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19/01/2023 | FRANCE | N°18/01322

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 19 janvier 2023, 18/01322


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 19 JANVIER 2023



N° 2023/













Rôle N° RG 18/01322 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BB2NU







SCI LE COLOMBIER





C/



SARL CROUX ARCHITECTURE

Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS - MAF -

SAS EDEIS

Société SMABTP AVAUX PUBLICS - SMABTP

Compagnie d'assurances L'AUXILIAIRE





Copie exécutoire délivrée

le :

à : r>


Me Michel GOUGOT



Me Joseph MAGNAN



Me Françoise BOULAN



Me Romain CHERFILS













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 09 Janvier 2018 enregistrée au répertoire gé...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 19 JANVIER 2023

N° 2023/

Rôle N° RG 18/01322 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BB2NU

SCI LE COLOMBIER

C/

SARL CROUX ARCHITECTURE

Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS - MAF -

SAS EDEIS

Société SMABTP AVAUX PUBLICS - SMABTP

Compagnie d'assurances L'AUXILIAIRE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Michel GOUGOT

Me Joseph MAGNAN

Me Françoise BOULAN

Me Romain CHERFILS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 09 Janvier 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 16/06130.

APPELANTE

SCI LE COLOMBIER

, demeurant [Adresse 1]

représentée à l'audience par Me Michel GOUGOT de la SCP TROEGELER GOUGOT BREDEAU TROEGELER MONCHAUZOU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

SARL CROUX ARCHITECTURE

, demeurant [Adresse 7]

représentée à l'audience par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Philippe L'HOSTIS de la SCP ALBERTINI-ALEXANDRE-L'HOSTIS, avocat au barreau d'AVIGNON

Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS - MAF -

, demeurant [Adresse 2]

représentée à l'audience par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Marc FLINIAUX, avocat au barreau de PARIS

SAS EDEIS venant aux droits de la SNC LAVALIN, elle-même venant aux droits de la Société SETOR,

, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Paul GUILLET de la SELARL PROVANSAL-AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE susbtitué à l'audience par Maître POSTEL-VINAY Marie, avocate au barreau de MARSEILLE

Société SMABTP

, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Paul GUILLET de la SELARL PROVANSAL-AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE susbtitué à l'audience par Maître POSTEL-VINAY Marie, avocate au barreau de MARSEILLE

Compagnie d'assurances L'AUXILIAIRE

, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Christian SALOMEZ de l'ASSOCIATION RAYNE / SALOMEZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Inès BONAFOS, Présidente, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Monsieur Olivier ABRAM, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Janvier 2023.

ARRÊT

EXPOSE DU LITIGE

La société Le Colombier a souhaité réaliser la construction d'un ensemble immobilier de 41 logements et quatre locaux d'activité sis rue du 18 juin 1940 à [Localité 6];

Sont intervenues à cette opération:

La société CROUX Architectures, assurée auprès de la MAF, en charge de la maîtrise d''uvre de conception;

La société BET SETOR, devenue la société LAVALIN puis la société EDEIS, assurée auprès de la SMABTP, en charge de la maitrise d''uvre d'exécution;

la société BLANCHON Construction, assurée auprès de la société L'AUXILIAIRE, en charge du gros-'uvre;

Le permis de construire était accordé le 18 avril 2007;

Afin de déterminer si la construction était d'une hauteur supérieure à celle permise, une expertise était ordonnée le 18 février 2009, dont le rapport était déposé le 30 juin 2010;

Par exploit d'huissier en date des 28 et 29 octobre 2013, la société Le Colombier a fait assigner la société CROUX Architecture, la MAF, la société LAVALIN, la SMABTP et la société L'AUXILIAIRE devant le Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE afin, notamment, d'obtenir leur condamnation in solidum à lui payer la somme de 1 000 000 € à titre de dommages et intérêts, sauf à parfaire;

Par jugement en date du 9 janvier 2018, le Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE, notamment, déclarait l'action de la société Le Colombier irrecevable à l'encontre de la société CROUX Architecture, et la déboutait de ses demandes;

Par déclaration en date du 23 janvier 2018, la société Le Colombier relevait appel de cette décision;

Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 septembre 2022, la société Le Colombier sollicite de :

Recevoir la Société Le Colombier en son appel, régulier en la forme,

Au fond, y faisant droit :

Réformer le jugement entrepris,

Déclarer l'action de la Société Le Colombier recevable, en particulier à l'encontre de la Société CROUX Architecture,

Vu les articles 1147, 1134 et 1382 anciens du Code Civil :

Déclarer la Société CROUX Architecture, la Société EDEIS, venant aux droits de la Société SETOR, et la Société BLANCHON Construction responsables in solidum des préjudices subis par la Société Le Colombier du fait de la sur-hauteur du bâtiment B, de l'avis défavorable de l'Architecte des Bâtiments de France et du refus de la délivrance d'un arrêté de permis de construire modificatif emportant impossibilité de conformité,

Constatant que la Société BLANCHON Construction, qui est en liquidation judiciaire, a également engagé sa responsabilité au titre de son manquement à l'obligation de conseil :

Dire et juger que la société L'AUXILIAIRE en sa qualité d'assureur de la Société BLANCHON Construction, doit également indemniser la Société Le Colombier de son préjudice,

Condamner en conséquence in solidum la Société CROUX Architecture, la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS, la Société EDEIS venant aux droits de la Société SETOR, la SMABTP et la société L'AUXILIAIRE à payer à la Société Le Colombier les sommes suivantes:

Préjudice matériel tenant aux pertes subies sur la commercialisation 227.500 €

Préjudice commercial d'atteinte à l'image 300.000 €

Préjudice matériel et commercial tenant au temps passé 472.500 €

Soit au total une somme de 1.000.000 € à titre de dommages et intérêts,

Les condamner encore in solidum à rembourser à la Société Le Colombier, en la somme de 3.200 €, le coût de l'expertise judiciaire de Monsieur [P] et à lui rembourser les dépens de la procédure de référé ayant abouti à l'ordonnance de référé du 18 février 2009 du Président du T.G.I. d'AVIGNON,

Les condamner encore in solidum à payer à la Société Le Colombier une somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 C.P.C.,

Condamner in solidum les intimées aux entiers dépens, ceux d'appel distraits à la SCP d'Avocats soussignée, aux offres et affirmations de droit;

Elle indique qu'il est acquis que le bâtiment B avait une hauteur non conforme au permis de construire, et que la situation n'a pu être régularisée que six années après la demande qui en avait été initialement faite, l'exposant à de multiples démarches, civiles, pénales et judiciaires, dont elle se trouve fondée à demander l'indemnisation;

Elle précise que rien n'établit qu'elle ait accepté les termes du contrat par lesquels était stipulée la clause de saisine préalable, qui n'est instituée que pour avis, alors que la présente action à l'encontre de la société CROUX Architecture n'est pas relative à l'exécution du contrat, mais à la mise en jeu de sa responsabilité, étant ajouté que la saisine préalable par le maître d'ouvrage de l'Ordre des Architectes prévue au contrat le liant à l'Architecte n'est pas une condition de recevabilité de l'action directe engagée contre l'assureur de celui-ci ;

Elle développe ses préjudices, qui ne peuvent être limités par l'application d'un plafond de garantie inapplicable s'agissant de dommages matériels, non immatériels, dont les défendeurs se trouvent responsables au regard des fautes qu'ils ont commises, et qui ont engendré les préjudices qu'elle a subis;

Par conclusions notifiées par voie électronique le 10 octobre 2022, la société CROUX Architecture sollicite de :

I - Confirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions relatives à la société CROUX Architecture.

Subsidiairement,

II - Par application des dispositions de l'article 122 du Code de procédure civile, déclarer la société Le Colombier irrecevable en son action à l'encontre de la société CROUX Architecture.

En conséquence, la débouter de l'intégralité des demandes formées à l'encontre de la société CROUX Architecture.

Plus subsidiairement,

Par application des dispositions des articles 1134 et 1147 du Code civil en leur rédaction applicable au litige,

III - Constater que tous les préjudices matériels subis par la société Le Colombier ont d'ores et déjà été indemnisés par la MAF pour le compte de qui il appartiendra et sous réserve de l'exercice de ses recours,

IV - Déclarer la société Le Colombier irrecevable et mal fondée en sa demande d'octroi d'une indemnité de 1 million d'euros,

V - Dire et juger que la société Le Colombier ne fait la preuve ni du principe, ni du montant des préjudices allégués,

VI - En conséquence, débouter la société Le Colombier de l'intégralité des demandes formées contre la société CROUX Architecture,

Plus subsidiairement encore,

Par application des articles 1202 et 1134 anciens du Code civil dans leur rédaction applicable,

VII - Dire n'y avoir lieu à prononcer une condamnation in solidum ou solidaire et débouter l'ensemble des parties de toute réclamation à l'encontre de la société CROUX Architecture excédant 50 % des dommages dont ceux d'ores et déjà indemnisés,

Dire et juger que la responsabilité de la société BLANCHON Construction ne saurait être évaluée à moins de 20 % des dommages dont ceux d'ores et déjà indemnisés,

Dire et juger que la responsabilité de la société EDEIS venue aux droits de la société LAVALIN ne saurait être évaluée à moins de 30 % des dommages dont ceux d'ores et déjà indemnisés,

Très subsidiairement,

Par application des dispositions des articles 1382 ancien et 1240 actuel du Code civil,

VIII - Condamner in solidum de la société EDEIS et son assureur la SMABTP à garantir la société CROUX Architecture des condamnations qui seraient prononcées à son encontre dans une proportion qui ne soit pas inférieure à 30 %,

IX - Condamner la société L'AUXILIAIRE à garantir la société CROUX Architecture des condamnations qui seraient prononcées à son encontre dans une proportion qui ne soit pas inférieure à 20 %,

En tout état de cause,

X - Condamner la société Le Colombier et, à défaut la ou les parties perdantes, à payer à la société CROUX Architecture la somme de 5.000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,

Elle expose qu'en exécution de deux protocoles transactionnels intervenus les 7 février 2011 et 29 juillet 2014, grâce à elle et à son assureur la MAF, l'ensemble des préjudices liés à la hauteur de la construction a été résolu en contrepartie du versement par la MAF de la somme de 519 633,35 €, la société CROUX Architecture supportant pour sa part une franchise de 6 888,71 €, alors par ailleurs que la situation administrative a été régularisée par l'octroi d'un permis de construire modificatif en date du 22 mai 2015, non contesté, auquel a succédé une attestation de la mairie de [Localité 6] de conformité des travaux le 3 juin 2016 ;

Elle précise que l'action à son encontre est irrecevable pour ne pas avoir respecté la clause de conciliation préalable stipulée au contrat d'architecte, et ajoute qu'à supposer sa responsabilité engagée nonobstant l'ensemble des démarches accomplies, elle ne pourrait prospérer que pour la seule part correspondant à sa responsabilité propre;

Elle sollicite le cas échéant d'être relevée et garantie par les autres intervenants à cette opération, dès lors qu'ils ne pouvaient se contenter de poursuivre la construction sans se préoccuper aucunement de la hauteur excessive du faîtage;

Elle conteste les préjudices avancés, qui ont déjà été réparés ou dont la preuve n'est pas rapportée;

Par conclusions notifiées par voie électronique le 12 octobre 2018, la MAF sollicite de :

DIRE l'appel de la société Le Colombier mal fondé,

Par voie de conséquence:

CONFIRMER le jugement en foules ses dispositions,

DEBOUTER la société Le Colombier de ses prétentions,

CONSTATER que tous les préjudices subis par la société Le Colombier ont d'ores et déjà été indemnisés par la MAF pour le compte de qui il appartiendra et sous réserve de L'exercice de ses recours,

DIRE la société Le Colombier mal fondée et LA DEBOUTER par voie de conséquence de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 1 000 000 €,

DEBOUTER la société L'AUXILIAIRE, la SMABTP, la Société EDEIS de leur demande en condamnation et en garantie dirigée à l'encontre de la MAF,

Subsidiairement,

DIRE et JUGER que la garantie de la MAF s'effectuera dans les limites et conditions de la police qui contient une franchise ainsi qu'un plafond de garantie au titre des dommages immatériels non consécutifs fous deux opposables aux tiers lésés,

Vu la somme de 527 156,03 € d'ores et déjà réglée par la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS au titre des dommages immatériels non consécutifs,

LIMITER la condamnation éventuelle de la MAF à la somme maximum de 44 846,34 € correspondant au solde du plafond de garantie,

CONDAMNER solidairement la société LAVALIN, la SMABTP et la société L'AUXILIAIRE à relever et garantir la MAF de toute condamnation prononcée à son encontre en application de l'article 1382 du code civil,

CONDAMNER la société Le Colombier ainsi que toute partie succombante à 5 000 € au fifre de l'article 700 du CPC,

LES CONDAMNER aux entiers dépens que Me Joseph MAGNAN pourra recouvrer directement conformément a l'article 699 du CPC,

Elle indique que la société Le Colombier a déjà été indemnisée des préjudices matériels subis, et ne rapporte pas la preuve de préjudices distincts;

Elle sollicite le cas échéant d'être relevée et garantie par les autres intervenants à cette opération, au regard de leur responsabilité propre, dès lors qu'ils ne pouvaient se contenter de poursuivre la construction sans se préoccuper aucunement de l'incohérence manifeste entre la hauteur de faîtage et les règles d'urbanisme;

Elle demande le cas échéant l'application de sa police et des limites qu'elle institue, rappelant les sommes déjà versées par elle en exécution des accords transactionnels;

Par conclusions notifiées par voie électronique le 18 juillet 2018, la société EDEIS et la SMABTP sollicitent de :

Vu les articles 1147 et 1382 du Code Civil,

Vu le pré-rapport d'expertise de M. [O] [I],

Vu la convention de BET de la société EDEIS venant aux droits du BET SETOR,

A titre principal :

DIRE ET JUGER que la société Le Colombier est irrecevable solliciter l'indemnisation du préjudice prétendument subi par son gérant du fait des heures de travail alléguées,

DIRE ET JUGER que la société Le Colombier n'établit pas la preuve du préjudice commercial allégué, de la prétendue perte de réputation professionnelle et commerciale ou du préjudice lié au temps passé par son gérant à gérer ce dossier,

DIRE ET JUGER que la société Le Colombier n'établit pas de lien de causalité entre l'erreur d'implantation affectant le bâtiment B et les préjudices allégués,

En conséquence,

CONFIRMER le Jugement dont appel en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse d'une réformation,

DIRE ET JUGER que l'erreur d'implantation est exclusivement due à la négligence de la société CROUX Architecture qui a commis des erreurs en établissant les plans d'exécution qu'elle a soumis à l'approbation du maitre d'ouvrage,

En conséquence,

DEBOUTER la société Le Colombier, la société CROUX Architecture ou tout contestant de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la SMABTP et de la société EDEIS,

Plus subsidiairement encore,

Vu les articles 1382 et 1147 du Code Civil,

CONDAMNER in solidum la société CROUX Architecture et la société Le Colombier qui ont, pour la première, établi les plans d'exécution et pour la deuxième approuvé lesdits plans, la société L'AUXILIAIRE, à relever et garantir indemnes de toutes condamnations la société EDEIS et son assureur la SMABTP,

DIRE ET JUGER que la police d'assurance consentie par la SMABTP au BET SETOR aux droit duquel vient la société EDEIS, recevra application en ses termes, limites et conditions, notamment en ce qui concerne les franchises correspondant à 10% du montant du sinistre sans pouvoir être ni inférieures à 10 franchises statutaires (900,00 euros), ni supérieures à 100 franchises statutaires (9.000,00 euros), ainsi que les plafonds de garantie d'un montant de 305.000,00 euros pour les dommages immatériels et de 610.000,00 euros pour les dommages matériels,

DIRE ET JUGER que ces franchises et plafonds de garantie sont opposables aux tiers, s'agissant de garanties facultatives,

En toute hypothèse,

CONDAMNER la SCC Le Colombier et/ou tout succombant à payer à la SMABTP et à la société EDEIS la somme de 3 000 € chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNER tous succombants aux entiers dépens, ceux d'appels distraits au profit de Maître Françoise BOULAN, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, Avocats associés, aux offres de droit;

Elles indiquent que la société Le Colombier a déjà été indemnisée des préjudices matériels subis, et ne rapporte pas la preuve de préjudices distincts;

Elles ajoutent que la société EDEIS ne s'est vue confier un rôle d'exécutant des plans établis par la société CROUX Architecture, de sorte que c'est à juste titre qu'il n'a été imputé aucune faute à sa charge, alors qu'aucune obligation de conseil ou d'information n'a lieu entre professionnels de même spécialité;

Elles opposent l'application de la police souscrite auprès de la SMABTP et demandent le cas échéant la garantie de la société Le Colombier et de la société CROUX Architecture et son assureur la MAF;

Par conclusions notifiées par voie électronique le 10 octobre 2018, la société L'AUXILIAIRE sollicite de:

STATUER ce que de droit sur la demande de réformation du Jugement querellé présentée par la société Le Colombier s'agissant de la recevabilité de son action à l'encontre de la société CROUX Architecture,

CONFIRMER le Jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'Aix en Provence en date du 09 janvier 2018 en ce qu'il a débouté la société Le Colombier de ses demandes indemnitaires et l'a condamnée à verser à la société L'AUXILIAIRE la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Y ajoutant,

CONDAMNER la société Le Colombier à verser à la société L'AUXILIAIRE la somme complémentaire de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

À titre subsidiaire,

DIRE ET JUGER que la société BLANCHON Construction n'a commis aucun manquement à l'origine des préjudices allégués par la société Le Colombier,

En conséquence, DEBOUTER la société Le Colombier de ses demandes de condamnation telles que formées à l'encontre de L'AUXILIAIRE,

DEBOUTER la société CROUX Architecture et son assureur la MAF ainsi que la SAS EDEIS et son assureur la SMABTP, de leurs appels incidents formés à titre subsidiaire et de leurs appels en garantie tels que présentés à l'encontre de L'AUXILIAIRE,

À titre infiniment subsidiaire,

DIRE ET JUGER opposables aux tiers le plafond de garantie ainsi que la franchise contractuelle stipulés à l'annexe n°1 aux conditions particulières du contrat « PYRAMIDE » n°020-060017 souscrit par la société BLANCHON Construction auprès de L'AUXILIAIRE,

CANTONNER à 5% la quote-part de responsabilité imputable à la société BLANCHON Construction au titre du manquement à son obligation de conseil,

En conséquence, CANTONNER à 5% le montant de la quote-part de condamnation qui serait prononcée à l'encontre de L'AUXILIAIRE,

CONDAMNER in solidum la société CROUX Architecture, solidairement avec la MAF, ainsi que la société EDEIS, solidairement avec la SMABTP, à relever et garantir L'AUXILIAIRE à proportion de 95% des condamnations qui seraient mises à sa charge au profit de la société Le Colombier,

CONDAMNER telle partie succombante à verser à la société L'AUXILIAIRE la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNER la société Le Colombier ou telle partie succombante aux entiers dépens distraits au profit de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, Avocats associés aux offres de droit;

Elle indique que la société Le Colombier a déjà été indemnisée des préjudices matériels subis, et ne rapporte pas la preuve de préjudices distincts;

Elle ajoute que la société BLANCHON Construction ne s'est vue attribuer qu'un rôle de pur exécutant, sans aucune mission de conception ou d'établissement des plans d'exécution, et a strictement respecté les prescriptions données par la maîtrise d''uvre sans encourir aucune observation au cours de l'exécution de ses prestations;

Elle oppose sa franchise et son plafond de garantie, et demande le cas échéant la garantie de ses co-défendeurs;

L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 octobre 2022;

SUR CE

L'article 122 du Code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée;

Il résulte du paragraphe 3 de l'article 15 du contrat conclu le 3 novembre 2006 entre la société Le Colombier et la société CROUX Architecture qu'en cas de litige, le contrat de l'ordre des architectes sera applicable et les parties saisiront pour avis le conseil régional de l'ordre des architectes, dont relève l'architecte, avant toute procédure judiciaire, sauf conservatoire;

Il en résulte que les parties ont convenu d'instaurer un préalable obligatoire à toute procédure judiciaire;

Par ailleurs, cette clause est ici parfaitement applicable en ce que les demandes de la société Le Colombier tendent à obtenir la condamnation de la société CROUX Architecture sur le fondement de sa responsabilité contractuelle;

Il est acquis comme non contesté que la société Le Colombier n'a pas saisi pour avis le conseil de l'ordre des architectes dont relève son maître d''uvre;

Il s'en déduit que les demandes de la société Le Colombier à l'encontre de la société CROUX Architecture se trouvent irrecevables et que le jugement entrepris doit être confirmé sur ce point;

La société EDEIS, qui vient aux droits de la société LAVALIN, laquelle venait déjà aux droits de la société BET SETOR, son assureur la SMABTP, et la société CROUX Architecture sollicitent que les demandes de la société Le Colombier tendant à obtenir l'indemnisation du préjudice qui aurait été subi par son gérant du fait du temps passé à la résolution du litige soient déclaré irrecevables;

Il est clair que la société Le Colombier ne serait pas recevable à solliciter l'indemnisation d'un tiers à la présente cause;

Pour autant, elle ne présente pas les demandes à ce titre sous la forme du préjudice subi par son gérant mais l'indemnisation du coût horaire de celui-ci, compte tenu du temps qu'il aurait passé à résoudre ce litige;

Ce poste de demande ne revêt donc pas la forme d'un préjudice subi par un tiers, mais d'un préjudice qui aurait été subi par la société appelante du fait du temps passé par son gérant, compte tenu du prix que cela a engendré pour elle;

Cette demande n'apparait donc pas irrecevable, étant précisé sur ce point qu'il n'y a pas lieu de réformer le jugement entrepris à ce titre, celui-ci n'ayant pas statué sur la recevabilité de ces demandes dans son dispositif;

Il apparaît pour le reste que la recevabilité des demandes de la société Le Colombier à l'encontre de la MAF n'est pas contestée, pas plus que les termes du jugement en ce qu'il a déclaré que les demandes de la société Le Colombier à l'encontre de la société LAVALIN, aux droits de laquelle vient la société EDEIS, et de la SMABTP étaient recevables;

Il résulte de l'alinéa premier de l'article L124-3 du Code des assurances que le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable;

L'article 1147 ancien du Code civil dispose pour sa part que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part;

C'est sur le fondement de ces textes que la société Le Colombier sollicite la condamnation de la MAF, de la société EDEIS, de son assureur la SMABTP, et de la société L'AUXILIAIRE en qualité d'assureur de la société BLANCHON Construction, objet d'une liquidation judiciaire, et absente de la présente cause;

Il résulte du rapport d'expertise judiciaire déposé le 30 juin 2010 que la hauteur de la façade Ouest du bâtiment B édifié sous la maîtrise d'ouvrage de la société Le Colombier ne respectait pas les prescriptions du POS, et dépassait d'une hauteur variant entre 0,72 et 1,80 mètre, que ce dépassement pouvait être régularisé par dérogation, qu'il était imputable à la société CROUX Architecture, laquelle n'avait pas pris en compte les différences de niveau du terrain naturel des propriétés voisines;

Les parties ne critiquent pas le rappel effectué par le premier juge, au terme duquel il apparaît que suivant différents protocoles en date des 7 février 2011, 29 juillet 2014 et 20 décembre 2016, la MAF et son assuré ont réglé différentes sommes afin, d'une part, d'indemniser le préjudices subis par la SCI Le Colombier du fait de l'annulation de la vente initialement souscrite de l'appartement n°1, et des retards de livraison des appartements n°3 et n°4, et, d'autre part, d'indemniser les propriétaires à l'origine des plaintes relatives à la hauteur de la construction en cause;

Il est par ailleurs acquis qu'un permis de construire modificatif a été accordé le 22 mai 2015, et que suite à la déclaration d'achèvement (DAACT) du promoteur en date du 5 novembre 2015, une attestation de non-contestation de la conformité des travaux a été délivrée le 3 juin 2016;

La société Le Colombier allègue avoir subi un préjudice du fait des pertes subies sur les ventes compte tenu des difficultés en cause, qu'elle estime à 227 500 €;

Pour autant, comme l'a retenu le premier juge, il apparaît que toutes les ventes projetées ont été conclues, et que la seule vente qui a été annulée a été indemnisée par le protocole transactionnel en date du 7 février 2011;

D'autre part, il est clair que pour justifier du calcul de ses prétendues pertes entre les prix projetés et les prix effectifs, la société appelante produit un document établi par elle-même, par nature insusceptible d'apporter seul la preuve qu'elle prétend en déduire;

Par ailleurs, il n'est pas établi que cette différence de prix, à la supposer acquise, soit consécutive à la hauteur de la construction plutôt qu'aux variations propres du marché de la vente entre le prix auquel est proposé un bien et son prix de vente réel;

La demande à ce titre ne peut donc qu'être rejetée, et le jugement entrepris confirmé sur ce point;

La société Le Colombier indique en outre avoir subi du fait de cette différence de hauteur une atteinte à son image qui s'est traduite par un retard dans la commercialisation des biens, qu'elle estime à 300 000 €;

Cependant, aucune pièce ne vient étayer cette demande, que ce soit sur l'atteinte à l'image, le retard dans la commercialisation, ou l'étendue du préjudice prétendument subi;

La demande à ce titre ne peut donc qu'être rejetée, et le jugement entrepris confirmé sur ce point;

La société Le Colombier indique d'autre part que cette différence de hauteur a été à l'origine d'une perte de temps de son gérant, qu'elle estime à 472 500 €;

Là-encore, elle ne justifie d'aucun élément permettant de prouver la perte de temps allégué, et le coût que cette perte a entrainé pour elle;

La demande à ce titre ne peut donc qu'être rejetée, le jugement entrepris confirmé sur ce point;

Compte tenu du rejet de ces demandes, il n'y a effectivement pas lieu de statuer sur les demandes consécutives afférentes aux responsabilités des différents intervenants sur le chantier, aux limitations de garanties, et aux appels en garantie des co-intimés entre eux, dont l'examen n'aurait été nécessaire que s'il avait été accédé aux demandes de l'appelante écartées ci-dessus;

La société sollicite enfin qu'il lui soit alloué le remboursement du coût de l'expertise judiciaire, taxé à 3 200 €, et des frais de procédure ayant conduit à ce que cette mesure soit ordonnée;

Il est clair que cette demande est relative à des dépens relatifs à une procédure ayant préparé la présente cause, de sorte qu'il peuvent effectivement être intégrés aux dépens de la présente instance ;

L'alinéa premier de l'article 696 du Code de procédure civile dispose sur ce point que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie;

Il y a lieu de relever ici que si la société Le Colombier a vu ses demandes rejetées, l'instance en référé, et, partant, les frais qu'elle a induit, sont consécutifs à la faute du maître d''uvre dans l'exécution de sa mission, celui-ci se trouvant effectivement responsable du dépassement de hauteur ainsi que cela ressort des termes suscités du rapport d'expertise;

En effet, il apparaît que la société CROUX Architecture n'a élevé aucune contestation lors de l'expertise ayant conduit au rapport déposé le 30 juin 2010 afin de contester que c'était de son fait que le permis et le DCE induisaient un dépassement de la hauteur maximale prescrite au POS de la commune de [Localité 6];

En outre, elle ne conteste pas dans le cadre de la présente instance avoir commis une erreur dans l'élaboration du permis compte tenu de l'absence de prise en compte d'un dénivelé important entre l'assiette du terrain de l'opération et le terrain naturel des constructions voisines;

Elle est donc effectivement à l'origine de la faute qui a conduit au dépassement de hauteur en cause, et doit en supporter les conséquences;

Elle ne peut par ailleurs en être exonérée, même partiellement, du fait de l'attitude du maître d''uvre d'exécution ou de l'entreprise en charge du gros-'uvre, peu important que ceux-ci se soient limités à exécuter les missions qui leur incombaient, qu'ils n'aient pas décelé son erreur, ou qu'ils ne l'aient pas alertée en phase exécution, cela n'étant pas de nature à leur transférer la charge de la mission qui lui incombait au terme du contrat souscrit, et qui devait conduire à ce que la société appelante soit en possession d'un permis de construire régulier au regard des prescriptions d'urbanisme applicables;

Il est donc justifié que la MAF en qualité d'assureur de la société CROUX Architecture, et non les autres intervenants à ce chantier, supporte les dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais de l'expertise déposée le 30 juin 2010 et les frais de l'instance en référé ayant conduit à l'instauration de cette mesure;

Sa condamnation à ce titre étant l'expression de la responsabilité propre de son assuré, non de celle de ses co-intimés, les développements sur l'application de la clause contractuelle d'exclusion d'une condamnation in solidum sont sans objet, et ses demandes tendant à être relevée et garantie doivent être rejetées;

Il sera ajouté sur ce point qu'il n'est ni allégué ni justifié que les dépens puissent être soumis au plafond de garantie de la MAF pour les dommages immatériels, alors au surplus qu'à supposer que tel soit le cas, leur montant est de toute façon largement inférieur au solde de celui-ci, déduction faite des versements effectués;

L'équité et la situation économique des parties ne justifient en revanche pas qu'elle soit condamnée à payer aux autres parties une somme pour la procédure de première instance et le présent appel au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

Le jugement entrepris sera réformé en conséquence;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

DECLARE les demandes de la société Le Colombier recevables;

REFORME le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Le Colombier à payer à la société CROUX Architecture, la MAF, la société LAVALIN, la SMABTP et la société L'AUXILIAIRE la somme de 1 000 € chacune au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens;

REJETTE les demandes de condamnation des parties au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure de première instance;

LE CONFIRME pour le surplus;

REJETTE les demandes de condamnation des parties au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel;

CONDAMNE la MAF aux dépens, en ce compris les frais de l'expertise déposée le 30 juin 2010 et les frais de l'instance en référé ayant conduit à l'instauration de cette mesure, et en ordonne la distraction;

DEBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes ainsi que celles plus amples et contraires;

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Janvier 2023

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 18/01322
Date de la décision : 19/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-19;18.01322 ?
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