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16/12/2022 | FRANCE | N°19/01060

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 16 décembre 2022, 19/01060


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 16 DECEMBRE 2022



N°2022/ 231





RG 19/01060

N° Portalis DBVB-V-B7D-BDUWR







[L] [M]





C/



EURL MANE

















Copie exécutoire délivrée

le 16 décembre 2022 à :



- Me Marie-julie CONCIATORI-

BOUCHARD, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Jean-paul GUEYDON, avocat au barreau de MARSEIL

LE









Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 19 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F 17/01523.







APPELANTE



Madame [L] [M], demeurant [Adresse 2]



rep...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 16 DECEMBRE 2022

N°2022/ 231

RG 19/01060

N° Portalis DBVB-V-B7D-BDUWR

[L] [M]

C/

EURL MANE

Copie exécutoire délivrée

le 16 décembre 2022 à :

- Me Marie-julie CONCIATORI-

BOUCHARD, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Jean-paul GUEYDON, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 19 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F 17/01523.

APPELANTE

Madame [L] [M], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Marie-julie CONCIATORI-BOUCHARD, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

EURL MANE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean-Paul GUEYDON, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Octobre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargées du rapport.

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2022.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [L] [M] a été engagée par l'EURL MANÉ par contrat à durée déterninée de 3 mois à compter du ler juillet 2013, en qualitéde chauffeur-ambulancier, classification ouvrier, emploi A, pour une durée hebdonadaire de travail de 35 heures rnoyennant un salaire mensuel de 1 522,77 euros bruts.

La convention collective nationale applicable était celle des transports routiers et activités auxiliaires du 21 décembre 1950.

A compter du 2 octobre 2013, la relation de travail s'est poursuivie en un contrat à durée indéterminée aux mêmes conditions.

Du 3 novembre 2014 au 5 janvier 2015, la salariée a décidé de rejoindre la société des Ambulances Léa puis a réintégré l'entreprise MANÉ à compter du 06 janvier 2015 avec un nouveau contrat de travail aux mêmes conditions d'emploi.

Le 14 janvier 2015, Mme [M] était victime d'un accident du travail. Elle était reconnue travailleur handicapée à compter du 23 novembre 2015.

Par avis du 14 décembre 2016, le médecin du travail concluait à l'inaptitude définitive de la salariée au poste d'ambulancière avec port de malade mais à la possibilité d'un poste sans charge type transport VSL ou de secrétaire.

Par courrier recommandé du 28 décembre 2016, la salariée était convoquée à un entretien préalable à son licenciernent pour le 06 janvier 2017 et était licenciée par lettre recommandée du 10 janvier 2017 pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.

Mme [M] saisissait le 26 juin 2018 le conseil de prud'hommes de Marseille en contestation de son licenciement et en paiement d'indemnités de rupture et de diverses sommes.

Par jugement du 19 décembre 2018 le conseil de prud'hommes de Marseille en sa formation de départage a a statué comme suit :

Dit que la société EURL MANÉ a satisfait à son obligation de reclassernent,

Dit que le licenciement de [L] [M] est pourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne l'EURL MANÉ à payer à [L] [M] les sommes suivantes :

- 878,50 € de conges payés non rémunérés,

- 500,00 € à titre dc rappel de complément de rémunération, outre 50 € de congés payés y afférents,

- 1000,00 € à titre de dommages et intérets pour absence de portabilité de la complémentaire sauté,

Condame l'EURL MANÉ :

- à remettre à la salariée un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un solde de tout cornpte rectifié conformément à la présente procédure,

- régulariser la situation de la salariée auprés des organismes sociaux,

Précise que :

- les condamnations concernant des créances de nature salariale porteront intérêt au taux légal à compter de la demande en justice,

- les condamnations concernant des créances de nature indemnitaire porteront intérêt au taux légal à compter de la présente décision,

- toutes les condamnations bénéficieront de la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du Code Civil,

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire des dispositions du présent jugement qui ne sont pas de plein droit exécutoires par provision,

Condamne l'EURL MANÉ à payer à [L] [M] la somme de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre dernande,

Condamne l'EURL MANÉ aux dépens.

Par acte du 18 janvier 2019, le conseil de Mme [L] [M] a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions du 22 septembre 2022, Mme [M] demande à la cour de :

'Réformer les chefs de jugement de départage du 19 Décembre 2018 en ce que le conseil de Prud'hommes de Marseille a débouté Madame [L] [M] des demandes qui étaient les suivantes et par conséquent d'accueillir favorablement lesdites demandes suivantes :

Condamner l'EURL MANÉ à payer à Mme [L] [M] les sommes de :

- 46 987,20 € au titre de paiement des heures supplémentaires,

- 16 967,82 E à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- 4000 € au titre de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions de l'article L.9116-8 du code de la sécurité sociale,

- 5000 € de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

- 10'000 € au titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat

- 33'935,64 € au titre de l'indemnité de l'article L1226-15 du code du travail

- 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Dire et juger que ces sommes porteront intérêts à compter du jour de la demande en justice et que les intérêts de ces sommes seront capitalisés,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir compte tenu du caractère alimentaire de cette créance,

- ordonner la délivrance des feuilles de route à compter de janvier 2014 le tout sous astreinte de 50 € par jour de retard, l'astreinte étant liquidée par la juridiction saisie,

- condamner l'employeur aux dépens.

Confirmer les chefs de jugement suivants en ce que le conseil de Prud'hommes de Marseille, en son jugement de départage du 19 Décembre 2018, a décidé à juste titre de :

- dire et juger que l'employeur n'a pas respecté les dispositions conventionnelles en ne versant pas le complément de rémunération que la convention collective prévoit,

-condamner l'EURL MANÉ à payer à Mme [L] [M] la somme de 500 € à titre de rappel de complément de rémunération avec l'incidence de 50 € de congés payés y afférents,

- dire et juger que les congés payés du 15 au 31 décembre 2016 n'ont pas été effectivement payés,

- condamner l'EURL MANÉ à payer à Mme [L] [M] la somme de 878,50 € au titre des congés payés non payés du 15 au 31 décembre 2016.'

Dans ses dernières écritures du 13 juin 2019, l'EURL MANÉ demande à la cour de :

'Confirmer le jugement prud'homal qui a débouté la salariée de ses demandes portant sur les heures supplémentaires, le travail dissimulé, l'exécution et la rupture du contrat de travail,

Infirmer sur les congés payés auxquelles a été condamné l'intimée,

Condamner la salariée à la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.'

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

I) Sur l'éxécution du contrat de travail

La société n'ayant pas fait appel incident quant à sa condamnation à payer un complément de rémunération à hauteur de 500 euros et 50 € au titre des congés payés afférents, elle est réputée s'être appropriée les motifs du jugement sur ce point.

A) Sur les heures supplémentaires

Mme [M] réclame le paiement d'heures supplémentaires accomplies et non rémunérées sur la base de 58 heures en moyenne par semaine avec un horaire de travail de 8 heures à 20 heures de 7 heures à 20 heures avec une pause déjeuner, soit un total de 1152 heures supplémentaires à 25 % et 2160 heures supplémentaires à 50 %. Elle fait valoir que l'employeur ne produit pas les feuilles de route nécessaires dans le cadre du suivi du temps de travail et en sollicite la délivrance sous astreinte de 50 € par jour de retard.

Elle soutient que l'article 2224 du code civil fonde l'obligation faite à l'employeur de conserver les feuilles de route, et ce, d'autant qu'en cas de constatation d'une infraction de travail illégal dans le cadre d'un contrôle de l'URSSAF le délai de prescription est de cinq ans.

L'EURL MANÉ conteste ces éléments estimant la base journalière erronée et infondée en raison de la nature variée des transports effectués et du fait que Mme [M] procède par voie d'affirmation globale, sans tableau de calcul précis, sans aucune référence calendaire, sans indication de date en oubliant de déduire les heures supplémentaires et autres primes de compensation qui lui ont été payées ainsi que les pauses déjeuners quotidiennes d'une heure.

La société souligne concernant les feuilles de route qu'elle ne les possède plus légitimement, le délai de conservation obligatoire des documents étant d'une année au dernier jour de travail, soit le 14 janvier 2015 pour la salariée, la saisine du conseil des prud'hommes étant intervenue le 26 juin 2017, soit deux ans et demi plus tard.

Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accompli, il appartient au salarié de présenter à l'appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectué d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires il évalue souverainement sans être tenu de préciser le détail de son calcul l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

À titre liminaire, la cour relève que conformément aux dispositions de l'article D3171-16 du code du travail, les documents existants dans l'entreprise permettant de comptabiliser les heures de travail accomplies par chaque salarié ne sont conservés que pendant une année pour transmission à l'inspecteur du travail. Ainsi, la demande de délivrance des feuilles de route sous astreinte réclamée plus d'une année après le départ de la salariée de l'entreprise doit être rejetée, les dispositions de l'article 2224 du Code civil n'étant au surplus pas applicables en la cause.

La cour observe que Mme [M] ne donne aucune indication sur les années de référence et sur les périodes concernées par les heures supplémentaires réclamées et ne produit aucun décompte précis se contentant de réclamer dans ses seules conclusions, un nombre global d'heures supplémentaires à 25 % et à 50 %.

Par ailleurs, les attestations produites sont imprécises, M. [G], indiquant sans plus de détails « heures supplémentaires non comptabilisées » et M. [C] mentionnant simplement «des menaces de licenciement aux employés ne voulant effectuer des heures supplémentaires ».

En outre, ces éléments sont formellement contredits par les témoignages produits par l'employeur, à savoir ceux de M. [J] et de M. [P] qui attestent que l'amplitude horaire et le temps de repos étaient respectés ainsi que les horaires, M. [P] précisant que les journées « débutaient entre huit et neuf heures et se terminaient entre 18 heures et 19 heures avec des récupérations le lendemain si l'on finissait tard le soir ».

Le troisième témoignage émane de M. [G] qui, contrairement à son attestation versée en faveur de Mme [M], précise « n'avoir vécu aucun incident concernant les horaires de travail, les paiements et autres contraintes liés à la convention collective de l'entreprise car tout était fait dans les règles ».

L'EURL MANÉ se réfère également aux bulletins de salaire pour les années 2013, 2014 et 2015 (pièces 22 et 24 de la salariée) qui mentionnent des heures supplémentaires rémunérées à 25 %.

Dès lors, confrontant les éléments produits de part et d'autre et relevant l'absence de précision de la part de la salariée, la cour a la conviction que la salariée n'a pas accompli d'autres heures supplémentaires qui ne lui auraient pas été rémunérées.

La décision déférée est confirmée de ces chefs.

B) Sur la prise de congés payés

Mme [M] fait valoir que l'employeur a unilatéralement décidé qu'elle était en congés payés du 15 décembre au 31 décembre 2016, soit le lendemain de l'avis d'inaptitude rendue par le médecin du travail.

La société soutient que la salariée n'a jamais contesté sa prise de congés qui lui avaient été proposés de façon classique dans cette situation et qu'elle a signé sans réserve l'annexe au solde de tout compte mentionnant le versement de la somme de 3 203,67 au titre des indemnités de congés payés.

Comme l'ont justement relevé les premiers juges l'employeur ne justifie pas d'une demande expresse ou d'un accord de la salariée pour que ses jours de congés payés soient placés du 15 décembre au 30 décembre 2016.

Par ailleurs, la société n'a pas détaillé la somme de 3 203,67 euros versée au titre des indemnités de congés payés mentionnée sur le solde de tout compte, ne permettant pas à la cour d'apprécier à quoi correspond exactement cette somme.

En conséquence, la décision déférée doit être confirmée de ce chef.

C) Sur l'exécution fautive du contrat de travail

Mme [M] fait valoir que la durée hebdomadaire du travail est supérieure aux maximas légaux et que la décision unilatérale de la placer en congés payés sont autant de preuves de la mauvaise foi patente de l'employeur, son état de santé s'étant dégradé du fait des conditions de travail inacceptables que l'employeur lui a imposé.

La société réplique que la compilation des demandes accessoires de l'appelante est destinée à combler un vide judiciaire et relève que malgré ses griefs la salariée a souhaité revenir dans l'entreprise.

La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur à l'exécution de bonne foi du contrat de travail suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d'une part la réalité du manquement et d'autre part l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.

La demande tenant à l'existence d'heures supplémentaires effectuées et non rémunérées n'a pas été retenue par la cour, de sorte que la salariée n'est pas fondée à exciper de conditions inacceptables de travail, étant précisé que sa demande relative à la prise de congés payés a été accueillie par la cour et que Mme [M] a été indemnisée à ce titre.

La décision déférée est confirmée sur ces points.

D) Sur l'obligation de sécurité

Mme [M] soutient que son état de santé s'est dégradé du fait des conditions de travail inacceptables que l'employeur lui a imposé avec des douleurs importantes qui sont démontrées par les certificats médicaux successifs établis depuis l'accident de travail et que l'absence de visite médicale d'embauche est la preuve de l'absence de prévention de l'état de santé de la salariée.

La société indique que la salariée essaie d'imputer son mauvais état de santé psychologique à la mauvaise volonté de son employeur en communiquant un dossier médical portant sur la pathologie de son membre supérieur droit.

L'article L 4121-1 du code du travail impose à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et les dispositions de l'article R 4624-10 du code du travail, dans sa version applicable à la date des faits prévoient un examen médical des salariés avant l'embauche.

Si l'abscence de visite médicale d'embauche n'est pas contestée par la société, les pièces médicales versées aux débats ne font cependant état que de la rupture partielle de son tendon du biceps brachial droit suite à l'accident du travail du 14 janvier 2015 sans que la salariée n'apporte d'autre élément pour justifier le préjudice allégué, les conditions inacceptables de travail n'ayant pas été retenues par la cour.

La salariée qui ne démontre donc pas avoir subi un préjudice direct, réel et certain du fait de l'absence de visite médicale d'embauche, de sorte que l'appelante doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

La décision est confirmée sur ce point.

II) Sur la rupture du contrat de travail et ses conséquences

A) Sur l'obligation de reclassement

Mme [M] estime que l'employeur a considéré de mauvaise foi que le reclassement portait sur un poste « sécuritaire » sans trouver nécessaire d'écrire au médecin du travail pour rechercher le sens de sa proposition.

Elle soutient que le registre du personnel communiqué par la société est un document irrégulier et établi en violation des dispositions de l'article L 1221-13 et D1221-23 du code du travail.

Elle indique que l'EURL MANÉ et la société ambulance LÉA sont liés par un lien de parenté (père et fils) et que la similitude des deux sociétés permettait la permutation de tout ou partie du personnel.

L'EURL MANÉ explique que peu importe que l'employeur ait inscrit « poste sécuritaire» au lieu de « poste de secrétaire » puisqu'aucun reclassement n'était envisageable eu égard à la pathologie dont souffre Mme [M] et précise que le poste de secrétaire à temps partiel était déjà pourvu.

Elle verse aux débats la copie du registre unique du personnel et le bulletin de salaire du mois de janvier 2018 de Mme [S] [R], employée en tant que secrétaire dans l'entreprise.

Aux termes de l'article L. 1226-10 du Code du travail, dans sa rédaction applicable au litige issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

La recherche doit toujours porter sur les emplois disponibles.

En l'espèce, il est manifeste que c'est par erreur et non par mauvaise foi que la société a mentionné un poste 'sécuritaire' au lieu de secrétaire.

S'agissant de la régularité du registre unique du personnel, contrairement à ce qui est allégué l'appelante, les mentions sont conformes aux dispositions de l'article L. 1221-13 et de l'article D. 1221-23 du code du travail puisque figurent bien les noms et prénoms des personnes, leurs adresses, les numéros de sécurité sociale, la nationalité, la date d'entrée et de sortie, d'embauche, de licenciement, le type et le numéro d'ordre des documents autorisant l'exercice d'une activité salariée pour les travailleurs étrangers. Ce document a donc force probante.

La cour constate que l'EURL MANÉ est une société unipersonnelle avec un gérant occupant de 3 à 5 salariés (pièce 33 bis de l'appelante). L'ensemble des emplois de cette société sont des postes d'ambulanciers et non de transport typeVSL.

Le registre unique du personnel de la société mentionne la présence de Mme [S] [R] en qualité de secrétaire depuis le mois d'avril 2016, ce qui est confirmé par son bulletin de salaire du mois de janvier 2018 mentionnant son entrée à cette date.

Dès lors, au moment de la recherche de reclassement, aucun poste de secrétaire n'était disponible.

Bien qu'il existe un lien de parenté entre le gérant de la société par action simplifiée unipersonnelle Ambulance Léa et celui de l'EURL MANÉ, aucun élément ne permet d'établir que les deux sociétés faisaient partie d'un même groupe.

Compte tenu de ces éléments, des préconisations de la médecine du travail , de l'absence de poste adapté à l'état de santé de la salariée, de l'impossibilité de permuter un quelconque poste, de l'absence d'un poste de secrétaire disponible celui-ci étant déjà occupé, la cour dit que l'impossibilité de reclassement est établie.

En conséquence, la décision déférée qui a jugé que Mme [L] [M] n'était pas fondée à reprocher à son employeur des manquements à son obligation de reclassement et qui a dit le licenciement pourvu d'une cause réelle et sérieuse et donc rejeté la demande indemnitaire au titre des dispositions de l'article L.1226-15 du code de travail, doit être confirmée.

B) Sur le travail dissimulé

L'article L.8221-5-2° du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

En l'espèce, non seulement la cour n'a pas retenu l'existence d'heures supplémentaires non rémunérées (élément matériel) mais l'appelante est défaillante dans l'administration de la preuve de l'élément intentionnel.

Dès lors, la salariée doit être débouté de sa demande indemnitaire forfaitaire formée sur le fondement de l'article L.8223-1 du code du travail.

C) Sur la portabilité de la couverture complémentaire :

Mme [M] soutient que son état de santé nécessite encore des soins et qu'en l'absence de maintien des garanties de santé elle s'est trouvée en difficulté pour avancer les frais des traitements et qu'elle a dû souscrire un contrat d'assurance santé, ce qui justifierait la somme de 4000 €.

L'EURL MANÉ demande la confirmation du jugement déféré sur ce point.

L'employeur est tenu d'informer le salarié au moment où il quitte l'entreprise du maintien des garanties frais de santé en le mentionnant dans le certificat de travail et doit informer l'organisme assureur de la cessation du contrat de travail. La durée du maintien des garanties est dans la limite de 12 mois.

Le principe du maintien des droits n'est plus discuté par la société.

Le contrat de santé ALLIANZ produit par Mme [M] indique que cette dernière a dû régler la somme de 70,68 € correspondant à 1/12 de la cotisation annuelle, soit une somme annuelle de 848,16 €. Elle ne justifie d'aucun autre frais.

C'est donc par une juste appréciation de la cause que les premiers juges ont fixé les dommages et intérêts à la somme de 1000 € pour indemniser le préjudice résultant de l'absence de portabilité de la complémentaire santé.

La décision déférée est confirmée de ce chef.

III) Sur les autres demandes

La demande d'exécution provisoire est inopérante devant la cour d'appel.

Mme [M] qui succombe au principal doit s'acquitter des dépens d'appel, être déboutée de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile et à ce titre condamnée à payer à l'EURL MANÉ la somme de 1000 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme, dans ses dispositions soumises à la cour, le jugement déféré ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [L] [M] à payer à l'EURL MANE la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande des parties,

Condamne Mme [M] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/01060
Date de la décision : 16/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-16;19.01060 ?
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