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16/12/2022 | FRANCE | N°18/15906

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 16 décembre 2022, 18/15906


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 16 DECEMBRE 2022



N° 2022/ 230



RG 18/15906

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDE2H







[P] [D]





C/



Association UCPA SPORTS VACANCES



















Copie exécutoire délivrée

le 16 décembre 2022 à :



- Me Pierre BALLANDIER,

avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Vest. 160



- Me Justine BALIQUE,



avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Vest. 331































Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 19 Septembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F17/00037.



...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 16 DECEMBRE 2022

N° 2022/ 230

RG 18/15906

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDE2H

[P] [D]

C/

Association UCPA SPORTS VACANCES

Copie exécutoire délivrée

le 16 décembre 2022 à :

- Me Pierre BALLANDIER,

avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Vest. 160

- Me Justine BALIQUE,

avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Vest. 331

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 19 Septembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F17/00037.

APPELANT

Monsieur [P] [D], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Pierre BALLANDIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Association UCPA SPORTS VACANCES, demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Justine BALIQUE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Anouck CHADAIGNE, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Décembre 2022, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 16 décembre 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2022

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

M. [P] [D] a été engagé par l'association UCPA Sports Vacances sur le centre de [Localité 7] selon contrat à durée indéterminée prenant effet à compter du 16 février 2009, en qualité de gestionnaire, statut cadre, groupe 7 B de la convention collective nationale et de l'accord d'entreprise UCPA, avec une rémunération de 2 732,17 € brut incluant l'avantage logement et pour une durée de travail de 214 jours annuels.

Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié percevait la somme de 2 876,44 euros bruts.

Plusieurs missions lui ont été confiées sur les Antilles et sur le périmètre Paca Corse, missions concrétisées par des avenants à son contrat de travail.

Le 20 janvier 2015, M. [D] a sollicité un congé sans solde pour une durée totale de 18 mois à compter du 20 mars 2015 jusqu'au 19 septembre 2016 et a fait savoir son intention de reprendre son poste par courrier du 11 juillet 2016.

En réponse, le 12 septembre 2016 l'association lui a présenté deux postes, l'un situé à [Localité 4] et l'autre au siège à [Localité 8] qui ont été refusés par le salarié en raison du non-respect du délai de prévenance, de l'absence de mise à disposition d'un logement de fonction et de l'éloignement géographique.

Le 22 septembre 2016, l'association a complété les deux propositions en intégrant au salaire brut le double du montant de l'avantage en nature perçu par le salarié sur [Localité 7], soit la somme mensuelle de 300 €.

Par courrier du 10 novembre 2016, M. [D] a refusé la proposition des deux postes.

Il a été affecté au poste de gestionnaire de la plate-forme Bretagne -Croisière à compter du 1er décembre 2016 par courrier du 21 novembre 2016 et ne s'y est pas présenté.

Le 6 décembre 2016 l'association a convoqué M. [D] à un entretien préalable à un éventuel licenciement et par lettre recommandée du 22 décembre 2016 l'a licencié pour faute grave.

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, le salarié saisissait le conseil de prud'hommes de Marseille le 12 janvier 2017 pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et en paiement d'indemnités de rupture.

Par jugement du 19 septembre 2018 le conseil de prud'hommes de Martigues a statué comme suit :

Dit que le licenciement pour faute grave de M. [P] [D] est parfaitement justifié ;

Déboute M. [P] [D] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

Déboute L'UCPA Sports Vacances de sa demaude au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

Condamne M. [P] [D] aux dépens de l'instance.

Par acte du 5 octobre 2018 le conseil de M. [D] a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 19 octobre 2018, M. [D] demande à la cour de :

« Réformer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Martigues en date du 19 septembre 2018 en toutes ses dispositions

Constater et, au besoin, dire et juger que M. [D] bénéficiait d'un logement de fonction au sein du Centre Vacances UCPA de [Localité 7]

Dire et juger que l'UCPA SPORTS VACANCES a entendu modifier unilatéralement le contrat de travail de M. [D] en supprimant, dans le cadre des deux mutations proposées, l'avantage en nature que répresentait la mise à disposition d'un logement de fonction

Dire et juger que le refus de M. [D] d'accepter les mutations proposées ne constitue pas une faute grave ni même réelle et sérieuse justifiant son licenciement au regard de l'absence avérée de compensation financière proposée par l'UCPA SPORTS VACANCES et, en conséquence, de la modification unilatérale par l'employeur d'un élément essentiel et substantiel du contrat de travail

Dire et juger que le licenciement de M. [D] ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse

Condamner en conséquence l'UCPA SPORTS VACANCES à payer au profit de M. [D] les sommes suivantes :

9.893,50 euros bruts au titre de l'indemnite de préavis

989,35 euros bruts à titre d'indemnite compensatrice de congés payés afférente à l'indemnite de préavis

5.033,77 euros bruts à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

52.765,33 euros bruts au titre de dommages et intérets afférents au licenciement sans cause réelle et sérieuse (16 mois)

2.041,34 euros bruts au titre de solde de la période du 1er décembre au 22 décembre 2016

204,13 euros bruts à titre d'indemnite compensatrice de conges payés afférente au solde sur la période allant du 1er décembre au 22 décembre 2016

5.000 euros a titre de préjudice moral du fait de la brutalité de l'affectation imposée

3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamner l'UCPA SPORTS VACANCES aux entiers dépens de la procédure . »

Dans ses dernières écritures communiquées par voie électronique le 10 janvier 2019, l'association demande à la cour de :

« Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Martigues du 19 septembre 2018 ;

Dire et juger que le licenciement pour faute grave de M. [D] est parfaitement justifié ;

En conséquence,

Débouter M. [D] de l'intégralité de ses demandes, fins, conclusions ;

Condamner M. [D] à verser à l'Union Nationale des Centres Sportifs de Plein Air «UCPA-SPORTS VACANCES » la somme de 2.000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. »

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

I- Sur le bien-fondé du licenciement

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend immédiatement impossible le maintien de l'intéressé dans l'entreprise. Il incombe à l'employeur qui l'invoque d'en apporter la preuve.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, était libellée dans les termes suivants :

«(...)Vous avez été embauché le 16 février 2009 sous contrat à durée indéterminée en qualité de gestionnaire de site de regroupemcnt PACA-Corse, basé sur le centre de [Localité 7].

A compter du 20 mars 2015, vous avez sollicité un congé sans solde qui vous a été accordé pour une durée minimale de 6 mois, puis prolongé deux fois pour prendre fin le 19 septembre 2016.

Vous m'avez informé par courrier recommandé en date du 11 juillet 2016 de votre intention de reprendre, à l'issue de votre période de congé sans solde de 18 mois, votre emploi au sein de l'UCPA.

Je vous ai reçu à mon bureau à [Localité 8] le 8 septembre 2016, afin d'évoquer ensemble votre reprise de fonction à l'issue de ce congé et je vous ai proposé deux postes, à savoir :

. Gestionnaire sur la Plafeforme Bretagne-Croisiéres, poste situé à [Localité 4] dans le [Localité 5],

. Contrôleur de Gestion -poste d'Adjoint au Responsable du Contrôle de Gestion de 1'unité métier Sports Loisirs - poste basé à [Localité 8].

Suite à vos interrogations exprimées dans un courrier du 16 septembre 2016, je vous ai apporté un certain nombre de précisions dans un courrier du 22 septembre 2016 (avantage en nature logement, délai de réflexion courrant jusqu'au 16 novembre 2016).

Malgré les deux mois de réflexion dont vous avez bénéficié (avec salaire intégralement maintenu durant ce délai), je n'ai pas eu de retour de votre part. En conséquence, je vous ai donc demandé, comme le prévoit la clause de mobilité dans votre contrat de travail, de prendre les fonctions de Gestionnaire de la Plateforme Bretagnc-Croisières à compter du 1er décembre 2016. Par courrier du 17 novembre 2016, vous avez refusé les deux propositions qui vous ont été faites.

Par courrier du 21 novembre 2016, j'ai réitéré ma demande de prendre les fonctions de Gestionnaire de la Plateforme Bretagne~Croisiéres à compter du 1er décembre 2016.

Force a été de constater que malgré mes deux demandes, vous n'avez pas pris vos fonctions le 1er décembre 2016, constituent une faute professionnelle me contraignant à vous notifier votre licenciement pour faute grave.»

M. [D] oppose à l'association la modification substantielle de son contrat de travail et notamment une dépréciation de son salaire du fait de la suppression d'un logement de fonction dans le cadre des deux postes proposés alors qu'il disposait d'un véritable logement de fonction au sein même du village vacances UCPA de [Localité 7] comprenant deux pièces et non d'un hébergement, au regard de l'accord d'entreprise.

Il indique qu'il est acquis en jurisprudence que la mise en 'uvre de la clause de mobilité ne doit pas modifier un élément essentiel du contrat de travail comme le salaire, que le refus de mobilité, ou le refus d'accepter une modification de son contrat de travail, ne caractérise pas à lui seul une faute grave ni même une cause réelle et sérieuse pouvant justifier le licenciement, que l'allocation d'une somme brute supplémentaire de 300 €, censée compenser l'absence de logement de fonction ne constitue pas une contrepartie financière substantielle.

Il soutient que le courrier du 22 septembre 2016 du directeur des ressources humaines a confirmé l'existence de ce logement par le versement à son profit du double de l'évaluation forfaitaire fiscale de son avantage en nature logement, au regard de l'absence matérielle d'un tel logement à [Localité 4] ou [Localité 8].

Le salarié produit notamment aux débats les pièces suivantes :

- ses différents courriers adssés au directeur des ressources humaines, soit celui du 11 juillet 2016 l'informant de son intention de reprendre son emploi dans l'entreprise, celui du 16 septembre 2016 sollicitant une issue concertée du dossier et enfin la lettre du 10 novembre 2016 l'informant de son refus relatif aux deux postes proposés tant au regard de l'absence de logement fourni sur site dans les deux postes qu'au regard de l'éloignement géographique par rapport à son domicile actuel (pièces 8-10-12),

- les courriers en réponse du 12 septembre 2016 proposant le poste de gestionnaire sur la plate-forme Bretagne Croisières à [Localité 4] et le poste de contrôleur de gestion poste d'adjoint au responsable du contrôle de gestion de l'unité métier sports loisirs à [Localité 8], le courrier du 22 septembre 2016 demandant à M. [D] de se positionner avant la fin du délai de réflexion prévu au 16 novembre 2016 et enfin le courrier du 21 novembre 2016 rappelant la clause de mobilité. (Pièces 9-11-13),

- les bulletins de paie de 2010 à 2015 mentionnant l'avantage en nature logement,

- l'attestation de la SAS Lafont Assurance du 12 octobre 2018 indiquant que M. [D] a bénéficié d'une assurance multirisque habitation concernant un logement T2 situé à l'UCPA [Adresse 1] pour la période du 1er février 2009 au 20 mars 2015,

- l'attestation de M. [U] du 12 février 2018, témoignant « être intervenu régulièrement pour des vérifications réglementaires dans le logement qu'occupait M. [D] au sein du centre de vacances de type T2 avec une grande cuisine indépendante, une chambre indépendante un salon salle à manger indépendant ainsi qu'une grande terrasse jardin d'une superficie d'environ 50 m² ».

- l'extrait de l'accord UCPA concernant le paragraphe 6.6 sur l'hébergement du personnel.

L'association reproche à M. [D] d'avoir refusé de se présenter à son poste en violation de l'engagement prévu par la clause de mobilité figurant à son contrat de travail constituant un acte d'insubordination et d'avoir eu un comportement déloyal en souhaitant imposer à son employeur une évolution professionnelle.

Elle relève que M. [D] n'a pas tenu compte de la proposition consistant à lui accorder le double de la valeur de l'avantage en nature dont il bénéficiait antérieurement.

Elle fait valoir que la clause a été mise en 'uvre de bonne foi, est licite et a valeur contraignante. Elle indique que le lieu de travail du salarié pouvait être modifié sans que cela constitue une modification de son contrat de travail nécessitant l'accord préalable du salarié alors que suite à son absence d'une durée de 18 mois, le poste antérieur avait été pourvu par M. [V].

Elle précise que M. [D] ne disposait pas d'un logement de fonction sur le site de [Localité 7] mais d'un simple hébergement conformément aux dispositions conventionnelles applicables, que ses fonctions de comptable ne lui donnaient aucun droit à un logement de fonction et que M. [V] a repris le logement, son contrat de travail prévoyant un hébergement de 1 pièce déclaré en avantage en nature sur le centre.

Elle rappelle que l'offre d'emploi visé par le salarié concerne la période de septembre 2015, soit une année avant la date de son retour et que l'intéressé avait toujours accès à ses mails même pendant son congé sans solde pour pouvoir y répondre.

L'employeur verse aux débats notamment les pièces suivantes :

- les avenants au contrat de travail,

- les différents courriers échangés,

- l'extrait de l'accord d'entreprise sur la mobilité (pièce 28)

- la note interne et l'accord d'entreprise sur le logement de fonction et l'hébergement indiquant que «l'attribution d'un logement de fonction est la contrepartie d'une mission comprenant la nécessité d'assurer la sécurité notamment nocturne des personnes des animaux et des biens sur l'établissement et se distingue du lieu d'hébergement dont peut bénéficier un salarié. La mise à disposition d'un logement de fonction constitue un avantage en nature. L'attribution d'un lieu d'hébergement est proposée par l'UCPA dans la mesure du possible au salarié affecté sur un site en situation d'internat sur la base d'une seule pièce dont les caractéristiques de surface de confort sont conformes aux code du travail » (pièce 28 et 29)

- le contrat de travail de M. [V] mentionnant « l'avantage en nature pour lui-même et dans la mesure des possibilités d'accueil pour sa famille d'un hébergement d'une pièce déclarée en avantage en nature sur le centre où il est affecté durant la période de fonctionnement de celui-ci et au plus tard jusqu'à la fin de son engagement ».(Pièce 30)

- les courriers et les mails échangés avec l'UCPA indiquant les aspirations du salarié à bénéficier d'un poste à responsabilité (pièces 9-11-12).

La clause de mobilité stipulée dans un contrat de travail est licite et s'analyse en un changement de ses conditions de travail relevant du pouvoir d'administration et de direction de l'employeur. Toutefois, pour être opposable au salarié, la mise en 'uvre d'une clause de mobilité doit être dictée par l'intérêt de l'entreprise, ne pas donner lieu ni à un abus de droit ni à un détournement de pouvoir de la part de l'employeur et ne doit pas avoir d'incidence sur la rémunération du salarié, élément essentiel du contrat.

Par ailleurs, la mise en 'uvre d'une clause de mobilité ne doit pas porter une atteinte disproportionnée au droit au salarié à une vie personnelle et familiale en vertu des dispositions de l'article L 1121-1 du code du travail.

En l'espèce, la clause de mobilité figurant dans le contrat de travail, est la suivante :

« Lieu de travail. Le contrat de travail s'exécute sur le centre de [Localité 7], situé en [Localité 2]. De plus de par ses fonctions M. [P] [D] sera également amené à se déplacer sur l'ensemble des sites du regroupement de Provence. M. [P] [D] s'engage à accepter d'éventuelles modifications de son lieu de travail dans tout autre établissement situé en France nécessaires au bon fonctionnement de son entreprise. M. [P] [D] reconnaît avoir été informé de cette possibilité de modification de son lieu de travail et s'engage à ne pas refuser cette demande de l'employeur. Tout refus serait susceptible d'être reconnu comme cause de licenciement. »

En outre, le contrat de travail mentionne une rémunération brute mensuelle de 2 732,17 € «incluant l'avantage en nature logement » et cet avantage figure sur les bulletins de salaire jusqu'à la date de son congé sans solde, pour un montant de 147,70 €.

S'il est exact que le poste de gestionnaire exercé par M. [D] n'entrait pas forcément dans les conditions d'octroi d'un logement de fonction, prévues dans les dispositions conventionnelles ( § 6.6), force est de constater que l'employeur a souhaité le contraire puisque le contrat de travail prévoit expressément l'avantage en nature constitué par le logement, dans le cadre de sa rémunération.

L'association ne saurait tirer argument du contrat de travail de son remplaçant alors qu'il résulte des pièces produites par le salarié (le témoignage de M. [U] et l'attestation d'assurance habitation ) que M. [D] disposait non pas d'un hébergement avec une seule pièce, mais d'un logement T2 de 50 m².

L'attribution d'un logement de fonction est une condition essentielle de la rémunération du salarié.

Or, les deux postes proposés par l'association ne prévoyaient pas l'attribution d'un logement de fonction sur leur fiche de poste, ce qui a été reconnu par l'intimée puisque l'association a proposé une compensation en accordant « le double de la valeur de l'avantage en nature » dont le salarié bénéficiait antérieurement, soit 300 €.

Cette proposition ne saurait toutefois compenser valablement l'attribution d'un logement de 50 m² en complément de rémunération, compte tenu du prix des loyers au mètre carré notamment à [Localité 8].

En proposant dans le cadre de la clause de mobilité ces deux postes sans logement de fonction, l'employeur a supprimé unilatéralement le bénéfice de l'avantage en nature.

Dès lors, sans méconnaître la clause de mobilité géographique, la cour relève que la mutation s'accompagnait d'une modification du contrat de travail, que le salarié pouvait refuser sans commettre de faute.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige n'a pas mentionné le grief relatif au comportement déloyal du salarié, de sorte que la demande d'évolution professionnelle de M. [D] ne peut lui être reprochée.

En conséquence, infirmant la décision déférée, le licenciement doit être déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse.

II) Sur les conséquences financières de la rupture

A) Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Il est prévu à l'article 4.4.3.2 de la convention collective qu'en cas de licenciement, la durée du préavis est de :

- 1 mois pour le salarié dont l'ancienneté est inférieure à 2 ans ;

- 2 mois pour le salarié dont l'ancienneté est supérieure à 2 ans ;

- 3 mois pour le salarié cadre.

En cas de faute grave ou lourde, le salarié perd le bénéfice du préavis.

La moyenne mensuelle des trois derniers mois entièrement travaillés par M. [D] (décembre 2014, janvier et février 2015) s'établit à la somme de 3.151,17 euros.

Dès lors, le salarié est en droit de percevoir la somme de 9.453,52 euros et 945,35 euros de congés payés afférents.

B) Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement

Les dispositions de l'article 4.4.3.3 de la convention collective prévoient que ' le licenciement quelque soit le motif, de tout salarié ayant au moins 1 an d'ancienneté dans l'entreprise donne lieu au versement d'une indemnité sauf faute grave ou lourde.

Cette indemnité est équivalente à :

' 1/5 de mois de salaire par année, pour les 5 premières années d'ancienneté dans l'entreprise ;

' 1/4 de mois de salaire par année, de la 6 ème à la 10 ème année de présence dans l'entreprise;

' 1/3 de mois de salaire par année pour les années de présence dans l'entreprise au delà de 10 ans.

Pour le calcul du nombre d'années de présence, les périodes assimilées à du temps de travail effectif, telles que définies à l'article 7.1.2, sont à prendre en compte.

Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon le cas le plus favorable :

' soit la moyenne des 12 derniers mois,

' soit la moyenne des 3 derniers mois, étant entendu que toute prime ou gratification perçue pendant cette période est prise en compte au prorata temporis.

Lorsqu'un salarié a été occupé successivement à temps partiel et à temps plein, l'indemnité se calcule successivement au pro rata temporis des périodes travaillées à temps partiel et à temps plein'.

M. [D] est employé depuis le 16 février 2009. Il avait 7 ans et 10 mois d'ancienneté dont 17 mois de congé sans solde à retrancher, soit une ancienneté de 6 ans, la période de congé sans solde ne pouvant être comptablisée comme période de travail effective.

Il y a lieu de lui allouer la somme de :[1/4 x 2.876,44 ]x 6 = 4.314,66 euros .

C) Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [D] justifie d'un peu plus de 6 années d'ancienneté au jour de la rupture dans une entreprise employant habituellement plus de 11 salariés. Compte tenu de son âge, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, son indemnisation doit être fixée à la somme de 23.000 euros.

D) Sur le rappel de salaire pour la période du 1er décembre au 22 décembre 2016

Le refus de prendre le poste sur [Localité 4] n'étant pas fautif et M. [D] s'étant tenu à la disposition de l'association, ce dernier est en droit d'obtenir le paiement du salaire du mois de décembre 2016.

Dès lors, il y a lieu d'accueillir la demande de rappel de salaire.

E) Sur l'indemnité au titre du préjudice moral

M. [D] estime qu'il s'est trouvé confronté à la brutalité objective de l'association qui a voulu l'affecter à [Localité 4] et que marié depuis 10 ans il y a eu une atteinte familiale, matérielle et financière constitutives d'un préjudice moral.

Un employeur ne peut être condamné à verser des dommages et intérêts pour préjudice moral qu'à la condition de caractériser un comportement fautif ayant causé au salarié un préjudice distinct de celui résultant du licenciement.

En l'espèce, il n'est pas justifié par l'appelant de circonstances brutales ou vexatoires ayant entouré le licenciement et d'un préjudice qui n'aurait pas déjà été indemnisé, de sorte que le salarié doit être débouté de sa demande et la décision déférée confirmée de ce chef .

Il convient d'appliquer d'office la sanction prévue à l'article L.1235-4 du code du travail.

III- Sur les frais et dépens

L'intimée qui succombe doit s'acquitter des dépens de première instance et d'appel, être déboutée de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile et à ce titre condamnée à payer à M. [D] la somme de 2.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme le jugement déféré SAUF s'agissant du rejet de la demande de préjudice moral,

Statuant à nouveau des chefs infimés et y ajoutant,

Dit le licenciement de M. [P] [D] sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne l'UCPA Sports Vacances à payer à M. [D] :

- 2.041,34 € bruts au titre du rappel de salaire de décembre 2016,

- 204,13 € bruts à titre de congés payés afférents,

- 9.453,52 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 945,35 € bruts à titre de congés payés afférents,

- 4.314,66 € bruts à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 23.000,00 € bruts à titre de dommages et intérets pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les sommes allouées de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2017 et les sommes allouées à titre indemnitaire, à compter de la présente décision ;

Ordonne le remboursement par l'UCPA Sports Vacances à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de 1 mois,

Dit qu'à cette fin, une copie certifiée conforme de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi, par le greffe,

Condamner l'UCPA Sports Vacances aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 18/15906
Date de la décision : 16/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-16;18.15906 ?
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