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11/01/2023 | FRANCE | N°18/20176

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 11 janvier 2023, 18/20176


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 11 JANVIER 2023



N° 2023/













Rôle N° RG 18/20176 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDQVB







[Y] [H]





C/



SCP [B]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Frédéric CASANOVA



Me Isabelle BERNI-HERVOIS













>
Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 03 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/01085.





APPELANTE



Madame [Y] [H]

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Frédéric CASANOVA, avocat au barreau de TOULON





INTIMEE



SCP [N]-[C]

, demeurant...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 11 JANVIER 2023

N° 2023/

Rôle N° RG 18/20176 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDQVB

[Y] [H]

C/

SCP [B]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Frédéric CASANOVA

Me Isabelle BERNI-HERVOIS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 03 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/01085.

APPELANTE

Madame [Y] [H]

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Frédéric CASANOVA, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

SCP [N]-[C]

, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Isabelle BERNI-HERVOIS, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 02 Novembre 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Madame Angélique NAKHLEH, Conseillère

Monsieur Olivier ABRAM, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Anne-Marie BLANCO.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Janvier 2023.

ARRÊT

EXPOSE DU LITIGE

Le 7 juillet 2016, [Y] [H] s'est vue accorder un permis d'aménager relatif à la réalisation d'un lotissement de cinq lots, sis [Adresse 2] à [Localité 3];

Par courrier en date du 25 juillet 2016, la SCP d'architectes [N] [C] sollicitait de [Y] [H] le paiement de la somme de 18 000 € TTC à titre d'honoraires pour l'obtention de ce permis;

Par exploit d'huissier en date du 13 févier 2017, la SCP [N] [C] a fait assigner [Y] [H] devant le Tribunal de Grande Instance de TOULON;

Par jugement en date du 3 décembre 2018, le Tribunal de Grande Instance de TOULON, notamment, condamnait [Y] [H] à payer à la SCP [N] [C] les sommes de 18 000 € TTC au titre du contrat, et de 72 000 € TTC au titre de l'indemnité contractuelle de retard;

Par déclaration d'appel en date du 20 décembre 2018 [Y] [H] a relevé appel de cette décision;

Par conclusions notifiées par voie électronique le 20 mars 2019 [Y] [H] sollicite de:

DEBOUTER la SCP [N] [C] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions;

SUBSIDIAIREMENT

DIRE et JUGER que le contrat n'étant pas signé par les parties, la clause pénale instaurant une indemnité pénale de 100 € par jour de retard ne trouvera pas vocation à s'appliquer;

TRES SUBSIDIAIREMENT

Vu l'article 1231-5 du Code civil

DIRE et JUGER que la clause pénale instaurant une pénalité de 100 € par jour de retard sera ramenée à la somme totale de 1 € depuis mise en demeure.;

CONDAMNER la SCP [N] [C] à verser à Madame [H] la somme de 2000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNER la SCP [N] [C] aux entiers dépens d'Instance;

Elle expose que la SCP [N] [C] se fonde sur un contrat non daté qui n'est pas valable dans la mesure où il s'agit d'un engagement perpétuel, alors par ailleurs que la rémunération prévue à ce contrat est fixée en fonction de la vente d'un bien immobilier, non de prestations à accomplir ;

Elle ajoute que ce contrat n'ayant pas été signé, il ne peut être fait application d'une clause pénale exorbitante, qui doit en toute hypothèse être réduite;

Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 juin 2019 la SCP [N] [C] sollicite de :

Vu les articles 1101, 1102 et 1103 nouveaux du Code Civil,

Vu le contrat d'architecte du 6 octobre 2015,

Vu les pièces produites,

Vu le jugement du 3 décembre 2018,

DEBOUTER Madame [Y] [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

CONFIRMER le jugement du 3 décembre 2018 en ce qu'il a condamné Madame [Y]

[H] au paiement de la somme de 18.000 € TTC au titre du contrat d'architecte du 6 octobre 2015,

CONFIRMER le jugement du 3 décembre 2018 en ce qu'il a condamné Madame [Y] [H] a payer à la SCP [B] l'indemnité contractuelle de retard de 100,00€ par jour a compter du 13 décembre 2016, date de la mise en demeure adressée par avocat (720 jours), soit a la somme de 72.000 €,

INFIRMER le jugement du 3 décembre 2018 en ce qu'il a débouté la SCP d'architectes [B] de sa demande d°allocation de dommages et intérêts au titre du préjudice financier subi,

STATUER à nouveau :

CONDAMNER Madame [Y] [H], à titre de dommages et intérêts, à payer à la SCP d`architectes [N]-[C] la somme de 18.000 € au titre du préjudice financier subi,

CONDAMNER Madame [Y] [H] à la somme de 3.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNER Madame [Y] [H] aux entiers dépens d`appe1 distraits au profit de Maître Isabelle BERNI-HERVOIS, Avocat, sur son affirmation de droit;

Elle expose que suivant contrat d'architecte en date du 6 octobre 2015, [Y] [H] l'a sollicitée aux fins de création d'un lotissement de 5 lots, forfaitairement rémunérée à hauteur de 36 000 € TTC, dont la somme de 18 000 € TTC à régler à la vente de la maison existante sur la partie du terrain qui était à détacher;

Elle ajoute avoir exécuté ses obligations , sans que l'appelante exécute les siennes, alors même que celle-ci a vendu la maison et le terrain en cause;

Elle précise que le contrat est bien daté et signé de la main de l'appelante, et qu'il prévoit un échelonnement des versements au fur et à mesure du chantier et en fonction des diligences accomplies par la SCP, ainsi que des indemnités de retard, incontestablement dues compte tenu de la résistance de l'appelante, et de ce qu'elle a effectivement profité du travail accompli par la SCP ;

Elle demande l'allocation de dommages et intérêts compte tenu du préjudice financier que l'attitude de [Y] [H] lui a causé;

L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 octobre 2022;

SUR CE

Il résulte de l'article 1134 du Code civil dans sa version alors applicable que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites; elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise; elles doivent être exécutées de bonne foi;

Il apparaît que les parties se trouvent liées par un contrat d'architecte dont l'objet est la réalisation d'un lotissement sur un fonds sis [Adresse 2] à [Localité 3];

Ce contrat prévoit que ce projet sera composé de 5 lots sur une surface établie après le détachement d'une parcelle bâtie de 400 à 450 m2 sur les 2 353 m2 existants, définit les prestations à la charge de la SCP [N] [C], et fixe sa rémunération à la somme forfaitaire de 30 000 € HT;

Les modalités de versements de ces honoraires sont fixées à l'article « Modalités de règlement » qui prévoit que le premier paiement, d'un montant de 18 000 € TTC, interviendra à la vente actée de la parcelle bâtie ;

Le contrat stipule encore sur ce point, au rang des « Dispositions particulières » que « L'architecte accepte de remettre l'encaissement des honoraires acquis à la réalisation de la vente de la maison existante. Passé cette vente, les honoraires acquis seront réglés suivant l'échéancier précisé à l'article 6.4.1. »;

Il apparaît que ce document contient la signature de [Y] [H] au bas de toutes les pages, de sorte qu'il ne peut être tenu aucun compte de ses allégations suivant lesquelles il ne serait pas signé d'elle, alors d'ailleurs qu'elle ne produit aucun document susceptible d'établir que cette signature ne serait pas la sienne;

Il doit être ajouté qu'il est sans incidence que cette signature ne soit pas dans le cadre dévolu à cet effet, comme il est sans incidence que la date de ce contrat, qui figure en dernière page où il est mentionné « 6 10 2015 », ne figure pas elle non plus dans le cadre prévu à cet effet;

A titre surabondant, il apparaît que cette date est en cohérence avec le mois à prendre en compte pour la révision des honoraires du maître d''uvre, arrêté dans le contrat au mois de septembre 2015, et a été reprise dans la note d'honoraire adressée par la SCP le 25 juillet 2016;

Il se déduit de ceci que le contrat contesté est bien daté et signé;

Il doit être en outre ajouté que ce contrat est d'autant moins contestable que [U] [S], en qualité de maître d'ouvrage délégué de [Y] [H], a attesté pour le compte de la SCP le 5 juin 2018 que l'appelante avait bien confié la mission décrite ci-dessus à l'intimé;

D'autre part, comme l'a pertinent relevé le premier juge, ce contrat a bien été exécuté ainsi que l'établissent les pièces produites par la SCP et non contestées, relatives au récépissé de dépôt d'une déclaration préalable en date du 15 janvier 2016, au récépissé de dépôt d'une demande de permis de construire ou d'aménager en date du 25 mars 2016, au permis d'aménager en date du 7 juillet 2016 qui mentionne l'adresse du projet, comme le dossier Lotissement le Parc D'Orsay ' Programme des travaux » et le dossier «  Lotissement le Parc D'Orsay ' Cahier des charges », tous deux dressés par la SCP;

Cela ressort également de la demande de la SCP adressée le 26 avril 2016 à la société VEOLIA afin d'obtenir des devis pour la distribution d'eau et pour le raccordement à l'égout dans le cadre de la réalisation dudit lotissement, de l'attestation du géomètre-expert en date du 7 juin 2018, établie à la demande de la SCP, qui confirme avoir été chargé de la rédaction du plan d'état des lieux de la propriété [H] sis [Adresse 2] à [Localité 3], et, singulièrement, de la convocation les 12 et 14 décembre 2017 de la SCP à la visite de conformité du permis d'aménager accordé le 7 juillet 2016;

Il apparaît par ailleurs que le simple fait que ce contrat prévoit comme condition au premier paiement des honoraires la vente de la maison détachée de la parcelle objet du projet n'est pas de nature à justifier de sa nullité ou le rejet des demandes de la SCP;

En effet, il s'agit d'une simple modalité de versement du prix en contrepartie de la phase conception du projet, les phases suivantes à compter de l'ouverture du chantier apparaissant justifier de manière plus classique des paiements d'honoraires au fur et à mesure de l'avancée des travaux (ouverture du chantier VRD, mi-chantier, fin de chantier, réception des travaux, remise des DOE);

La stipulation querellée ne caractérise donc pas la présence d'un engagement perpétuel;

Il apparaît par ailleurs que l'appelante ne conteste pas avoir vendu la parcelle bâtie après détachement;

Compte tenu de ceci, il apparaît que la SCP a effectivement exécuté la mission de conception qui lui était dévolue, et se trouve bien créancière de l'appelante à hauteur de la somme conventionnement fixée au titre de cette prestation et de cette phase;

Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a condamné [Y] [H] à payer à la SCP [N] [C] la somme de 18 000 € à ce titre;

Le contrat stipule à son article P 6.4.2 que tout retard de règlement ouvre droit au paiement d'une indemnité de retard de 100 € par jour calendaire, qui couvre, est-il précisé, les intérêts moratoires, les frais d'agios bancaires et les divers frais de relance;

Il apparaît en l'espèce que l'application mathématique de cette clause est de nature à entrainer une pénalité manifestement excessive au sens de l'article 1152 ancien du Code civil, alors applicable, en ce qu'elle permet que soit mise à la charge de l'appelante une somme 4 fois supérieure à celle qui constitue le prix de la prestation impayée;

Il y a donc lieu de la réduire et de la fixer à la somme de 18 000 €, qui compense ainsi parfaitement le retard apporté par [Y] [H] dans l'exécution de son obligation;

Le jugement entrepris sera donc réformé en ce sens;

En revanche, rien ne démontre l'existence d'une faute de [Y] [H] dans le fait d'utiliser le permis obtenu grâce aux diligences accomplies par la SCP, ou de vendre le fonds objet du projet à un tiers avec ledit permis;

En effet, celle-ci était en mesure de disposer du permis d'aménager obtenu grâce au contrat, puisque c'était justement son objet, et, ainsi, de l'utiliser afin d'y réaliser l'opération en cause, ou d'en faire bénéficier son acquéreur afin qu'il la réalise ;

Par ailleurs, le préjudice résultant de l'inexécution par l'appelante de ses obligations a été suffisamment compensé par l'allocation de la somme due au titre de la prestation effectuée et des pénalités fixées ci-dessus, sans qu'il soit nécessaire d'ajouter un préjudice prétendument financier, consécutif à l'utilisation des droits dont elle avait la disposition du fait du contrat, et, au surplus, dont l'étendue n'est pas établie;

La demande à ce titre sera donc rejetée et le jugement confirmé sur ce point;

[Y] [H], qui succombe, supportera les dépens;

L'équité et la situation économique des parties justifient qu'elle soit condamnée à payer à la SCP [N] [C] la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

REFORME le jugement entrepris en ce qu'il a condamné [Y] [H] à payer à la SCP [N] [C] la somme de 72 000 € au titre de l'indemnité contractuelle de retard;

CONDAMNE [Y] [H] à payer à la SCP [N] [C] la somme de 18 000€ au titre de l'indemnité contractuelle de retard;

LE CONFIRME pour le surplus;

CONDAMNE [Y] [H] à payer à la SCP [N] [C] la somme de 3 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

CONDAMNE [Y] [H] aux dépens d'appel, distraits au profit de Me Isabelle BERNI-HERVOIS;

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Janvier 2023,

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 18/20176
Date de la décision : 11/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-11;18.20176 ?
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