COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 12 JANVIER 2023
N° 2023/041
Rôle N° RG 22/04951 N° Portalis DBVB-V-B7G-BJFPK
Société JYSKE BANK A/S
C/
[S], [W] [M]
[E] [M] épouse [J]
SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE
Le TRÉSOR PUBLIC - SIP [Localité 14] OUEST
SA LYONNAISE DE BANQUE
S.A. FINANCO
S.A. LA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE COTE D'AZUR PRÉVOYANCE COTE D'AZUR
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Agnès ERMENEUX
Me Nino PARRAVICINI
Me Cédric CABANES
Me Maxime ROUILLOT
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution du Tribunal Judiciaire de NICE en date du 17 Mars 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 20/00117.
APPELANTE
Société JYSKE BANK A/S
immatriculée au RCS danois sous le n° 17616617
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 15] - DANEMARK
représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Aurélie BOULBIN de l'AARPI NGO JUNG & PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me Alice ALLARD, avocat au barreau de PARIS
INTIMES
Monsieur [S], [W] [M]
né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 13] (ALGÉRIE),
demeurant [Adresse 12]
assigné à jour fixe le 28/04/22
Madame [E] [M] épouse [J]
née le [Date naissance 6] 1945 à [Localité 13] (ALGÉRIE),
demeurant [Adresse 11]
assignée à jour fixe le 28/04/22
Tous deux représentés et plaidant par Me Nino PARRAVICINI de la SELARL SELARL NINO PARRAVICINI, avocat au barreau de NICE
SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE
immatriculée au R.C.S. de PARIS sous le numéro 552 120 222, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 5]
assignée à jour fixe le 28/04/22 à personne habilitée
défaillante
Le TRÉSOR PUBLIC - SIP [Localité 14] OUEST
pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité en ses Bureaux sis [Adresse 4]
assigné à jour fixe le 02/05/22 à personne habilitée,
défaillant
SA LYONNAISE DE BANQUE
immatriculée au R.C.S. de LYON sous le numéro 954 507 976, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 9]
assignée à jour fixe le 03/05/22
représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
assistée de Me Frédéric PIAZZESI de la SELARL CABINET PIAZZESI AVOCATS, avocat au barreau de NICE
S.A. FINANCO
immatriculée au RCS de BREST sous le n° 338 138 795
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 7]
assignée à jour fixe le 28/04/22 à personne habilitée
représentée et assistée par Me Cédric CABANES de la SCP LECLERC CABANES CANOVAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, substitué par Me Cindy GARCIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
S.A. LA CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE COTE D'AZUR société anonyme coopérative à directoire et conseil d'orientation et de surveillance, immatriculée au RCS de Nice sous le numéro 384 402 871, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 8]
assignée à jour fixe le 28/04/22
représentée et assistée par Me Maxime ROUILLOT de la SELARL SELARL D'AVOCATS MAXIME ROUILLOT- FRANCK GAMBINI, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 02 Novembre 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Pascale POCHIC, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2022, puis prorogé au 12 Janvier 2023.
ARRÊT
Réputé Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Janvier 2023.
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, procédure et prétentions des parties
Suivant offre de prêt du 11 juin 2005 et acte authentique du 29 mars 2006, la banque danoise Jyske Bank (ci-après ,la banque) a consenti aux consorts [M] et [J] un prêt multidevises d'un montant de 1 100 000 euros ou « l'équivalent, à la date de tirage du prêt, dans l'une des principales devises européennes, dollars américains ou yens japonais ».
Ce prêt consenti au taux variable Libor + 2% (soit à la date d'émission de l'offre de prêt, 4.1875%), remboursable en 30 ans en120 échéances trimestrielles, était garanti par une hypothèque conventionnelle de premier rang sur le bien immobilier situé à [Adresse 10].
Il a été libéré en euros.
A la suite de défauts de paiement, la banque a prononcé la déchéance du terme par lettre recommandée avec avis de réception du 25 octobre 2019. En vertu de la copie exécutoire de l'acte notarié de prêt du 29 mars 2006, elle a fait délivrer à Mme [E] [J] née [M] et à M. [S] [M] par actes d'huissier de justice du 19 et 24 juin 2020, un commandement de payer valant saisie immobilière pour avoir paiement des sommes suivantes :
- sommes restant dues au titre du solde du prêt suivant décompte détaillé joint arrêté au 12 mars 2020 : 693 946,98 euros
- intérêts postérieurs du 12 mars 2020 jusqu'au jour du règlement : mémoire
- frais de procédure et coût du présent acte : mémoire
total général sauf mémoire : 693 946,98 euros
emportant saisie des droits et biens immobiliers leur appartenant sur la commune de [Localité 14], [Adresse 10] plus amplement désignés au cahier des conditions de vente déposé au greffe du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nice, le1er octobre 2020.
Ce commandement publié le 5 août 2020 étant demeuré sans effet, la banque a fait assigner les débiteurs à l'audience d'orientation du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nice qui après réouverture des débats pour inviter les parties à présenter leurs observations sur le défaut de mention des intérêts échus à la date de la délivrance du commandement valant saisie et depuis le 12 mars 2020, au visa de l'article R.321-3,3° du code des procédures civiles d'exécution, a par jugement du 17 mars 2022 :
' annulé le commandement de payer valant saisie immobilière des 19 et 24 juin 2020 ;
' ordonné la mainlevée de la procédure de saisie immobilière ;
' ordonné la radiation du commandement de payer valant saisie immobilière ;
' condamné la banque aux dépens.
Pour statuer ainsi le premier juge relève, après rappel des dispositions de l'article R.321-3 du code des procédures civiles d'exécution, que le commandement valant saisie délivré le 19 et 24 juin 2020 mentionne dans son décompte au titre des intérêts « intérêts postérieurs au 12 mars 2020 jusqu'au jour du règlement : mémoire » alors que l'exigence légale de la mention des intérêts échus impliquait qu'à la date du commandement les débiteurs aient connaissance du montant exact de la dette, d'autant que la procédure de saisie immobilière est engagée sous condition du non paiement de la dette dans le délai de 8 jours et que l'absence de mention des intérêts échus fait nécessairement grief aux débiteurs qui pour pouvoir s'acquitter de la dette dans ce délai, doivent être en mesure d'en connaître le montant exact, ajoutant que la banque ne peut sans contradiction soutenir l'impossibilité de calculer les intérêts échus au jour du commandement en raison de contrainte pratiques pour les créanciers, tout en transférant l'obligation au débiteur, alors que la détermination de la créance pèse sur le poursuivant, outre que la banque ne caractérise pas les obstacles susceptibles de s'opposer à l'actualisation de sa créance dans l'acte de saisie et que la liquidité de la créance suppose l'application d'un taux d'intérêt variable basé sur un taux propre à l'établissement prêteur, dont la variabilité trimestrielle interdit sa détermination par l'emprunteur.
La banque a interjeté appel de cette décision par déclaration du 4 avril 2022.
Par ordonnance du 13 avril 2022 elle a été autorisée à assigner au jour fixé au 2 novembre 2022 et les assignations délivrées à cette fin ont été remises au greffe le 24 mai 2022.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 28 octobre 2022 la société appelante demande à la cour de :
- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- juger que le commandement de payer valant saisie signifié à M. [S] [W] [M] et Mme [E] [M] épouse de monsieur [H] [J] en date des 19 et 24 juin 2020 est valable;
Et statuant à nouveau,
- constater que la présente procédure est conforme aux articles L.311-2, L.311-4, et L.311-6 du code des procédures civiles d'exécution ;
- recevoir les traductions de la pièce 4 de la banque ;
- juger que la déchéance du terme prononcée par la banque est valable ;
- déclarer irrecevables les demandes de nullité de l'article 4 du contrat de prêt et de déchéance du droit aux intérêts ;
A titre subsidiaire :
- juger que le taux d'intérêt mentionné à l'article 4 du contrat de prêt est valable et que la banque a parfaitement respecté les dispositions légales relatives au TEG ;
- juger que la banque n'a commis aucune erreur dans le calcul du TEG ;
- débouter les consorts [M] de l'intégralité de leurs demandes ;
En conséquence,
- statuer ce que de droit conformément à l'article R.322-5 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution ;
- ordonner conformément à l'article R.322-15 du code des procédures civiles d'exécution, la vente forcée et en fixer la date ;
- constater le montant de la créance du poursuivant en principal, intérêts majorés, intérêts des intérêts, accessoires s'élevant à la somme de :
- sommes restant dues au titre du solde du prêt suivant décompté détaillé joint, arrêté au 12 mars 2020 : 693 946,98 euros
- intérêts postérieurs du 12 mars 2020 jusqu'au jour du règlement : mémoire
- frais de procédure et coût du présent acte : mémoire
total général sauf mémoire : 693 946,98 euros
suivant décompte joint au présent acte arrêté 12/03/2020 sous réserve des intérêts postérieurs.
- juger que les intérêts continueront à courir jusqu'à la distribution du prix de vente à intervenir et au plus tard à la date prévue par l'article R.334-3 du code des procédures civiles d'exécution complétant l'article R.334-2 du même code ;
- dire que la vente forcée aura lieu aux conditions générales des clauses du cahier des conditions de vente établi par l'ordre des avocats au Barreau de Nice ;
- désigner conformément à l'article R.322-26 du code des procédures civiles d'exécution, la Sas Sorrentino-Bruneau, huissiers de justice associés à [Localité 14], qui a établi le procès-verbal de description des biens, pour assurer deux visites des biens saisis, en se faisant assister si besoin est, d'un serrurier et de la force publique ;
- dire que l'huissier se fera assister lors de l'une des visites de l'expert qui a établi les diagnostics amiante et termites (et éventuellement plomb), afin que ce dernier puisse les réactualiser si nécessaire ;
- dire que la décision à intervenir, désignant l'huissier de justice pour assurer les visites, devra être signifiée, trois jours au moins avant les visites, aux occupants des biens saisis ;
- aménager la publicité de la vente forcée conformément à la demande qui en a été faite ci-dessus ;
- subsidiairement, statuer sur l'autorisation de vente amiable qui serait présentée par le débiteur saisi ;
- plus subsidiairement encore, en cas d'autorisation de vente amiable, fixer le montant du prix en deçà duquel l'immeuble ne peut être vendu eu égard aux conditions économiques du marché et aux conditions particulières de la vente dont s'agit et énumérer les diligences qui devront être accomplies par le propriétaire ;
- fixer l'audience à laquelle il sera constaté les diligences du débiteur en vue de cette vente amiable, conformément à l'article R 322-21 du code des procédures civiles d'exécution ;
- juger qu'après l'audience de rappel de l'article R.322-25 du code des procédures civiles d'exécution et si les conditions de cet article sont réunies, le juge de l'exécution ordonnera au notaire chargé de la vente, le transfert des fonds consigné à la Caisse des dépôts et consignations, après le jugement constatant la vente, à M. le Bâtonnier de l'ordre des avocats du Barreau de Nice désigné conformément au cahier des conditions de vente ;
- statuer sur le montant des frais de poursuite de vente du créancier en l'état de la procédure ;
- juger que les émoluments de l'avocat, calculés selon le tarif en vigueur seront payables par l'acheteur en sus de son prix comme les frais de poursuite ;
- refuser, conformément au même article, toute prorogation à défaut de diligences ;
- ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de vente, dont distraction au profit de maître Agnès Ermeneux aux offres de droit.
A l'appui de ses demandes elle soutient pour l'essentiel que l'interprétation stricte par le premier juge des dispositions de l'article R. 321-3 ° du code des procédures civiles d'exécution, est contraire à la jurisprudence et à la pratique des saisies immobilières et s'appuie sur un arrêt, non publié rendu le 20 mai 2021, par la Cour de cassation mais dans une espèce où aucun montant d'intérêts échus ne figurait dans le commandement de payer.
Elle estime qu'imposer au créancier de calculer les intérêts à la date exacte de signification du commandement de payer créerait des contraintes pratiques pour les créanciers, mais aussi pour les auxiliaires de justice, totalement disproportionnées par rapport à l'objectif d'information du débiteur sur les sommes dues à la date du commandement de payer.
Elle soutient par ailleurs l'absence de grief invoqué par les débiteurs et résultant de l'irrégularité alléguée, alors que par conclusions après réouverture des débats les consorts [M] se sont contentés d'affirmer qu'ils « subissent un grief depuis longtemps '' et qu 'ils ont « amplement conclu à la fausseté du taux d'intérêt appliqué ».
La banque ajoute que le débiteur doit payer les sommes telles qu'elles ont été arrêtées dans le
commandement et qu'en cas de paiement, le créancier ne pourrait pas poursuivre la procédure
de saisie immobilière en raison du seul défaut de paiement des intérêts échus entre la date d'arrêté du décompte et la date du paiement et précise qu'à l'issue de la délivrance du commandement valant saisie immobilière les consorts [M] n'ont effectué aucune démarche pour régler les sommes restant dues en dépit d'une proposition transactionnelle adressée par leur conseil pour un montant inférieur.
Elle signale par ailleurs que les emprunteurs étaient en mesure de calculer les intérêts échus à la date de la délivrance du commandement de payer et les intérêts postérieurs, le montant des intérêts dus par trimestre étant détaillé et variant en fonction du taux d'intérêt applicable sur la période mais se situant autour de 2.500 euros par trimestre et le taux Libor faisant l'objet de publications officielles quotidiennes qu'ils pouvaient consulter.
Par ailleurs elle conteste le caractère prétendument erroné de la traduction du contrat de prêt qu'elle produit et indique que le terme « taux effectif global » peut être traduit de plusieurs manières. Elle ajoute que l'article 12 du contrat de prêt constitue sans ambiguïté une clause de déchéance du terme, qui a été prononcée par lettre recommandée avec avis de réception du 25 octobre 2019, après vaines mises en demeure du 13 juin 2019, qui ont bien été remises aux consorts [M].
D'autre part, l'appelante soulève la prescription de la demande de nullité de la stipulation d'intérêts figurant à l'article 4 du contrat de prêt et de la demande de déchéance du droit aux intérêts au titre du caractère prétendument erroné du TEG, dès lors que les emprunteurs disposaient de tous les éléments sur ce prêt à la date de sa conclusion, ajoutant que ces demandes sont dénuées de fondement au regard des stipulations contractuelles et des relevés trimestriels adressés aux emprunteurs qui ne justifient pas du caractère prétendument erroné du TEG. A titre subsidiaire elle soutient l'absence de démonstration de grief en résultant.
La banque souligne encore que le taux Libor lorsqu'il a été négatif a bien été mentionné sur ces relevés trimestriels.
S'agissant de l'orientation de la procédure, l'appelante note que les débiteurs ne justifient pas de démarche concrète en vue de la vente, ni d'offres d'achat depuis leur signature du mandat de vente sans exclusivité daté du 1er octobre 2020, et que le prix minimum qu'ils sollicitent est bien plus élevé que l'estimation récente de leur bien.
Par écritures notifiées le 27 octobre 2022 Mme [J] et M. [M] demandent à la cour de:
- juger que les mentions prescrites par l'article R.321-3 du code des procédures civiles d'exécution n'ont pas été respectées par la Jyske Bank et que les mentions prévues à l'article précité sont prescrites à peine de nullité.
En conséquence,
- annuler le commandement de payer valant saisie immobilière en date du 19 et 24 juin 2020 et ordonner la radiation du fichier des hypothèques,
- débouter la banque de l'ensemble de ses moyens fins et conclusions,
A titre subsidiaire,
- infirmer le jugement dont appel,
Statuant à nouveau,
- juger que les pièces produites comportent notamment en ce qui concerne la pièce 4 des traductions aléatoires de la mention "taux effectif global" dont la véritable traduction est "Percentage Rate of Charge" (APR) mais qui figure sur le contrat en anglais tantôt avec la mention "Global Interest Rate" tantôt avec la mention "Actual interest rate for the loan",
- juger qu'une mention du taux effectif global conforme à la législation ne figure sur aucun des documents communiqués,
A titre principal,
- juger qu'en l'absence de mise en demeure et de déchéance du terme les sommes ne sont pas exigibles et la présente procédure ne peut prospérer ;
- juger le taux d'intérêt, stipulation essentielle du contrat, nul en raison de son caractère indéterminable par référence à un taux Libor sans la moindre précision et en l'absence de mention du TEG,
Avant dire droit,
- faire injonction à la banque d'expurger de son calcul la totalité des intérêts versés depuis 2006,
Plus subsidiairement,
- juger le taux d'intérêt, stipulation essentielle du contrat, fixé de manière erronée et le calcul fourni pour la période postérieure à la signature du contrat irrégulier,
- prononcer la déchéance des intérêts conventionnels et juger que seul le taux légal s'appliquera,
Avant dire droit,
- faire injonction à la banque d'expurger de son calcul la totalité des intérêts versés depuis 2006 et de fournir un calcul au taux légal,
A titre infiniment subsidiaire,
- autoriser la vente amiable des biens immobiliers à savoir d'une villa sise à [Localité 14] (Alpes-Maritimes) [Adresse 10], consistant en un immeuble dénommé « [Adresse 16] » figurant au cadastre de ladite commune section NO numéro [Cadastre 2] pour 15 ares 59 centiares et section NO numéro [Cadastre 3] pour 18 ares 13 centiares.
Ayant fait l'objet d'un état descriptif de division aux termes d'un acte reçu par maître [D], notaire, en date des 8 et 9 avril 1981, publié le 14 mai 1981 volume 3602 BP n°5, à savoir :
lot n°1 : un appartement au rez-de-chaussée composé de : une grande salle de séjour, deux chambres, cuisine, débarras, salle d'eau, WC et cave.
Lot n°2 : un appartement au premier étage composé de : salle de séjour, trois chambres, débarras, salle de bains, WC.
Et les 400/1000èmes indivis de la copropriété.
Lot n°3 : un appartement au second étage composé de : deux pièces, salle de bains, WC, débarras.
Et les 100/1000èmes indivis de la copropriété moyennant la somme de 2 100 000 euros.
A cet effet ils approuvent la motivation du premier juge qui a retenu que la mention « intérêts postérieurs du 12 mars 2020 jusqu'au jour du règlement : mémoire » n'est pas conforme aux dispositions de l'article R.321-3-3° du code des procédures civiles d'exécution qui prévoit que le défaut de cette mention est sanctionné par l'annulation du commandement, outre que la mention correcte des intérêts moratoires et de leur taux ne figure pas à l'acte. Ils soutiennent l'existence d'un grief puisqu'ils ont contesté l'exactitude du taux d'intérêts appliqué.
A titre subsidiaire et en premier lieu sur les pièces nouvelles produites par l'appelante ils invoquent le caractère erronée de la traduction produite qui, sur l'offre de prêt comporte deux traductions pour le taux effectif global « global interest rate » et « actual rate for the loan » et mentionne en langue française une clause de déchéance du terme en cas de « violation grave » du contrat de prêt sans que le contrat la définisse.
Ils soulèvent par ailleurs l'absence de déchéance du terme valablement prononcée faute de justification de l'envoi d'une mise en demeure préalable, l'accusé de réception n'étant pas communiqué.
Ils soutiennent en outre la nullité du taux d'intérêts indexés sur le Libor dont le taux est indéterminé faute de précision de la devise et de la maturité choisies, et ils contestent la prescription de cette demande de nullité dont il n'ont pu se convaincre avant la production dans le cadre de la présente instance, des pièces afférentes au prêt et de leur traduction erronée et aléatoire.
Ils concluent encore à la déchéance du droit aux intérêts et soulignent que les relevés trimestriels produits (« roll over ») ne mentionnent pas le taux applicable mais un « new interest rate » calculé par la banque sans possibilité de vérification, la référence au taux Libor applicable faisant défaut.
Enfin, à titre infiniment subsidiaire, ils sollicitent l'autorisation de vendre amiablement les biens saisis au prix de '3 150 000 euros' précisant avoir confié un mandat de vente sans exclusivité à une agence immobilière pour ce prix, le 1er octobre 2020.
La Caisse d'Epargne et de prévoyance Cote d'Azur par conclusions notifiées le 27 juin 2022, s'en rapporte à la décision de la cour sur les causes de l'appel et demande de lui donner acte de ces trois déclarations de créances pour les somme de 462 586,21 euros outre intérêts, 60 000 euros outre intérêts et 236 000 euros.
La Lyonnaise de Banque par écritures notifiées le 19 octobre 2022 demande également à la cour de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à son appréciation sur les causes de l'appel et de ses déclarations de créances à l'égard de Mme [J] et M. [M] pour les sommes de 360 279,67 euros, 338 187,15 euros 264 789,14 euros outre intérêts. Elle réclame par ailleurs condamnation des succombants à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance que d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP Ermeneux sous sa due affirmation de droit.
De même, la société Financo par conclusions notifiées le 2 novembre 2022 demande à la cour de lui donner acte de qu'elle s'en rapporte à l'appréciation de la juridiction sur les causes de l'appel et de sa déclaration de créance pour les sommes de 812 200,34 euros et 1 111 540 euros.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures précitées pour l'exposé exhaustif des moyens des parties.
La Société Générale et le Trésor public SIP [Localité 14] Est Ouest cités par actes du 28 avril 2022 et du 2 mai 2022 délivrés à personne se déclarant habilitée, n'ont pas constitué avocat.
L'arrêt sera en conséquence réputé contradictoire.
MOTIVATION DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour rappelle que les demandes de constat ou de donner acte présentées par la société Lyonnaise de Banque, la Caisse d'Epargne et la société Financo ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile en sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer de ces chefs.
Sur la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière :
La banque reproche au premier juge une lecture très stricte des dispositions de l'article R.321-3° précité en ayant considéré que ce texte exige à peine de nullité, que le montant des intérêts soit arrêté à la date exacte du commandement ;
Selon ce texte le commandement de payer valant saisie immobilière doit comporter, à peine de nullité, le décompte des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l'indication du taux des intérêts moratoires ;
Ces mentions ont une valeur informative et pour finalité de permettre aux débiteurs de vérifier le montant exact de leur dette en principal et intérêts au jour des poursuites.
Aux termes de l'article R.311-10 du code des procédures civiles d'exécution , la nullité des actes de la procédure de saisie immobilière est régie par les dispositions des articles 112 et suivants du code de procédure civile ;
En vertu de l'article 114 alinéa 2 du code de procédure civile la nullité de forme n'est encourue qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité ;
En l'espèce le commandement signifié aux consorts [M] les 19 et 24 juin 2020 pour obtenir paiement de la somme totale de 693 946,98 euros mentionne dans le décompte les sommes suivantes :
- sommes restant dues au titre du solde du prêt de 1 100 000 euros sus-énoncé, suivant décompte détaillé ci joint, arrêté au 12 mars 2020 : 693 946,98 euros
- intérêts postérieurs au 12 mars 2020 jusqu'au jour du règlement : mémoire
- frais de procédure et coût du présent au bas noté : mémoire
Total général sauf mémoire : 693 946,98 euros.
Cet acte signifié les 19 et 24 juin 2029, ne comporte donc pas le détail de la somme commandée qui a été arrêtée au 12 mars 2020, renvoyant à la lecture d'un décompte annexé ;
L'appelante indique à juste titre que l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la Cour de cassation (pourvoi n°19-14.318) dont la décision querellée est une application, qui a jugé qu'un commandement délivré le 28 juillet 2017 ne mentionnant pas le montant des intérêts échus à cette date et courus depuis le 14 décembre 2016 date d'actualisation de la créance ne répondait pas aux exigences de l'article R.321-3-3° précité, n'est pas transposable à l'espèce puisqu'il s'agissait d'un acte de saisie dans lequel aucun intérêt n'était mentionné, alors qu'il n'est pas discuté que dans le cas présent, les intérêts échus au 12 mars 2020, figurent au décompte annexé au commandement, délivré les 19 et 24 juin 2020 qui pour aboutir à la somme de 693 946,98 euros, détaille :
principal capital du prêt au 12.03.2020 586 666.55 euros
intérêts au taux conventionnel 40 502.80 euros
total des remboursements impayés 137 501.04 euros
total des paiement +solde start - 70 723.41 euros
-----------------------
693 946.98 euros
Toutefois les débiteurs ont en outre soulevé l'irrégularité de l'acte tenant à l'absence d'indication du taux des intérêts moratoires, mention dont le premier juge rappelle l'exigence légale;
Or, l'omission de ce taux cause nécessairement grief aux parties saisies dans l'incapacité de vérifier le montant de la somme réclamée en capital et intérêts échus à la date de la délivrance de l'acte et alors que les consorts [M] contestent au fond la régularité du' taux variable égal à Libor + 2%' indiqué à l'acte de prêt, dont la maturité et la devise choisies ne sont pas précisées;
Cette omission n'est pas corrigée par le décompte annexé à l'acte qui, présenté sous forme de tableau, mentionne le capital restant dû (586 666,55 euros), le détail des échéances trimestrielles impayées depuis le 1er septembre 2016 jusqu'au 6 mars 2020 inclus, les remboursements partiels effectués, et les intérêts au taux conventionnel ayant couru sur la période du 1er septembre 2016 au 6 mars 2020, sans précision de leur base de calcul, seule la mention « JBFR +1,50% » figurant au dessus de la colonne intitulée 'taux d'intérêt'.
L'indication de ce taux ne figure pas plus au récapitulatif reproduit en page 2 de ce décompte qui comme repris ci dessus vise :
- principal capital du prêt restant à la date du 12 mars 2020 à savoir : 586 666,55
- total des intérêts au taux conventionnel :40 502,80
- total des remboursements conventionnels impayés :137 501,04
- total des paiements + solde start :70 723,41
Total sauf mémoire erreur ou omission au 12.03.2020 : 693 946,98 euros
Etant par ailleurs rappelé que les mentions requises par l'article R.321-3-3° doivent figurer dans le commandement et non pas dans un document qui lui est annexé (C.Cass 2ème civ., 30 avril 2009, pourvoi n° 08-12.105) ;
L'irrégularité du commandement et l'imprécision du décompte qui y est joint emportent nécessairement grief pour les consorts [M] puisque le commandement ne leur permet pas, comme il le devrait, de vérifier l'exactitude du calcul de la créance commandée ;
La nullité est donc encourue ;
Il s'ensuit la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions.
L'appelante qui succombe en son recours supportera les dépens d'appel et sera en conséquence déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, dont l'équité ne commande pas de faire application à l'égard des intimés.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant après en voir délibéré conformément à la loi, par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
REJETTE les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
CONDAMNE la société Jyske Bank A/S aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE