à emprunter celui-ci à pied. Par ailleurs, la marche est décrite par l'expert [I] comme particulièrement difficile et instable, M. [T] pouvant tout au plus faire quelques pas avec un cadre.

Il en résulte que M. [T] n'est pas en mesure de monter à l'étage en toute sécurité et autonomie lorsqu'il emprunte cet escalier. Dans ces conditions, l'état et la gravité des séquelles, nécessitaient bien l'installation de ce élévateur afin qu'il soit en mesure de se rendre du parking (où il est amené à se stationner régulièrement avec un véhicule adapté), à l'étage en toute sécurité. Celui ci est d'autant plus indiqué que M. [T] demeure dynamique dans sa vie personnelle, qu'il entend conserver ce dynamisme en dépit de son handicap et qu'il a besoin, afin d'être replacé, autant que faire se peut, dans la situation antérieure à l'accident médical, d'être autonome, ce que cet élévateur lui permet. M. [T] produit un devis de la société ADS en date du 27 novembre 2017, chiffrant le coût de l'installation de cet élévateur à 19 623 €, étant rappelé que la victime, pour être indemnisée, n'a pas à justifier de l'engagement de la dépense, mais seulement de la réalité et du chiffrage du besoin.

Une somme de 19 623 € revient donc à ce titre à M. [T].

- les frais de déplacement pour se rendre aux divers examens et consultations médicales, à savoir opérations d'expertise du docteur [J] à [Localité 13], audience devant la CCI, et opérations d'expertise de l'expert judiciaire [I] à [Localité 11] : ces déplacements représentent 1 298 kilomètres. M. [T] n'étant plus en possession de la carte grise du véhicule qu'il dit avoir utilisé pour ces déplacements, doit être indemnisé sur la base d'un véhicule de gamme moyenne, soit 5 CV, et 0,603 € du kilomètre, ce qui représente une dépense de 782,69 €, auxquels s'ajoutent les frais de péage autoroutier, soit 64,70 €. Au total, c'est donc une somme de 847,39 € qui revient à M. [T] à ce titre.

Au total, les frais divers s'élèvent à 23 690,84 €.

- Assistance par tierce personne 67 980 €.

La nécessité de la présence auprès de M. [T] d'une tierce personne n'est pas contestée dans son principe ni son étendue pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d'autonomie mais elle reste discutée dans son coût.

L'expert précise, en effet, que M. [T] a eu besoin d'une aide non spécialisée de :

- huit heures par jour du 1er mai 2017 au 5 décembre 2017 pour les jours où il était à son domicile,

- sept heures par jour du 6 décembre 2017 au 4 février 2019.

Il précise que M. [T] a bénéficié d'une prise en charge en hôpital de jour jusqu'au 5 décembre 2017, trois jours par semaine avec kinésithérapie en alternance deux fois par semaine au domicile et permission d'une journée à compter de mai 2017 puis les fins de semaine à partir de juin 2017.

En conséquence, les périodes à indemniser correspondent à douze jours avant retour à domicile, et quatre vingt neuf jours après retour à domicile si on exclut les journées d'hôpital de jour, et au total 101 jours à 8 heures par jour et 427 jours à 7 heures par jour.

M. [T] justifie par une attestation de la MDPH du Var, qu'il ne bénéficie pas de prestation de compensation du handicap.

En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées. Eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, des tarifs d'aide à domicile en vigueur dans la région, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire moyen de 22 €.

L 'indemnité de tierce personne s'établit à 67 980 €.

Préjudices patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Dépenses de santé futures 4 972,26 €

Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation et incluent les frais liés soit à l'installation de prothèses soit à la pose d'appareillages spécifiques nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique.

L'expert [I] retient la nécessité d'un fauteuil roulant à renouveler tous les cinq ans (fauteuil pliant, fauteuil tous terrains avec roue électrique, fauteuil à assistance électrique), attelles à renouveler tous les deux ans, béquilles, rollator, autosonsages.

Fauteuil de douche : dans son rapport, l'expert n'évoque pas la nécessité d'un quelconque fauteuil de douche. Cependant, les conditions dans lesquels M. [T] se déplace ont été rappelées ci dessus. D'une part, il est en grande difficulté pour marcher, d'autre part la station debout est particulièrement instable. L'expert précise qu'il peut tout au plus faire quelques pas avec un cadre. La salle de bains ou de douche est un environnement particulièrement glissant, propice aux chutes mêmes pour les personnes valides. Son état justifie donc qu'il bénéficie d'un fauteuil de douche qui lui permettra de prévenir les risques de chute. Il produit une facture de la société Ipomed chiffrant le coût de ce fauteuil à 529,17 €.

Un renouvellement tous les cinq ans sera retenu pour ce matériel, ce qui représente une dépense annuelle de 105,83 €. Capitalisée selon l'indice de rente viagère pour un homme âgé de 74 ans lors du prochain renouvellement en mars 2024, soit 11,978, la somme revenant à M. [T] à ce titre s'élève à 1 267,67 €, étant observé que la dépense initiale a été indemnisée au titre des frais divers.

- fauteuil roulant : M. [T] justifie avoir fait l'acquisition d'un kit touring qui permet la motorisation de son fauteuil roulant ; la facture produite fait état d'un coût de 1 091 € non contesté par l'ONIAM. La cour fixe la fréquence de renouvellement de cet équipement tous les cinq ans. La dépense annuelle s'élève donc à 218,20 €. Capitalisée selon l'indice de rente viagère pour un homme âgé de 74 ans lors du prochain renouvellement en mars 2024, soit 11,978, la somme revenant à M. [T] à ce titre s'élève à 2 613,59 €, outre la dépense initiale de 1 091 €, soit 3 704,59 €

Au total, les dépenses de santé futures s'élèvent à 4 972,26 €.

Le surplus des dépenses de santé après consolidation sera réservé dans l'hypothèse où la CPAM cesserait de prendre en charge les dépenses qu'elle accepte actuellement de rembourser.

Frais de logement adapté 48 930,05 €

Le poste de préjudice frais de logement adapté correspond aux frais que doit débourser la victime directe à la suite du dommage pour adapter son logement à son handicap et bénéficier ainsi d'un habitat en adéquation avec celui-ci.

Ce poste comprend donc, non seulement l'aménagement du domicile préexistant, mais éventuellement celui découlant de l'acquisition d'un domicile mieux adapté, prenant en compte le surcoût financier engendré par cette acquisition, ainsi que le coût des aménagements nécessaires afin d'adapter le logement au handicap.

M. [T] réclame la somme de 48 928,05 € correspondant aux travaux effectués dans le logement qu'il occupe actuellement ainsi que la réserve de ses demandes relatives au coût d'acquisition de son logement définitif et des travaux y afférent.

La somme de 48 928 € correspond à des travaux de création d'une salle de bains au rez de chaussée.

L'ONIAM conteste la nécessité de cette dépense au motif que M. [T] a fait installer deux barres transversales sur l'escalier afin de pouvoir monter au 1er étage où se trouvent les chambres et la salle de bain. Il n'existe donc pas, selon lui, de nécessité de créer une salle de bain en rez de chaussée.

L'expert ne s'est pas prononcé sur les frais de logement adapté sinon en indiquant, page 11 de son rapport, qu'il valide les aménagements considérés comme nécessaires par Me [P]. Il se réfère, ce faisant à une pièce n°37 qui ne figure pas en annexe de son rapport, de sorte que la cour n'est pas en mesure de s'assurer que la création d'une salle de bains en rez de chaussée constitue selon l'expert une dépense indispensable en regard du handicap de la victime.

Cependant, dans son rapport, décrivant les séquelles dont M. [T] demeure atteint, l'expert retient des troubles génito sphinctériens complets, qui contraignent M. [T] à réaliser des auto-sondages cinq fois par jour.

Les troubles génitaux sphinctériens complets induisant également des troubles au niveau du transit intestinal. A l'occasion du bilan de février 2017, tel que retranscrit dans le rapport d'expertise un mauvais contrôle du tonus anal a été relevé, même si M. [T] a trouvé un équilibre avec l'évacuation par suppositoire et auto-extraction des selles et mise en place d'un peristeen obtal pour éviter les accidents d'incontinence.

Il résulte de ces éléments que M. [T] est sujet à la fois aux fuites urinaires et aux accidents d'incontinence même si des dispositifs médicaux lui permettent de les éviter la majeure partie du temps. Dans ces conditions, alors que par ailleurs son périmètre de marche est très limité, la localisation à l'étage de la salle de bains alors que M. [T] passe du temps au rez de chaussée où se trouve son bureau, n'est pas adaptée à son handicap. La victime doit être en mesure, en cas de fuite urinaire ou d'accident d'incontinence, de se laver. Or, si l'escalier qui monte à l'étage a été équipé de deux rampes, celles ci sont insuffisantes en regard de son instabilité en station debout, pour lui permettre de se rendre en urgence à l'étage s'il en a besoin.

Dans ces conditions, la création d'une salle de bains au rez de chaussée doit être considérée comme nécessaire à son autonomie et doit être indemnisée au titre des aménagements rendus nécessaires par son handicap.

M. [T] produit une facture de la société MTCE Evolution (démolition de la faïence, dépose de la baignoire, traitement d'étanchéité, fourniture et mise en place d'un turbo film et d'un siphon, création d'une chape, pose de carrelage, mise en place de la faïence, reprise des réseaux de plomberie, fourniture et dépose d'une colonne et dépose et reprise du faux plafond) d'un montant TTC de 2 058 €, une facture de la société Castorama (kit douche, mosaïque, carreaux et joints) et une facture de carte bancaire (carrelage au sol) d'un montant TTC de 1 160,65 € au total, une facture de la société Leroy Merlin (paroi de douche, accessoire edge et stabilisateur) d'un montant TTC de 222,90 €, une facture de la société Lepagney plomberie générale (éléments de plomberie) d'un montant TTC de 542,50 €, une facture de la société Lapeyre (main courante, fixation, embouts et raccord pour main courante) d'un montant TTC de 458 €, un devis de la société MTCE évolution concernant la façon, la main d'oeuvre et diverses fournitures (robinetterie etc..) pour la création de la salle de bains, d'un montant TTC de 44 328 € et un justificatif de commande d'une paroi de douche auprès de la société Schulte pour un montant TTC de 160 €.

Pour être indemnisée, la victime n'a pas à justifier de l'engagement effectif de la dépense, mais seulement de la réalité et du chiffrage du besoin.

Une somme de 48 930,05 € revient donc à ce titre à M. [T] au titre des frais de logement adapté.

Par ailleurs, M. [T] a pu par quelques aménagements, adapter le logement qu'il occupe afin qu'il intègre son handicap. Cependant, celui-ci a conduit à une importante perte d'autonomie du fait de la nature des séquelles et à l'usage quasi permanent d'un fauteuil roulant, d'un déambulateur et d'une aide humaine. Le logement qu'il occupe est une maison individuelle avec rez de chaussée (entrée, buanderie, chambre, WC et bureau), un étage (cuisine, séjour, salle de bain, chambre et terrasse) desservi par un escalier intérieur de quatorze marches. Selon le docteur [B] qui s'est déplacé sur place, la largeur des portes intérieures permet le passage mais celui-ci n'est pas sécurisé ni autonome et l'accès aux meubles et éléments de cuisine est difficile. L'escalier intérieur n'est pas adapté dans la mesure où l'accès n'est pas sécurisé ni autonome et il en va de même du sol en gravier du parking privé et de la voie accédant à la voirie publique.

La réserve du surplus de frais de logement (pour l'acquisition d'un logement adapté), demandé par M. [T] sans que l'ONIAM s'y oppose, est donc indiquée afin de lui permettre de formaliser un projet de vie définitif conforme à son handicap.

Frais de véhicule adapté 47 313,71 €

Ce poste correspond aux frais que doit la victime doit engager à la suite du dommage pour adapter son véhicule à son handicap et bénéficier ainsi d'un moyen de déplacement en adéquation avec celui-ci.

Il est indemnisé selon la nature et l'importance du handicap de la victime, des possibilités d'aménagement du véhicule existant ou de la nécessité de changer de véhicule.

En l'espèce, l'expert a retenu la nécessité d'un véhicule adapté au handicap avec treuil pour charger le fauteuil roulant.

La victime qui se déplace en fauteuil roulant est en droit de demander l'indemnisation de l'aménagement d'un véhicule adapté à son handicap, non seulement en ce qui concerne le poste de conduite lui-même, mais également en ce qui concerne l'accueil du fauteuil roulant et l'accès au poste de conduite.

Si lorsque le véhicule dont la victime est propriétaire ne peut être aménagé parce que l'accès au poste de conduite doit désormais se faire en fauteuil roulant, la victime est en droit de solliciter le remboursement des frais d'acquisition d'un véhicule permettant un accès en fauteuil.

Tel n'est pas le cas de M. [T], l'expert ayant préconisé, non pas un accès au poste de conduite par fauteuil mais un aménagement par installation à l'arrière du véhicule d'un simple treuil pour charger le fauteuil (outre les adaptations du poste de conduite). D'ailleurs, M. [T] produit un devis d'aménagement de véhicule par installation du treuil à l'arrière du véhicule pour charger le fauteuil.

En conséquence, seul le surcoût (différence de valeur entre le véhicule adapté et celui dont la victime se satisfaisait ou se serait satisfaite) doit être indemnisé.

En l'espèce, M. [T] justifie avoir acheté le 17 octobre 2017 au prix de 32 500 € un véhicule HIA Niro Hev premium Cool Tra, adaptable à son état et l'avoir fait aménager ( boîte automatique, commandes d'accélération et de freinage portées au volant, accélérateur satellitaire filaire électronique et frein de service pousser) pour un coût total de 2 555 €. Le coût des frais engagés pour le véhicule s'élève donc à 35 055 €.

Le 16 décembre 2020, il a revendu ce véhicule et fait l'acquisition en remplacement d'un véhicule Grand Scenic 160 FAP EDC 5 pour un coût total de 30 001 € qu'il a fait adapter par l'installation d'un support standard pour levier de frein et combiné accélérateur/frein, d'un ensemble de barre de poussée pour frein de service à main, et d'un faisceau électrique pour carte d'accélérateur électronique, pour un coût total de 1 052 €, soit au total la somme de 31 053 €.

Il produit un devis en date du 20 septembre 2021 pour l'achat et la pose d'un treuil de chargement de son fauteuil roulant dans son véhicule, à hauteur de 2 231,33 €.

L'indemnisation de l'acquisition de plusieurs véhicules adaptés consécutifs n'est pas justifiée.

Seul l'est le coût d'acquisition du premier véhicule, des adaptations nécessitées par le handicap et du renouvellement.

Par ailleurs, il convient de déduire la valeur du véhicule dont il était propriétaire auparavant ou, en l'absence de justificatif de la valeur de celui-ci, la valeur d'un véhicule dont il se serait satisfait en l'absence de survenance du handicap, soit 20 000 € correspondant à un véhicule de milieu de gamme.

La dépense initiale s'élève à 35 055 € à laquelle doit être ajouté le coût de l'achat de la pose du treuil (2 231,33 €), soit 37 286,33 €.

Après déduction de la valeur d'un véhicule standard de milieu de gamme, le coût d'acquisition nécessité par le handicap s'élève à 17 286,33 €.

La fréquence de renouvellement sera fixée à 7 ans.

Les frais de véhicule adapté sont donc les suivants :

- coût net de la première acquisition en 2017 : 17 286,33 (37 286,33 € - 20 000 €)

- dépense annuelle 2 469,47 € (17 286,33/7)

- capitalisation pour le futur selon l'indice de rente viagère pour un homme âgé de 74 ans lors du prochain renouvellement en 2024, soit 11,978 : 29 579,38 €.

et au total, la somme de 46 865,71 € revenant à M. [T]

Le handicap dont M. [T] est atteint aux membres inférieurs est de nature à modifier complètement la conduite d'un véhicule. Les leçons de conduite prises afin de le mettre à l'aise et de lui permettre de conduire en toute sécurité sur le réseau public routier sont donc justifiées et, étant nécessitées par le handicap et l'accident médical qui l'a provoqué, sont indemnisables. Elles seront indemnisées à hauteur de 448 € selon la facture qui est produite aux débats.

Au total, les frais de logement adaptés s'élèvent à 47 313,71 €.

Assistance par tierce personne : 215 186,04 € + rente annuelle de 54 120 €

L'indemnisation des besoins en assistance par tierce personne après consolidation est liée au degré d'autonomie de la victime dans les actes de la vie quotidienne. Celle-ci a droit à une indemnité destinée à préserver sa sécurité, restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie.

Il s'agit de rétablir l'ensemble des droits altérés par les séquelles par le recours à une aide humaine, étant précisé que cette aide ne se limite pas aux besoins vitaux mais doit envisager toutes les dimensions de l'existence dans les sphères privée, familiale et sociale.

Le besoin varie selon l'importance des séquelles. L'indemnisation n'est pas subordonnée à la justification des dépenses engagées de ce chef et ne saurait être réduite en cas d'assistance gracieuse par un proche.

L'expert a retenu un besoin de six heures par jour à titre viager.

En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées.

Eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, des tarifs d'aide à domicile en vigueur dans la région, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire moyen de 22 € sur une base annuelle de 410 jours afin de tenir compte des jours fériés et des fins de semaine.

L 'indemnité de tierce personne échue s'établit à 215 186,04 €.

S'agissant de la tierce personne à échoir, le besoin annuel s'élève, sur une base annuelle de 410 jours afin de tenir compte des jours fériés et des fins de semaine, à 2 460 heures.

Une indemnité sous forme de rente sera privilégiée, cette modalité étant plus protectrice des intérêts de la victime dont l'autonomie va aller en diminuant et qui doit pouvoir être certaine de bénéficier de fonds jusqu'à son décès pour faire face à un besoin important.

L'allocation sous forme de rente, plus protectrice des intérêts de la victime, l'est également des deniers publics qui sont mobilisés dans le cadre de la présente indemnisation, notamment si dans l'avenir M. [T] était amené à bénéficier de l'APA (la PCH n'étant plus susceptible d'être perçue en regard de l'âge actuel de M. [T]).

Il sera donc alloué à M. [T] la somme de 54 120 €, sous forme de rente annuelle, versée à terme échu avec revalorisation conformément à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale et suspendue en cas d'hospitalisation supérieure à quarante-cinq jours, à charge pour lui de justifier chaque année auprès de l'ONIAM qu'il ne perçoit aucune somme au titre de l'APA.

Préjudices extra-patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire 17 760 €

Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence, le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

L'ONIAM conteste le taux de déficit fonctionnel temporaire à 75 % en invoquant les conclusions du docteur [J] expert désigné par la CCI qui a retenu un taux de 50 % dès juillet 2017. Cependant, l'expert [I] a retenu un taux de 75 % pour cette période à l'issue d'opérations contradictoires et il n'est fait mention d'aucun dire adressé à l'expert à ce sujet. Ce chiffrage est cohérent avec le besoin en tierce personne sur la même période. L'absence d'autonomie au cours de cette période et la nécessité d'être aidé à hauteur de huit heures par jour, soit la plus grande partie de la journée, traduit bien l'importance de l'atteinte à la qualité de vie de la victime. En conséquence, le chiffrage de l'expert [I] sera retenu.

Le préjudice doit être réparé sur la base d'environ 900 € par mois, comprenant l'incidence temporaire dans la sphère sexuelle et dans les activités d'agrément, et eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie soit :

- déficit fonctionnel temporaire total du 15 au 27 décembre 2016, du 28 décembre 2017 au 30 juin 2017, sauf à déduire 10 % pendant 45 jours au titre de la période normale de convalescence : 5 805 € (5 940 € - 135 € ),

- déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 75 % du 1er juillet au 5 décembre 2017 : 3 555 €,

- déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 67 % du 6 décembre 2017 au 4 février 2019 : 8 562,60 €,

et au total la somme de 17 922,60 €.

- Souffrances endurées 40 000 €

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison de l'importance et du caractère rebelle, de l'anesthésie périnéale, de la nécessité de sondages, de la difficulté à gérer les selles compte tenu de l'hypotonie anale et de l'anesthésie en selle, du déficit moteur du membre supérieur droit, de la symptomatologie douloureuse, des traitements médicamenteux ; évalué à 5,5 /7 par l'expert, il justifie l'octroi d'une indemnité de 40 000 €.

- préjudice esthétique temporaire 5 000 €

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique.

L'expert ne mentionne dans son rapport qu'un préjudice esthétique permanent qu'il chiffre à 4/7.

Cependant, dès lors que celui-ci s'élève à 4/7 après consolidation et que les séquelles se sont installées dès après l'intervention au cours de laquelle M. [T] a été victime de l'accident médical, le préjudice esthétique temporaire est, a minima, aussi important.

En effet, le préjudice esthétique permanent, s'il n'est pas explicité par l'expert correspond à la nécessité pour la victime de circuler en fauteuil roulant ou, avec beaucoup de difficultés avec un déambulateur. Avant qu'il s'installe, M. [T] était alité.

Il doit être considéré dans ces conditions que le préjudice esthétique de 4/7 a existé d'emblée et qu'il a duré jusqu'à la consolidation, date à laquelle il est devenu définitif.

D'une durée d'un peu plus de deux ans, il sera indemnisé par une somme de 5 000 €.

Préjudices extra-patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent 146 000 €

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence personnelles, familiales et sociales.

Il est caractérisé par un syndrome de la queue de cheval avec troubles génito sphinctériens complets, des douleurs neuropathiques, et une marche quasi impossible, ce qui conduit à un taux de 60 %, tenant compte de l'évolution pour son propre compte de l'affection dont souffrait M. [T] avant l'intervention.

L'ONIAM conteste le chiffrage de l'expert au motif que, pour un syndrome de la queue de cheval complet, avec troubles sphinctériens, anesthésie en selle, le taux normalement retenu est aux alentours de 30 à 50%.

Cependant, il n'étaye son argumentation par aucun élément médical propre à M. [T].

Le docteur [J], désigné par la CCI, avait conclu à un déficit fonctionnel permanent d'au moins 30 %. Cette estimation est insuffisante pour écarter a priori le taux de 60 % retenu par l'expert judiciaire, celui-ci se situant bien au dessus de 30 %.

Par ailleurs, ce chiffrage a été retenu par l'expert [I] aux termes d'opérations qui se sont déroulées au contradictoire de l'ONIAM et il n'est fait état à ce sujet d'aucun dire remettant en cause l'évaluation du déficit fonctionnel permanent. Les décisions de justice citées par l'ONIAM concernent d'autres victimes, de sorte qu'il ne peut y être référé pour chiffrer le taux de déficit fonctionnel de M. [T] qui a été examiné par le docteur [I] avant que celui-ci évalue le taux de déficit.

De son côté, M. [T] demande que l'évaluation par référence au point soit améliorée par l'allocation de sommes spécifiques au titre des douleurs permanentes et des troubles dans les conditions d'existence.

Or, il n'y a pas lieu d'indemniser spécifiquement les douleurs permanentes et le trouble dans les conditions d'existence qui font pleinement partie du taux retenu par l'expert.

Ces données justifient une indemnité de 146 000 € pour un homme âgé de 69 ans à la consolidation.

- Préjudice esthétique 20 000 €

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique.

Évalué à 4/7 au titre de la nécessité de se déplacer en fauteuil roulant et de l'instabilité à la station debout, il doit être indemnisé à hauteur de 20 000 €.

- Préjudice d'agrément 18 000 €

Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.

L'expert retient un préjudice d'agrément qu'il qualifie de total, formule qui renvoie à l'impossibilité pour M. [T] de poursuivre l'ensemble des activités sportives et de loisirs qu'il pratiquait avant l'accident médical.

M. [T] justifie par les pièces qu'il produit aux débats qu'il était très actif avant l'accident médical. Il pratiquait en effet de nombreuses activités sportives et de loisirs, à savoir la marche, qu'il pratiquait également en qualité d'animateur, les voyages, le bateau et le bénévolat.

Il justifie notamment qu'avant l'intervention, il venait de randonner sur le chemin de Compostelle et qu'il envisageait un trek en Chine avec son petit fils au cours de l'année 2017.

Son handicap l'a contraint à renoncer à ces activités qui exigent de l'autonomie, une capacité d'adaptation et une très bonne forme physique.

Si les troubles qui ont justifié l'intervention avaient ponctuellement réduit son périmètre de marche, celle-ci avait précisément pour objectif de le restaurer et de remédier aux douleurs.

M. [T] était âgé de 69 ans lors de la consolidation, de sorte qu'il pouvait espérer poursuivre ces activités pendant encore quelques années.

Ces éléments justifient d'évaluer le préjudice d'agrément à la somme de 18 000 €.

- Préjudice sexuel 20 000 €

Ce poste comprend divers types de préjudices touchant à la sphère sexuelle et notamment celui lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel.

L'expert retient des troubles sexuels qu'il qualifie d'importants et qui ne sont pas contestés par l'ONIAM. M. [T] était âgé de 69 ans à la consolidation.

Ces données justifient l'octroi d'une indemnité de 20 000 € à ce titre.

Préjudice d'établissement Rejet

Le préjudice d'établissement correspond à la perte d'espoir et de chance normale de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap.

M. [T] soutient qu'il s'agit également de la perte d'espoir et de chance de s'occuper de ses petits enfants et de jouer pleinement son rôle de grand père.

Cependant, M. [T] a déjà réalisé un projet de vie familiale puisqu'il a eu un fils qui est lui même désormais adulte. Certes, il ne peut plus prendre en charge ses petits enfants dans les mêmes conditions qu'avant l'accident médical mais pour autant il a une vie de famille y compris avec ses petits enfants. La perte des joies usuelles de l'existence, dont celles qui impliquent les petits enfants, et des activités d'agrément qu'il n'est plus en mesure de pratiquer avec son petit fils est indemnisée au titre du déficit fonctionnel permanent et du préjudice d'agrément.

Au delà de ces préjudices, il n'est pas justifié que l'accident médical a anéanti tout espoir et de chance de mener à bien un projet de vie familiale, M. [T] n'ayant pas perdu toute capacité à interagir dans de bonnes conditions avec les membres de sa famille.

Il sera dès lors débouté de sa demande à ce titre.

Récapitulatifs des préjudices

Postes de préjudice

Part victime

Frais divers

23 690,84 €

Assistance par tierce personne temporaire

67 980 €

Dépenses de santé futures

4 972,26 €

Frais de logement adapté

48 930,05 €

Frais de véhicule adapté

47 313,71 €

Assistance par tierce personne permanente

215 186,04 € + rente annuelle de 54 120 €

Déficit fonctionnel temporaire

17 760 €

Souffrances endurées

40 000 €

Préjudice esthétique temporaire

5 000 €

Déficit fonctionnel permanent

146 000 €

Préjudice esthétique permanent

20 000 €

Préjudice d'agrément

15 000 €

Préjudice sexuel

20 000 €

Total

671 832,90 € + rente annuelle de 54 120 €

Le préjudice corporel global subi par M. [E] [T] s'établit ainsi à la somme de 671 832,90 €, outre une rente annuelle de 54 120 €, sommes qui lui reviennent en intégralité.

Et qui, en application de l'article 1231-7 du code civil, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt soit le 19 janvier 2023.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens sont infirmées.

L'ONIAM, qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenu à indemnisation, supportera la charge des entiers dépens de première instance et d'appel.

L'équité justifie d'allouer à M. [T] une indemnité de 4 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et devant la cour.

Dans son arrêt du 21 janvier 2021, la cour, tout en déclarant hors de cause la société clinique [14], le GIE clinique [14] et la société AXA, a omis de statuer sur leur demande au titre des frais irrépétibles.

Aucune considération d'équité ne justifie de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de ces parties qui seront, dès lors, déboutées de leurs demandes au titre des frais irrépétibles exposés par leurs soins tant en première instance que devant la cour.

Par ces motifs

La Cour,

Vu l'arrêt rendu par la cour le 21 avril 2021 ;

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Toulon ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne l'ONIAM à payer à M. [E] [T] les sommes suivantes :

- 23 690,84 € au titre des frais divers,

- 67 980 € au titre de l'assistance par tierce personne temporaire,

- 4 972,26 € au titre des dépenses de santé futures,

- 48 930,05 € au titre des frais de logement adapté,

- 47 313,71 € au titre des frais de véhicule adapté,

- 215 186,04 €, outre une rente annuelle de 54 120 € au titre de l'assistance par tierce personne permanente, à verser à terme échu, avec revalorisation conformément à l'article L 434-17 du code de la sécurité sociale et qui sera suspendue en cas d'hospitalisation supérieure à 45 jours, au titre de l'assistance par tierce personne permanente, à charge pour M. [T] de justifier chaque année auprès de l'ONIAM de l'absence de perception de l'APA,

- 17 760 € au titre du déficit fonctionnel temporaire,

- 40 000 € au titre des souffrances endurées,

-5 000 € au titre du préjudice esthétique temporaire,

- 146 000 € au titre du déficit fonctionnel permanent,

- 20 000 € au titre du préjudice esthétique permanent,

- 15 000 € au titre du préjudice d'agrément,

- 20 000 € au titre du préjudice sexuel

le tout avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2023,

- une indemnité de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en appel ;

Déboute la société clinique [14], le GIE clinique [14] et la société AXA de sa demande au titre des frais irrépétibles qu'ils ont exposés en première instance et en appel ;

Condamne l'ONIAM aux entiers dépens de première instance et d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-6
Numéro d'arrêt : 20/01713
Date de la décision : 19/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-19;20.01713 ?
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