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13/01/2023 | FRANCE | N°18/15980

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 13 janvier 2023, 18/15980


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 13 JANVIER 2023



N° 2023/ 4



RG 18/15980

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDFB3







[N] [K]





C/



SARL SECURITAS FRANCE





















Copie exécutoire délivrée

le 13 Janvier 2023 à :



- Me Ariane FONTANA,

avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Vest. 295



- Me Marianne COLLIGNON-

TROCME,

avocat au barreau de MARSEILLE































Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage d'AIX-EN-PROVENCE en date du 06 Septembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 14/00140.





APPELANT


...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 13 JANVIER 2023

N° 2023/ 4

RG 18/15980

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDFB3

[N] [K]

C/

SARL SECURITAS FRANCE

Copie exécutoire délivrée

le 13 Janvier 2023 à :

- Me Ariane FONTANA,

avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Vest. 295

- Me Marianne COLLIGNON-

TROCME,

avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage d'AIX-EN-PROVENCE en date du 06 Septembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 14/00140.

APPELANT

Monsieur [N] [K]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/11520 du 16/11/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Ariane FONTANA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SARL SECURITAS FRANCE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Marianne COLLIGNON-TROCME, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Thomas FROMENTIN, avocat au barreau de BORDEAUX

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Décembre 2022, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 16 décembre 2022, puis au 13 Janvier 2023

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2023

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

M.[N] [K] était engagé par la société Securitas à compter du 7 mai 2010 en qualité d'agent d'exploitation sécurité incendie niveau 3, échelon 2, coefficient C 140 par contrat à durée indéterminée avec une rémunération mensuelle brute de 1.416,41 €.

La convention collective nationale applicable était celle des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985.

Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié disposait d'un salaire de base de 1506,06 brut pour 151,67 heures de travail mensuel.

M. [K] saisissait le 29 janvier 2014 le conseil de prud'hommes d'Aix en Provence aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et le paiement d'indemnités.

Par jugement du 6 septembre 2018, le conseil de prud'hommes en sa formation de départage statuait comme suit :

Déboute M. [K] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la Société SECURITAS FRANCE (venant aux droits de la société SAS Sécurité Distribution) et de ses demandes indemnitaires ;

Rejette tout autre demande,

Condamne M. [K] aux entiers dépens.

Par acte du 8 octobre 2018, le conseil de M. [K] a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 14 décembre 2020 M. [K] demande à la cour de :

' Dire l'appel de M. [K] recevable,

Infirmer le jugement de première instance en son intégralité ;

En conséquence

Dire que le contrat de travail a été exécuté de façon déloyale ;

Condamner l'employeur à la somme de 1.421 € au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail ;

Dire que M. [K] a été victime de harcèlement moral ;

Condamner l'employeur à la somme de 10.000 € au titre du harcèlement moral ;

Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [K] aux torts de la société SECURITAS France ;

Condamner la société SECURITAS France à payer à M. [K] les sommes suivantes :

- 11.331,28 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 2.832,82 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 283,28 € à titre d'incidence congés payés y afférents

- 2.300 € au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens. '

En l'état de ses dernières écritures communiquées par voie électronique le 2 août 2019, la société demande à la cour de :

«Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes d'Aix-en-Provence en toutes ses dispositions

Sur les demandes nouvelles en cause d'appel :

A titre principal

Dire et Juger irrecevables les demandes indemnitaires de M. [K] au titre du harcèlement moral et de l'exécution déloyale du contrat de travail en application de l'article 564 du Code de procédure civile ;

A titre subsidiaire

Débouter M. [K] de l'ensemble de ses demandes ;

En toute hypothèse

Débouter M. [K] de l'ensemble de ses demandes ;

Condamner M. [K] à verser à la société SECURITAS FRANCE SARL la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Le Condamner aux entiers dépens.»

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la fin de non recevoir

Au visa de l'article 564 du code de procédure civile, la société indique que l'appelant sollicite une indemnisation non demandée en première instance et développée dans le cadre de ses écritures du 20 décembre 2018 pour des faits antérieurs à 2015 et connus au jour de l'audience de plaidoiries devant le conseil des prud'hommes et qu'il appartenait à ce dernier d'introduire une nouvelle action devant le conseil de prud'hommes s'il entendait pouvoir les juger.

M. [K] soutient que les règles spécifiques de l'unicité de l'instance ainsi que celles relatives à la recevabilité des demandes nouvelles et de la péremption d'instance s'appliquent aux instances introduites avant le 1er août 2016.

Il résulte des articles 8 et 45 du décret n°2016-660 du 20 mai 2016 que les dispositions de l'article R. 1452-7 du code du travail, aux termes desquelles les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel, demeurent applicables aux instances introduites devant les conseils de prud'hommes avant le1er août 2016 .

En l'espèce, M. [K] a saisi la juridiction prud'homale le 24 janvier 2014 d'une demande de résiliation judiciaire aux torts de l'employeur.

En conséquence, les demandes dérivant du contrat de travail fondées sur l'exécution déloyale du contrat de travail par la mise en 'uvre de la clause de mobilité contractuelle, de même qu'au titre du harcèlement moral doivent être déclarées recevables en application des règles sur l'unicité de l'instance.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

M. [K] invoque l'absence de mentions suffisamment précises des lieux d'exécution du travail dans la clause de mobilité géographique, l'insuffisance du délai de prévenance et le non remboursement des frais de transport, les horaires de travail ne coïncidant pas avec les heures de train.

Il fait valoir les difficultés qu'il a rencontrées pour rejoindre ses postes de travail et l'usure morale ressortant des réunions des délégués du personnel et des courriers adressés à son employeur.

Il indique qu'il prenait connaissance de ses plannings au dernier moment notamment le 5 juillet 2011, le 30 janvier 2012, le 26 mai 2014 et le 29 mars 2015 ayant été averti téléphoniquement de son planning le lendemain du 2 décembre 2013 et que les horaires de train nécessitaient des changements avec une perte de temps conséquente et qu'il ne pouvait assumer financièrement l'avance des frais d'indemnités kilométriques.

Il produit aux débats notamment les pièces suivantes :

- les réunions des délégués du personnel du 23 juin 2011 du 24 octobre 2013 (pièce 34 et 35)

- l'information sur les plannings (pièces 2-38-39-55)

- les demandes de remboursement de frais de déplacement (pièces 8-20-21-24-25)

- les horaires des trains (pièce 8)

- ses courriers faisant état de ses difficultés (pièce 17) et réclamant le remboursement de frais de transport (pièces 7-10-20-24-26-27-29).

La société fait valoir que la mobilité fait partie intégrante de la fonction d'agent de sécurité conformément à la convention collective, que la clause était précise puisqu'elle prévoyait que le salarié pouvait être affecté sur toute autre agence et ses sites situés dans le même département ou dans un département limitrophe de l'affectation initiale et que M. [K] ne pouvait refuser de s'y rendre et qu'il appartenait à ce dernier de démontrer que la mise en 'uvre de la cause était abusive.

Elle indique également que le délai de prévenance a toujours été respecté dans la mesure où le planning était adressé par lettre recommandée avec accusé réception et par lettre simple vers le 23 du mois n-1 et que ce n'est que pour le mois de novembre 2013 que le planning de M. [K] lui a été adressé trois jours avant sa prise de poste, précisant que ce dernier était en absence injustifiée depuis le 9 octobre 2013 et qu'il avait expressément indiqué à son employeur qu'il ne se rendrait pas sur ses affectations.

a) Sur la clause de mobilité géographique

La mutation d'un salarié en présence d'une clause de mobilité stipulée dans son contrat de travail est licite et s'analyse en un changement de ses conditions de travail relevant du pouvoir d'administration et de direction de l'employeur.

La mise en 'uvre d'une clause de mobilité doit être dictée par l'intérêt de l'entreprise, elle ne doit pas conduire ni à un abus de droit ni à un détournement de la part de l'employeur et elle doit intervenir dans des circonstances exclusives de toute précipitation.

La bonne foi contractuelle étant présumée, les juges n'ont pas recherché si la décision de l'employeur de faire jouer la clause de mobilité stipulée dans le contrat de travail est conforme à l'intérêt de l'entreprise et il incombe au salarié de démontrer que cette décision a en réalité été prise pour des raisons étrangères à cet intérêt ou qu'elle a été mise en 'uvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle.

Les dispositions de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 prévoient en son article 6. 6 que « le salarié est embauché pour un emploi à tenir dans un ensemble de lieux et de services correspondant à la nature des prestations requises».

La clause de mobilité contractuelle prévue par le contrat de travail du 7 mai 2010 reprend lesdites dispositions en ce qu'il est mentionné :

« vous serez affecté sur les sites des clients de l'agence située dans les départements suivants ... compte tenu de la nature de vos fonctions vous pourrez être affecté indifféremment, successivement ou alternativement sur l'un quelconque de ces sites en fonction des nécessités, urgences et priorités de service d'organisation justifiés par la vocation et la nature des prestations de la société. De même vous pourrez être affecté à tout autre agence et ses sites situés dans le même département ou dans un département limitrophe de l'agence initiale. En conséquence, tout changement de lieu de travail dans le secteur géographique d'application défini ci-dessus décidé en raison de la bonne marche de l'entreprise ne saurait être considéré comme une modification du présent contrat de travail ».

Certes, la clause de mobilité géographique prévue au contrat de travail ne mentionne pas précisément les départements d'affectation, cependant M. [K] a été initialement affecté dans le département du Vaucluse à [Localité 9] et à [Localité 7] où il réside ainsi que dans les départements limitrophes du Gard et des Bouches-du-Rhône.

Les sites d'affectation de [W] [L], Décathlon et les Halles distants de 45 kms d'[Localité 7] se trouvent sur [Localité 8] où à 70 kms à [Localité 5] dans le Gard. Le site de Monoprix distant de 37 kms est situé à [Localité 6] et les sites de Décathlon et Monoprix à [Localité 3], distants de 90 kms d'[Localité 7], se trouvent dans les Bouches-du-Rhône.

Ces villes sont régulièrement desservies par des trains ou des bus en partance d'[Localité 7].

En conséquence les différents changements de postes de travail se sont limités à un même secteur géographique conformément à la convention collective et à la clause de mobilité.

Le salarié ne démontre pas par ailleurs l'usage abusif de la clause de mobilité par la société, les différentes mutations correspondant au vu des pièces produites, aux besoins du service (centre commercial d'[Localité 9]), à des incidents de la part du salarié ayant entrainé un refus des clients de le maintenir sur les sites de Décathlon de [Localité 8], Halles de [Localité 8] (pièce 3 intimée) Monoprix à [Localité 6] et [Localité 3] ou à une perte de contrat (Halles de [Localité 8]).

L'employeur s'en est expliqué lors de la réunion des délégués du personnel du 23 juin 2011 concernant notamment la mutation du salarié du centre commercial [Localité 9] les vignes sur le site de Monoprix [Localité 6] et sur les sites de Décathlon [Localité 4] et Monoprix [Localité 3] : «M. [K] a été embauché pour le centre commercial [Localité 9] les vignes et suite à une réduction d'heures celui-ci a été planifié avec son accord sur Monoprix [Localité 6] puis après plusieurs mois il a eu une altercation avec le client et de ce fait il a été planifié sur [Localité 3] Décathlon et Monoprix (...) Nous faisons le maximum pour pallier aux besoins de nos clients en élaborant des plannings qui puissent satisfaire nos collaborateurs(...) Nous nous efforçons dans la mesure du possible de planifier nos agents à proximité de leurs domiciles d'où la nouvelle affectation de M. [K](...) Concernant la mutation au mois d'avril 2011 de Monoprix [Localité 6], M. [K] ne donnait plus satisfaction au client par son attitude et son comportement, un courrier nous a été adressé par le client relatant les dysfonctionnements» ,

ou lors de la réunion des délégués du personnel 25 octobre 2013 concernant la mutation du salarié sur le site de Monoprix à [Localité 3] «M.[K] était planifié sur le magasin des Halles de [Localité 8]. Le 20 janvier 2012 nous avons reçu un arrêt maladie qui s'est terminé le 1er septembre 2013. Entre-temps nous avons perdu le contrat du magasin ou était affecté M. [K].Dans l'immédiat il a donc reçu un planning sur Monoprix [Localité 3] en attendant de pouvoir lui donner une affectation plus proche de chez lui. Il est aujourd'hui affecté sur une enseigne à [Localité 8], affectation qui le rapproche de son domicile ».

En l'état des pièces versées aux débats le salarié ne démontre pas que les mutations dont il a fait l'objet ont été prises pour des raisons étrangères à l'intérêt de la société ou qu'elles ont été mises en 'uvre de mauvaise foi.

b) Sur les délais de prévenance

À défaut de dispositions générales relatives à la communication des plannings de travail, la société s'est référé à la convention collective qui traite de l'organisation du travail par cycle prévoyant la communication des plannings 7 jours avant leur application.

Dans le cadre du Contrôle et Modification de l'horaire de travail, l'article 7.07. 3 prévoit que

« lorsque la durée du travail de ces personnels est organisée sous forme de cycles, des plannings de service seront établis. Toute modification ayant pour effet de remettre en cause l'organisation du cycle doit être portée à la connaissance des salariés par écrit au moins 7 jours avant son entrée en vigueur.

En cas d'ajustement ponctuel de l'horaire de travail justifié par des nécessités de service, se traduisant par des services ou heures supplémentaires, le salarié doit en être informé au moins 48 heures à l'avance. Son refus pour raisons justifiées ne peut entraîner de sanctions disciplinaires.

Les délais prévus ci-dessus peuvent être réduits à condition que le salarié concerné y consente. En cas d'accord de gré à gré, il est recommandé de formaliser cet accord par écrit.

Toute modification effective du planning ne remet pas en cause l'organisation du travail sous forme de cycles ».

Concernant le planning de juillet 2011, le salarié en congé maladie depuis le 24 juin 2011 jusqu'au 30 juin 2011 qui invoque n'avoir eu connaissance de son planning que le 5 juillet 2011 a été averti de son planning par lettre simple du 23 juin 2011 au vu de l'e -mail de M. [T] du 1er juillet 2011.

S'agissant des plannings du mois de janvier 2012, de mai 2014 et mars 2015, le salarié en congé maladie du 20 janvier 2012 au 31 août 2013 indique à tort avoir été informé seulement le 24 mai 2014 pour le 26 mai 2014 et le 29 mars pour le 31 mars 2015 en produisant des enveloppes recommandées correspondant au planning du mois suivant. En effet, le recommandé n°1A09569137219 (pièce 55 de l'appelant) correspond en réalité au recommandé du 24 mai 2014 pour le planning du mois de juin 2014 (pièce 19 de l'intimé).

Ainsi, sans détailler l'ensemble des plannings adressés par la société, la cour constate que cette dernière justifie avoir adressé les plannings dans les temps prescrits par la convention collective, soit dans les 7 jours avant le début la prestation.

Ce délai pouvait être réduit conformément à la convention en cas d'accord du salarié. Il s'avère que M. [K] a donné son accord express par mail du 3 septembre 2013 pour intervenir sur le site de Monoprix suite à la demande du 2 septembre 2013 sans qu'il puisse en être fait reproche à la société.

Le non respect des délais de prévenance n'est dès lors pas établi par le salarié.

c) Sur les frais de transports

Les dispositions de l'article L.3261-2 du code du travail prévoient que « l'employeur prend en charge, dans une proportion et des conditions déterminées par voie réglementaire, le prix des titres d'abonnements souscrits par ses salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail accompli au moyen de transport public de personnes ou de service public de location de vélos ».

La prise en charge des frais de transport personnel prévue par les dispositions des articles L. 3261-3-1 et L. 3261-4 n'est qu'une faculté qui ne s'impose pas à l'employeur.

En l'espèce la société a pris en charge les frais des abonnements aux transports publics souscrits pour le trajet domicile-travail de M. [K] sur la base des tarifs de deuxième classe à hauteur de 50 % contre justificatifs.

Cette information a été à plusieurs reprises rappelée au salarié qui, utilisant son véhicule personnel pour faire les trajets, demandait le remboursement de ses frais d'essence et d'autoroute pour se rendre à son travail.(pièce 9 intimée).

Il ne peut donc être reproché à la société de s'être conformée aux dispositions du code du travail.

De même, le salarié ne peut valablement invoquer ses horaires de travail qu'il a accepté et ses difficultés pour se rendre sur son lieu de travail pour soutenir l'exécution déloyale du contrat de travail.

Au regard de ces éléments, la cour dit que la société a exécuté loyalement le contrat de travail et que M. [K] doit être débouté de sa demande à ce titre ainsi que des demandes indemnitaires qui en découlent.

Sur le harcèlement moral

Le harcèlement moral s'entend aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, d'agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aux termes de l'article 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 'lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du Code du travail.

M. [K] soutient avoir été victime de harcèlement moral avec des manoeuvres pour le pousser à la démission et invoque les faits suivants :

- des pressions répétées qui ressortent notamment :

- des réunions des délégués du personnel du 23 juin 2011 et 25 coctobre 2013 ces derniers interpellant la direction en ces termes : 'vos méthodes ne tournent-elles pas au harcèlement Et pourquoi M. [K] a subi des harcèlements à plusieurs reprises de la part du directeur de Monoprix'

- du courrier recommandé du 18 avril 2011 du salarié indiquant «j'ai signalé le problème à plusieurs reprises à M. [P] chef de site et son adjoint M. [B] que le directeur du magasin Monoprix m'a encore harcelé verbalement et violemment (..) j'ai recontacté M. [P] en lui disant qu'il devait changer de site parce que je ne pouvais plus travailler dans ces conditions, que rien n'a été réglé avecM. [P] et le client (...) » (pièce 29)

- de différents e-mails notamment celui du 3 octobre 2013 adressé par M. [K] à M. [Z] indiquant qu'il subit un harcèlement moral de la part de M. [P] et du directeur de M. [T] pour le faire démissionner de son travail (..) étant obligé de faire deux services le même jour, de ranger les paniers et les cadddys, de ne pas prendre leur défense pour le refus des quotas d'interpellations, de ne pas régler les problèmes avec le client (pièce 36)

- de la main courante du 8 octobre 2013 (pièce 33)

- de la fiche médicale de l'assurance-maladie du 7 octobre 2013 mentionnant les déclarations du salarié « ça a commencé avec le harcèlement moral depuis un an avec mon chef de secteur(...)»

- plusieurs convocations pour un entretien, pour une visite médicale de reprise après maladie, pour un entretien préalable de licenciement prévu le 18 décembre 2013 alors qu'il était soit en congés, soit en maladie.

- le non paiement de ses congés payés au mois d'aût 2013 (pièce 16)

- la non régularisation de son salaire pour la période du 1er au 24 février 2015 : courrier de réclamation du 12/03/2015 (pièce 62).

Il allègue un état de santé dégradé ayant entraîné des arrêts maladie (pièces 40,56,50,51,56,57,58,64), un syndrome dépressif et des traitements (pièces 44, 68), un suivi psychiatrique pour syndrôme dépressif réactionnel à un conflit dans l'entreprise (pièce 67 ).

En l'état de ces éléments, le salarié établit ainsi des faits matériels, lesquels pris dans leur ensemble, peuvent laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral.

L'employeur oppose les éléments suivants :

- le refus du salarié de se présenter sur son lieu de travail à compter du 9 octobre 2013 à Décathlon à [Localité 8] et Monoprix à [Localité 3] aux dates prévues par le planning remis par la société aux motifs d'une part qu'il n'y avait pas de train au départ d'[Localité 3] et qu'il refusait de prendre la voiture si les frais de déplacements ne lui étaient pas remboursés et d'autre part qu'il avait fait une demande de congé le 3 septembre 2013 pour la période du 11 octobre 2013 au 1er novembre 2013, soit 19 jours, la direction n'y ayant pas répondu (pièce n°9).

- la non justification des absences du salarié aux convocations pour les entretiens préalables en vue d'une sanction disciplinaire en particulier :

- pour le 16 février 2012 suite à des incidents sur le site du magasin La Halle de [Localité 8], le directeur de l'établissement reprochant au salarié son comportement, l'utilisation du téléphone portable pendant le service, évoquant une 'situation inacceptable et difficile à gérer au quotidien' et sollicitant le changement d'agent ( pièce 28)

- pour le 18 décembre 2013 suite à son absence sur les sites d'[Localité 3] (pièce appelant 7)

- pour le 4 février 2015 suite à des incidents sur le site Décathlon [Localité 8], le responsable du magasin refusant expressément sa présence au vu du mail du 9 janvier 2015 (pièce 13) et la mutation disciplinaire du salarié sur le site de la Fnac à [Localité 3] qui en a découlé (pièce 14)

- les nombreux incidents sur les lieux de travail ayant donné lieu à des avertissements et en particulier :

sur le site Monoprix à [Localité 6] en avril 2011 en raison d'une altercation avec le responsable et l'utilisation du téléphone pendant les heures de service (pièce appelant 29 et 34).

Sur le site des halles de [Localité 8], le courrier du directeur indiquant « (...) Après cette mise au point M. [K] a changé totalement de comportement, ne nous adressant plus la parole, ni bonjour, au revoir, quittant son poste sans nous avertir lors des pauses et des fins de service le soir. Partant avant la fermeture des portes pour soi-disant rester devant le magasin dans son véhicule lorsque nous lui demandions à postériori où il était passé (...) nous avons su être tolérant et flexible mais la sécurité du personnel qui est notre priorité n'était plus assurée au-delà de 19 heures ainsi qu'au vu du comportement de cet agent en journée, elle ne l'était pas non plus pendant les heures d'ouverture de notre magasin (...) » (pièce 3)

sur le site de Décathlon à [Localité 8] : le courrier de la direction du 23 février 2015 expliquant « le 9 janvier 2015 vous avez insulté votre collègue M. [S], agent de sécurité magasin arrière caisse, vous l'avez également menacé en lui disant que vous l'attendiez dehors à 20 heures pour régler vos comptes (...) Vous deviez inspirer confiance, sérénité, courtoisie aux personnes qui vous entouraient au lieu de cela vous avez nui à l'intégrité physique et morale de votre collègue. Votre comportement a gravement nui à l'image de notre société et notre client s'en est plaint cela nous cause un préjudice important car notre client peut rompre par votre faute le contrat commercial qui nous lie qui par ailleurs ne souhaite plus travailler avec vous (...) » (pièce 12 et 13)

sur le site d'[Localité 3] à Monoprix Sextus (pièce appelant 12).

- les absences aux convocations devant la médecine du travail (relances de la société par courrier recommandé du 29 octobre 2013 et du 5 novembre 2013) et pour les invitations à un entretien de suivi du 25 avril 2012 et 23 mai 2012 (pièce 22).

La société établit ainsi par les pièces sus-visées que M. [K] a eu d'importants problèmes de comportement sur plusieurs sites d'affectation, de sorte que les responsables de ces sites se sont opposés à le reprendre et que ce dernier a refusé de se rendre aux convocations de la société pour en discuter. Les convocations du 16 février 2012, 18 décembre 2013 et 4 février 2015 n'ont pas été prévues lorsque le salarié était en arrêt maladie au vu des dates d'arrêts maladie figurant dans les conclusions de l'appelant.

Quant à la convocation pour la visite médicale de reprise du 18 octobre 2013 pendant les congés du salarié, il s'avère que la convocation a été faite par la médecine du travail le 2 octobre 2013, soit antérieurement à l'accord donné le 3 octobre 2013 par l'employeur pour la prise de congé, de sorte qu'il ne peut être reproché à l'employeur une convocation pendant les congés du salarié.

En conséquence, les convocations de l'employeur toutes justifiées par des motifs opérants, ne peuvent s'analyser en des agissements répétés constitutifs de harcèlement moral.

Concernant l'absence du salarié sur son lieu de travail, l'employeur justifie également que le salarié ne s'est pas présenté sur son lieu de travail le 9 octobre 2013 alors que conformément à sa demande il lui avait été accordé des congés du 11 octobre 2013 au 1 novembre 2013 (pièce appelant 12 et 16). Il ne s'est pas plus présenté à l'issue de son congé le 2 novembre 2013 à [Localité 3] comme son planning le prévoyait et ce en violation des dispositions de la convention collective qui prévoient qu'« est en absence irrégulière le salarié qui, n'ayant pas prévenu son employeur conformément au paragraphe 1 ci-dessus, ne s'est pas présenté à son poste de travail au jour et à l'heure prescrits ».

De même, les congés payés sollicités par le salarié ont été régularisés par la société ainsi qu'il en résulte du courrier de la société du 4 octobre 2013 et l'employeur a répondu au grief relatif à non régularisation de son salaire pour la période du 1er au 24 février 2015, le salarié étant à cette période en absence justifiée (pièce appelant 63) .

La cour relève que les écrits, les e-mails et la main courante de M. [K] de même que les éléments repris par les délégués du personnel lors des réunions du 23 juin 2011 et du 25 octobre 2013, par leur caractère purement déclaratif, ne peuvent être invoqués à eux seuls en tant qu'éléments constitutifs du harcèlement moral allegué, de même que les griefs en lien avec le remboursement des frais de trajet et des mutations qui n'ont pas été retenus par la cour.

L'altération de l'état de santé du salarié est patente mais les constatations objectives des médecins qui ne peuvent sur ce point se référer qu'aux dires du patient, n'impliquent nullement que l'état constaté soit en relation avec un harcèlement.

Au regard de l'ensemble des éléments analysés ci-dessus, l'employeur a justifié que les décisions qu'il a prises sont étrangères à tout harcèlement moral et dès lors, M. [K] doit être débouté de sa demande à ce titre et des demandes indemnitaires en découlant.

Sur la résiliation judiciaire

Conformément à l'article 1184 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance nº2016-131 du 10 février 2016, applicable à l'espèce, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement, la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté ayant le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.

Les manquements de l'employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail et pour répondre à cette définition, les manquements invoqués par le salarié doivent non seulement être établis, mais ils doivent de surcroît être suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

M. [K] qui fonde sa demande de résiliation judiciaire aux torts de l'employeur sur l'exécution déloyale du contrat de travail et sur le harcèlement moral qui n'ont pas été retenus par la cour, doit être débouté de ce chef ainsi que de ses demandes indemnitaires.

Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de résiliation aux torts de l'employeur et des demandes en découlant.

Sur les frais et dépens

M. [K] qui succombe totalement doit s'acquitter des dépens, être débouté de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile et à ce titre condamné à payer à la société la somme de 1.200 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Déclare recevables les demandes nouvelles,

Déboute M.[N] [K] de ses demandes relatives à l'exécution déloyale du contrat de travail et au harcèlement moral et des demandes indemnitaires en découlant,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [K] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et concernant le rejet de ses autres demandes,

Y ajoutant,

Condamne M.[N] [K] à payer à la société SECURITAS FRANCE SARL la somme de 1200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [K] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 18/15980
Date de la décision : 13/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-13;18.15980 ?
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