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09/01/2023 | FRANCE | N°22/00581

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-11 référés, 09 janvier 2023, 22/00581


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11 référés





ORDONNANCE DE REFERE

du 09 Janvier 2023



N° 2022/001





Rôle N° RG 22/00581 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKGHU







[W] [J]





C/



[R] [U]























Copie exécutoire délivrée

le : 09 Janvier 2023

à :



Me Sébastien BADIE

de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PRO

VENCE



Me Morgane BATTAGLINI, avocat au barreau de GRASSE



Prononcée à la suite d'une assignation en référé en date du 14 Octobre 2022.





DEMANDEUR



Monsieur [W] [J], demeurant [Adresse 1]



représenté par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, substituée par Me Sébast...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11 référés

ORDONNANCE DE REFERE

du 09 Janvier 2023

N° 2022/001

Rôle N° RG 22/00581 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKGHU

[W] [J]

C/

[R] [U]

Copie exécutoire délivrée

le : 09 Janvier 2023

à :

Me Sébastien BADIE

de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Morgane BATTAGLINI, avocat au barreau de GRASSE

Prononcée à la suite d'une assignation en référé en date du 14 Octobre 2022.

DEMANDEUR

Monsieur [W] [J], demeurant [Adresse 1]

représenté par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, substituée par Me Sébastien BADIE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et ayant pour plaidant, Me Albert-david TOBELEM, avocat au barreau de GRASSE

DEFENDERESSE

Madame [R] [U], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Morgane BATTAGLINI, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Jessica CHATONNIER-FERRA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

* * * *

DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ

L'affaire a été appelée le 05 Décembre 2022 en audience publique devant

Dominique PODEVIN, Présidente de chambre,

déléguée par ordonnance du premier président.

En application des articles 957 et 965 du code de procédure civile

Greffier lors des débats : Caroline POTTIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Janvier 2023.

ORDONNANCE

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 09 Janvier 2023.

Signée par Dominique PODEVIN, Présidente de chambre et Caroline POTTIER, adjointe administrative faisant fonction de greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure, prétentions et moyens des parties

M. [W] [J] et un couple d'amis, Mme [R] [U] et M. [K] [M] ont construit le projet de s'engager dans le cadre de la gestion d'un restaurant de bord de mer à l'orée de la saison été 2019, en l'occurrence le snack « le Mombasa » dans le cadre de la constitution d'une société. Monsieur [J] s'est enregistré seul en qualité de commerçant le 2 mai 2019, a enregistré la société à son nom seul le 19 mai suivant, et procédé seul aux formalités administratives liées au restaurant.

Une déclaration d'embauche de Mme [U] a été régularisée le 10 juillet 2019.

Saisi par Mme [U] le 26 juin 2020, le conseil de prud'hommes de Grasse, par jugement du 21 février 2022, ayant retenu les éléments suivants :

- date d'embauche : 10 juillet 2019,

- travail correspondant à l'ouverture d'un restaurant avec seulement deux salariés pour accomplir les tâches de cuisine, nettoyage, mise en place, service et accueil des clients six jours sur sept, correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée et à temps plein,

- travail effectué sur pas moins de 72 heures hebdomadaires au lieu de 10 heures mensuelles selon contrat,

- absence de justificatifs de règlement des salaires en espèces,

- manquement grave de l'employeur du fait du non paiement des salaires justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- non-respect de la législation relative à la durée maximale de travail et au repos hebdomadaire,

- existence d'un travail dissimulé intentionnel caractérisé,

a :

- constaté la gravité des manquements de l'employeur dans les relations contractuelles,

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [U] au 30 juin 2020,

- dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- fixé le salaire mensuel brut de la salariée à 3.594,00 euros,

- condamné M. [J] à payer à Mme [U] les sommes suivantes :

* 4.220,10 euros brut à titre de rappel de salaire du 10 juillet au 30 septembre 2019,

* 422,01 euros brut à titre de congés payés sur ce rappel de salaire,

* 3.752,00 euros brut au titre des heures supplémentaires du 10 juillet au 30 septembre 2019,

* 375,20 euros brut au titre des congés payés sur heures supplémentaires,

* 32.346,00 euros brut à titre de rappel de salaire du 1er octobre 2019 au 30 juin 2020,

* 3.234,00 euros brut à titre de congés payés sur rappel de salaire,

* 1.500,00 euros net au titre de l'indemnité de requalification du contrat de travail,

* 898,00 euros net au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 3.594,00 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 359,40 euros brut au titre des congés payés sur préavis,

* 1.800,00 euros net au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1.000,00 euros net au titre de dommages et intérêt pour non-respect des durées de travail maximal et non-respect du repos hebdomadaire,

* 21.564,00 euros net au titre du travail dissimulé,

* 500,00 euros net au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 100,00 euros net au titre des dommages et intérêts pour le retard dans la délivrance des documents sociaux,

* 1.200,00 euros au titre des frais irrépétibles,

- ordonné sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du 30e jour suivant la notification de la décision la délivrance des documents sociaux conformes à celle-ci,

- dit qu'il se déclarait incompétent sur les demandes reconventionnelles et renvoyé M. [J] à mieux se pourvoir devant le tribunal judiciaire,

- débouté M. [J] du surplus de ses demandes reconventionnelles,

- condamné M. [J] aux dépens.

Par déclaration du 21 mars 2022, M. [J] a interjeté appel à l'encontre de cette décision en toutes ses dispositions.

Par assignation du 14 octobre 2022, il a saisi le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence au visa des articles 514-3, 521 et suivants du code de procédure civile, aux fins de voir ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement précité, à titre subsidiaire de se voir autoriser à séquestrer le montant des loyers perçus dans le cadre de la location du bien immobilier lui appartenant soit la somme mensuelle de 650,00 euros pendant la durée de la procédure d'appel, à titre infiniment subsidiaire de se voir autoriser à consentir en garantie une hypothèque provisoire sur le bien située [Adresse 3].

Il fait valoir essentiellement que :

- alors que la réelle volonté commune était de s'associer au sein d'une société, Mme [U] et Monsieur [M] ont refusé cette création de société préférant des paiements occultes plutôt que déclarés, ce qui l'a contraint à procéder à une embauche le 10 juillet 2019, pour la saison, le snack n'étant ouvert que l'été,

- l'exécution provisoire porte sur la somme de 49.202,80 euros, somme dont il ne dispose absolument pas, le snack le Mombasa ayant disparu, ses revenus annuels pour 2021 s'étant élevés à la somme de 27.222,00euros, alors qu'il a supporté au titre d'un seul trimestre 2021 des charges pour 51.245,44euros, qu'il ne perçoit aucune rémunération au sein de sa nouvelle structure tandis que Mme [U] et M. [M] mènent grand train de vie sur l'île de [Localité 5] et que la partie adverse dissimule volontairement sa nouvelle adresse à la juridiction, de sorte que l'exécution provisoire aurait des conséquences manifestement excessives,

- il existe des moyens sérieux de réformation de la décision appelée, tenant à l'incompétence de la juridiction prud'homale en raison de l'affectio societatis unissant les parties et de l'absence de contrat de travail, une société de fait ayant présidé à la rénovation avant ouverture du snack, à laquelle il a été mis fin en l'état du manque de sérieux de Mme [U] et de M. [M] de sorte qu'il n'a plus souhaité s'associer avec eux à l'avenir,

- le conseil de prud'hommes retient une activité annuelle à temps complète alors que le snack n'a qu'une activité saisonnière,

- Mme [U] et M. [M] ont dérobé du matériel d'une valeur estimée à 8 000,00 euros, ce qui justifie qu'il y ait lieu de les condamner solidairement rembourser cette somme,

- il n'a commis aucun manquement grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail,

- Mme [U] n'a commencé à travailler que le 22 juin 2019, et a exigé le versement de son salaire en espèces, ainsi qu'établi par la production d'un SMS dans lequel Mme [U] fait état de la perception, avec son compagnon, de trois enveloppes, l'une de 10.000,00 euros le 25 juillet 2019, la seconde de même montant le 3 septembre 2019, et la troisième de 9.600,00 euros, soit pour chacun d'entre eux la somme de 14'800,00 euros,

- Mme [U] ne justifie pas de sa situation professionnelle depuis le mois de septembre 2019, suite à la fermeture du snack en toute hypothèse, dont elle a connaissance ainsi qu'il résulte d'un SMS du 14 octobre 2019,

- les heures supplémentaires retenues par le conseil ne sont ni démontrées ni motivées, ainsi qu'il résulte d'un planning sur une semaine de juin réalisé de la main de Mme [U] le 10 juillet 2019, et des attestations de clients qu'il produit,

- les heures supplémentaires alléguées n'ayant aucunement été accomplies, le travail dissimulé intentionnel ne peut être retenu à son encontre.

Par conclusions transmises par RPVA le 3 novembre 2022, Mme [U] demande au premier président de débouter M. [J] et de toutes ses demandes et de le condamner à lui payer une somme de 1.500,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Elle soutient en substance que :

- M. [J] n'a pas hésité à créer son insolvabilité en procédant dès le 22 mars 2022 à la radiation de sa société le Mombasa soit le lendemain de sa déclaration d'appel,

- il a en réalité perçu en 2019 un revenu annuel de 95.608,00 euros, 64.46,00 euros en 2020 et de 93.870,00 euros en 2022,

- il ne démontre pas les conséquences manifestement excessives de l'exécution provisoire ordonnée, d'autant qu'il reconnaît dans ses écritures le statut de salariat,

- la demande de consignation se heurte à l'absence de signature du bail par le preneur,

- il ne justifie pas de la réalité du titre de propriété sur lequel porte sa demande d'inscription d'hypothèque provisoire.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE L'ARRÊT

En application de l'article R.1454-28 du code du travail, est de droit exécutoire à titre provisoire le jugement qui ordonne le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R. 1454-14, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Cette moyenne est mentionnée dans le jugement.

Le jugement du 21 février 2022 a rappelé que les salaires et accessoires de salaire bénéficiaient de l'exécution provisoire de droit et a estimé ne pas devoir ordonner l'exécution provisoire pour les autres condamnations. Il en résulte que la demande d'arrêt de l'exécution provisoire porte sur la somme de 32.346,00 euros ( 9 x 3.594,00 euros ).

L'instance prud'homale a été introduite devant le conseil de prud'hommes de Grasse le 26 juin 2020, en sorte que les demandes de M. [J] sont nécessairement fondées sur les dispositions des articles 514-3 à 514-6 du code de procédure civile.

Aux termes du premier de ces textes :

' En cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

L'article 514-5 prévoit que :

' Le rejet de la demande tendant à voir écarter ou arrêter l'exécution provisoire de droit et le rétablissement de l'exécution provisoire de droit peuvent être subordonnés, à la demande d'une partie ou d'office, à la constitution d'une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations.'

Enfin, l'article 514-6 précise :

' Lorsqu'il est saisi en application des articles 514-3 et 514-4, le premier président statue en référé, par une décision non susceptible de pourvoi.'

Il appartient dès lors à M. [J] d'établir qu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

Or, les moyens soulevés sur le premier point, tenant à l'inexistence d'un contrat travail à raison de l'affectio societatis unissant les parties ou bien à l'existence d'un contrat de travail qui aurait pris fin au mois de septembre 2019 et porterait sur un nombre d'heures très restreint relèvent d'une critique de la décision qui doit être soumise à l'appréciation du juge du fond en appel, la cour observant que M. [J] ne conteste pas véritablement l'existence d'une relation salariale qui résulte de la déclaration d'embauche qu'il a lui-même régularisée, pas plus qu'il ne conteste sérieusement que la salariée travaillait au-delà des 10 heures mensuellement prévues, ainsi que cela ressort sur le planning qu'il produit « à titre d'exemple pour une semaine du mois de juin » et dont il résulte un horaire hebdomadaire de 15 heures. Néanmoins et à titre d'exemple, cette dernière pièce est présentée par M. [J] comme afférente à une semaine de travail du mois de juin 2019, alors qu'il soutient qu'elle a été établie de la main de Mme [U] le 10 juillet 2019, il en résulte que la force probante des pièces ainsi produites devra faire l'objet d'un examen attentif au fond, ce qui ne tend pas a priori vers la constatation de l'existence d'un moyen sérieux d'annulation de réformation de la décision appelée. De même, il résulte des écritures de requérant que Mme [U] a travaillé dès à compter du 22 juin 2019 alors qu'il n'a régularisé sa déclaration d'embauche que le 10 juillet 2019, de sorte que le travail dissimulé tend à être caractérisé.

M. [J] échoue ainsi à démonter l'existence de moyens sérieux de réformation du jugement appelé.

Par ailleurs, s'agissant des conséquences manifestement excessives visées par le premier des textes précités, elles ne sont pas énumérées sauf à retenir que M. [J] évoque des facultés de paiement inexistantes en ce qui le concerne et la dissimulation de son adresse par Mme [U].

Sur le premier point, M. [J] ne justifie aucunement de ses revenus au cours de l'année 2022 ni de ses capacités financières actuelles. S'agissant par ailleurs de l'adresse de Mme [U], celle-ci a été vérifiée par l'huissier ayant délivré l'assignation, laquelle a bien été réceptionnée par sa destinataire. L'adresse de cette dernière n'est donc aucunement dissimulée.

Il s'ensuit que cette condition cumulative n'est aucunement démontrée.

Au constat de ce que la garantie proposée pour justifier l'aménagement de l'exécution provisoire, à savoir la consignation mensuelle d'une somme de 325,00 euros par mois, apparaît insuffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations telles qu'exigé par le second des textes précités, et que la prise d'hypothèque provisoire proposée sur le bien situé [Adresse 3] à [Localité 4] se heurte à l'absence de tout justificatif du titre de propriété support nécessaire de la garantie proposée, il convient de rejeter l'ensemble des demandes présentées par M. [J] et de le condamner aux dépens de l'instance

L'équité commande d'allouer à Mme [U] la somme de 1.500,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, non susceptible de pourvoi et en matière de référé,

Déclarons recevable la demande d'arrêt de l'exécution provisoire présentée par M. [W] [J]

Déboutons M. [W] [J] de toutes ses demandes.

Condamnons M. [W] [J] aux dépens de l'instance.

Condamnons M. [W] [J] à payer à Mme [R] [U] la somme de 1.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-11 référés
Numéro d'arrêt : 22/00581
Date de la décision : 09/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-09;22.00581 ?
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