La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/12/2022 | FRANCE | N°18/08129

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 16 décembre 2022, 18/08129


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 16 DECEMBRE 2022



N°2022/ 218





RG 18/08129

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCNVO







[P] [M]





C/



[B] [Z] [O]

Association CGEA DE [Localité 3]





















Copie exécutoire délivrée

le 16 décembre 2022 à :



- Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE





- Me Stép

hanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 20 Avril 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F 17/00848.







APPELANT



Monsieur [P] [M], demeur...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 16 DECEMBRE 2022

N°2022/ 218

RG 18/08129

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCNVO

[P] [M]

C/

[B] [Z] [O]

Association CGEA DE [Localité 3]

Copie exécutoire délivrée

le 16 décembre 2022 à :

- Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 20 Avril 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F 17/00848.

APPELANT

Monsieur [P] [M], demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Pierre MICHOTTE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Maître [B] [Z] [O], Liquidateur judiciaire de la 'Société LK TRANS', demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE

Association CGEA DE [Localité 3], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Octobre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargées du rapport.

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2022.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

La société LK TRANS ayant son siège social à Vienne (38) dont l'activité était le transport routier de frêt, a été créée le 26 mars 2015, immatriculée le 24 avril 2015 et liquidée par jugement du 1er décembre 2015 du tribunal de commerce de Vienne.

Cette société avait embauché M. [P] [M] selon contrat de travail à durée indéterminée du 11 mai 2015, en qualité de chauffeur coefficient 138 M groupe 6, avec un salaire brut mensuel de 1 990 euros pour 39 heures hebdomadaires.

Par lettre du 24 juillet 2015, le salarié a donné sa démission.

Par lettre recommandée du 17 septembre 2015, M.[M] a rétracté sa démission, indiquant avoir été contraint de démissionner en raison du non paiement par l'employeur de l'intégralité de sa rémunération.

Par requête du 18 janvier 2016, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille.

Selon jugement du 20 avril 2018 le conseil de prud'hommes a débouté M.[M] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Le conseil de M.[M] a interjeté appel par déclaration du 14 mai 2018.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 31 juilet 2018, M.[M] demande à la cour de :

«Réformer le jugement déféré

Et statuant à nouveau :

Requalifier la démission forcée en une prise d'acte de la rupture aux torts exclusifs de la Société LK TRANS

Et par conséquent

Fixer au passif de la Société LK TRANS, la créance de Monsieur [M] ainsi décomposée :

- 2 441.00 € Absence de visite médicale d'embauche

- 5 002.50 € Rappel de salaires

- 500.00 € Incidence congés payés

- 14 646.00 € DI au titre du travail dissimulé

- 3 000.00 € Requalification d'une démission équivoque et forcée en un licenciement sans cause réelle ni sérieuse

- 2 141.00 € DI au titre de l'irrégularité de procédure

- 563.74 € Indemnité compensatrice de préavis

- 56.00 € Incidence congés payés y afférents

- 1 841.86 € Paiement du solde de tout compte

- 2 500.00 € Article 700 du NCPC distrait au profit de MB AVOCATS

Condamner l'employeur sous astreinte de 100 € par jour de retard à :

Délivrer I'intégralité des documents de rupture portant la mention

Délivrer un bulletin de salaire rectificatif mentionnant les sommes allouées judiciairement

Bulletin de salaire du mois de juin 2015

Dire et juger que la juridiction de céans se réservera le droit de liquider l'astreinte

Dire et juger que le montant des condamnations portera intérêts de droit à compter du jour de l'introduction de la demande en justice avec capitalisation des intérêts

Condamner l'employeur aux dépens

Dire et juger que la moyenne des salaires s'élève à la somme totale de 2 441.00 €.»

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 20 août 2022, la SELARL ALLIANCE MJ représentée par Maître [O] ou Maître [O]-[T] demande à la cour de :

Confirmer le jugement en toutes ses dispositions.

Subsidiairement :

Dire et juger que le rappel de salaire devra être fixé à 3 714, 52 euros avec une incidence de congés payés de 371,45 euros.

Débouter M.[M] de ses demandes de dommages et intérêts pour travail dissimulé, défaut de visite médicale d'embauche et pour irrégularité de procédure.

Diminuer dans de très importantes proportions le montant des dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Débouter M.[M] de l'ensemble de sa demande d'astreinte.

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 20 août 2022, l'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 3] a conclu dans les mêmes termes.

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE L'ARRÊT

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur l'exécution du contrat de travail

1- Sur le rappel de salaires

L'appelant réclame la somme brute de 5 002,50 euros correspondant au solde des salaires impayés pour la période du 11 mai au 31 juillet 2015, précisant qu'il n'a jamais été rémunéré depuis le début du contrat, n'ayant perçu qu'un chèque de 1 100 euros établi le 11 juin 2015 au nom personnel du gérant M. [Y] [F], qui a été déduit.

La cour constate que les deux seuls bulletins de salaire produits aux débats sont de mai et juillet 2015 et que la mention «payé par chèque» sans aucun élément démontrant l'effectivité du paiement de la part de l'employeur, justifie de faire droit à la demande de M.[M].

Toutefois ce dernier calcule un salaire de référence erroné basé sur un bulletin de salaire de juillet comprenant l'indemnité compensatrice de congés payés, réclame le salaire de juilLet alors même qu'il est déjà inclus dans le solde de tou compte, objet d'une demande distincte, a soustrait un montant net à un salaire brut, étant précisé que pour juin 2015, à défaut de bulletin de salaire produit, la cour se réfère à la somme mentionnée sur l'attestation Pôle Emploi délivrée par l'employeur.

En conséquence, la créance doit être fixée ainsi :

- mois de mai 2015: 1 299,09 nets - 1 100 nets = 199,09 euros nets,

- mois de juin et juillet 2015 : 2 320,50 + 2 441 = 4 761,50 euros bruts, outre l'incidence congés payés.

2- Sur la visite médicale d'embauche

A défaut pour l'employeur de justifier avoir soumis le salarié à la visite médicale d'embauche telle que prévue par l'article R. 4624'10 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-135 du 30 janvier 2012, le manquement doit être retenu mais l'appelant ne justifie pas d'un préjudice, lequel n'est ni nécessaire ni automatique.

En conséquence, il doit être débouté de sa demande à ce titre.

Sur la rupture du contrat de travail

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de la démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire, d'une démission.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

Même si la rétractation de M.[M] est intervenue deux mois après son courrier de démission du 24 juillet 2015, la cour constate que ce courrier initial est équivoque et s'apparente à une démission forcée comme invoqué par l'appelant, l'employeur ayant établi et daté les documents de fin de contrat du 23 juillet 2015, soit à une date antérieure à la lettre manuscrite de démission.

Il résulte des éléments produits que la société, en ne payant que très partiellement les salaires sur la période de moins de trois mois d'emploi, en n'ayant pas fait convoquer le salarié à la visite médicale d'embauche, a gravement manqué à ses obligations d'employeur, ce qui rend la rupture imputable à la société.

Sur les conséquences financières de la prise d'acte

Il convient de faire droit à la demande relative à l'indemnité compensatrice de préavis, la somme réclamée étant inférieure à un mois de salaire soit celle prévue par la convention collective des transports routiers.

Le salarié ayant une faible ancienneté et ne justifiant pas de sa situation professionnelle postérieure sera indemnisé pour la rupture à hauteur de 2 500 euros.

L'appelant n'est pas fondé à solliciter une indemnité pour irrégularité du licenciement.

Sur le travail dissimulé

L'article L. 8223-1 du code du travail, relatif aux droits des salariés en cas de recours par l'employeur au travail dissimulé, dispose qu' en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L'appelant, qui a la charge de la preuve, n'a caractérisé d'aucune façon l'élément matériel et délictuel, de sorte qu'il doit être débouté de sa demande.

Sur les autres demandes

Les intérêts sur les sommes allouées n'ont pas couru, la saisine du conseil de prud'hommes étant intervenue après l'ouverture de la procédure collective.

Le liquidateur devra délivrer une attestation Pôle Emploi ainsi qu'un bulletin de salaire récapitulatif, conformes à la présente décision, sans qu'il soit nécessaire de prévoir une astreinte.

La demande de «distraction de l'article 700 du code de procédure civile» faite par le conseil de M.[M] résulte manifestement d'une confusion avec les dépens et ne peut être accueillie.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme le jugement entrepris SAUF en ce qu'il a rejeté les demandes indemnitaires pour défaut de visite médicale, procédure irrégulière de licenciement et travail dissimulé,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et Y ajoutant,

Dit la démission du 24 juillet 2015 équivoque,

Dit la prise d'acte à cette date, justifiée par les manquements de l'employeur et imputable à la société LK TRANS,

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société LK TRANS, représentée par la SELARL ALLIANCE MJ (Maître [O] ou Maître [O]-[T]), les créances de M. [P] [M], aux sommes suivantes :

- la conversion en brut de la somme de 199,09 euros nets, au titre du reliquat de salaire du mois de mai 2015,

- 4 761,50 euros bruts au titre des rappels de salaire des mois de juin et juillet 2015,

- 476,15 euros au titre des congés payés afférents,

- 563,74 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 56 euros au titre des congés payés afférents,

- 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

Déclare l'UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 3] tenue à garantie pour ces sommes dans les termes des articles L.3253-8 et suivants du code du travail, en l'absence de fonds disponibles,

Dit que le liquidateur devra délivrer à M.[M] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes sus-visées et une attestation Pôle Emploi rectifiée conformément à la présente décision, mais dit n'y avoir lieu à astreinte,

Déboute M.[M] du surplus de ses demandes,

Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge de la société liquidée.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 18/08129
Date de la décision : 16/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-16;18.08129 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award