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13/01/2023 | FRANCE | N°18/13168

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-1, 13 janvier 2023, 18/13168


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1



ARRÊT AU FOND

DU 13 JANVIER 2023



N° 2023/009





Rôle N° RG 18/13168 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BC4W4







[O] [N] mandataire liquidateur de la SA SUD FER





C/





[A] [D]

Association AGS CGEA DE [Localité 5]









Copie exécutoire délivrée le :



13 JANVIER 2023



à :



Me Géraldine LESTOURNELLE, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Laurence OHAYON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE































Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSE...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 13 JANVIER 2023

N° 2023/009

Rôle N° RG 18/13168 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BC4W4

[O] [N] mandataire liquidateur de la SA SUD FER

C/

[A] [D]

Association AGS CGEA DE [Localité 5]

Copie exécutoire délivrée le :

13 JANVIER 2023

à :

Me Géraldine LESTOURNELLE, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Laurence OHAYON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 13 Juillet 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00399.

APPELANTS

Maître [O] [N] ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société SUD FER SA selon jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Marseille le 5 juillet 2021, demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Géraldine LESTOURNELLE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [A] [D], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Laurence OHAYON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Association AGS CGEA DE [Localité 5], demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle CASINI, Conseillère, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2023

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel en date du 04 octobre 2010, Monsieur [A] [D] a été engagé par la société SUD-FER SA, à compter du 07 octobre 2010, en qualité de comptable administratif, niveau III, échelon C, coefficient 365, moyennant une rémunération brute mensuelle de 144 euros pour 8 heures travaillées mensuellement, le lundi de 8h à 12h et de 13h45 à 17h45.

A compter du mois de février 2012, la durée de travail est passée à 96 heures par mois pour une rémunération de 1.964,99 euros bruts, sans qu'un avenant ne soit signé.

Suite à une altercation survenue le 10 octobre 2012 avec Monsieur [R] [Z], Président de la société SUD-FER, Monsieur [A] [D] a subi des blessures et a été placé en arrêt de travail jusqu'au 30 octobre 2013.

Par courrier recommandé avec AR en date du 21 octobre 2013, Monsieur [D] a informé son employeur de la fin de son arrêt de travail au 30 octobre 2013.

Monsieur [D] a été convoqué par la médecine du travail pour sa visite de reprise le 05 novembre 2013, visite au terme de laquelle le salarié a été déclaré « inapte à la reprise de son poste. A revoir le 28.11.2013 à 15h (article R 4624-31 du Code du travail) ».

Il a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 05 novembre 2013.

La seconde visite médicale de reprise a eu lieu le 27 novembre 2013, au terme de laquelle le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude : « confirmation de l'avis du 05.11.2013, à savoir INAPTE au poste. L'avis spécialisé demandé contre indique toute reprise d'activité professionnelle dans l'entreprise, même avec reclassement, aménagement du poste et/ou des horaires de travail ».

Par courrier recommandé avec accusé réception en date du 06 décembre 2013 et reçu le 12 décembre 2013, l'employeur a proposé un reclassement de la façon suivante « caissier principal niv. III, échelon C, coefficient 235 », pour une durée hebdomadaire de 35h au taux horaire de 10,42 euros, soit 1580,39 euros bruts/mois.

Par courrier recommandé en date du 13 décembre 2013, le salarié a fait part de son refus et a réclamé l'attestation salariale pour lui permettre de percevoir ses indemnités journalières de la Sécurité Sociale suite à l'arrêt maladie du 05 novembre 2013.

Par lettre recommandée avec accusé réception du 18 décembre 2013 présentée le 20 décembre 2013, l'employeur a convoqué Monsieur [D] à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement, prévu pour le 26 décembre 2013.

Monsieur [D] ne s'est pas présenté à l'entretien préalable.

Par courrier recommandé en date du 31 décembre 2013, la société SUD FER SA a notifié à Monsieur [D] son licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.

Monsieur [A] [D] a saisi le 16 juin 2014 le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins de contester le licenciement intervenu.

Par décision du 13 juillet 2018, le conseil de prud'hommes de Marseille a :

- Requalifié le licenciement de Monsieur [A] [D] en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

- Condamné la société SUD-FER, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à régler à Monsieur [A] [D] les sommes suivantes :

- 23.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

- 3.963,30 euros bruts au titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 1.361,14 euros bruts au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement

- 5.000 euros au titre de dommages et intérêts pour modification unilatérale du contrat de travail

- 10.000 euros au titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

- 272,02 euros bruts au titre du rappel de salaire

- 27,20 euros bruts au titre des congés payés afférents

- 1.537,17 euros bruts au titre du rappel de salaire pour la prime de vacances

- 153,71 euros bruts au titre des congés payés afférents

- 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élève à la somme de 1.981,65 euros bruts

- Ordonné la remise des bulletins de salaires rectifiés pendant la période d'accident du travail, et de tous les documents légaux sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document,

- Ordonné les intérêts de droit, la capitalisation des intérêts

- Ordonné le droit de recouvrement et d'encaissement

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires, fin et conclusions

- Condamné la partie défenderesse aux entiers dépens » .

Le 3 août 2018, la société SUD-FER SA a relevé appel de la décision.

Par jugement du Tribunal de Commerce de Marseille du 5 juillet 2021, la société SUD FER a été placée en liquidation judiciaire et Maître [O] [N] de la SCP [N] LAGEAT désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 18 mars 2022, Maitre [O] [N] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SUD FER demande à la Cour de :

-Déclarer l'appel de la société SUD FER recevable, et l'intervention de Me [N] ès qualités recevable,

-Infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Marseille le 13 juillet 2018 en ce qu'il a condamné la Société SUD FER au paiement de diverses sommes,

Et Statuant à nouveau,

-Dire et juger que le licenciement de Monsieur [D] repose sur une cause réelle et sérieuse,

-Débouter Monsieur [D] de toutes ses demandes, exception faite des sommes de 272.02 euros bruts, et 27.20 euros bruts au titre des rappels de salaires et congés payés aff érents dus, au-delà du mois entre le reclassement et la notification du licenciement,

-Dire n'y avoir lieu à article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 9 septembre 2022, Monsieur [A] [D] demande à la Cour de :

CONFIRMER le jugement rendu le 13 juillet 2018 par le Conseil de Prud'hommes de Marseille, en ce qu'il a :

- Requalifié le licenciement pour inaptitude de Monsieur [A] [D] en un licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- Condamné la société SUD-FER SA à payer à Monsieur [A] [D] les sommes suivantes :

- 23.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

- 3.963,30 euros bruts au titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 5.000 euros au titre de dommages et intérêts pour modification unilatérale du contrat de travail

- 10.000 euros au titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

- 272,02 euros bruts au titre du rappel de salaire

- 27,20 euros bruts au titre des congés payés afférents

- 1.537,17 euros bruts au titre du rappel de salaire pour la prime de vacances

- 153,71 euros bruts au titre des congés payés afférents

- 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

- Dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élève à la somme de 1.981,65 euros bruts

- Ordonné la remise des bulletins de salaires rectifiés pendant la période d'accident du travail, et de tous les documents légaux sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document

- Ordonné les intérêts de droit, la capitalisation des intérêts

- Ordonné le droit de recouvrement et d'encaissement

- Condamné la société SUD-FER SA aux entiers dépens

Constater que la société SUD-FER SA a été placée en liquidation judiciaire, suite au jugement du Tribunal de Commerce de Marseille du 05 juillet 2021,

Constater que SCP [O] [N] & A. LAGEAT, en la personne de Maître [O] [N], a été désigné suite au jugement rendu le 05 juillet 2021 par le Tribunal de Commerce de Marseille, en qualité de liquidateur judiciaire,

En l'état de la procédure de liquidation judiciaire, il conviendra du FIXER les créances de Monsieur [A] [D], au passif de la société SUD-FER SA, de la façon suivante :

- 23.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

- 3.963,30 euros bruts au titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 5.000 euros au titre de dommages et intérêts pour modification unilatérale du contrat de travail

- 10.000 euros au titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

- 272,02 euros bruts au titre du rappel de salaire à compter du 28 décembre 2013, et ce jusqu'au 30 décembre 2013 inclus

- 27,20 euros bruts au titre des congés payés afférents

- 1.537,17 euros bruts au titre du rappel de salaire pour la prime de vacances

- 153,71 euros bruts au titre des congés payés afférents

- 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

IINFIRMER le jugement rendu le 13 juillet 2018 par le Conseil de Prud'hommes de Marseille uniquement en ce qu'il a condamné la société SUD-FER SA à payer à Monsieur [A] [D] la somme de 1.361,14 euros bruts au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement

Et statuant à nouveau, Sur appel incident,

Fixer la créance de Monsieur [A] [D] au passif de la société SUD-FER SA à la somme de 1.361,14 euros nets au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement

En toute hypothèses,

Fixer la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 1.981,65 euros bruts,

Ordonner la remise des bulletins de salaires rectifiés pendant la période d'accident du travail, et de tous les documents légaux sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document,

Ordonner les intérêts de droit à compter de la demande,

Ordonner la capitalisation des intérêts ,

Ordonner le droit de recouvrement et d'encaissement en application de l'article 10 du Décret du 12 décembre 1996,

Fixer à la somme de 3000 euros l'indemnité au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Déclarer que la décision à intervenir sera opposable à l'UNEDIC-AGS, CGEA de [Localité 5],

Les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 1er mars 2022, l'AGS CGEA de [Localité 5] demande à la cour de :

Vu sa mise en cause de l'AGS/CGEA par Monsieur [A] [D] sur le fondement de l'article L 625-1 du Code de Commerce,

INFIRMER le jugement déféré.

DEBOUTER Monsieur [D] de toutes ses demandes.

En tout état rejeter les demandes infondées et injustifiées et ramener à de plus justes proportions les indemnités susceptibles d'être allouées au salarié.

Débouter Monsieur [A] [D] de toute demande de condamnation sous astreinte, aux dépens ou au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et en tout état déclarer le montant des sommes allouées inopposables à l'AGS CGEA.

En tout état constater et fixer en deniers ou quittances les créances de Monsieur [A] [D] selon les dispositions des articles L 3253-6 à L 3253-21 et D 3253 -1 à D 3253-6 du Code du Travail.

Dire et juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées à l'article L3253-8 et suivants du Code du Travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L.3253-17 du Code du Travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L 3253-17 et D 3253-5 du Code du Travail, plafond qui inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d'origine légale, ou d'origine conventionnelle imposées par la loi, ainsi que la retenue à la source prévue à l'article 204 A du code général des impôts,

Dire et juger que les créances fixées, seront payables sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judicaire en vertu de l'article L 3253-20 du Code du Travail.

Dire et juger que le jugement d'ouverture de la procédure collective a entraîné l'arrêt des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l'article L.622-28 du Code de Commerce.

La procédure a été close suivant ordonnance du 15 septembre 2022.

MOTIFS DE L'ARRET

SUR L'EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL

Sur la modification unilatérale du contrat de travail

La liquidation judiciaire de la société SUD FER fait valoir que Monsieur [D], comptable administratif, connaissait les avantages et les conséquences de la modification contractuelle intervenue en février 2012, à savoir l'augmentation de la durée de travail à 96 heures/mois et l'augmentation de sa rémunération à 1.964,99 euros bruts et n'a jamais sollicité la signature d'un avenant. Elle précise que le salarié a été à l'initiative de cette modification et qu'il a même obtenu de la direction l'attribution d'horaires décalés pour lui éviter les embouteillages, ce dont témoignent deux membres de la famille de Monsieur [Z] (gérant), dont la fille de celui-ci également salariée de l'entreprise. L'employeur estime en outre que Monsieur [D] ne caractérise nullement le préjudice qui en serait résulté.

Monsieur [D] fait valoir que, alors qu'il a été engagé à temps partiel à raison de 8 heures par mois le lundi de 8h à 12h et de 13h45 à 17h45, l'employeur a modifié unilatéralement son contrat de travail en lui imposant une augmentation de sa durée de travail, passée à 96 heures par mois, qu'il n'a pas eu son mot à dire et a été contraint de réorganiser son emploi du temps en conséquence ; que cette situation ne l'arrangeait pas car il était tenu de venir 3 jours par semaines au lieu d'une journée ; qu'habitant [Localité 6] et devant se rendre sur son lieu de travail à [Localité 5], il était contraint de passer 2h30 à 3h sur la route par jour en raison des embouteillages. Monsieur [D] estime que les attestations versées sont de pure complaisance; qu'il s'est plaint oralement auprès de son empoyeur de cette nouvelle situation. Il ajoute qu'il n'a jamais été indemnisé pour ses frais d'essence.

***

La durée du travail constitue un élément essentiel du contrat de travail, qui ne peut être modifié qu'avec l'accord préalable et exprès du salarié.

Il est constant en l'espèce que la société SUD FER n'a pas fait signer d'avenant à Monsieur [A] [D] par lequel celui-ci aurait manifesté son accord par écrit à la modification de son contrat de travail.

Pour démontrer que Monsieur [D] aurait accepté cette modification, la société SUD FER verse aux débats l'attestation de Mme [S] [U], fille du gérant et de Mme [M] [F] belle-mère du gérant qui ne travaillait pas dans l'entreprise, lesquelles témoignent de ce que Monsieur [D] avait demandé des horaires aménagés pour éviter les embouteillages car il habitait loin ; que cela avait été accepté par l'employeur qui dédommageait en essence le coût du trajet.

La cour constate qu'alors que Monsieur [D] conteste avoir donné son accord à la modification de son contrat de travail, ces témoignages, émanant exclusivement de membres de la famille du gérant de la société, sont insuffisants à rapporter la preuve d'une acceptation expresse de la part de Monsieur [D] de l'augmentation de son temps de travail.

Le fait qu'il ait continué à travailler selon les nouveaux horaires fixés ne signifie pas non plus qu'il ait accepté la modification de son contrat de travail.

Ainsi, il est établi que l'employeur a modifié unilatéralement le contrat de travail de Monsieur [D], en augmentant de manière significative la durée de travail (96h au lieu de 8h/mois) sans recueillir au préalable l'accord du salarié, ce qui constitue un manquement fautif.

Monsieur [D] indique qu'il a subi un préjudice du fait de l'obligation de se déplacer 3 jours par semaine sur son lieu de travail en passant 2h30 à 3h00 sur la route, ce qui lui a occasionné des frais importants. La société SUD FER qui prétend l'avoir indemnisé de ses frais d'essence, n'est pas en mesure d'en justifier (cf bulletins de paie), de sorte que Monsieur démontre la réalité de son préjudice.

En conséquence, il y a lieu de confirmer la décision du conseil de prud'hommes qui a condamné la société SUD FER à indemniser Monsieur [D] à hauteur de 5.000 euros en réparation du préjudice tenant à la modification unilatérale de son contrat de travail.

Sur l'inexécution contractuelle du contrat de travail

Monsieur [A] [D] sollicite le versement d'une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des manquements contractuels de la société SUD FER à son encontre, ce à quoi s'oppose la société SUD FER.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité

Le liquidateur de la société SUD FER critique la décision du conseil de prud'hommes qui a retenu que Monsieur [D] avait été victime d'une agression de la part de son Président, Monsieur [Z], alors que, si Monsieur [D] a effectivement été placé en accidendu travail suite à l'altercation du 10 octobre 2012, Monsieur [Z] a également porté plainte à l'encontre du salarié pour coups et blessures ; qu'il ressort de plusieurs attestations qu'il existait une bonne ambiance dans la société ; que le président ne passait pas ses journées au bureau mais sur la grue ou à trier des métaux ; que le rapport d'enquête de la CPAM ne dit pas que les employés, Monsieur [I] et Madame [P], ont refusé de témoigner par peur de représailles comme le soutient à tort Monsieur [D], mais que ces employés n'ont pas assisté directement à l'altercation.

Monsieur [A] [D] soutient au contraire qu'il est démontré par les pièces qu'il produit qu'il a été victime d'une agression physique de la part de Monsieur [R] [Z], Président de la société SUD FER ; que son médecin traitant a notamment constaté la trace de strangulation correspondant à sa description des faits et que des examens complémentaires ont été prescrits ainsi que des calmants, compte tenu de l'état psychologique dans lequel il se trouvait ; que l'employeur a ainsi gravement manqué à son obligation de sécurité à son égard, ce qui lui a causé un préjudice important.

***

Aux termes des dispositions de l'article L4121-1 du code du travail, l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentales des travailleurs. Il est ainsi responsable des violences physiques et/ou mentales commises sur ses salariés.

En l'espèce, il est constant qu'une rixe a eu lieu entre Monsieur [Z], Président de la société et Monsieur [D] sur le lieu de travail le 10 octobre 2012, au terme de laquelle Monsieur [D] a été blessé, le certificat du docteur [E], consulté le soir même, mentionnant 'agression sur le lieu de travail, échymose base du cou, entorse cheville gauche et choc psychologique', et le salarié a été reconnu en accident du travail, après enquête réalisée par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (cf notification prise en charge du 9 janvier 2013).

Si Monsieur [Z] a également porté plainte pour avoir reçu des coups de la part de Monsieur [D], il ne verse aucune pièce médicale. Contrairement aux affirmations de l'employeur, il résulte du compte rendu de l'enquêteur de la CPAM que les deux salariés (M. [I] et Mlle [P]) qui auraient été témoins visuels des faits, d'après Monsieur [D], n'ont pas voulu témoigner, par peur de représailles (mention de l'enquêteur dans son procès-verbal de synthèse).

Monsieur [Z] reconnait, aux termes de l'enquête de la CPAM, avoir 'poussé les dossiers de Monsieur [D] au sol', avoir 'repoussé Monsieur [D]', l'avoir 'mis au sol' et lui avoir 'déchiré la chemise'.

Il s'ensuit qu'alors que l'employeur doit prendre toute mesure pour assurer la santé mentale et physique de ses salariés, il est établi qu'il a participé à une altercation physique dont a été victime l'un de ses salariés.

La cour constate que l'employeur a ainsi gravement manqué à l'obligation de sécurité lui incombant, ce qui a causé un préjudice au salarié intimé, en arrêt de travail pour ses blessures physiques et choqué psychologiquement. Suite à sa consolidation le 31 octobre 2013, il en est résulté un taux d'incapacité permanente de 4% pour état anxieux réactionnel (cf conclusions du médecin conseil de la CPAM).

Sur les mentions obligatoires du contrat de travail

Monsieur [D] soutient que le contrat de travail à temps partiel qu'il a signé ne comporte pas toutes les mentions obligatoires.

L'employeur ne développe pas d'argumentation à ce titre.

***

La cour constate que le contrat de travail signé par Monsieur [D] le 4 octobre 2010 versé aux débats ne porte pas mention, comme l'exigent les dispositions de l'article L3123-14 du code du travail, de la répartition de la durée du travail et des modalités relatives à cette répartition, des conditions dans lesquelles la modification éventuelle de cette répartition peut intervenir, ainsi que des limites dans lesquelles les heures complémentaires peuvent être effectuées.

La rédaction d'un contrat de travail non conforme aux exigences légales constitue un manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles.

Sur l'envoi tardif des attestations de salaire à la Caisse d'Assurance Maladie

Monsieur [D] fait valoir que l'employeur a tardé à adresser l'original de l'attestation de salaire à la CPAM à la suite de l'accident du travail du 10 octobre 2012, puis après son arrêt maladie en novembre 2013, de sorte qu'il a été privé du versement des indemnités journalières durant les périodes qui ont suivies.

La liquidation judiciaire de la société SUD FER n'apporte pas d'éléments d'explication sur ce point.

***

Conformément aux dispositions de l'article R 441-4 du code de la sécurité sociale, l'employeur doit adresser à la CPAM l'attestation de salaire en même temps que la déclaration d'accident du travail, ou au moment de l'arrêt de travail, si celui ci est postérieur.

En l'espèce, alors qu'il était en arrêt de travail depuis le 10 octobre 2012, Monsieur [D] justifie avoir réclamé à son employeur l'original de l'attestation des salaires par courrier recommandé en date du 5 décembre 2012.

De même, alors qu'il était en arrêt de travail pour maladie à compter du 05 novembre 2013, il justifie avoir dû réclamer à son employeur, l'attestation de salaire par courrier recommandé du 13 décembre 2013.

La remise tardive des attestations de salaire constitue un manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles causant à Monsieur [D] un préjudice, en ce qu'il a été privé d'indemnités journalières durant plusieurs mois.

Sur le défaut de versement de la prime annuelle de vacances

Monsieur [D] indique encore que l'employeur a méconnu ses obligations conventionnelles en ne lui versant pas la prime annuelle de vacances due au titre de la convention collective applicable.

La liquidation judiciaire de la société SUD FER conclut à la recevabilité de la demande de prime anuelle de vacances pour la période de juin 2011 à mai 2012, mais pas pour celle de juin 2012 à mai 2013 dans la mesure où Monsieur [D] était en arrêt de travail à compter du 10 octobre 2012.

***

L'article 67 bis de la convention collective de l'industrie de récupération et de recyclage prévoit une prime de vacances calculée en fonction du temps de travail effectif réalisé sur une période de 12 mois, comprise entre le 1er juin et le 31 mai de l'année écoulée.

L'employeur reconnait ne pas avoir payé à son salarié la prime annuelle de vacances pour l'année 2011/2012 et a ainsi manqué à ses obligations contractuelles.

Sur la non reprise du paiement des salaires dans le mois suivant la visite médicale de reprise

Monsieur [D] fait valoir que l'employeur n'a pas repris le paiement de son salaire à compter du 28 décembre 2013, soit 1 mois après la deuxième visite médicale de reprise, et ce jusqu'à la notification de son licenciement, comme l'y obligeait l'article L 1226-11 du code du travail.

La liquidation judiciaire de la société SUD FER reconnait ne pas avoir payé les salaires dus au-delà du mois entre le reclassement et la notification du licenciement, outre les congés payés y afférents.

La cour constate qu'il s'agit d'une inexécution fautive du contrat de travail.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société SUD FER s'est montrée fautive dans l'exécution de ses obligations contractuelles à l'égard de Monsieur [A] [D], d'une part en manquant gravement à son obligation de sécurité et d'autre part, en ne respectant pas ses obligations dans l'exécution du contrat de travail concernant sa rémunération.

Ces manquements, par leur succession, ont causé un préjudice essentiellement moral à Monsieur [D] qu'il convient d'indemniser à hauteur de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts. La décision du conseil de prud'hommes sera infirmée de ce chef.

La somme de 5.000 euros sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société SUD FER.

Sur le rappel de salaire en application de l'article L1226-11 du code du travail

Aux termes des dispositions de l'article L1226-11 du code du travail, en l'absence de reclassement à l'issue du délai d'un mois, l'employeur, qui n'a pas licencié le salarié, doit reprendre le paiement du salaire correspondant à l'emploi qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail.

En l'espèce, Monsieur [D] a passé la seconde visite de reprise le 27 novembre 2013 et l'employeur ne l'a licencié que le 30 décembre 2013. Il lui appartenait de lui payer les salaires dûs entre le 28 décembre et le 30 décembre 2013, soit la somme de 272,02 euros, outre 27,2à euros de congés payés, selon le calcul du salarié.

L'employeur acquiesce à cette demande.

Il convient en conséquence de confirmer la décision du conseil de prud'hommes et de dire que la somme de 272,02 euros à titre de rappel de salaire, outre la somme de 27,20 euros au titre des congés payés y afférents, seront fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société SUD FER au bénéfice de Monsieur [D].

Sur le rappel de salaire au titre de la prime de vacances

Selon les dispositions de la convention collective de l'industrie de récupération et de recyclage, l'employeur est tenu de verser une prime annuelle de vacances, prime versée pour moitié avec la paie précédant la date de départ en congé principal, pour l'autre moitié avec la paie suivant la fin du même congé.

Son montant s'établit par heures de travail effectif calculé sur douze mois (comprises entre le 1er juin et le 31 mai de l'année en cours), de la façon suivante :

Salaire minimum conventionnel niveau 1 échelon A au 31 mai de l'année en cours / 1820 heures x 81 % en 2011, x 100 % à partir de 2012.

Le salaire minimum conventionnel niveau 1 échelon A au 31 mai de l'année en cours s'élève à 1.426,37 euros brut au 31 mai 2012, à 1.450,62 euros brut au 31 mai 2013.

Contrairement aux affirmations de la société SUD FER, les absences pour accident de travail sont assimilées à du temps de travail effectif. Il s'en déduit que la prime annuelle de vacances est également due pour la période 2012/2013, puis jusqu'en décembre 2013.

' Sur la période de juin 2011 à mai 2012 :

Temps de travail effectif : 433,24 heures

De juin 2011 à janvier 2012 : 8h / mois sur 8 mois = 64 h

Mars 2012 : 88,62 h (déduction absences CP)

Avril 2012 : 96 h

Mai 2012 : 88,62 h

1426,37 euros brut / 1820 heures = 0,783 € x 81% = 0,634 euros

0,634 euros x 433,24 heures = 274,67 euros brut.

L'employeur a versé 50 euros en juillet 2012 ; il demeure donc un solde dû à ce titre par l'employeur de : 274,67 euros brut ' 50 euros brut = 224,67 euros brut.

' Sur la période de juin 2012 à mai 2013 :

Temps de travail effectif : 1070,80 heures

Juin 2012 : 62,77 h

Juillet 2012 : 73,86 h

Août 2012 : 70,17 h

De septembre 2012 à mai 2013 : 96 h x 9 mois = 864 h

1450,62 euros brut / 1820 h = 0,797 euros

0,797 euros x 1070,80 euros = 853,43 euros brut.

' Sur la période de juin 2013 au licenciement (décembre 2013)

Temps de travail effectif : 576 h (96 h x 6 mois)

1450,62 euros brut / 1820 h = 0,797 euros

0,797 euros x 576 h = 459,07 euros brut.

Soit un total de 1.537,17 euros brut, outre 153,71 euros brut de congés payés afférents.

En conséquence, il y a lieu de confirmer la décision du conseil de prud'hommes qui a condamné la société SUD FER à payer à Monsieur [A] [D] la somme de 1.537,17 euros brut au titre du rappel de prime de vacances, outre 153,71 euros brut de congés payés afférents, sauf à préciser que ces créances seront fixées au passif de la liquidation judiciaire.

SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

Sur le licenciement pour inaptitude

Sur le caractère irrégulier de la procédure

Monsieur [D] soutient que le licenciement est irrégulier en ce que :

-l'employeur n'a pas mentionné l'adresse de la mairie du domicile du salarié dans la lettre de convocation à l'entretien préalable,

-il n'a pas respecté le délai minimum de 5 jours ouvrables entre la réception de la lettre de convocation à l'entretien préalable par le salarié et la tenue de l'entretien préalable,

-il ne lui a pas notifié par écrit les motifs s'opposant à son reclassement suite à accident du travail.

La société SUD FER réplique qu'il a bien été fait mention de l'adresse de la Direction Départementale du travail dans la lettre de convocation à l'entretien préalable, ce qui est conforme à l'article D 1232-5 du code du travail ; que les juges estiment souverainement si le délai entre la réception de la lettre de convocation à l'entretien préalable et sa tenue a été suffisant et qu'en l'espèce Monsieur [D] a déménagé durant cette période sans en informer son employeur. Enfin, elle expose que l'intimé, qui venait d'être déclaré inapte et avait refusé le seul poste disponible dans l'entreprise, n'était pas dans l'ignorance de ce qu'il allait devenir et n'était donc pas dans l'impossibilité d'organiser sa défense.

***

En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L1232-4 du code du travail, la lettre de convocation à l'entretien préalable adressée au salarié mentionne la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et précise l'adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition (inspection du travail et mairie).

En l'espèce, si l'employeur a mentionné, sur la lettre de convocation à l'entretien préalable, la possibilité de se faire assister par un conseiller avec l'adresse de la Direction Départementale du travail à [Localité 5], il n'a pas précisé l'adresse de la maririe du domicile de Monsieur [D], alors qu'il résulte des pièces versées aux débats que celui ci lui avait transmis sa nouvelle adresse, soit [Adresse 2], ce qui constitue une première irrégularité.

En second lieu, L'article L 1232-2 du code du travail dispose que l'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de 5 jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.

Ainsi, le salarié doit disposer un délai de 5 jours ouvrables pour préparer sa défense, à l'exclusion des jours chômés et fériés.

En l'espèce, la lettre recommandée de convocation à l'entretien préalable est datée du 18 décembre 2013 et a été présentée au salarié le 20 décembre 2013, pour un entretien préalable fixé au 26 décembre 2013. Ce délai qui comprend le dimanche 22 décembre et le 25 décembre férié, n'a pas laissé un délai de 5 jours ouvrables postérieurement à la présentation de la lettre de convocation à l'entretien préalable pour permettre à Monsieur [D] de préparer sa défense, ce qui constitue une irrégularité présentant un caractère d'ordre public.

Enfin, dans le cadre d'une inaptitude d'origine professionnelle, l'article L 1226-12 du code du travail, prévoit que lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

Or en l'espèce, peu importe que le salarié ait refusé la proposition de reclassement qui lui a été faite, la cour constate que la lettre d'information sur l'impossibilité de reclassement prévue à l'article L1226-12 du code du travail fait défaut, ce qui constitue également une irrégularité.

Sur la validité du licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle

En premier lieu, Monsieur [D] soutient que la société SUD FER n'a pas respecté l'obligation lui incombant de consulter les délégués du personnel, préalablement au licenciement, comme le lui imposent les dispositions de l'article L1226-10 du code du travail, alors qu'il s'agit d'une entreprise employant plus de onze salariés (cf attestation Pôle Emploi où l'empoyeur a mentionné 16 salariés), ce qui constitue la violation d'une obligation substantielle privant la rupture du contrat de travail de cause réelle et sérieuse. Il ajoute qu'il existait bien des délégués du personnel à la date de son licenciement (Mme [Y] titulaire et M. [G] suppléant, tel que l'a reconnu le conseil des prud'hommes de Marseille dans un jugement rendu le 21 décembre 2018 portant sur une procédure prud'homale concernant Mme [Y], reconnue salariée protégée au 31 décembre 2013).

En second lieu, il fait valoir que la société SUD FER n'a pas respecté l'obligation de reclassement dont elle était débitrice, qu'elle n'a pas effectué des recherches sérieuses ni sollicité du médecin du travail aucune précision utile quant aux conditions de travail permettant le reclassement. Il soutient également que la proposition de poste de caissier qui lui a été faite était imprécise, factice car aucune manipulation de caisse n'était possible dans l'entreprise, et aurait contribué à le faire travailler plus (35heures par semaine) pour être payé moins (taux horaire à peine supérieur à celui du SMIC).

La société SUD FER ne conteste pas ne pas avoir consulté les délégués du personnel. Elle expose qu'en raison d'un grand nombre de salariés en arrêt maladie, il n'a pas été possible d'organiser de nouvelles élections ; qu'à la date du licenciement de Monsieur [D], Mme [H] n'avait plus la qualité de déléguée du personnel, son mandat ayant expiré en juin 2006.

Elle expose par ailleurs avoir effectué des recherches sérieuse de reclassement qui ont abouti à la proposition faite à Monsieur [D], dont le médecin du travail a été informé, d'un poste de caissier conforme à la jurisprudence (avec transformation ou aménagement du temps de travail) et aussi comparable que possible au précédent emploi (Monsieur [D], comptable aurait eu à gérer les opérations bancaires les plus courantes), de sorte qu'elle estime avoir valablement satisfait à son obligation de reclassement.

***

Aux termes des dispositions de l'article L1226-10 du code du travail, dans sa version applicable au litige, 'lorsqu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise'.

S'agissant de la consultation des délégués du personnel, la cour constate que, s'il existait des délégués du personnel en cours de mandat, la société SUD FER devait les consulter pour recueillir leur avis préalablement au licenciement de Monsieur [D] pour inaptitude d'origine professionnelle et, s'il n'y avait pas de délégués du personnel élus en cours de mandat dans l'entreprise, il appartenait à la société SUD FER de produire un procès-verbal de carence attestant de l'impossibilité d'organiser des élections.

Or, en l'espèce, il est constant que l'employeur, qui reconnait ne pas avoir consulté les délégués du personnel préalablement au licenciement de Monsieur [A] [D], n'est pas non plus en mesure de produire un tel procès-verbal de carence.

La méconnaissance des dispositions légales relatives au reclassement du salarié inapte consécutivement à un accident d'origine professionnel, dont celle imposant à l'employeur de consulter les délégués du personnel, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

En conséquence, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner le non respect par l'employeur de son obligation de reclassement, la cour constate que le licenciement de Monsieur [D] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes indemnitaires

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse

En application de l'article L 1226-15 du code du travail, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 22 septembre 2017 applicable au litige, lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions sur le reclassement du salarié inapte prévues en application des articles L1226-10 à 12 du code du travail (en l'absence de consultation des délégués du personnel notamment) et en cas de refus de réintégration dans l'entreprise, l'employeur devra être condamné à verser au salarié licencié, une indemnité minimale de 12 mois de salaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cette indemnité se cumule avec l'indemnité compensatrice de préavis et, le cas échéant, avec l'indemnité spéciale de licenciement prévue à l'article 1226-14 du code du travail.

En l'espèce, Monsieur [D] justifie d'une longue période de chômage postérieurement à son licenciement intervenu le 31 décembre 2013 (cf attestations Pôle Emploi du 6 février 2014, du 20 juillet 2016 et récapitulatif du 8 mars 2020 faisant état d'une période d'indemnisation jusqu'au 28 mai 2019), puis il a été placé à la retraite en juin 2019. Il perçoit au titre de sa retraite une somme de 1.134,83 euros par mois (cf pension de retraite).

Compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (60 ans), de son ancienneté dans l'entreprise (3 ans), de sa qualification, de sa rémunération mensuelle moyenne (1.981,65 euros brut sur la moyenne des 3 derniers mois), des circonstances de la rupture mais également de la justification de sa situation de chômage, il convient de confirmer la décision du conseil de prud'hommes qui lui a accordé la somme de 23.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse, sauf à préciser que cette somme sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société SUD FER.

Sur la demande d'indemnité compensatrice de préavis

Monsieur [D] a droit au versement d'une indemnité de préavis de 2 mois en application de l'article L1234-1 du code du travail, soit la somme de 1.981,65 euros x 2 mois =3.963,30 euros.

La créance de Monsieur [D] au titre de l'indemnité compensatrice de préavis sera ainsi fixée au passif de la société SUD FER à hauteur de 3.963,30 euros.

Sur l'indemnité spéciale de licenciement

Monsieur [D] a également droit de percevoir l'indemnité spéciale de licenciement prévue à l'article L1226-14 du code du travail et qui est égale au double de l'indemnité de licenciement.

Au regard de l'ancienneté de 3 ans et 3 mois détenue par Monsieur [D] dans l'entreprise, l'employeur est redevable de la somme suivante :

1981,65 euros x 3 ans x 1/5=1.188,99 euros + 1.981,65 euros x 3/12 x 1/5=99,08 euros = 1288,07 x 2 = 2576,14 euros.

La société SUD FER ayant déjà versé la somme de 1.215 euros au titre de l'indemnité de licenciement (cf bulletin de salaire du mois de janvier 2014), il conviendra de fixer au passif de la liquidation de la société la somme de 2.576,14 - 1.215 = 1.361,14 euros nets au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement.

La décision du conseil de prud'hommes qui a octroyé une somme de 1.361,14 euros bruts au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement sera réformée de ce chef.

Sur la garantie de L'AGS

Il convient de rappeler que l'obligation du C.G.E.A, gestionnaire de l'AGS, de procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-8 et suivants du Code du Travail se fera dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L 3253-17 du Code du Travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L 3253-17 et D 3253-5 du Code du Travail, et payable sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judicaire, et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L 3253-20 du Code du Travail.

Le présent arrêt devra être déclaré opposable à l'AGS et au CGEA de [Localité 5].

Sur les intérêts

Il convient de dire que les créances de nature salariale porteront intérêts à compter de la demande en justice, avec capitalisation à condition qu'ils soient dûs pour une année entière.

Comme le sollicite l'AGS CGEA de [Localité 5], il convient de rappeler que le jugement d'ouverture de la procédure collective opère arrêt des intérêts légaux et conventionnels (art. L. 622-28 du code de commerce).

Sur les documents de fins de contrat

Maitre [O] [N] de la SCP [N] LAGEAT ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SUD FER devra transmettre à Monsieur [A] [D] les documents de fin de contrats (certificat de travail, bulletin de salaire récapitulatif et attestation Pôle Emploi rectifiée) conformes au présent arrêt, sans que le prononcé d'une astreinte provisoire ne soit nécessaire.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'équité commande de confirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles sauf à voir fixer la somme de 2.000 euros au passif de la liquidation judiciaire de la société SUD FER et de fixer également au passif de la société une indemnité de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

La liquidation judiciaire de la société SUD FER qui succombe, doit être tenue aux dépens de première instance et d'appel.

Il convient de confirmer la décision du conseil de prud'hommes qui a ordonné le droit de recouvrement et d'encaissement prévu à l'article 10 du décrêt du 12 décembre 1996.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré sauf à préciser que les créances de Monsieur [A] [D] seront fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société SUD-FER et sauf sur le montant des dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail, sur le montant de la somme due au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement et sur le prononcé de l'astreinte pour la remise des documents de fin de contrat,

Statuant à nouveau des chefs réformés :

Fixe au passif de la liquidation de la société SUD FER la créance de Monsieur [A] [D] à hauteur de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail,

Fixe au passif de la liquidation de la société SUD FER la créance de Monsieur [A] [D] à hauteur de 1.361,14 euros nets au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement,

Y Ajoutant :

Enjoint à Maitre [O] [N] de la SCP [N] LAGEAT ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SUD FER de transmettre à Monsieur [A] [D] les documents de fins de contrats (certificat de travail, bulletin de salaire récapitulatif et attestation Pôle Emploi rectifiée) conformes au présent arrêt et rejette la demande d'astreinte provisoire,

Rappelle que le jugement d'ouverture de la procédure collective de la société a opéré arrêt des intérêts légaux et conventionnels,

Dit la présente décision opposable au CGEA-AGS de [Localité 5],

Dit que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées à l'article L 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L3253-19 et L3253-17 du code du travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L3253-17 et D3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L3253-20 du code du travail,

Fixe au passif de la liquidation de la société SUD FER la créance de Monsieur [A] [D] à hauteur de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Laisse les dépens d'appel à la charge de la liquidation judiciaire de la société SUD FER.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-1
Numéro d'arrêt : 18/13168
Date de la décision : 13/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-13;18.13168 ?
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