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16/12/2022 | FRANCE | N°22/06344

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-1, 16 décembre 2022, 22/06344


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1



ARRÊT AU FOND

DU 16 DECEMBRE 2022



N° 2022/430



Rôle N° RG 22/06344 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJKKK







[T] [H]





C/





S.A.R.L. POLY INDUSTRIELLE







Copie exécutoire délivrée

le :



16 DECEMBRE 2022



à :



Me Nathalie BRUCHE, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Jean-François JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avo

cat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 20 Avril 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 18/02204.





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COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 16 DECEMBRE 2022

N° 2022/430

Rôle N° RG 22/06344 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJKKK

[T] [H]

C/

S.A.R.L. POLY INDUSTRIELLE

Copie exécutoire délivrée

le :

16 DECEMBRE 2022

à :

Me Nathalie BRUCHE, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Jean-François JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 20 Avril 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 18/02204.

APPELANT

Monsieur [T] [H], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Nathalie BRUCHE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

S.A.R.L. POLY INDUSTRIELLE CCR représentée par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis , demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jean-François JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Anne-marie REGNIER, avocat au barreau de LYON substitué par Me Anne-Sophie DELAVAUD, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 26 Septembre 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Madame Emmanuelle CASINI, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2022,

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Le19 juillet 1999, Monsieur [L] [H] a procédé à la constitution de la société POLY INDUSTRIELLE CCR dont le capital social a été réparti à hauteur de 50 % pour Monsieur [L] [H] et de 50% pour Madame [W] [H], sa fille.

Le 14 avril 2005, Madame [W] [H] a cédé la totalité de ses parts sociales à son frère, Monsieur [T] [H], aux termes d'un acte de cession enregistré le 4 mai 2005. Monsieur [T] [H] est devenu gérant de la société.

Soutenant être également salarié de la société depuis le 1er octobre 2007, ne plus être gérant depuis le mois de juin 2015 mais avoir poursuivi sa prestation de travail en qualité de salarié, Monsieur [T] [H] a, par requête du 24 octobre 2018, saisi le conseil de prud'hommes de Marseille de demandes de résiliation judiciaire du contrat de travail et de paiement de diverses sommes.

Par ordonnance du 17 janvier 2019, la formation de référé du conseil de prud'hommes s'est déclarée matériellement compétente, a alloué à Monsieur [H] , à titre provisionnel, un rappel de salaire et des dommages-intérêts et a condamné la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR à remettre à Monsieur [H] les bulletins de salaire à compter de mars 2017 et une attestation de salaire.

Par arrêt du 5 septembre 2019, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé l'ordonnance du 17 janvier 2019 en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence matérielle et a fait droit aux demandes de Monsieur [H].

Par requête du 24 octobre 2018, Monsieur [T] [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille au fond et par jugement de départage du 20 avril 2022, le conseil de prud'hommes s'est déclaré matériellement incompétent au profit du tribunal de commerce de Marseille, a condamné Monsieur [H] à verser à la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR la somme des 1.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et a condamné Monsieur [H] aux dépens ainsi qu'à la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 16 mai 2022, Monsieur [H] a été autorisé à assigner à jour fixe la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR devant la cour.

Précédemment, suivant avis du médecin du travail du 7 juin 2019, Monsieur [H] a été déclaré inapte à son poste. Monsieur [H] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 9 juillet 2019.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 31 mai 2022, Monsieur [H] demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il s'est dit incompétent au profit du tribunal de commerce de Marseille et a condamné Monsieur [H] au versement des sommes de 1.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 1.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Ce faisant :

- confirmer l'existence d'un contrat de travail relevant de la compétence de la juridiction prud'homale.

- déclarer la juridiction prud'homale compétente pour trancher le litige.

- évoquer , en application des dispositions de l'article 88 du code de procédure civile, l'affaire au fond.

- écarter tout moyen tiré des dispositions de l'article 56 du code de procédure civile et dire recevables les demandes du salarié.

A titre Principal,

- ordonner la résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement abusif.

- condamner la société POLY INDUSTRIELLE CCR à verser à Monsieur [H] les sommes de :

' 2.596,58 € bruts à titre de rappel de salaire d'avril 2016.

' 59.721,34 € bruts à titre de rappel de salaire de mai 2016 à mars 2018.

' 6.231,78 € bruts à titre de congés payés sur rappels de salaire.

' 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.

' 7.789,74 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

' 778, 97 € bruts à titre de congés payés afférents.

' 46.738,44 € nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

' 31.158,96 € nets à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive.

' 15. 579,48 € nets à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé.

A titre subsidiaire,

- juger que le licenciement intervenu est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- condamner la société POLY INDUSTRIELLE CCR à verser à Monsieur [H] les sommes de :

' 2.596,58 € bruts à titre de rappel de salaire d'avril 2016.

' 59.721,34 € bruts à titre de rappel de salaire de mai 2016 à mars 2018.

' 6.231,78 € bruts à titre de congés payés sur rappels de salaire.

' 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.

' 7.789,74 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

' 778, 97 € bruts à titre de congés payés afférents.

' 46.738,44 € nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

' 31.158,96 € nets à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive.

' 15.579,48 € nets à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé.

En toute hypothèse,

- ordonner, en application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail, le remboursement à POLE EMPLOI des allocations servies au salarié dans la limite de six mois.

- débouter la société POLY INDUSTRIELLE CCR de sa demande reconventionnelle fondée sur les dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile.

- condamner la société à verser à Monsieur [H] la somme de 2.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- la condamner aux entiers dépens de l'instance.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 2 août 2022, la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR demande à la cour de :

- constater que Monsieur [H], en tant que gérant, puis associé, n'a jamais été sous la subordination de la société POLY INDUSTRIELLE CCR.

- constater que Monsieur [H] n'a jamais signé de contrat de travail au sein de la société POLY INDUSTRIELLE CCR.

- constater que Monsieur [H] n'a jamais occupé de fonctions distinctes de celles de gérant au sein de la société POLY INDUSTRIELLE CCR.

A titre principal :

- confirmer le jugement de départage rendu par le conseil de prud'hommes de Marseille le 20 avril 2022.

A titre subsidiaire : si la Cour d'appel se jugeait compétente pour trancher du présent litige :

- débouter Monsieur [H] de l'intégralité de ses demandes.

Et dans le cadre des demandes subsidiaires de la société POLY INDUSTRIELLE CCR, faisant appel incident sur ce point :

- condamner Monsieur [H] à payer à la société POLY INDUSTRIELLE CCR la somme de 5.000 € pour exécution déloyale du contrat.

En tout état de cause :

- condamner Monsieur [H] à payer à la société POLY INDUSTRIELLE CCR la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens en cause d'appel.

- condamner Monsieur [H] à payer à la société POLY INDUSTRIELLE CCR la somme de 2.500 € de dommages-intérêts au titre de la procédure abusive en cause d'appel.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. Sur la compétence de la juridiction prud'homale

1. Sur l'autorité de la chose jugée

Monsieur [H] fait valoir que depuis l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix en Provence du 5 septembre 2019, qui n'a pas fait l'objet d'un pourvoi en cassation, la question de la compétence de la juridiction prud'homale a été tranchée définitivement. Si les condamnations prononcées en référé sont issues d'une décision par nature provisoire, tel n'est pas le cas de la compétence de la juridiction prud'homale qui a été définitivement reconnue par deux juridictions, en référé et ensuite par une cour d'appel et cette compétence ratione materiae ne peut plus être contestée. Les demandes soumises au juge des référés ont été tranchées et exécutées par l'employeur qui y a acquiescé de sorte que celui-ci ne peut plus remettre en cause l'autorité de chose jugée des deux décisions déjà rendues. D'ailleurs, dans le cadre de ses écritures initiales, l'employeur concluait au sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la Cour qui, selon ses propres affirmations, devait définitivement trancher le litige sur l'existence d'un contrat de travail et l'employeur ne saurait donc faire plaider une chose et son contraire.

La SARL POLY INDUSTRIELLE CCR conclut que l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 5 septembre 2019, qui fait suite à un appel relatif à une ordonnance de référé, n'a pas plus d'autorité de chose jugée que l'ordonnance de référé elle-même et la société POLY INDUSTRIELLE CCR peut légitimement contester l'ensemble des prétentions de Monsieur [H] devant la présente Cour d'appel statuant sur le fond du droit.

* * *

Selon l'article 488 du code de procédure civile, l'ordonnance de référé n'a pas, au principal, l'autorité de la chose jugée. Ainsi, le juge du fond n'est pas lié par la teneur de l'ordonnance et il dispose de toute liberté d'appréciation dans le cadre de son intervention. L'article 488 vise de façon générique l'ordonnance de référé et s'applique tant à l'ordonnance rendue par le juge de première instance qu'à l'arrêt rendu en pareille matière sur l'appel qui en a été interjeté.

En l'espèce, par arrêt du 5 septembre 2019, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, statuant sur un appel d'une ordonnance de référé du conseil de prud'hommes de Marseille du 17 janvier 2019, a rejeté l'exception d'incompétence ratione materiae, a constaté l'absence de contestation sérieuse et a condamné la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR à payer à Monsieur [H] diverses sommes à titre de provisions, notamment.

Contrairement à ce que prétend Monsieur [H], la disposition de l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 5 septembre 2019 relative à la compétence du juge prud'homal n'a pas autorité de la chose jugée au principal.

Le fait que la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR ait demandé dans ses écritures, déposées devant le conseil de prud'hommes le 27 mars 2019, de surseoir à statuer dans l'attente de la décision qui sera rendue par la Cour d'appel, n'a aucune incidence sur le fait que l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 5 septembre 2019, rendu sur appel d'une ordonnance de référé du conseil de prud'hommes, n'a pas l'autorité de la chose jugée au principal.

De même, la présomption d'acquiescement, prévue à l'article 410 alinéa 2 du code civil, ne s'applique pas lorsque la décision est exécutoire, notamment s'agissant des ordonnances de référé qui sont exécutoires par provision. Ainsi, il ne peut être déduit du paiement par la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR des condamnations provisionnelles mises à sa charge par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence le 5 septembre 2019 un acquiescement de sa part à sa disposition tranchant la compétence matérielle du juge.

Le moyen développé par Monsieur [H] n'est donc pas fondé.

2. Sur l'existence d'un contrat de travail

Monsieur [H] conclut que :

- il n'est plus gérant de la société POLY INDUSTRIELLE CCR depuis le mois de juin 2015 - la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR ne contestant pas ce fait et, au contraire, les bulletins de salaire et l'extrait Kbis de la société le démontrent - et il n'a jamais été associé majoritaire mais associé égalitaire de sorte que la question d'un éventuel cumul contrat de travail/ statut de gérant, majoritaire ou égalitaire, ne se pose plus pour la période objet du présent litige.

- il invoque l'existence d'un contrat de travail apparent et il incombe à l'employeur, qui le conteste, de rapporter la preuve de son caractère fictif. Le conseil de prud'hommes ne pouvait pas écarter la théorie du contrat de travail apparent alors qu'il n'était plus gérant ou mandataire de la société à compter de 2015 et que l'employeur n'a jamais soutenu que le contrat de travail serait frauduleux ou aurait été conclu pour contourner la loi. Il produit de nombreuses pièces attestant d'un contrat de travail apparent. Dans ce cadre, la preuve de l'existence d'une prestation de travail ou d'un lien de subordination ne lui appartient pas.

- il invoque l'aveu judiciaire de la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR qui a conclu, devant le tribunal de commerce qu'il 'demeure toujours salarié de la société et bénéficie d'une couverture sociale au titre de son arrêt maladie'. Il en est de même en cause d'appel lorsque la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR a conclu que 'le seul tort de Monsieur [H] père est de ne pas l'avoir licencié pour faute grave pour absences injustifiées'.

- la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR ne produit aucun élément de nature à démontrer le caractère fictif du contrat de travail et n'invoque pas de fraude.

La SARL POLY INDUSTRIELLE CCR fait valoir que des bulletins de salaire sont insuffisants à caractériser l'existence d'un contrat de travail et Monsieur [H] ne produit aucun contrat de travail écrit ni de déclaration à l'embauche. Monsieur [H] ne rapporte pas la preuve des conditions nécessaires à l'existence d'un contrat de travail qui serait distinct de ses fonctions de gérant ni d'un travail effectif au sein de l'entreprise autre que son activité d'associé de son père. Elle conteste l'attestation de Monsieur [A] qui n'est pas suffisamment précise et qui n'était plus salarié au moment de la période objet du litige. Monsieur [H] est titulaire de 50% des parts de la société et bénéficiait d'une rémunération de 2.000 € par mois en sa qualité de gérant, sans se rendre dans la société ni participer à un quelconque acte de gestion. Les bulletins de salaire ne mentionnent pas une activité autre que celle de gérant. Elle invoque une absence d'aveu judiciaire de sa part dès lors que les propos ont été tenus lors d'une autre procédure judiciaire - devant le tribunal de commerce - et c'est au statut de gérant de SARL (qui relève du statut d'assimilé salarié) qu'elle faisait référence dans ses écritures.

* * *

Il est constant que le 14 avril 2005, Madame [W] [H] a cédé la totalité de ses parts sociales, soit 50% du capital social de la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR, à son frère, Monsieur [T] [H], aux termes d'un acte de cession enregistré le 4 mai 2005. Monsieur [T] [H] est donc devenu associé égalitaire avec son père, Monsieur [L] [H], et également gérant de la société.

La qualité de gérant de Monsieur [H] est mentionnée sur les bulletins de salaire jusqu'au mois de juin 2015.

Il ressort des énonciations du jugement du tribunal de commerce du 20 juin 2019 que 'le 28 juin 2015, lors d'une assemblée générale extraordinaire, la collectivité des associés prend acte de la démission de Monsieur [T] [H] de ses fonctions de gérant et nomme Monsieur [L] [H], gérant de l'entreprise'. Ces énonciations ne sont pas contestées par la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR et est en concordance avec les indications des bulletins de salaire ainsi qu'avec l'extrait Kbis de la société de juin 2018 qui mentionne Monsieur [L] [H] en qualité de gérant. Même si, dans son courrier du 21 juin 2017, Monsieur [H] conteste avoir démissionné, ces énonciations corroborent son argumentation selon laquelle il n'était plus gérant de la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR à compter de juin 2015. Aucun élément du dossier ne démontre que Monsieur [T] [H] a été gérant de la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR, à tout le moins, de fait, postérieurement au 28 juin 2015.

Ainsi, à compter du mois de juin 2015, Monsieur [H] n'avait plus la qualité de gérant et demeurait associé égalitaire.

Les demandes de rappel de salaire présentées par Monsieur [H] concernent la période postérieure au mois d'avril 2016. Dans ce cadre, il n'existe aucune incompatibilité de droit entre la qualité d'associé égalitaire et celle de salarié de l'entreprise, sachant qu'il n'est pas soutenu que Monsieur [T] [H] aurait outrepassé ses pouvoirs d'associé et se serait immiscé dans la gestion de la société.

En droit, le contrat de travail est une convention par laquelle une personne s'engage à travailler pour le compte d'une autre et sous sa subordination moyennant rémunération. En présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, Monsieur [H] invoque l'existence d'un contrat de travail apparent. Pour en justifier, il invoque et produit :

- des bulletins de salaire entre décembre 2007 et janvier 2017 : jusqu'au mois de juin 2015 les bulletins de salaire portent la mention d'un emploi de 'gérant' et à compter du mois de juillet 2015 les bulletins de salaire portent la mention d'un emploi de 'cadre'.

- le versement d'un salaire depuis 2015 et jusqu'en avril 2016 lequel a été soumis à charges sociales salariales.

- les déclarations de salaire auprès des organismes sociaux (assurance retraite des salariés du régime général) pour la période courant de 2015 à 2016. Un avis d'imposition 2016 (sur les revenus 2015).

- des échanges mails (un mail du 10 avril 2015 qu'il a adressé à Monsieur [A] : 'OK j'ai vu, pour la longueur de fais 5900 pas 6000 c'est mieux pour moi pour les coupes à 45 degrés', un mail du 5 janvier 2016 que Madame [D] a adressé à Monsieur [H] :'à quelle date pensez-vous nous adresser votre devis').

- des photographies sur lesquelles il apparaît en situation d'intervention sur des chantiers.

- l'attestation de Monsieur [A] qui indique : 'j'atteste sur l'honneur, en tant que chef d'atelier du groupe énergétique de l'usine ALTEO (en congé fin de carrière depuis mars 2015 puis en retraite depuis septembre 2015) que Monsieur [H] travaillait bien sur le site ALTEO à [Localité 3] depuis plusieurs années pour effectuer divers travaux de maintenance. Certains de ces travaux ont été effectués au groupe énergétique dont j'avais la responsabilité'.

- une attestation de formation du 22 mars 2016 et sa carte d'accès sur le site d'ALTEO.

- le rapport de Maître [O], mandataire ad hoc, évoquant les deux « problématiques actionnariale et salariale de Monsieur [T] [H] », la proposition de Monsieur [H] père du « paiement cash de 30 000 euros sous 8 jours au titre du rachat des parts ' la saisine prud'homale pour les demandes de Monsieur [T] [H] au titre des indemnités sociales » et la proposition du mandataire lui-même de procéder à « la rupture de son contrat de travail ».

- le rapport de fin de mission de l'administrateur provisoire qui présente les effectifs de la société ainsi :

'Les effectifs sont constitués de 2 salariés

- Monsieur [T] [H] ' CDI ' cadre entré le 01/10/2007

- Monsieur [I] [Y] ' CDI ' « homme toutes mains » - ouvrier entré le 01/10/2014 ».

- des attestations de paiement d'indemnités journalières en 2018 et 2019 et le versement d'allocations chômage par Pôle Emploi.

- un avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail, son dossier auprès de la médecine du travail et l'étude de son poste effectuée par le médecin du travail le 12 juin 2019, 'en présence de Monsieur [H] [L] (gérant)' et de laquelle il ressort que 'Monsieur [H] occupe un poste de tuyauteur, serrurier, métallier. Il travaille à l'atelier, il pratique des soudures sur tuyaux, serrures, tôles, garde-corps, portails. Il pratique la pose de tuyaux, serrures, portails, garde-corp, fenêtres PVC'.

- la procédure de licenciement pour inaptitude engagée à son encontre (la convocation à un entretien préalable par courrier du 26 juin 2019 et la lettre de licenciement du 9 juillet 2019).

L'ensemble de ces éléments suffisent à caractériser l'apparence d'un contrat de travail.

Il incombe donc à la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR de rapporter la preuve de son caractère fictif.

La SARL POLY INDUSTRIELLE CCR produit des attestations de Monsieur [K], Monsieur [P], Monsieur [Z], Monsieur [F] et Monsieur [S], tous chefs d'entreprise, qui attestent que Monsieur [L] [H] a été leur interlocuteur. Cependant, ces attestations, totalement imprécises quant aux périodes visées par les attestants, ont toutes été établies au mois de décembre 2016, date à laquelle Monsieur [L] [H] était bien le gérant de la société et ne prouvent en rien le caractère fictif du contrat de travail évoqué par Monsieur [T] [H].

Force est de constater que la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR n'invoque ni ne produit d'éléments. Elle ne conteste pas l'authenticité des bulletins de salaire versés au débat et la Cour relève que les pièces produites par Monsieur [H] démontrent l'exécution d'une prestation de travail par Monsieur [H] pour le compte de la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR, le versement régulier de salaires et la réalité d'un pouvoir de direction et disciplinaire effectif de la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR à l'égard de Monsieur [H] par l'engagement d'une procédure de licenciement et d'un licenciement intervenu le 9 juillet 2019.

Enfin, les déclarations de la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR, consignées dans ses conclusions écrites déposées devant le tribunal de commerce pour l'audience du 28 juin 2018, constituent, à tout le moins, un aveu extrajudiciaire de la reconnaissance par la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR de l'existence d'un contrat de travail.

Il convient de reconnaître l'existence d'un contrat de travail liant les parties et en conséquence de dire le conseil de prud'hommes compétent pour trancher le litige.

En application de l'article 88 du code de procédure civile, il est d'une bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive et, dès lors que les parties ont conclu sur le fond du litige, la Cour décide d'évoquer le fond du litige.

II. Sur la demande de rappel de salaire

Monsieur [H] expose qu'il a travaillé le mois d'avril 2016 sur le site d'ALTEO et demande le paiement du salaire du mois d'avril 2016. Il sollicite également le paiement des salaires de mai 2016 à mars 2018 invoquant la règle selon laquelle il appartient à l'employeur de démontrer qu'il a fourni un travail au salarié mais que celui-ci ne l'a pas exécuté ou ne s'est pas tenu à sa disposition. Il soutient avoir été privé de salaire à compter du mois de mai 2016 sans le moindre motif, que l'employeur l'a empêché d'accéder à son lieu de travail, ne lui a plus fourni de travail alors même qu'il justifie s'être tenu à sa disposition, n'a pas mentionné d'absences injustifiées sur les bulletins de salaire, ne lui a pas adressé de mise en demeure d'avoir à reprendre son poste et n'a pas engagé de procédure de licenciement pour abandon de poste. Il considère que le courrier de Maître [O], mandataire ad-hoc, du 13 juin 2017 ne comporte pas de mise en demeure de reprendre le travail et le mandataire n'a pas engagé de procédure de licenciement pour abandon de poste à son encontre. Il conteste la sincérité des attestations des salariés produites par l'employeur et dont les propos (ceux-ci attestent qu'il aurait quitté l'entreprise en mars 2016) sont en contradiction avec les affirmations de l'employeur qui conclut qu'il aurait quitté l'entreprise le 5 avril 2016. Il retient, pour chiffrer sa demande, la moyenne des rémunérations qui lui a été servie dans les dernier temps de la relation de travail avant d'être évincé de son poste, peu importe que ce salaire n'ait fait l'objet d'aucune autorisation préalable de l'assemblée générale. Il demande également le paiement des congés payés afférents.

La SARL POLY INDUSTRIELLE CCR conclut que le salarié doit fournir une prestation de travail et, depuis le mois de mai 2016, Monsieur [H] n'était plus à la disposition de l'employeur. Monsieur [H] ne rapporte pas d'élément en faveur de sa mise à disposition à l'égard de son employeur et la réalité de la non-prestation de travail est corroborée par les attestations qu'elle verse au débat ainsi que par le rapport de Maître [O] qui prouve que, malgré la demande du mandataire, Monsieur [H] n'a pas voulu reprendre son poste et n'a pas justifié de ses absences.

* * *

L'employeur est tenu de payer le salaire au salarié qui se tient à sa disposition. Pour se soustraire de son obligation, l'employeur doit démontrer que le salarié a refusé d'exécuter son travail ou qu'il ne s'est pas tenu à sa disposition.

La SARL POLY INDUSTRIELLE CCR produit plusieurs attestations de salariés de la société qui indiquent avoir vu Monsieur [H] partir, fin mars 2016, avec un véhicule de la société et ne pas être revenu depuis. Dès lors que Monsieur [H] conclut qu'il a été empêché d'accéder à son poste de travail, ces attestations imprécises sur les circonstances du départ de Monsieur [H], sont insuffisantes à démontrer que celui-ci a refusé d'exécuter son travail ou qu'il ne s'est pas tenu à la disposition de la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR.

Par contre, par courrier du 13 juin 2017, Maître [O] a écrit à Monsieur [H] : 'Vous exercez au sein de la société un emploi de CADRE. Il semblerait que depuis ma désignation, vous ne vous êtes pas présenté sur votre lieu de travail. Je vous demande, dès réception de la présente lettre, de bien vouloir me justifier de vos absences. Votre défaut de réponse, sous huitaine, me contraindrait à tirer toute conséquence'.

Il ressort également du rapport de Monsieur [O] que 'aucune justification n'a été communiquée si ce n'est une contestation orale de sa qualité de salarié. Eu égard à la violence verbale réciproque entre Monsieur [L] [H] et Monsieur [T] [H] et dans l'optique de ne pas nuire à l'aboutissement d'un accord transactionnel (...) il ne m'est apparu opportun d'engager une procédure de licenciement pour absences injustifiées à l'encontre de ce dernier'.

Monsieur [H] produit son courrier en réponse du 21 juin 2017, adressé à Maître [O], dans lequel il invoque une plainte pénale qu'il a déposée, conteste avoir donné sa démission et expose que sa 'venue sur le lieu de travail aurait été à l'origine d'un pugilat' pour conclure 'que c'est du fait de l'employeur que je n'ai pu venir sur mon lieu de travail'. Cependant, la démission litigieuse invoquée concerne ses fonctions de gérant et n'empêchait pas l'exécution du contrat de travail. Le dépôt d'une plainte et une attitude pouvant générer un 'pugilat' ressortent de la seule responsabilité de Monsieur [H].

Il en résulte qu'à compter du 13 juin 2017, malgré la demande de Maître [O], Monsieur [H] n'a présenté aucune justification à ses absences et ne s'est pas présenté à son poste, ce qui caractérise et établit, à compter de cette date, son refus d'exécuter son travail et ce, même si, pour des motifs d'opportunité, Maître [O] a choisi de ne pas engager de procédure disciplinaire pour sanctionner les absences injustifiées de Monsieur [H].

Ainsi, la demande de rappel de salaire est fondée pour la période d'avril 2016 au 13 juin 2017, soit la somme de 37.650,41€, outre la somme de 3.765,04 € au titre des congés payés afférents.

III. Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

Invoquant l'article L.1222-1 du code du travail, Monsieur [H] demande la somme de 10.000 € de dommages-intérêts au motif que la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR s'est abstenue de lui fournir un travail sans motif pendant deux années, ne l'a pas fait bénéficier du maintien du salaire pendant sa période de maladie et s'est abstenue de délivrer une attestation de salaire destinée à la CPAM.

La SARL POLY INDUSTRIELLE CCR conclut qu'en l'absence de contrat de travail, cette demande ne peut prospérer et que, du jour au lendemain, Monsieur [H] a décidé de ne plus venir travailler puisqu'en réalité il résidait en Corse chez sa mère.

* * *

Monsieur [H] justifie d'arrêts de travail à compter du 29 mai 2018. L'attestation de salaire destinée au paiement des indemnités journalières n'a été délivrée à Monsieur [H] que le 9 avril 2019 (mail du conseil de la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR du 9 avril 2019) et la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR ne justifie pas avoir procédé au maintien conventionnel du salaire de Monsieur [H]. Par ailleurs, elle a privé Monsieur [H] de ressources alimentaires pendant plus d'un an. Ces faits caractérisent une exécution fautive du contrat de travail à l'origine d'un préjudice financier et moral qu'il convient d'indemniser par la somme de 2.000 €.

IV. Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail

Il est de principe qu'en cas d'action en résiliation judiciaire suivie, avant qu'il ait été définitivement statué, d'un licenciement, il appartient au juge d'abord de rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée et seulement ensuite le cas échéant de se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

Par application des articles 1224 et 1227 du code civil, le salarié est admis à demander la résiliation judiciaire du contrat de travail en cas d'inexécution par l'employeur des obligations découlant du contrat.

Les manquements de l'employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être établis par le salarié et d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

- Sur la prescription :

La SARL POLY INDUSTRIELLE CCR soulève la prescription biennale d'action en résiliation judiciaire du contrat de travail, sur le fondement de l'article L.1471-1 du code du travail, en soutenant que Monsieur [H] a connu les faits lui permettant d'agir depuis avril 2016 et avait donc jusqu'à avril 2018 pour saisir le conseil de prud'hommes. La demande de convocation devant le bureau de conciliation étant du 24 octobre 2018, l'action est prescrite. La SARL POLY INDUSTRIELLE CCR invoque également la prescription annuelle de l'action portant sur la rupture du contrat de travail.

Monsieur [H] conclut que le contrat de travail n'a pas été rompu en avril 2016, mais en juillet 2019 par un licenciement, et qu'il était donc toujours en cours au moment de la saisine de la juridiction prud'homale. Quand bien même il aurait eu connaissance des premiers manquements de l'employeur en avril 2016, lesdits manquements se sont poursuivis jusqu'à la rupture du contrat de travail en juillet 2019 de sorte que l'action n'est pas prescrite.

* * *

Selon l'article L.1471-1 du code du travail, dans sa rédaction issue des ordonnances du 22 septembre 2017 et 20 décembre 2017 : 'Toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture'.

En l'espèce, la rupture du contrat de travail est intervenue le 9 juillet 2019, soit postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes du 24 octobre 2018 et ainsi la prescription de l'action portant sur la rupture du contrat de travail fondée sur l'article L.1471-1 alinéa 2 du code du travail ne peut être utilement invoquée.

Par ailleurs, dans le cadre d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail le juge doit examiner l'ensemble des griefs invoqués au soutien de celle-ci quelque soit leur ancienneté.

L'action de Monsieur [H] n'est donc pas prescrite.

- Sur les manquements au soutien de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail

Au titre des manquements de l'employeur, Monsieur [H] invoque le fait d'avoir été privé de travail, le non-paiement du salaire et l'absence de maintien du salaire pendant la maladie.

La SARL POLY INDUSTRIELLE CCR conclut que Monsieur [H] ne démontre aucun manquement de son employeur et, alors que le contrat de travail se poursuit pendant le cours de l'instance en résiliation judiciaire, il ne démontre pas davantage avoir poursuivi des relations contractuelles et avoir été empêché de travailler alors que Maître [O] l'avait enjoint de venir travailler.

* * *

Il a été jugé que la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR n'a plus fourni de travail à Monsieur [H] à compter de mai 2016 et n'a plus réglé son salaire d'avril 2016 à juin 2017. De même, à compter du 28 mai 2018, date à laquelle Monsieur [H] a justifié de son absence pour cause de maladie, la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR ne lui a pas délivré l'attestation de salaire nécessaire au paiement des indemnités journalières et n'a pas maintenu son salaire pendant la période de maladie dans les conditions prévues par les dispositions de la convention collective du bâtiment- ouvriers (entreprises occupant jusqu'à 10 salariés) applicable à la relation de travail.

S'agissant de manquements de l'employeur à ses obligations essentielles découlant du contrat de travail, ceux-ci présentent une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Il convient donc de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à effet du 9 juillet 2019, date du licenciement.

Il convient également d'allouer à Monsieur [H] une indemnité compensatrice de préavis de 7.789,74 € outre la somme de 778,97 € au titre des congés payés afférents.

En application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR employant moins de onze salariés, et compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (33 ans), de son ancienneté (11 ans), de sa qualification, de sa rémunération (2.596,58 €), des circonstances de la rupture, de la période de chômage qui s'en est suivie qui est justifiée jusqu'au 28 avril 2021 et de la justification de recherches d'emplois entre 2019 et 2021, il convient d'accorder à Monsieur [H] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 12.000 €.

V. Sur la demande de dommages-intérêts pour rupture abusive

Monsieur [H] invoque un préjudice moral et financier distinct résultant de circonstances abusives et vexatoires du fait du contexte particulièrement difficile du licenciement et du lien familial qui l'a placé dans une situation financière et morale inextricable.

Cependant, le préjudice financier subi par Monsieur [H] a été réparé par les sommes qui lui ont été allouées dans le cadre de la présente instance au titre des rappels de salaire et indemnités. Si les arrêts de travail de Monsieur [H] mentionnent un 'syndrome anxieux', il n'est pas démontré qu'il soit en lien direct avec la rupture du contrat de travail et Monsieur [H] ne produit pas d'élément permettant de justifier du bien fondé et de l'étendue du préjudice moral invoqué. La demande sera donc rejetée.

VI. Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé

Monsieur [H] invoque le fait que la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR s'est abstenue de lui délivrer des bulletins de salaire à compter de février 2017 et de procéder aux déclarations fiscales pour les années 2007, 2011, 2013, 2014, 2017 et 2018 et ce dans le but de lui nuire volontairement.

La SARL POLY INDUSTRIELLE CCR conclut au rejet de cette demande puisque Monsieur [H] n'a jamais été titulaire d'un contrat de travail et l'intention frauduleuse n'est pas démontrée.

* * *

L'article L 8221-5 du code du travail prévoit: « Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales ».

L'article L 8223-1 du code du travail prévoit qu' en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Il appartient au salarié d'apporter la preuve d'une omission intentionnelle de l'employeur.

La SARL POLY INDUSTRIELLE CCR a bien délivré à Monsieur [H] des bulletins de salaire à compter de juillet 2015 rémunérant l'emploi de 'cadre' du salarié. Elle a cessé de les lui délivrer à compter de mars 2017 alors que la relation salariale était toujours en cours.

La SARL POLY INDUSTRIELLE CCR ne saurait invoquer une absence de contrat de travail alors qu'à partir de juin 2015, elle ne pouvait ignorer que Monsieur [H] n'était plus gérant et que, par conséquent, elle lui délivrait des bulletins de salaire uniquement au titre d'un simple emploi salarié. C'est donc intentionnellement qu'elle s'est soustraite à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L.3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie.

La SARL POLY INDUSTRIELLE CCR sera en conséquence condamnée à payer à Monsieur [H] la somme de 15.579,48 € correspondant à six mois de salaire.

VII. Sur le remboursement des indemnités de chômage

La SARL POLY INDUSTRIELLE CCR employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions de l'article L.1235-5 du code du travail interdisent d'ordonner le remboursement par la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR des indemnités chômage perçues par l'intéressé. La demande sera donc rejetée.

VII. Sur la demande reconventionnelle de la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR au titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

La SARL POLY INDUSTRIELLE CCR fait valoir que, de manière constante, Monsieur [H] tente de mettre en difficulté les intérêts de la société en lui faisant supporter de multiples procédures dont les coûts financiers sont lourds pour une si petite structure et fragilisent économiquement les autres postes salariés. Monsieur [H] n'a pas travaillé de mai 2016 à mars 2018 et n'a pas voulu reprendre son poste malgré la demande de Maître [O].

Cependant, s'il est établi que Monsieur [H] ne s'est pas présenté à son poste à compter du mois de juin 2017, date de la demande de Maître [O], la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR produit uniquement un bilan arrêté au 31 décembre 2017 qui ne permet pas de justifier de l'existence et de l'étendue du préjudice qu'elle allègue.

La demande sera rejetée.

VIII. Sur la demande reconventionnelle de la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR au titre de dommages-intérêts pour procédure abusive

La SARL POLY INDUSTRIELLE CCR fait encore valoir que, de manière constante, Monsieur [H] tente de mettre en difficulté les intérêts de la société en lui faisant supporter de multiples procédures dont les coûts financiers sont lourds pour une si petite structure. Dans la mesure où Monsieur [H] ne justifie pas ses demandes, la Cour devra relever le caractère abusif de la procédure engagée et ce d'autant que, associé à hauteur de 50% des parts, il est parfaitement conscient des obligations qui lui incombent. Monsieur [H], de nature belliqueuse, a fait prévaloir des considérations familiales et personnelles en cherchant à porter atteinte à son père et à le déstabiliser par tous les moyens possibles comme en témoignent les différentes procédures engagées simultanément par Monsieur [T] [H].

* * *

S'agissant d'une demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, il est de principe que le droit d'action ou de défense en justice ne dégénère en abus qu'en cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière, équipollente au dol, de sorte que la condamnation à des dommages-intérêts doit se fonder sur la démonstration de l'intention malicieuse et de la conscience d'un acharnement procédural voué à l'échec, sans autre but que de retarder ou de décourager la mise en oeuvre par la partie adverse du projet contesté.

Or, en l'espèce, la majeure partie des prétentions de Monsieur [H] a été accueillie par la Cour de sorte que, malgré l'existence, en sus de la relation de travail, d'un contexte familial délétère, la procédure prud'homale engagée par Monsieur [H] aux fins d'être rétabli dans ses droits de salarié ne peut être qualifiée d'abusive. La demande sera donc rejetée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront infirmées. Il est équitable de condamner la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR à payer à Monsieur [H] la somme de 2.500 € au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a engagés en première instance et en cause d'appel.

Les dépens de première instance et d'appel seront à la charge de la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR, partie succombante par application de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud'homale,

Infirme le jugement déféré sauf en ses dispositions ayant rejeté la demande de dommages-intérêts pour rupture abusive, la demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et la demande relative au remboursement des indemnités de chômage prévu à l'article L.1235-4 du code du travail,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Dit que les parties sont liées par un contrat de travail,

Dit que le conseil de prud'hommes est compétent pour connaître du présent litige,

Evoquant au fond,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur à effet du 9 juillet 2019,

Condamne la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR à payer à Monsieur [T] [H] les sommes suivantes :

- 37.650,41 € à titre de rappel de salaire,

- 3.765,04 € à titre de congés payés afférents,

- 7.789,74 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 778,97 € à titre de congés payés afférents,

- 12.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

- 15.579,48 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

Condamne la SARL POLY INDUSTRIELLE CCR aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-1
Numéro d'arrêt : 22/06344
Date de la décision : 16/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-16;22.06344 ?
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