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16/12/2022 | FRANCE | N°18/12033

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 16 décembre 2022, 18/12033


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 16 DECEMBRE 2022



N°2022/ 228





RG 18/12033

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCZPB







[M] [N]





C/



SA ENEDIS

SA GAZ RESEAU DISTRIBUTION FRANCE (G.R.D.F.)











Copie exécutoire délivrée

le 16 décembre 2022 à :



- Me Benjamin CORDIEZ,

avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V227



- Me Jean-claude PERIE

,

avocat au barreau de MARSEILLE











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 19 Juin 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/02527.







APPELANT



Monsieur [M] [...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 16 DECEMBRE 2022

N°2022/ 228

RG 18/12033

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCZPB

[M] [N]

C/

SA ENEDIS

SA GAZ RESEAU DISTRIBUTION FRANCE (G.R.D.F.)

Copie exécutoire délivrée

le 16 décembre 2022 à :

- Me Benjamin CORDIEZ,

avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V227

- Me Jean-claude PERIE,

avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 19 Juin 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/02527.

APPELANT

Monsieur [M] [N], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Benjamin CORDIEZ de la SCP CORDIEZ BENJAMIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

SA ENEDIS, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jean-claude PERIE de la SELARL PIOS AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

SA GAZ RESEAU DISTRIBUTION FRANCE (G.R.D.F.), demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Jean-claude PERIE de la SELARL PIOS AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Octobre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargées du rapport.

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2022.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

FAITS ET PROCÉDURE

M. [M] [N] a été embauché le 18 mars 1981 selon contrat de travail à durée indéterminée à temps complet au sein de l'agence de [Localité 10], en qualité de releveur de compteurs, position GF2 NR 20. La relation contractuelle était régie par les dispositions du Décret n°46-1541 du 22 juin 1946 approuvant le statut national du personnel des industries électriques et gazières.

Au dernier état de la relation contractuelle, M. [N] occupait au sein de l'agence d'[Localité 4] le poste d'opérateur d'exploitation et travaux, position GF 7 NR 110, et il percevait une rémunération mensuelle d'un montant brut de 2.597,53 €.

À son départ à la retraite le 30 juin 2016, M. [N] estimait avoir fait l'objet d'une inégalité de traitement et saisissait le 21 novembre 2016 le conseil de prud'hommes de Marseille en paiement d'indemnités au titre de la violation du principe travail égal/salaire égal et inégalité de traitement, en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement et inexécution fautive du contrat de travail.

Par jugement du 19 juin 2018, le conseil de prud'hommes de Marseille a statué comme suit :

'Constate que l'action engagée par M. [N] est prescrite tant sur le plan de l'exécution du contrat de travail que sur le harcèlement moral allégué,

Déclare irrecevable les demandes formulées par M. [N],

Dit que M. [N] n'établit aucun fait de nature à laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral,

Dit que M. [N] n'apporte aucun élément permettant de considérer qu'il aurait subi une inégalité de traitement,

Déboute M. [N] de l'intégralité de ses demandes fins et prétentions,

Déboute la société ENEDIS et GRDF de sa demande reconventionnelle'.

Par acte du 17 juillet 2018 le conseil de M. [N] a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions du 6 avril 2021, M. [N] demande à la cour de :

« Dire M. [N] bien fondé en son appel,

Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dire que l'action engagée par M. [N] n'est pas prescrite,

Dire que M. [N] a fait l'objet d'une inégalité de traitement,

En conséquence,

Condamner solidairement les sociétés ENEDIS et GRDF au paiement de la somme de 180.000€ à titre de dommages et intérêts pour violation du principe d'égalité de traitement,

Dire que la somme précitée portera intérêt au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes et capitalisation des intérêts échus à compter de l'année suivant la saisine,

Condamner solidairement les sociétés ENEDIS et GDRF au paiement de la somme de 2.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner les sociétés intimées aux entiers dépens, distraits au profit de la SCP CORDIEZ en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. »

En l'état de leurs dernières écritures du 9 janvier 2019, la SAS ENEDIS et la SA (GRDF) Gaz Réseau de Distibution France demandent à la cour de :

« Au principal :

vu les dispositions des articles L 1471'1 du code du travail et 2224 du Code civil,

Constater que l'action engagée par M. [N] est prescrite tant sur le plan de l'exécution du contrat de travail que sur le harcèlement moral allégué.

Déclarer en conséquence irrecevables les demandes formulées par M. [N].

Confirmer en conséquence le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Marseille le 19 juin 2018.

À titre subsidiaire :

Dire et juger que M. [N] n'établit aucun fait de nature à laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral,

Dire et juger que M. [N] n'apporte aucun élément permettant de considérer qu'il aurait subi une inégalité de traitement.

Le débouter en conséquence de l'intégralité de ses demandes.

Confirmer en conséquence le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Marseille le 19 juin 2018 et, y ajoutant, le condamner reconventionnellement à payer aux sociétés ENEDIS et GRDF la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le condamner en outre aux entiers dépens tant de première instance que d'appel ».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour constate qu'en cause d'appel, M. [N] ne maintient plus ses demandes relatives au harcèlement moral et à l'inexécution fautive du contrat de travail.

I- Sur la prescription de l'action

La SAS ENEDIS et la SA GRDF font valoir que l'action engagée par M. [N] est prescrite au regard de l'article L.1471-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 14 juin 2013 dans la mesure ce dernier avait déjà constaté au cours de sa carrière l'existence d'un décalage avec certains autres salariés et que la pension de retraite est connue pour représenter au maximum 75 % de la dernière rémunération perçue par le salarié au cours des six mois précédant son départ en retraite.

M. [N] soutient que sa demande n'est pas pas prescrite puisqu'il n'a eu connaissance de l'intégralité des éléments lui permettant d'exercer son action devant le conseil des prud'hommes que lors de la notification de sa pension de retraite, l'inégalité de traitement résidant dans la stagnation de la qualification et de sa rémunération.

L'article L.1471-1 du code du travail dans sa version applicable aux données de l'espèce, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

En l'espèce, M. [N] a exprimé au cours de ses derniers entretiens professionnels annuels des années 2012 et 2014 qu'il avait «un niveau de rémunération très bas » et « qu'il ne retrouvait pas la reconnaissance espérée au vu de sa plage dans la grille des salaires ».

Toutefois, le salarié ne faisait référence qu'à son ancienneté et au temps qui lui restait à travailler et non à une comparaison avec d'autres salariés de son secteur d'activité et ne pouvait à ce moment connaître le montant exact de ses droits, et ce, même en faisant une simulation de retraite.

M. [N] n'a été informé du montant de sa pension de retraite qu'à la liquidation de ses droits après son départ à la retraite au 30 juin 2016 en le comparant à cette date, avec celle de ses collègues de travail, de sorte qu'en saisissant le conseil des prud'hommes le 21 novembre 2016, l'action fondée sur l'inégalité de traitement n'est pas prescrite.

II- Sur l'inégalité de traitement

M. [N] fait valoir que :

- sa carrière a fait l'objet d'un déroulement inégal en comparaison avec certains collègues de travail ayant une carrière professionnelle similaire avec une volonté de la part de la hiérarchie de freiner son évolution professionnelle ayant entrainé des problèmes de santé,

- ses demandes de congés de même que ses demandes de mutation ont été refusées à plusieurs reprises sans raison valable,

- sa rémunération n'a pas connu d'évolution, en particulier en juillet 2009 estimant avoir été rétrogradé,

- plusieurs agents dont M. [Z], Mme [L] et M. [E] avec lesquels il travaillait à l'agence d'[Localité 4] de 2009 à 2016 ont bénéficié d'un traitement plus avantageux que le sien.

Il verse aux débats notamment les pièces suivantes :

- son relevé de carrière fiche C01 (pièce1)

- ses bulletins de salaire de 2015 et 2016 indiquant une rémunération brute de 2597,53 €, hors primes et gratifications (pièce 2)

- son bulletin de pension de retraite du mois d'octobre 2018 mentionnant une pension statutaire brute de 2127,34 € et un net imposable de 1874,31 € (pièce 4)

- les accords salaires du 24 février 2006 (pièce 5)

- les entretiens annuels d'évaluation 1996, 2009, 2011 et 2012 ( pièce 6)

- 4 demandes d'absences pour congés annuels (pièce 8), soit :

du 03/ au 30/07/2007: demande accordée pour la période du 23 au 27/07/2007,

du 23 au 24/08/2007 : demande refusée pour soutien de quart le matin ,

du 31/10/2007 au 02/11/2007 : demande refusée pour raisons de service, un courrier lui ayant été adressé

du 12 au 13/12 2007 : demande déjà programmée

- un rapport d'expertise médicale en date du 9 juin 2007 indiquant que M.[N] a présenté « des troubles réactionnels dans un contexte relationnel vécu comme une souffrance au travail amélioré par traitement avec indication d'un changement de poste de travail » (pièce 12)

- ses demandes de mutation entre 2002 et 2016 (pièce 10 )

- un courrier du 25 juin 2007 (pièce 13)

- l'avis de la commission secondaire du 29 juin 2009 avec effet au 1er juillet 2009 pour mutation suite à la publication de poste vacant indiquant le passage de NR 90 (ancienne situation) à NR 100 (nouvelle situation) (pièce 14)

- l'attestation de Mme [L] indiquant avoir travaillé avec M. [N] dans le service SGEM à ERDF GRDF (pièce 15) et une attestation de Mme [C] témoignant avoir travaillé dans la même structure et précisant que M. [N] assurait les mêmes activités que M. [Z] et Mme [L] (piéces 17).

Les sociétés intimées opposent que l'appelant a bénéficié des mêmes possibilités d'évolution de carrière que les autres salariés puisqu'il avait la possibilité de candidater sur des postes vacants, ce qu'il n'a fait qu'à une dizaine de reprises entre 2001 et 2006 en ciblant une zone géographique entre [Localité 9] le [Localité 12], que la progression de carrière de l'intéressé n'a pas été freinée car il a été émis des avis favorables à la mutation du salarié et sa rémunération a progressé régulièrement, excluant toute idée de stagnation.

Elles soutiennent que pour deux des salariés évoqués par l'appelant, ils ne se trouvaient pas dans une situation comparable et que le troisième salarié n'exerçait pas la même activité et avait évolué différemment.

Les sociétés intimées produisent notamment les pièces suivantes :

- l'article 11§ 1du statut national du personnel des industries électriques et gazières précisant le passage d'échelle pour les ouvriers, employés, agent de maîtrise échelle de 1 à 15 :

« le passage d'une échelle à celle supérieure dit avancement d'échelle est décidée par le directeur d'exploitation après avis de la commission secondaire du personnel .

Tout agent peut de lui-même demander à occuper un emploi, une fonction ou un poste supérieur à son directeur d'exploitation qui transmettra obligatoirement pour avis le dossier de l'intéressé à la commission secondaire d'exploitation. Les commissions secondaires tiendront compte des directives de la commission supérieure nationale pour émettre lesdits avis.(Pièce 4)

- la circulaire PERS 212-directions du personnel -des règles arrêtées après avis de la commission supérieure nationale du personnel en matière de reclassement, d'avancement et de mouvements de personnel ( pièce 5)

- 3 avis hiérarchiques favorables donnés le 4 mars 2005, le 20 septembre 2005, le 8 juin 2006 aux demandes de mutation de M. [N] (pièce 6)

- la fiche C01 de Mme [L] et ses bulletins de salaire en du 08 /2014 au 07/2015 (pièce 7 et 7.1)

- la fiche C01 de M. [Z] et ses bulletins de salaire en du 11/2012 au 10/2013 (pièce8 et 8.1)

- la fiche C01 de M.[E] et ses bulletins de salaire

- les différents accords relatifs aux avancements de niveaux au choix(pièce 10).

Le principe « à travail égal, salaire égal » interdit toute différence de traitement entre salariés d'une même entreprise exerçant un travail égal ou de valeur égale ne reposant pas sur des raisons objectives, dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence.

Pour caractériser une inégalité de traitement le salarié doit donc apporter au juge des éléments résultant d'une comparaison avec des salariés de l'entreprise se trouvant dans une situation identique, à charge pour l'employeur d'apporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence.

Sur les refus de de mutations ou congés

Les dispositions de la directive PERS 212 précisent que la mutation désigne tout déplacement d'agent consécutif à un changement de poste. La mutation à la demande de l'intéressé contrairement à la mutation d'office (pour nécessités du service et qui n'entrainent pas d'avancement) fait suite à la publication d'un poste à pourvoir auquel l'intéressé a posé sa candidature et lorsque ces mutations entraînent un changement d'affectation ou d'unité d'exploitation, les candidatures étant soumises à la commissio secondaire qui examine les aptitudes de chaque candidat à occuper le poste à pourvoir et formule son avis.

M. [N] produit 11 demandes de mutations, les sociétés intimées versent trois avis de la hiérarchie favorables à ses demandes, ce qui atteste que toutes les demandes du salarié n'ont pas été refusées. Par ailleurs, la fiche C01 du salarié révèle que ce dernier a bénéficié d'un nombre quasiment identique de mutations comparé aux autres salariés.

Ainsi,

- la fiche C01 du salarié mentionne 4 mutations soit pour convenance personnelle, soit sur appel de candidatures ainsi que 6 avancements au choix.

-la fiche C01 de Mme [L] indique 4 mutations, soit pour convenance personnelle soit pour appel à candidature et 9 avancements au choix.

-la fiche C01 de M. [Z] mentionne 4 mutations sur appel de candidatures et 9 avancements au choix.

-la fiche C01 de M. [E] indique 6 mutations sur appel de candidatures et 7 avancements au choix.

Les dispositions du décret approuvant le statut national du personnel des industries électriques et gazières en son annexe article 11 prévoient que les « commissions secondaires tiendront compte des directives de la commission supérieure nationale » pour émettre les avis concernant les candidatures un emploi.

Le fait que M. [N] n'ait pas été choisi sur tous les postes sollicités n'est donc pas le signe d'une inégalité de traitement puisque plusieurs candidats se présentent sur les postes à pourvoir et que la direction choisit le candidat en fonction de l'aptitude et des compétences de chacun mais également des directives.

M. [N] ne peut donc valablement soutenir qu'il se voyait refuser toutes ses demandes et il a eu les mêmes possibilités de mutation que les autres salariés.

Concernant les demandes de congés, les éléments produits établissent que du mois de janvier au mois de juin 2007, le salarié a été en arrêt maladie et a demandé à ne plus travailler à la BO Calanque. Il a été affecté à la BO étoile par courrier du 25 juin 2007 puis il a bénéficié d'une décision de transfert en novembre 2007 afin de tenir compte des préconisations du médecin du travail lors de la visite de pré-reprise du 21 juin 2007 (pas de travail en horaires atypiques).

Le salarié a demandé à partir en congés la semaine suivant sa reprise, demande mise en attente, la direction n'ayant pas encore examiné l'ensemble des demandes. Le salarié a ensuite sollicité l'intégralité du mois de juillet 2007 en congés annuels et obtenu satisfaction pour la période du 23 juillet au 27 juillet 2007. Les deux autres demandes d'absence ont été rejetées pour raison de service, le salarié en poste se retrouvant seul et la quatrième demande avait déjà été programmée, de sorte qu'il ne ressort pas de ces éléments que M. [N] ait eu à subir des décisions injustifiées concernant ses congés.

L'inégalité de traitement au regard des refus de mutation ou de congés au regard des autres salariés n'est pas rapportée compte tenu des éléments objectifs produits par l'employeur.

Sur la comparaison des situations professionnelles

La convention collective de 31 mars 1982 relative à la réforme de la structure des rémunérations applicables à l'ensemble des entreprises électriques et gazières à compter du 1er juillet 82 prévoit la répartition des agents selon des groupes fonctionnels (GF) correspondant au niveau hiérarchique de leur emploi, soit la catégorie exécution pour les GF1 à GF 6, la catégorie maîtrise pour les GF 7 à GF 11 et la catégorie cadre à partir du GF 12 à GF 19.

Au vu des témoignages produits, M. [Z] et Mme [L] ont exercé des missions similaires à celles de M. [N] au sein de l'agence d'[Localité 4] au cours des années 2010 à 2015. Toutefois l'évolution de leur carrière avant cette période avait été différente et a impacté leur rémunération, de sorte que l'appelant ne peut en tirer argument quant à une inégalité de traitement.

En effet, comme l'ont relevé les sociétés intimées, M. [N] a passé 35 ans dans l'entreprise dont 28 ans dans le collège exécution ( GF1 à GF 6) et 7 ans dans le collège maîtrise (GF 7 à GF 11), alors que M. [Z] a passé 36 ans dans l'entreprise dont 7 ans dans le collège exécution et 29 ans dans le collège maîtrise. Cette différence a nécessairement entraîné une rémunération plus importante pour M. [Z] et Mme [L] puisque M. [N] est passé dans le groupe fonctionnel GF7 en 2009 alors que M. [Z] y était déjà en1982 et Mme [L] dès 1985.

Par ailleurs, les dispositions conventionnelles prévoient des échelons d'ancienneté avec des coefficients majorateurs du traitement qui modifient également la rémunération, chaque salarié évoqué par l'appelant ayant dans leur GF des niveaux d'échelons différents.

Le courrier d'orientation des rémunérations d'ERDF du 26 janvier 2015 a précisé aux managers et à la filière RH le sens donné par ERDF aux décisions prises en matière de rémunération ainsi que les dispositions concrètes pour leur mise en application tant pour les avancements au choix (AC) que pour les promotions en GF, rémunération de la performance (RCP) et rétribution de la charge de travail et des déplacements (RCTD).

Les modalités d'attribution des promotions en GF devant renforcer la mobilisation des salariés et la mobilité. Le changement de GF constitue ainsi une promotion et une reconnaissance du travail du salarié entraînant pour ce dernier un gain de 2 NR.

La cour relève concernant la mobilité que M. [N] après son départ de [Localité 10] n'a demandé de 1986 à 2009 que des mutations sur [Localité 9] puis est resté sur [Localité 4].

M. [Z] était sur [Localité 11], il a demandé une mutation à [Localité 8] sur l'agence de [Localité 6], puis à [Localité 4].

Mme [L] a été mutée sur des agences de [Localité 7] à [Localité 5], puis à [Localité 8] à l'agence de [Localité 6] et à [Localité 4].

M. [E] qui a exercé un emploi différent en tant que gestionnaire du patrimoine ne peut être soumis à la comparaison.

En conséquence, il est démontré que le salarié est resté dans le département des Bouches du Rhône et n'a donc pas fait preuve que d'un mobilité modérée en comparaison avec M. [Z] et Mme [L] qui ont fait leur carrière dans plusieurs départements.

Concernant l'investissement et la mobilisation du salarié, les évaluations produites mentionnent que si ce dernier avait acquis des compétences et avait atteint ses résultats, une plus grande participation lui était demandée avec des points spécifiques à travailler (reportings, changement d'image de personne 'pépère' EAP 2013 et 2014 ).

En l'absence des évaluations des autres salariés, ces informations ne peuvent donner qu'une simple indication de l'appréciation du salarié dans le cadre de son travail.

Au regard de l'ensemble de ces éléments objectifs, l'inégalité de traitement au regard de la situation professionnelle et en comparaison avec les autres salariés n'est pas rapportée.

Concernant l'attribution des NR

L'avancement correspond au passage à l'intérieur d'un même groupe fonctionnel d'un niveau de rémunération à celui immédiatement supérieur et la promotion correspond au passage à un GF supérieur entraînant le gain de deux NR.

En ce qui concerne la rémunération, l'accord national sur l'évolution salariale dans les industries électriques et gazières a modifié la classification antérieure à partir de l'année 2006 mettant en place des niveaux de rémunération (NR) intermédiaire avec une progression de cinq points en cinq points à partir du NR 10 jusqu'au NR 360.

L'appelant estime que la différence de NR est constitutive d'une inégalité de traitement par rapport à ses collègues de travail puisque qu'en 2013, il était à NR 105, M. [Z] à NR 155 et Mme [L] à NR 130, ces derniers ayant bénéficié de 125 points au moment de leur départ alors que lui n'en avait obtenu que 90. Il indique que lorsqu'il a été promu en janvier 2009 au poste de cartographe au sein de l'agence d'[Localité 4] il aurait dû bénéficier, lors de cette mutation, d'un changement de GF5 à GF 6 ce qui n'a pas été le cas.

Il explique également concernant cette mutation qu'il aurait fait l'objet d'une rétrogradation lors de sa mutation en 2009 lors de son changement de poste à [Localité 4] puisque passant du du GF 5 à 7 il aurait du voir son classement à NR 110 conformément au courrier reçu le 14 septembre 2009.

M. [N] soutient enfin que ses collègues de travail et notamment M. [Z] bénéficiait d'avantages particuliers tels qu'un véhicule de service et des frais de repas, ce qui n'était pas son cas.

L'examen de la fiche C01 indique toutefois que M. [N] n'a pas été « promu » au service cartographie puisque ce dernier a fait l'objet d'une mutation d'office pour nécessités du service, ce qui n'entraîne pas d'avancement.

Ce n'est que lorsque qu'il a bénéficié d'une mutation sur appel de candidatures le 7 juillet 2009 en tant que préparateur, opérateur d'exploitation et travaux qu'il a bénéficié d'une promotion, ce qui résulte de son passage au GF7 au vu du courrier du 1er décembre 2009 avec effet rétroactif au 1er juillet 2009. L'inégalité de traitement n'est pas rapportée.

La cour constate au vu de la fiche C01 du salarié qu'au mois de juillet 2009, M. [N] est passé de la position M3E de la plage H avec un GF 05 et NR 90 à la plage G avec un GF 07 et NR 100, de sorte que l'augmentation de NR 90 à NR100 compte tenu de la progression de cinq points en cinq points correspond au cadre conventionnel applicable, la direction d'ERDF ayant adressé le 1er décembre 2009 un courrier annulant et remplaçant le courrier du 14 septembre 2009 qui indiquait par erreur un passage de NR 100 à NR 110. L'inégalité de traitement n'est pas rapportée.

Les dispositions conventionnelles prévoient non pas la mise à disposition de véhicule mais des indemnités de déplacement lors des déplacements professionnels des salariés. À titre d'exemple, les bulletins de salaire de M. [N] mentionnent la somme de 10'390,12 € à ce titre pour le mois de mai 2016, Mme [L] mentionnent pour le mois de juin 2015 la somme de 9129,27 € et M. [Z] la somme de 12'811,32 au mois de septembre 2013, ce qui permet d'établir que les salariés prenaient leur propre véhicule et étaient indemnisés de leurs autres frais (hébergement).

Quant à la prise en charge des repas, elle relève de dispositions spécifiques lorsque les salariés sont en déplacement professionnel loin de leur domicile et pendant les heures normales de repas.

La cour constate que M. [N] n'établit pas que M. [Z] bénéficiait d'un véhicule de service ou que tous ses frais de repas étaient pris en charge alors qu'il ne se trouvait pas dans les conditions prévues par les dispositions conventionnelles.

L'inégalité de traitement invoquée par l'appelant au regard de la rémunération en comparaison avec les autres salariés n'est donc pas rapportée compte tenu de ces éléments objectifs.

En conséquence, il convient de confirmer la décision déférée qui a débouté M. [N] de sa demande indemnitaire au titre de l'inégalité de traitement.

III- Sur les frais et dépens

M. [N] qui succombe doit s'acquitter des dépens d'appel, être débouté de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile et à ce titre condamné à payer aux intimés la somme de 1000 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme, dans ses dispositions soumises à la cour, le jugement entrepris,

Déboute M. [M] [N] de l'intégralité de ses demandes,

Le condamne à payer la SAS ENEDIS et la SA (GRDF) Gaz Réseau de Distibution France la somme globale de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M.[N] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 18/12033
Date de la décision : 16/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-16;18.12033 ?
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