La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/12/2022 | FRANCE | N°18/11216

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 16 décembre 2022, 18/11216


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 16 DECEMBRE 2022



N°2022/ 220





RG 18/11216

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCWYP







[D] [F]





C/



SA MEDIAPOST

















Copie exécutoire délivrée

le 16 décembre 2022 à :



- Me Fabrice ANDRAC, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Sylvie NOTEBAERT-CORNET, avocat au barreau de MARSEILLE


<

br>







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 05 Juin 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/01586.







APPELANTE



Madame [D] [F], demeurant [Adresse 2]



représentée par Me ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 16 DECEMBRE 2022

N°2022/ 220

RG 18/11216

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCWYP

[D] [F]

C/

SA MEDIAPOST

Copie exécutoire délivrée

le 16 décembre 2022 à :

- Me Fabrice ANDRAC, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Sylvie NOTEBAERT-CORNET, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 05 Juin 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/01586.

APPELANTE

Madame [D] [F], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Fabrice ANDRAC, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Anne LAMARCHE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SA MEDIAPOST, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Sylvie NOTEBAERT-CORNET, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Octobre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargées du rapport.

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2022.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

A compter du 17 juillet 2006, Mme [D] [F] a été embauchée en qualité de distributrice par la société Mediapost, selon contrat à durée indéterminée à temps partiel modulé à raison de 34,66 heures par mois. Le 5 juillet 2007, la salariée a démissionné.

Le 13 août 2007, Mme [F] a été de nouveau engagée suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel modulé pour une durée mensuelle de travail de 52 heures.

Par avenant du 29 avril 2008, son temps de travail mensuel était porté à 65 heures.

La relation de travail était régie par la convention collective des entreprises de la distribution directe du 9 février 2004, étendue par arrêté du 16 juillet 2004.

Au cours de l'année 2009, Mme [F] a été placée en arrêt maladie et n'est plus revenue dans l'entreprise.

Lors de la 1ère visite de reprise du 6 décembre 2012, la médecine du travail a rendu l'avis suivant :« Inapte temporaire. Reclassement à envisager à un poste sans contraintes de marche, de port de charges, de gestes répétés. »

Le 20 décembre 2012, la médecine du travail indiquait :« 2ème visite d'inaptitude au poste de distributrice conformément à l'article R.4624-31 du code du travail. Etude des conditions de travail dans l'entreprise réalisée le 10 décembre 2012. Reclassement recommandé à un post sans contraintes de port de charges, de marche, de gestes répétés, à temps partiel exemple : employé de bureau. »

Par lettre recommandée du 25 mars 2013, la salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Selon requête du 1er avril 2014, Mme [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille notamment aux fins de contestation de ce licenciement.

Après radiation du 8 septembre 2015, l'affaire a été remise au rôle le 30 juin 2017.

Le 5 juin 2018, le conseil de prud'hommes a rendu son jugement en ces termes :

«DEBOUTE Mme [F] de sa demande en requalification du contrat de travail en contrat à temps complet

DEBOUTE Mme [F] de sa demande au titre de travail dissimulé

DEBOUTE Mme [F] de sa demande en dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

DEBOUTE Mme [F] de sa demande au titre d'indemnité compensatrice de préavis

DEBOUTE Mme [F] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

CONSTATE que le licenciement pour inaptitude repose sur une cause réelle et sérieuse

CONDAMNE la SA Médiapost à verser à Mme [F] la somme de 1 500€ au titre de la non communication du détail de la liste de reclassement

DEBOUTE la SA Médiapost de sa demande reconventionnelle

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes

CONDAMNE la partie défenderesse aux entiers dépens.»

Le 4 juillet 2018, le conseil de Mme [F] a interjeté appel de la décision.

L'affaire a été audiencée le 3 mai 2022 mais les parties ont demandé un rabat de l'ordonnance de clôture, afin de pouvoir échanger du fait d'arrêts de la Cour de cassation rendus récemment, et l'affaire a été renvoyée au 11 octobre 2022.

Dans ses dernières conclusions, transmises par voie électronique le 7 septembre 2022, Mme [F] demande à la cour de :

Réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Marseille sauf en ce qu'il a octroyé la somme de 1500€ pour absence de détail des recherches de reclassement

Statuant à nouveau,

Juger que le contrat de travail de Mme [F] doit être qualifié en un contrat de travail à temps complet

Condamner la société Médiapost au paiement des sommes suivantes :

- 23 040€ à titre de rappels de salaire

- 2 304€ de congés payés afférents

- 7600€ pour exécution fautive du contrat de travail

- 7 600€ pour travail dissimulé

Juger le licenciement dont a fait l'objet Mme [F] le 25 mars 2013 comme étant sans cause réelle et sérieuse

Condamner la société Médiapost au paiement des sommes suivantes :

- 30 700€ à titre de dommages et intérêts

- 2 557,96€ au titre du préavis

- 255,79€ à titre de congés payés afférents

A titre subsidiaire, si la cour ne retenait pas la demande de requalification du contrat de travail en un temps complet il conviendra de condamner la société Médiapost au paiement des sommes suivantes :

- 16 000€ à titre de dommages et intérêts

- 1 280€ au titre du préavis

- 128€ à titre de congés payés afférents

Juger que les créances salariales porteront intérêt au taux légal à compter de la demande en justice

Condamner la société Médiapost, au paiement de la somme de 3 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens

Ordonner la capitalisation des intérêts

Ordonner la rectification des documents sociaux.

Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 19 septembre 2022, la société Médiapost demande à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la société Médiapost à verser à Mme [F] la somme de 1 500€ pour absence de détails des recherches de reclassement

En conséquence,

Débouter Mme [F] de sa demande en requalification du contrat de travail en contrat à temps complet

Débouter Mme [F] de la demande formulée au titre de l'indemnité pour travail dissimulé

Débouter Mme [F] de la demande en dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

Constater que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de Mme [F] repose sur une cause réelle et sérieuse

En conséquence,

Débouter Mme [F] de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

Débouter Mme [F] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En tout état de cause,

Réduire le montant de l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 1 225,92€ brute

Réduire le montant des dommages et intérêts à la somme de 3 677,76 euros

Condamner Mme [F] au paiement de la somme de 2 500€ sur le fondement de l'article 700 du CPC

La condamner aux entiers dépens.

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la demande de requalification du contrat de travail à temps complet

Mme [F], après avoir présenté le métier de distributeur, le système de pré-quantification crée par l'entreprise, sur le fondement d'un constat d'huissier et d'un rapport des conseillers prud'homaux, expose que les temps de travail établis par l'employeur ne peuvent en aucun cas être réalisés par les distributeurs.

Elle en conclut qu'elle n'effectuait pas un temps partiel, les temps de travail réalisés étant plus que doublés pour chaque phase et les salaires dès lors non conformes.

Elle indique que l'employeur ne fournit aucun élément s'agissant des heures de travail effectuées s'appuyant sur le raisonnement de la Cour de cassation dans un arrêt de cassation partielle du 13 avril 2022 concernant M. [S], justifiant qu'il soit fait droit à l'intégralité de ses demandes.

Elle explique en effet qu'elle cumule les trois critères relatifs à sa mise à disposition permanente de l'employeur, rappelant qu'elle ne connaissait absolument pas ses horaires puisqu'elle découvrait sa feuille de route en se rendant au dépôt de la société.

L'employeur rappelle que la convention collective définit précisément le statut particulier du distributeur qui est rémunéré sur la base d'une préquantification du temps de travail en fonction des caractéristiques attachées aux documents distribués et au secteur desservi.

Il précise que ce système a été validé par le décret du 4 janvier 2007 puis celui du 8 juillet 2010.

Il indique que le temps de travail des distributeurs qui évoluent en dehors de tout contrôle de l'employeur et en totale liberté, est calculé a priori sur la base de critères objectifs et précis, négociés et déterminés par les partenaires sociaux, et que le moyen de preuve est la feuille de route.

Il conteste les conclusions du rapport des conseillers prud'homaux, résultat de simples allégations, comme le constat d'huissier ne concernant pas l'appelante, éléments non retenus par la cour de céans dans l'arrêt du 13 septembre 2019 concernant la soeur de Mme [F], dont le pourvoi a été rejeté récemment.

Il produit des procès-verbaux de vérification paritaire des temps de distribution (pièces 36 à 43) démontrant que le temps de travail préquantifié et rémunéré correspond bien au temps de distribution réel.

Il indique que Mme [F] n'était pas à sa disposition permanente, puisque comme l'ensemble des distributeurs, la salariée se voyait remettre un planning indicatif des périodes de modulation ainsi que le planning prévisionnel hebdomadaire pour la semaine suivante, mais indique ne pouvoir fournir ces éléments, 8 ans après les dernières distributions effectuées par l'appelante.

Aux termes du contrat à effet du 13 août 2007, il était prévu :

- au titre de la durée et de la répartition du temps de travail :

«L'horaire mensuel moyen de Mme [F] est fixé à 52,00 heures.

Cette durée pourra varier de plus ou moins 17 heures (le tiers de la durée prévue) conformément à l'article 1.2, chapitre IV de la convention collective.

Conformément à l'accord de modulation du temps de travail, Mme [F] exercera ses fonctions selon des alternances de périodes de forte, moyenne et faible activité afin de faire face aux fluctuations d'activité de la société.

La répartition du travail de Mme [F] se fera, en fonction de ses jours de disponibilité, sur :

- 5 jours au maximum dans les semaines considérées comme fortes,

- 4 jours au maximum dans les semaines considérées comme moyennes,

- 3 jours au maximum dans les semaines considérées comme faibles.

Un calendrier indicatif indiquant la répartition du temps de travail sur l'année, sur la base de fourchettes de temps, sera communiqué à Mme [F] au moins 15 jours avant le début de chaque période de modulation.

Dans tous les cas, le programme horaire sera conforme aux jours et heures de disponibilité déclarés par Mme [F] et figurent dans son dossier administratif.

Chaque semaine il sera remis à Mme [F] le nombre d'heure précis pour la semaine suivante.

Le nombre d'heures précis sera inscrit dans les feuilles de route remises aux distributeurs avant chaque distribution.

La signature par Mme [F] de la feuille de route vaut acceptation de sa part des éléments qui la composent, et notamment du temps d'exécution correspondant à la distribution.»,

- au titre de la modification des horaires de travail :

«Conformément à l'accord de modulation et à l'article 1 du chapitre IV de la convention collective, le calendrier indicatif, tel que visé à l'article «Répartition de la durée du travail» ci-dessus, peut être modifié sous réserve d'un délai de prévenance de 7 jours ouvré, délai pouvant être exceptionnellement réduit à 3 jours ouvrés, afin de faire face à des variations d'activités modifiant la qualification de la semaine.

Pour faire face à des situations imprévues ou des contraintes exceptionnelles, ce délai de trois jours peut être réduit, avec l'accord de Mme [F] dans les cas suivants :

- surcroît temporaire d'activité,

- travaux urgents à accomplir dans un délai limité,

- absence d'un ou plusieurs salarié(s).

Dans le cas de telles modifications, Mme [F] sera informé, par tous moyens à la disposition de son responsable hiérarchique, de la modification de la programmation indicative, au plus tôt dès le bouclage de la planification de la distribution .

En outre, Mme [F] bénéficiera d'une contrepartie attribuée conformément à l'accord de modulation.»

L'avenant applicable à compter du 1er mai 2008 a fixé l'horaire mensuel moyen de Mme [F] à 65 heures avec une variation possible de 21 heures et porté sa rémunération à la somme de 551,17 euros bruts mensuels, les autres éléments du contrat initial restant inchangés.

Le contrat de travail de l'appelante est soumis aux dispositions conventionnelles après entrée en vigueur de la convention collective nationale de la distribution directe intervenue le 1er juillet 2005 et l'accord de modulation du temps de travail signé le 22 octobre 2004.

Dans ce type de contrat , la mention de la répartition entre les jours de la semaine ou les semaines du mois n'est pas exigée.

L'article 2.2.2. relatif au temps plein modulé et l'article 2.2.3 relatif au temps partiel modulé disposent que le décompte du temps de travail effectué par chaque salarié est récapitulé grâce aux feuilles de route ou bons de travail et par application des dispositions de la grille de correspondance de la convention (annexe III). Un récapitulatif mensuel est annexé au bulletin de paie.

En application de ces dispositions conventionnelles générales, l'annexe III détaille la quantification et la rémunération selon les tâches à effectuer : attente et chargement (rémunérés sur la base d'un forfait d'un quart d'heure), préparation des poignées qui se décline selon le nombre de documents par poignée, temps de déplacement du dépôt vers le secteur attribué, frais de déplacement, cadence de distribution qui est calculée selon le nombre de boîtes aux lettres à distribuer, du poids de la poignée et de la typologie du secteur où s'effectue la distribution .

L'ensemble de ces données sont extrêmement précises et détaillées, elles sont assurément basées sur des critères objectifs dont l'application ne dépend donc pas de la seule société.

Les feuilles de route ne font que reprendre le temps de travail pré-quantifié pour chaque tâche tel que défini par la convention collective et son annexe III.

La cour relève que les éléments produits par Mme [F] ne peuvent que concerner l'existence d'heures de travail accomplies ou leur nombre, et sont donc étrangers à la question de la preuve distincte du maintien de façon permanente du salarié à la disposition de son employeur.

Le système de préquantification mis en place par ces accords est destiné à pallier l'absence de tout contrôle sur l'activité des distributeurs qui organisent leur temps de travail comme ils l'entendent, la remise d'une feuille de route pour chacune des tournées n'entraînant pas l'impossibilité pour le salarié de déterminer les moments pendant lesquels il peut vaquer à ses occupations.

Or, la salariée n'a jamais contesté pendant l'exécution du contrat de travail soit sur un peu plus de deux ans, avoir reçu chaque année un calendrier prévisionnel d'activité, avoir été informée chaque semaine de sa durée du travail ni les annexes aux bulletins de salaire donnant le récapitulatif de sa durée moyenne d'activité.

Par ailleurs, Mme [F] ne nie pas que le temps de travail stipulé au contrat était un temps partiel modulé dont la finalité est de permettre la variation, à la hausse ou à la baisse, sur tout ou partie de l'année, de la durée hebdomadaire ou mensuelle indiquée dans le contrat de travail à condition que, sur un an, ladite durée n'excède pas, en moyenne, la durée stipulée au contrat.

La salariée s'étant rendue au dépôt les jours choisis par elle, a joui d'une grande liberté d'organisation dans l'exécution de son travail et ses bulletins de salaire comme les feuilles de route présentées par l'employeur - la salariée n'en produisant aucune -démontrent que la durée mensuelle et hebdomadaire de travail a été constante et répartie sur les mêmes jours de la semaine, correspondant aux disponibilités déclarées par elle , de sorte qu'elle n'a pas été placée dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et dès lors, n'a pas été tenue d'être constamment à la disposition de l'employeur.

En conséquence, la demande de requalification à temps complet doit être rejetée.

Sur les rappels de salaire

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné,

en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

La salariée indique que grâce au rapport des conseillers rapporteurs et au constat d'huissier, il est facile d'opérer une projection réelle des temps de travail de chaque phase, aboutissant au double du temps calculé par l'employeur, soit 13h15 sur une journée.

Elle demande en conséquence à la cour de retenir le double de sa rémunération moyenne par mois, soit 1 280 euros, et de lui allouer la somme de 23 040 euros en sus de celle perçue de 32 322,13 euros sur les cinq années précédant la saisine du conseil de prud'hommes.

Il convient de relever que la quantification préalable de l'ensemble des missions confiées et accomplies par le distributeur, dans le cadre de l'exécution de son métier, en fonction des critères associés à un référencement horaire du temps de travail prévue par l'article 2.2.1.2 du chapitre IV de la convention collective nationale de la distribution directe ne peut, à elle seule, satisfaire aux exigences de l'article sus-visé.

Cependant, le rapport établi par les conseillers prud'hommes le 23 janvier 2013 dans le cadre de contentieux concernant d'autres salariés (pièce n°25 de la salariée) correspond davantage à une découverte du fonctionnement d'une plate-forme et de l'activité de distributeur, aucun décompte précis du temps passé n'ayant été effectué, et n'apporte en tout état de cause aucun élément sur la situation particulière de Mme [F] - laquelle n'était plus à cette date dans l'entreprise -, permettant de venir étayer une sous-évaluation du temps de travail de celle-ci.

Il en est de même du constat d'huissier produit en pièce n°24, lequel s'il a fait ressortir un temps estimé d'assemblage et de distribution des documents plus important que celui déterminé par l'employeur, concerne une feuille de route relative à un secteur que la salariée n'a jamais distribué et sur la base d'une exécution de tâches réalisées le 7 juillet 2016 - soit plus de sept ans après les dernières distributions accomplies par l'appelante -, et au demeurant par un autre distributeur M. [S].

Dès lors, la cour constate que la salariée n'a pas fourni d'éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies, ne produisant en outre aucun décompte sur les jours et périodes concernés, afin de permettre à l'employeur d'y répondre en produisant ses propres éléments.

En conséquence, elle doit être déboutée de sa demande de rappels de salaire.

Sur l'exécution fautive du contrat de travail

Au visa de l'article L.122l-1 du code du travail, Mme [F] fait valoir que l'employeur a «exploité au maximum les distributeurs en ne les rémunérant pas de l'intégralité des heures effectuées».

Celui qui réclame l'indemnisation d'un manquement doit prouver cumulativement l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

Or, en l'espéce, il a été jugé que la sous-évaluation du temps de travail au cas particulier de l'appelante n'était pas caractérisée de sorte que la faute de la société n'étant pas établie, la demande de dommages et intérêts ne peut qu'être rejetée.

Sur le travail dissimulé

L'article L.8221-5-2° du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

En l'espèce, la cour n'a pas retenu l'exécution d'heures complémentaires ou une durée du travail à temps complet et l'intention frauduleuse n'est pas caractérisée, de sorte que la demande indemnitaire de Mme [F] doit également être rejetée.

Sur l' obligation de reclassement

Mme [F] soutient qu'aucune proposition sérieuse de reclassement ne lui a été faite alors qu'elle avait indiqué sa volonté de rester dans les effectifs de la société en qualité d'employée de bureau, correspondant aux préconisations de la médecine du travail et que la société fait partie d'un groupe.

La société expose que lors d'un entretien du 17 janvier 2013, elle a remis à Mme [F] la liste de l'ensemble des postes disponibles mais qu'aucun n'a été identifié comme étant susceptible de permettre son reclassement compte tenu des préconisations du médecin du travail.

Elle ajoute avoir sollicité l'ensemble des sociétés du groupe pour connaître les solutions de reclassements possibles, sans obtenir de réponse positive.

L'article L.1226-2 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce, prévoit : «Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.»

Il résulte des éléments produits aux débats que conformément à l'accord d'entreprise du 28 mai 2009, suite à l'avis d'inaptitude définitif à l'emploi de distributeur émis par la médecine du travail le 20 décembre 2012, la salariée a été convoquée à un entretien de reclassement le 17 janvier 2013 au cours duquel elle a émis le souhait d'être reclassée sur un poste de bureau type accueil et standard à temps partiel, précisant ne pas être mobile et vouloir rester sur la commune de [Localité 3].

La société lui a remis la liste des postes disponibles au sein de la société sur l'ensemble de la France, ainsi qu'au sein de la Poste sur le département des Bouches du Rhône, et a réitéré cette démarche par courriers des 5 et 14 février 2013.

C'est à tort et par une motivation inappropriée que le conseil de prud'hommes a condamné la société à payer une somme au titre de la non communication du détail de la liste de reclassement, aucun fondement textuel ne pouvant s'appliquer et aucune demande n'étant faite à ce titre par la salariée.

La société a bien précisé tant lors de l'entretien que dans ses lettres qu'elle n'avait pas identifié parmi ces postes, un poste conforme aux préconisations de la médecine du travail soit «un poste sans contraintes de port de charges, de marche, de gestes répétés, à temps partiel exemple : employé de bureau.»

La société démontre que les postes disponibles au sein de l'entreprise étaient ceux de:

- pilote machine, magasinier, préparateur manutentionnaire, chef d'équipe, pilote d'équipe, tous postes incompatibles avec les restrictions médicales sus-vises,

- responsable développement commercial entreprises, chargé de satisfaction client régional, chargé de mission rh, attaché commercial, responsable ressources humaines, responsable animation des IRP, directeur régional des ventes, directeur régional de la production, directeur régional des ressources humaines, assistant maîtrise d'ouvrage, technicien logistique multi-sites, chargé de relation clients, chargé de campagne marketing, chargé de relation clients grands comptes, chargé de reporting, contrôleur de gestion groupe, responsable planning stratégique, chargé d'études senior, ingénieur d'études Oracle EBS, responsable de plate-forme dispersion et méca, responsable contrôle de gestion opérationnel, responsable service clients, responsable de plate-forme, commercial grands comptes nationaux,

tous postes pour lesquels la salariée n'avait pas les compétences nécessaires, qu'une formation ne lui permettait pas d'acquérir.

Elle justifie également avoir présenté à Mme [F] les postes disponibles au sein du groupe La Poste dont elle fait partie, avec les mêmes observations, quant à leur incompatibilité.

Par ailleurs, il est constant que dès le lendemain de l'entretien dédié, l'employeur a sollicité par mail l'ensemble des entités du groupe (pièce n°8), la cour relevant que ce courriel s'il avait un caractère général par ses destinataires, était personnalisé reprenant les préconisations de la la médecine du travail , les postes sur lesquels Mme [F] pouvait être positionnée et était accompagné du CV de la salariée.

Par ailleurs, la société produit les réponses négatives obtenues (pièces n°12).

Au regard de ces éléments, la cour dit que la société n'a pas failli dans son obligation de reclassement et déboute Mme [F] de ses demandes liées à la rupture du contrat de travail.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré SAUF en ce qu'il a condamné la société Mediapost à payer

à Mme [D] [F] la somme de 1 500 euros pour absence de détail des recherches de reclassement,

Statuant à nouveau du chef infirmé et Y ajoutant,

Dit que la société Mediapost n'a pas failli en son obligation de reclassement,

Déboute Mme [F] de l'ensemble de ses demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [F] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 18/11216
Date de la décision : 16/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-16;18.11216 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award