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18/01/2023 | FRANCE | N°21/01186

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-8, 18 janvier 2023, 21/01186


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8



ARRÊT AU FOND

DU 18 JANVIER 2023



N° 2023/ 019









N° RG 21/01186



N° Portalis DBVB-V-B7F-BG26D







S.A. 3F SUD





C/



[M] [I] épouse [G]



[W] [G]































Copie exécutoire délivrée

le :



à :



Me Jean-Marc FARNETI



Me Christelle ROSSI-LABORIE





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Juridiction de proximité de MARTIGUES en date du 17 Novembre 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 1119000261.





APPELANTE



S.A. 3F SUD

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité a...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8

ARRÊT AU FOND

DU 18 JANVIER 2023

N° 2023/ 019

N° RG 21/01186

N° Portalis DBVB-V-B7F-BG26D

S.A. 3F SUD

C/

[M] [I] épouse [G]

[W] [G]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jean-Marc FARNETI

Me Christelle ROSSI-LABORIE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juridiction de proximité de MARTIGUES en date du 17 Novembre 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 1119000261.

APPELANTE

S.A. 3F SUD

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]

représentée par Me Jean-Marc FARNETI, avocat au barreau de GRASSE

INTIMES

Madame [M] [I] épouse [G]

née le 25 Mars 1984 à [Localité 5], demeurant [Adresse 3]

Monsieur [W] [G]

né le 30 Octobre 1980 à [Localité 4] (13), demeurant [Adresse 3]

représentés par Me Christelle ROSSI-LABORIE, membre de la SELARL ROSSI-LABORIE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Janvier 2023.

ARRÊT

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Janvier 2023, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE

Suivant contrat conclu sous signatures privées ayant pris effet à compter du 15 mai 2012, la société d'HLM AZUR PROVENCE HABITAT, aux droits de laquelle a succédé la société 3F SUD, a donné à bail d'habitation aux époux [W] [G] et [M] [I] un logement conventionné de type 4 au sein d'un ensemble immobilier soumis au statut de la copropriété dénommé '[Adresse 3]' situé [Adresse 2].

À compter du début de l'année 2018 un litige est apparu au sujet de la régularisation des charges liées à la consommation d'eau froide, d'eau chaude et de chauffage, que les locataires considéraient comme exorbitantes et imputables aux dysfonctionnements de la chaudière collective, ainsi qu'à des fuites sur le réseau de distribution d'eau potable de l'immeuble.

Les époux [G] ont ainsi laissé impayés de nombreux avis d'échéance, de sorte que le solde débiteur de leur compte n'a cessé d'augmenter d'année en année.

Par acte délivré le 6 février 2019, ils ont assigné leur bailleur à comparaître devant le tribunal d'instance de Martigues pour entendre juger d'une part que l'action en recouvrement des charges échues jusqu'à la fin de l'année 2015 était prescrite, et d'autre part que les charges appelées à compter du mois de janvier 2016 n'étaient pas récupérables sur les locataires dans la mesure où elles étaient la conséquence d'une erreur de conception ou d'un vice de réalisation au sens de l'article L 442-3 du code de la construction et de l'habitation.

Ils poursuivaient également la condamnation sous astreinte du bailleur à mettre en conformité avec le texte susvisé les avis d'échéance émis à compter du 1er janvier 2019, ainsi qu'à leur payer une somme de 2.350 euros en réparation du préjudice de jouissance subi du fait de la délivrance d'un logement indécent et 2.000 euros pour résistance abusive.

La société 3F SUD a conclu pour sa part au rejet de l'ensemble de ces prétentions et réclamé reconventionnellement paiement de la dette locative, provisoirement arrêtée à la somme de 8.522,69 euros au 1er novembre 2019.

Dans une première décision rendue le 17 décembre 2019, le tribunal a rejeté le moyen tiré de la prescription et ordonné la réouverture des débats afin que les locataires produisent un décompte clair des charges qu'ils considéraient comme indues, et que le bailleur détaille de son côté les éléments de la créance réclamée.

Par un second jugement prononcé le 17 novembre 2020, la juridiction saisie, devenue entre-temps le tribunal de proximité, a condamné la société 3F SUD à mettre en conformité pour l'avenir les avis d'échéance adressés aux locataires en faisant apparaître la liste exhaustive des postes de provisions réclamées, sans toutefois assortir cette injonction d'une astreinte.

Le premier juge a débouté en revanche les parties de toutes leurs autres demandes et partagé les dépens, en retenant que la preuve n'était pas rapportée par les locataires de ce que les charges réclamées étaient imputables à des dysfonctionnements des parties communes, mais que pour autant les pièces produites par le bailleur ne lui permettaient pas vérifier leur exigibilité.

La société 3F SUD a interjeté appel de ce second jugement le 26 janvier 2021.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées le 7 octobre 2022, la société 3F SUD rappelle en premier lieu qu'elle ne possède que six logements au sein de la résidence [Adresse 3], que l'immeuble est administré par un syndic, et que les charges générales de copropriété sont arrêtées par l'assemblée générale des copropriétaires.

Elle précise d'autre part que les charges liées à la consommation d'eau froide, d'eau chaude et de chauffage sont déterminées en fonction des relevés des compteurs individuels.

À l'appui de son recours elle fait valoir :

- que les avis d'échéance adressés aux locataires sont suffisamment explicites,

- que les documents produits aux débats établissent le mode de calcul des charges réclamées,

- que les époux [G] n'ont jamais demandé à consulter les pièces justificatives comme le prévoit l'article 23 de la loi du 6 juillet 1989,

- qu'il s'agit d'une résidence récente qui ne comprend aucun logement indécent,

- et que les locataires ne rapportent pas la preuve d'un quelconque préjudice de jouissance.

Elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté sa demande en paiement de la dette locative et, statuant à nouveau de ce chef, de condamner les époux [G] à lui payer la somme de 9.786,21 euros sur la foi d'un décompte réactualisé au 5 octobre 2022.

Elle conclut également à l'infirmation du jugement en ce qu'il a ordonné la mise en conformité des avis d'échéance pour l'avenir, et au rejet de l'ensemble des prétentions adverses.

Elle réclame enfin paiement d'une somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre ses entiers dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions notifiées le 4 mai 2021, les époux [G] indiquent pour leur part qu'à partir de l'avis d'échéance du 23 novembre 2017 ils ont été 'complètement noyés' (sic) par les provisions appelées et les nombreuses régularisations effectuées par le bailleur, sans recevoir aucune information claire de sa part.

Ils exposent que le 1er février 2018 l'ensemble des locataires des logements conventionnés situés au sein de l'immeuble ont interpellé par écrit leur bailleur sur le montant exorbitant des charges liées à la consommation d'eau froide, d'eau chaude et de chauffage, qu'ils imputent aux dysfonctionnements de la chaudière collective ainsi qu'à des fuites sur le réseau de distribution d'eau potable de l'immeuble, ces désordres faisant l'objet d'une expertise judiciaire en cours et d'une procédure engagée contre la société AGGLOPOLE PROVENCE EAU.

Ils soutiennent que la société 3F SUD est défaillante à rapporter la preuve de ce que les charges réclamées sont récupérables en vertu de l'article L 442-3 du code de la construction et de l'habitation, et qu'ils ne sont pas tenus des dépenses occasionnées par une erreur de conception ou un vice de réalisation au sens de ce même texte.

Ils ajoutent que du fait de ces désordres ils ont subi un préjudice de jouissance, dont la réparation peut être évaluée à 10 % du montant du loyer échu depuis l'année 2015.

Ils demandent à la cour :

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande en paiement formulée par le bailleur et condamné ce dernier à mettre en conformité ses avis d'échéance avec le texte précité,

- de l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau, de condamner la société 3F SUD à supporter l'ensemble des régularisations de charges appelées depuis le mois de janvier 2016, ainsi qu'à leur payer la somme de 5.435,21 euros en réparation de leur préjudice de jouissance et celle de 2.500 euros pour résistance abusive.

Ils réclament enfin paiement d'une somme de 2.500 euros au titre de leurs frais irrépétibles, outre leurs entiers dépens.

La clôture de l'instruction est intervenue le 31 octobre 2022.

DISCUSSION

Sur le droit applicable :

C'est à tort que le premier juge, reprenant le fondement juridique retenu par les demandeurs, a fait application au litige de l'article L 442-3 du code de la construction et de l'habitation, lequel n'a vocation à régir la récupération des charges sur les locataires que dans les seuls immeubles appartenant aux organismes d'habitations à loyer modéré, alors qu'en l'espèce la société 3F SUD ne possède que quelques logements au sein de la résidence [Adresse 3], laquelle est administrée par un syndic désigné par l'assemblée générale des copropriétaires.

Il y a lieu au contraire de se référer au droit commun édicté par l'article 23 de la loi du 6 juillet 1989, applicable aux logements appartenant à ces mêmes organismes et faisant l'objet d'une convention passée en vertu de L 831-1 (anciennement L 351-2) du code précité.

De même, la liste des charges récupérables n'est pas fixée par le décret n° 82-955 du 9 novembre 1982 comme indiqué dans les motifs du jugement entrepris, mais par le décret n° 87-713 du 26 août 1987, comme le soutient justement le bailleur.

Sur l'exigibilité des charges :

- Sur les charges générales de l'immeuble :

La société 3F SUD produit aux débats, pour chacune des années concernées par le litige:

- l'état de répartition des charges de copropriété qui lui a été communiqué par le syndic,

- un décompte de régularisation des charges locatives détaillant chaque poste de charges récupérables sur le locataire en fonction de la quote-part incombant au lot loué, déterminée suivant les tantièmes de copropriété,

- le justificatif du montant de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères,

- un décompte individuel de charges conforme au décompte de régularisation susdit, faisant en outre apparaître le montant des provisions versées et le solde débiteur ou créditeur du locataire.

D'autre part, les époux [G] ne contestent pas que les pièces justificatives ont été mises à leur disposition conformément à la loi.

Il s'avère dès lors que le bailleur a respecté ses obligations et que les locataires ont été en mesure de vérifier le montant des charges qui leur sont réclamées.

Au demeurant, les intimés ne précisent pas dans leurs conclusions quels sont les postes qui ne correspondraient pas selon eux à des charges récupérables, ni ne remettent en cause l'exactitude des calculs exposés dans les documents susvisés.

Il convient en conséquence de juger que les charges générales de l'immeuble réclamées aux locataires sont effectivement dues.

- Sur les charges de consommation d'eau et de chauffage :

La société 3F SUD produit pour chacune des années considérées les décomptes individuels de consommation d'eau froide, d'eau chaude et de chauffage, établis en fonction du relevé des index des compteurs individuels.

Elle explique également que les régularisations de ces charges sont échelonnées sur plusieurs mois, soit d'office, soit à la demande du locataire, selon une pratique qui ne semble pas avoir été remise en cause jusqu'à présent.

Il convient en outre de relever que les charges générales de l'immeuble sont régularisées à l'issue d'un exercice commençant au premier juillet pour se terminer le 30 juin de l'année suivante, tandis que les charges individuelles sont déterminées à l'échéance de l'année civile.

Ces particularités compliquent la gestion comptable par le bailleur du compte locatif, et peuvent être source de confusion pour le locataire.

Ceci étant, à supposer même qu'il existe une surconsommation imputable à des dysfonctionnements affectant les parties communes, cette circonstance ne peut faire obstacle à la récupération des charges individuelles, dès lors qu'il est impossible de faire la part entre les volumes effectivement consommés et ceux qui l'auraient été en l'absence de désordres.

Sur la mise en conformité des avis d'échéance :

L'article 23 de la loi du 6 juillet 1989 dispose que la provision pour charges doit être calculée en fonction des résultats antérieurs arrêtés lors de la précédente régularisation et, lorsque l'immeuble est soumis au statut de la copropriété, sur la base du budget prévisionnel. En revanche aucune disposition légale ou réglementaire ne fait obligation au bailleur de préciser dans les avis d'échéance le détail des postes de charges ainsi provisionnées.

Sur l'indemnisation du préjudice de jouissance :

Les époux [G] produisent aux débats :

- une attestation de Madame [U] [O] veuve [X], membre du conseil syndical de la copropriété, faisant état de dysfonctionnements récurrents de la chaudière de l'immeuble et de ruptures itératives de canalisations,

- un courrier adressé par le syndic à l'un des copropriétaires, évoquant également les pannes régulières du système de chauffage et d'eau chaude générant des charges exorbitantes pour les locataires.

Bien que la société 3F SUD ne soit pas le gestionnaire de la résidence, elle est néanmoins tenue, en vertu de l'article 1719 du code civil et de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, d'assurer à ses locataires une jouissance paisible du logement et de les garantir contre les vices ou défauts de nature à y faire obstacle, cette obligation ne cessant qu'en cas de force majeure, laquelle n'est pas démontrée en l'espèce.

Compte tenu du délai triennal de prescription, il convient en conséquence de condamner le bailleur à réparer le préjudice de jouissance subi par ses locataires à concurrence de 10 % du montant du loyer échu entre le 6 février 2016 et le 5 octobre 2022, soit la somme de 4.000 euros.

Sur la demande en dommages-intérêts pour résistance abusive :

À l'issue de la présente instance, il s'avère que la position défendue par la société 3F SUD ne revêtait aucun caractère abusif, de sorte que les époux [G] doivent être déboutés de leur demande en dommages-intérêts formulée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré, et statuant à nouveau :

Condamne solidairement les époux [W] [G] et [M] [I] à payer à la société 3F SUD la somme de 9.786,21 euros au titre de leur dette locative suivant décompte arrêté au 5 octobre 2022,

Condamne la société 3F SUD à payer aux époux [G] la somme de 4.000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance,

Déboute les époux [G] de leurs demandes tendant à la mise en conformité des avis d'échéance et au paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive,

Condamne les époux [G] aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-8
Numéro d'arrêt : 21/01186
Date de la décision : 18/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-18;21.01186 ?
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