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13/01/2023 | FRANCE | N°19/04635

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 13 janvier 2023, 19/04635


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 13 JANVIER 2023



N° 2023/ 6



RG 19/04635

N° Portalis DBVB-V-B7D-BD7MQ







[B] [N]





C/



Organisme URSSAF PROVENCE ALPES COTE D'AZUR





















Copie exécutoire délivrée le 13 Janvier 2023 à :



-Me Vianney FOULON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





- Me Velen SOOBEN, avocat au barrea

u de MARSEILLE

























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 05 Mars 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 17/02013.





APPELANT



Monsieur [B] [N]

(bénéf...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 13 JANVIER 2023

N° 2023/ 6

RG 19/04635

N° Portalis DBVB-V-B7D-BD7MQ

[B] [N]

C/

Organisme URSSAF PROVENCE ALPES COTE D'AZUR

Copie exécutoire délivrée le 13 Janvier 2023 à :

-Me Vianney FOULON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- Me Velen SOOBEN, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 05 Mars 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 17/02013.

APPELANT

Monsieur [B] [N]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/6631 du 07/06/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Vianney FOULON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Organisme URSSAF PROVENCE ALPES COTE D'AZUR, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Velen SOOBEN, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Virginie TIAN, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2023.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2023

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

L'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales de Provence-Alpes-Côte D'azur (Urssaf Paca) publiait une offre d'emploi le 25 avril 2017 pour un poste de « conseiller offre de service» en contrat à durée déterminée à [Localité 3] dans le cadre du renforcement de sa plate-forme d'accueil téléphonique.

M. [B] [N] faisait acte de candidature en adressant son curriculum vitae et sa lettre de motivation.

Suite à deux entretiens téléphoniques M. [N] était convoqué par mail le 13 juin 2017 à participer à la procédure de recrutement consistant en une épreuve écrite collective et un entretien individuel.

Le 15 juin 2017, M. [N] était averti par mail que sa candidature n'avait pas été retenue.

Contestant cette décision, M. [N] saisissait le 8 septembre 2017 le conseil de prud'hommes de Marseille pour discrimination à l'embauche et en paiement d'indemnités.

Par jugement du 5 mars 2019 le conseil de prud'hommes de Marseille a statué comme suit :

Déboute M. [B] [N] de l'ensemble de ses demandes,

Déboute l'Urssaf Paca de sa demande reconventionnelle

Condamne M.[N] aux entiers dépens.

Par acte du 20 mars 2019 le conseil de M. [N] a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 12 juin 2019, M. [N] demande à la cour de :

« Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

Débouté de la demande de M.[N] de voir dire et juger qu'il a été victime de discrimination à l'embauche par l'Urssaf Paca ,

Débouté de la demande de M. [N] de paiement par l'Urssaf des sommes de 11.247 € à titre de dommages et intérêts (bruts) pour discrimination à l'embauche et 8000 € de dommages et intérêts pour préjudice moral suite corrélative à la demande de reconnaissance d'une discrimination,

Condamné M. [N] aux entiers dépens.

Statuant à nouveau,

Constater que M. [N] a été victime de discrimination à l'embauche de la part de l'Urssaf Paca,

Condamner en conséquence l'Urssaf Paca à payer à M. [N] les sommes suivantes :

11.247,00 € à titre de dommages et intérêts (bruts) pour discrimination à l'embauche,

8000 € de dommages et intérêts pour préjudice moral,

Condamner l'Urssaf Paca à payer à M. [N] de 1.500 € au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens ».

Dans ses écritures communiquées par voie électronique le 13 septembre 2019, l'Urssaf Paca demande à la cour de:

« Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Marseille le 05 mars 2019, en ce qu'il a :

Débouté M. [N] de l'ensemble de ses demandes.

Débouté L'urssaf de sa demande reconventionnelle.

Condamné M. [N] aux entiers dépens.

En conséquence,

Constater que M. [N] ne présente pas de faits précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination ;

Constater que M. [N] invoque des motifs de discrimination qui ne sont pas énumérée par l'article L.1132-1 du Code du travail ;

En conséquence,

Dire et Juger qu'en l'état de la carence probatoire de M. [N], celui-ci ne peut se prévaloir avoir été victime de discrimination, la décision de ne pas le recruter étant de fait parfaitement légitime ;

Dire et Juger qu'en l'état de l'absence de motif discriminatoire, M. [N] ne peut se prévaloir avoir été victime de discrimination ;

Si par extraordinaire, le Conseil de céans considérait que les faits présentés par M. [N] laissaient supposer l'existence d'une discrimination,

Constater que l'Urssaf Paca démontre que sa décision de ne pas recruter M. [N] est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;

En conséquence,

Dire et Juger que M. [N] n'a pas été victime de discrimination ;

En tout état de cause,

Débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Reconventionnellement,

Condamner M. [N] à payer à l'Urssaf Paca la somme de 1.500,00 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les « dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

I-Sur la discrimination à l'embauche

L'article L. 1132-1 du code du travail interdit à un employeur, pour des motifs discriminatoires prohibés, d'écarter une personne d'une procédure de recrutement.

Ainsi « aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français».

L'article L.1134-1 du même code organise les règles probatoires en matière de litige relatif à la discrimination et dispose que : « Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe ainsi à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ».

La discrimination directe existe lorsqu'une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable pour un motif prohibé.

La discrimination indirecte existe lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre (au regard d'un motif prohibé) est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes.Mais si le critère ou la pratique est objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but sont nécessaires et appropriés, la notion de discrimination indirecte peut être écartée.

1- Sur le moyen tiré de la discrimination fondée sur l'apparence physique et l'origine

A ce titre, M. [N] fait état de ce que son curriculum vitae ne comportait pas de photo et que son nom de famille à consonance française ainsi que son prénom à consonance allemande ne laissaient pas présager ses origines mais qu'en raison de ses origines antillaises l'employeur lui a préféré un candidat de type européen sans aucune expérience pour le métier plutôt que de le recruter du fait ses compétences professionnelles.

Il indique qu'à compétences égales il disposait d'une expérience professionnelle bien plus importante dans le domaine du télé conseil 'offre de services' que le candidat retenu en particulier en raison de sa certification professionnelle d'agent hautement qualifiée acquise auprès de pôle emploi faisant de lui un expert en la matière pour le poste proposé et qu'il n'a pas été interrogé sur sa formation privée dans le domaine de la finance en bourse.

Il soulève la non conformité de l'épreuve écrite et son incompatibilité par rapport au poste proposé de télé conseiller dans la mesure où il s'agissait d'un exercice de logique, que les mots devaient être remis dans le bon ordre et que le test ne permettait pas de déterminer les aptitudes à gérer un appel via le téléphone.

Il produit notamment :

- son curriculum vitae,

- sa lettre de motivation au poste de conseiller offre de services à l'Urssaf de [Localité 3],

- le test général téléphonique préalable,

- un certificat de travail de Pôle Emploi du 31/03/2011 indiquant qu'il a été employé en tant qu'agent hautement qualifié en contrat de travail à durée déterminée du 08/03/2010 au 07/03/2011.

Ces éléments pris dans leur ensemble laissent présumer l'existence d'une discrimination fondée sur l'apparence physique et l'origine.

L'Urssaf Paca conteste ces éléments et soutient que seules les aptitudes de l'appelant à occuper l'emploi ont été appréciées et que le candidat retenu M. [R] avait des expériences significatives dans la téléphonie ayant occupé des postes de télé conseiller depuis 2005.

L'employeur produit notamment :

- l'offre de recrutement,

- le curriculum vitae du candidat retenu,

- la mise en situation et les indications concernant les réponses devant être données aux trois courriels,

- les résultats des tests de M. [N],

- les résultats des deux autres candidats.

Au regard des éléments soumis à la cour, il s'avère que le poste de conseiller offre de service nécessitait une formation bac +2 dans le domaine de droit, gestion, AES, négociation relation client et une expérience en téléphonie de six mois minimum et que M. [N] a été retenu pour passer le 13 juin 2017 une épreuve écrite collective de 30 minutes suivie d'un entretien individuel de motivation de 30 minutes en vue d'un recrutement pour un poste de conseiller 'offre de services'.

L'examen de son curriculum vitae et de celui du candidat retenu M. [R] révèle que les deux candidats disposaient d'une licence en droit, sans toutefois que soit mentionnée l'université où a été délivré le diplôme de M. [N]. Par ailleurs et contrairement à ce qu'allègue l'appelant, le certificat de travail de pôle emploi ne correspond pas à une certification supplémentaire obtenue par ce dernier mais à une classification d'emploi en vertu de la convention collective nationale de pôle emploi.

Il s'ensuit que le curriculum vitae de M. [R] fait apparaître que ce dernier a été téléconseiller de manière continue dans plusieurs domaines à compter de l'année 2005 et sur une période de 12 années tandis que l'appelant ne cumulait que 5 années en mois cumulés sur la période allant de l'année 2002 à l'année 2014, contredisant ses déclarations aux recruteurs selon lesquelles, il avait 15 années de missions (pièce 4 de l'appelant).

Si l'appelant explique dans ses conclusions qu'en réalité il avait beaucoup plus d'expérience qu'indiqué et « qu'il n'a pas volontairement positionné sur son curriculum vitae l'étendue de ses expériences professionnelles en relation directe avec le poste proposé car les recruteurs préfèrent un curriculum vitae court », il n'en demeure pas moins que ce document est destiné à être présenté aux personnes en charge du recrutement, que le candidat doit être en mesure de s'en expliquer de bonne foi et qu'il ne peut être reproché aux recruteurs de ne pas l'interroger sur d'expériences non mentionnées sur celui-ci. Ainsi ne figurait pas sur son curriculum vitae l'activité alléguée dans le domaine de la finance censée avoir été réalisée pendant la période d'inactivité comprise entre 2014 et 2017. De même, l'appelant faisait état de ce qu'il disposait d'un niveau bac +4 en droit non spécifié sur son curriculum vitae.

L'Urssaf Paca a cependant considéré que les deux candidats avaient « une expérience significative » dans le domaine de la téléphonie sans que M. [N] n'établisse qu'il était plus expérimenté que le candidat retenu dans le domaine du téléconseil.

La cour relève que le test rédactionnel portant sur les réponses devant être faites par trois courriels aux cotisants avec des aides prédéfinies aux réponses n'était pas un exercice de logique ou de remise en ordre des phrases mais qu'il s'agissait de faire des réponses claires et précises afin de renseigner utilement les cotisants sur leurs différentes problématiques ou sur leurs droits en la matière.

Contrairement aux allégations de l'appelant les questions écrites et les aides aux réponses étaient donc bien en lien direct avec l'emploi proposé et permettaient d'apprécier l'esprit de synthèse des candidats, leur compréhension des situations posées et leurs aptitudes rédactionnelles étant compatible avec l'emploi envisagé au regard de la mission/activité précisée dans l'offre de recrutement.

La cour constate que le poste proposé ne se limitait pas à prendre en charge uniquement les appels entrants des cotisants mais à répondre aux questions posées par les cotisants que ce soit à l'écrit comme à l'oral.

Or, M. [N] n'a obtenu à cette épreuve écrite qu'une note de 6.25/20, comme d'ailleurs la troisième candidate, alors que le candidat retenu a obtenu une note de 16,25/20 en ayant répondu de façon plus adaptée aux questions posées par les cotisants attestant d'une meilleure compréhension du fond et de la forme avec notamment l'utilisation d'une formule de politesse à la fin de son mail au vu de la grille d'analyse.

La cour relève à cet égard que les critères soumis à l'appréciation des correcteurs (orthographe, ponctuation, syntaxe, fond, etc...) étaient identiques pour chacun des candidats à l'emploi.

L'employeur justifie en conséquence que l'appréciation des compétences professionnelles de l'appelant en fonction du curriculumet et du test collectif écrit a été réalisé dans des conditions conformes à l'emploi proposé dans le but d'évaluer les aptitudes professionnelles de chacun des candidats, sur la base d'éléments objectifs étrangers à toute discirmination fondée sur l'apparence physique et sur l'origine.

Le moyen doit être rejeté.

2- Sur le moyen tiré de la vulnérabilité économique

Les dispositions de l'article L. 1221-6 prévoient que les informations demandées, sous quelque forme que ce soit, au candidat à un emploi ne peuvent avoir comme finalité que d'apprécier sa capacité à occuper l'emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles.

Ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l'emploi proposé ou avec l'évaluation des aptitudes professionnelles. Le candidat est tenu de répondre de bonne foi à ces demandes d'informations.

Un questionnaire d'embauche, ou un entretien, ne peut contenir de questions en rapport avec l'un des motifs discriminatoires de l'article L. 1132-1 du Code du travail.

Les différences de traitement doivent répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée.

L'appelant soutient que, lors de l'entretien individuel il n'a pas fait l'objet d'un traitement neutre et équitable par rapport aux autres candidats recrutés et qu'il a été discriminé du fait des questions posées par l'Urssaf en particulier sur son absence d'activité professionnelle pendant 3 années entre 2014 et 2017 et en l'état de la 'note d'alerte''. Il estime que cette période sans emploi était clairement indiquée dans le curriculum vitae et indique s'en être expliqué précisant qu'il était dans une situation économique difficile puisqu'il était chômeur, que les questions étaient sans lien direct et nécessaire avec l'emploi proposé et qu'il était en droit de se taire.

L'Urssaf Paca objecte que l'observation émise dans la note portait sur l'absence d'explications du candidat sur la période de 3 ans au cours de laquelle n'apparaissait aucune activité professionnelle et qui pouvait laisser supposer que le candidat avait perdu en compétences et en savoir-faire. L'intimée fait valoir que l'appelant a manqué à son obligation de loyauté lors des réponses apportées durant l'entretien individuel et qu'il s'est opposé systématiquement aux questions légitimes concernant son curriculum vitae et ses aptitudes professionnelles en ne répondant pas à ces dernières.

L'intimée explique que la dimension relationnelle, l'attitude adoptée par le candidat et les appréciations du jury sont des éléments objectifs étrangers à toute discrimination qui ont justifié la décision de l'Urssaf.

L'intimée produit notamment l'évaluation du jury (pièce10) et la grille d'entretien (pièce 16) qui établissent que les questions posées aux candidats en matière de recrutement sont normées et identiques pour chacun d'entre eux et portent essentiellement sur leur parcours et leur expérience, la compréhension et la motivation pour le poste, la personnalité ainsi que la disponibilité du candidat.

C'est donc en conformité avec l'emploi proposé, que M. [N] a été interrogé sur son parcours professionnel. À cet égard, les questions retranscrites par l'appelant lui même confirment que le candidat a été interrogé sur 'ses atouts et sur ses carences, sa vision du poste' en lien avec son parcours professionnel et sa formation de base .

C'est à tort que M. [N] a considéré que les questions étaient sans rapport avec son niveau de compétence professionnelle en raison de son niveau «d'expertise » dans la mesure où les questions sur les « carences ou défauts » et sur les « atouts » sont régulièrement utilisées dans le domaine du recrutement afin d'analyser les réactions du candidat, tester sa franchise et analyser sa personnalité.

Les recruteurs qui doivent également s'assurer de la réalité des expériences professionnelles ont constaté que les réponses du candidat ne correspondaient pas à son curriculum vitae et qu'il ne répondait pas à certaines questions, ce qui les a amenés à considérer que ce dernier n'était pas fiable.

La mention point d'alerte : « beaucoup de périodes non travaillées sur son curriculum vitae qu'il n'a pas su nous expliquer. N'exerce plus aucune activité depuis 2014 » indiquée sur l'évaluation, ne saurait être considérée comme discriminatoire dans la mesure où l'employeur doit être en mesure de connaître les raisons de l'inactivité du candidat au regard du poste proposé en raison d'une période non travaillée qui a été effective pendant trois années. L'absence de formation mentionnée sur le curriculum vitae pendant cette période et le fait pour le candidat d'avoir évité certaines questions pouvait légitimement interroger les recruteurs.

La cour constate en tout état de cause, que l'ensemble des observations faites sur les candidats concernait leurs points forts et faibles ainsi que les axes d'amélioration pour le poste proposé, que les qualités des candidats ont été prises en compte et en particulier l'aptitude à s'intégrer dans une équipe, les éléments de personnalité permettant d'apprécier lesdites qualités.

Il s'avère que M. [N] n'a pas été retenu, au regard de l'avis défavorable du jury qui a pris en compte « un manque de synthèse, une personnalité trop rigide ce dernier ne répondant pas aux questions qui le dérangent et du fait de réserves quant à sa fiabilité et à son intégration au sein d'une équipe » alors que le candidat retenu a eu un avis très favorable dans la mesure où il a su « démontrer par des exemples concrets qu'il maîtrisait les techniques de gestion des appels téléphoniques et qu'il avait une expérience avérée dans le domaine de la téléphonie » même s'il a été noté qu'il devait gagner en assurance afin de lui permettre d'évoluer au sein d'une équipe.

En l'état de ces éléments soumis à la cour, l'employeur justifie que M. [N] n'a pas fait l'objet d'un traitement différent vis-à-vis des autres candidats et que l'entretien individuel a été mené sur la base d'éléments objectifs étrangers à toute discirmination fondée sur la vulnérabilité économique.

Le moyen sera également rejeté.

3- Sur les moyens tirés des considérations personnelles et privées et du dénigrement du candidat

M. [N] estime que les agissements de l'employeur ont eu pour objet de le dénigrer et de l'humilier et que ces comportements ont un caractère discriminatoire à son encontre.

Comme le soutient l'intimée, ces motifs ne constituent pas une discrimination au sens des dispositions de l'articleL.1132-1 du code du travail, de sorte qu'il y a lieu d'écarter ces deux moyens que l'appelant relie à ceux déjà examinés par la cour et rejetés.

En conséquence, la décision de l'employeur de ne pas recruter M. [N] est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et la décision des premiers juges doit être confirmée en ce qu'elle a débouté M. [N] de l'ensemble de ses demandes.

II- Sur les frais et dépens

M. [N] qui succombe doit s'acquitter des dépens, être débouté de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile et à ce titre condamné à payer à l'Urssaf Paca la somme de 1.000 euros .

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré ;

Condamne M. [B] [N] à payer à l'Urssaf Paca la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [N] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/04635
Date de la décision : 13/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-13;19.04635 ?
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