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15/12/2022 | FRANCE | N°18/16612

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 15 décembre 2022, 18/16612


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 15 DECEMBRE 2022



N° 2022/













Rôle N° RG 18/16612 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDG3M







Société MMA IARD





C/



[K] [F] [N]

[Y] [T] épouse [N]

SA FILIA MAIF

SARL ISOL SUD EST





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Richard ALVAREZ
>

Me Florent LADOUCE



Me Isabelle FICI





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 11 Septembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n°15/6171 .





APPELANTE



Société MMA IARD venant aux droits de la sa covea risks qu'elle a a...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 15 DECEMBRE 2022

N° 2022/

Rôle N° RG 18/16612 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDG3M

Société MMA IARD

C/

[K] [F] [N]

[Y] [T] épouse [N]

SA FILIA MAIF

SARL ISOL SUD EST

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Richard ALVAREZ

Me Florent LADOUCE

Me Isabelle FICI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 11 Septembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n°15/6171 .

APPELANTE

Société MMA IARD venant aux droits de la sa covea risks qu'elle a absorbee et en sa qualite de co-assureur suite a la decision n°2015c-83 de l'autorite de contrôle prudentiel du 22 octobre 2015 publiee au journal officiel du 16/12/2015

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Isabelle FICI de la SELARL LIBERAS FICI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée à l'audience par Me Maeva LAURENS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Ahmed-cherif HAMDI de la SELAS FAURE - HAMDI GOMEZ & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Monsieur [K] [F] [N]

né le 02 Avril 1967 à [Localité 6], demeurant [Adresse 5]

représenté à l'audience par Me Richard ALVAREZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [Y] [T] épouse [N]

née le 07 Février 1969 à [Localité 6], demeurant [Adresse 5]

représentée à l'audience par Me Richard ALVAREZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SA FILIA MAIF

, demeurant [Adresse 2]

représentée à l'audience par Me Richard ALVAREZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SARL ISOL SUD EST

, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Florent LADOUCE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, substitué à l'audience par Maître Fabrice FRANCOIS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 26 Octobre 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Madame Angélique NAKHLEH, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2022.

ARRÊT

EXPOSÉ DU LITIGE

Les époux [N] sont propriétaires d'une maison située [Adresse 5], assurée auprès de la société FILIA MAIF.

Le 23 juillet 2010, ils ont confié la pose d'un conduit de fumée isolé dans les combles à la société EUROPE CHARPENTE MACONNERIE.

Le 15 décembre 2010, l'installation d'un poêle à bois (type insert) dans le séjour, avec raccordement au conduit de fumée, a été réalisée par la société ACB, assurée auprès de la MAAF.

Le 21 décembre 2010, la société ISOL SUD EST, assurée auprès des MMA IARD, a réalisé les travaux d'isolation par soufflage dans les combles de l'isolant 'NITACOTON'.

Le 9 novembre 2012, vers 14 heures, un incendie s'est déclaré dans les combles de la maison, à proximité du conduit d'évacuation des fumées, entraînant la destruction de l'ensemble de la toiture et d'importants dégâts matériels à l'intérieur de la maison liés à l'incendie et à l'intervention des pompiers.

Les époux [N] ont déclaré le sinistre auprès de leur assureur FILIA MAIF.

Par actes des 30 novembre et 3 décembre 2012, les époux [N] ont sollicité en référé une mesure d'expertise afin de déterminer l'origine de l'incendie et de chiffrer l'intégralité de leur préjudice.

Par ordonnance de référé du 11 décembre 2012, Monsieur [D] a été désigné en qualité d'expert judiciaire.

Par ordonnances de référé des 5 mars et 9 juillet 2013, l'expertise a été déclarée commune

et opposable, successivement, aux sociétés MMA IARD et MAAF, et à la MAIF.

L'expert a déposé son rapport le 17 juillet 2014.

La société FILIA MAIF a indemnisé ses assurés selon quittances subrogatoires suivantes (établies entre le 22 septembre 2014 et le 13 juillet 2015):

- 75 195,22 euros au titre du préjudice mobilier,

- 256 923 euros au titre du préjudice immobilier,

- 76 756,67 euros au titre des frais de relogement pour la période allant du 11 novembre 2012 au 31 juillet 2015,

- 23 170,64 euros au titre des frais annexes (mesures d'urgence, mesures conservatoires, maîtrise d'oeuvre, assurance D0) consécutifs au sinistre.

Par actes des 13 et 19 octobre 2015, les époux [N] et la société FILIA MAIF ont fait assigner la société MMA IARD et la société ISOL SUD EST devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence aux fins d'obtenir, sur le fondement des articles 1792 et 1147 du code civil:

- leur condamnation solidaire à payer à la société FILIA MAIF la somme de 429 086,12 euros au titre de son recours subrogatoire,

- leur condamnation solidaire à payer aux époux [N] la somme de 50 000 euros en réparation de leur préjudice moral,

- leur condamnation solidaire à leur payer une indemnité de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens comprenant les frais de référé et d'expertise.

Par jugement contrdictoire du 11 septembre 2018, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, a:

- condamné solidairement la société ISOL SUD EST et la société MMA à payer à la société FILIA MAIF au titre de son recours subrogatoire les sommes de:

256 923 euros pour la remise en état du logement de Monsieur et de Madame [N],

76 756,67 euros pour les frais de relogement,

23 170,64 euros pour les frais divers,

61 218 euros au titre du remplacement du mobilier,

- rappelé que la société MMA ne peut opposer à la société FILIA MAIF ses franchises contractuelles et plafonds de garantie sur les postes susvisés mais qu'elle peut les opposer à la société ISOL SUD EST,

- condamné solidairement la société ISOL SUD EST et la société MMA à payer à Monsieur et Madame [N] 10 000 euros en réparation de leur préjudice moral,

- rappelé que la société MMA peut opposer à Monsieur et Madame [N] et à la société ISOL SUD EST ses franchises contractuelles et plafonds de garantie sur le poste susvisé,

- débouté Monsieur et Madame [N] de leur demande au titre de la remise en état de

l'allée et du jardin,

- déclaré les sociétés ISOL SUD EST et MMA infondées en leurs prétentions au titre des frais irrépétibles,

- condamné solidairement les sociétés ISOL SUD EST et MMA à payer à Monsieur et Madame [N] et à la société FILIA MAIF la somme de 4 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement les sociétés ISOL SUD EST et MMA aux entiers dépens, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire, mais à l'exclusion des frais de constat d'huissier,

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration reçue au greffe le 18 octobre 2018, la société MMA IARD a relevé appel de toutes les dispositions du jugement précité à l'exception du rejet de la demande au titre de la remise en état de l'allée et du jardin.

Par conclusions notifiées par le RPVA le 25 juin 2019, l'appelante demande à la cour:

Vu les articles 1147 et 1792 du code civil,

REFORMER le jugement déféré en ce que le premier juge:

- a déclaré la société ISOL SUD EST responsable de l'incendie et l'a condamnée à indemniser les préjudices des époux [N],

- n'a pas dit et jugé que l'origine de l'incendie du 9 novembre 2012 demeurait indéterminée,

- n'a pas dit et jugé que l'incendie litigieux ne peut être valablement imputé aux travaux

réalisés par la société ISOL SUD EST,

- n'a pas dit et jugé que les travaux réalisés par la société ISOL SUD EST ne constituent pas un ouvrage au sens des dispositions de l'article 1792 du code civil,

- a dit et jugé que les travaux de la société ISOL SUD EST entraient dans le cadre de ceux

visés à l'article 1792 du code civil et que sa responsabilité décennale est engagée de plein droit,

- n'a pas débouté la société FILIA MAIF et les époux [N] de l'ensemble de leurs

demandes, fins et conclusions,

- a condamné solidairement la société ISOL SUD EST et la société MMA IARD à payer à la

société FILIA MAIF au titre de son recours subrogatoire les sommes de:

* 256 923 euros pour la remise en état du logement des époux [N],

* 76 756,67 euros pour les frais de relogement,

* 23 170,64 euros pour les frais divers,

* 61 218 euros au titre du remplacement du mobilier,

- a rappelé que la société MMA IARD ne peut opposer à la société FILIA MAIF ses

franchises contractuelles et plafonds de garantie sur les postes susvisés mais qu'elle peut les opposer à la société ISOL SUD EST,

- condamné solidairement la société ISOL SUD EST et la société MMA IARD à payer aux époux [N] 10 000 euros en réparation de leur préjudice moral,

- a rappelé que la société MMA IARD peut opposer aux époux [N] et à la société ISOL SUD EST ses franchises contractuelles et plafonds de garantie sur le poste susvisé,

- condamné solidairement les sociétés ISOL SUD EST et MMA à payer aux époux [N] et à la société FILIA MAIF la somme de 4 000 euros au visa de l'article 700

du code de procédure civile,

- condamné solidairement les sociétés ISOL SUD EST et MMA aux entiers dépens, en ce

compris le coût de l'expertise judiciaire,

- n'a pas dit et jugé, conformément aux demandes exposées à titre infiniment subsidiaire par la société MMA IARD, que toute condamnation qui serait mise à sa charge au titre des dommages immobiliers ne saurait excéder la somme de 160 745 euros, la somme de 41 506,67 euros au titre des frais de relogement et la somme de 22 305 euros au titre des frais annexes, sous déduction de la franchise,

- a déclaré les sociétés ISOL SUD EST et MMA infondées en leurs prétentions au titre des

frais irrépétibles et n'a pas condamné la société FILIA MAIF et les époux [N] à

verser à la société MMA IARD la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du

code de procédure civile et aux entiers dépens.

Et statuant à nouveau:

CONSTATER puis DIRE et JUGER que l'origine de l'incendie du 9 novembre 2012 demeure

indéterminée,

CONSTATER puis DIRE et JUGER que l'incendie litigieux ne peut être valablement imputé aux travaux réalisés par la société ISOL SUD EST,

En conséquence,

DEBOUTER l'ensemble des parties en la cause de leurs demandes, fins et conclusions à

l'endroit de la société MMA IARD et la mettre hors de cause,

CONDAMNER les demandeurs à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens de première instance et d'appel,

A titre subsidiaire,

CONSTATER puis DIRE et JUGER que les travaux réalisés par la société ISOL SUD EST ne constituent pas un ouvrage au sens des dispositions de l'article 1792 du code civil,

DEBOUTER les époux [N] ainsi que la société FILIA MAIF de leur demande de

condamnation de la concluante à leur verser la somme de 256 923 euros au titre de

l'indemnisation des dommages immobiliers,

CONSTATER puis DIRE et JUGER que la compagnie MMA IARD ne saurait être tenue au-delà des termes et limites du contrat d'assurance souscrit auprès d'elle par la société ISOL SUD EST,

DIRE et JUGER que le montant de toute condamnation qui serait mise à la charge de la

société MMA IARD au titre des dommages immobiliers ne saurait excéder la somme de

140 084 euros, sous déduction de la franchise telle qu'exposée dans les motifs,

CONSTATER puis DIRE et JUGER, s'agissant du 'préjudice mobilier', que la société FILIA MAIF ne produit pas, nonobstant sommations, le procès-verbal d'expertise régularisé avec les époux [N], lequel doit indiquer les taux de vétusté retenus, et qu'il convient de la débouter purement et simplement de sa demande,

CONSTATER puis DIRE et JUGER, s'agissant des 'frais de relogement' que la société FILIA MAIF ne justifie avoir payé que la seule somme de 41 506,67 euros et REJETER toute demande portant sur un montant supérieur,

DIRE et JUGER, s'agissant des 'frais annexes', que seule la somme de 22 305 euros pourra

être retenue,

REJETER comme infondée toute demande visant à voir la société MMA IARD être tenue de

verser une quelconque somme au titre du préjudice moral avancé par les requérants, ce

préjudice n'étant au surplus aucunement intégré aux garanties souscrites par son assurée,

DIRE et JUGER la société MMA IARD fondée à opposer ses plafonds de garanties et franchises, tels que stipulés dans la police souscrite par son assurée et explicitées dans le

corps des présentes et dans les pièces versées aux débats,

En tout état de cause,

REJETER toutes demandes, fins et conclusions contraires aux présentes écritures et,

notamment, l'appel incident des époux [N] et de la société FILIA MAIF, totalement infondé, comme établi dans le cadre des présentes écritures,

REJETER toutes demandes, fins ou conclusions contraires aux présentes écritures, notamment les demandes de la société ISOL SUD EST prétendant que la compagnie MMA IARD ne serait pas fondée à opposer que toute condamnation ne saurait excéder la somme de 140 084 euros,

DEBOUTER la société ISOL SUD EST de toutes demandes tendant à s'opposer à ce que la

société MMA IARD fasse valoir ses plafonds de garantie et franchise, tels que stipulés dans la police souscrite par la société ISOL SUD-EST et explicités dans le corps des présentes, un

assureur étant parfaitement fondé à opposer les limites contractuelles,

REFORMER la décision dont appel au titre des frais irrépétibles alloués, les requérants

bénéficiant d'un contrat d'assurance protection juridique et DIRE et JUGER qu'il en sera de

même au titre de la présente instance,

REJETER toutes demandes, fins ou conclusions contraires aux présentes.

Par conclusions notifiées par le RPVA le 25 mars 2019, la SARL ISOL SUD EST, intimée, demande à la cour:

Vu les articles 1792 et 1147 du code civil,

Vu le rapport d'expertise,

Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les époux [N] de leur demande au titre de la remise en état de l'allée et du jardin,

Réformer le jugement déféré en ses autres dispositions,

Et statuant à nouveau,

A titre subsidiaire,

CONSTATER que la cause de l'incendie est indéterminée et que la preuve n'est pas rapportée de l'imputabilité des désordres à la société ISOL SUD EST,

DIRE ET JUGER que la société ISOL SUD EST n'est pas responsable des dommages subis,

REJETER l'intégralité des demandes, moyens et prétentions adverses,

A titre subsidiaire, et si la responsabilité de la société ISOL SUD EST devait être retenue,

DIRE ET JUGER qu'elle ne peut être que partagée et évaluée à 50 % eû égard aux doutes qui subsistent sur la cause des désordres,

En tout état de cause,

CONDAMNER la compagnie MMA à la relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

REDUIRE le quantum du préjudice moral des demandeurs à la somme de 3 000 euros,

REJETER les demandes adverses de prise en charge des dépens, du coût des frais d 'huissier et du coût de l'expertise,

CONDAMNER tout défaillant au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par le RPVA le 1er avril 2019, les époux [N] et la société FILIA MAIF, intimés, demandent à la cour:

Vu l'article 1792 du code civil et subsidiairement l'article 1147 ancien du code civil,

Vu le rapport d'expertise de Mr [D] et ses annexes,

Vu les garanties souscrites par ISOL SUD EST auprès des MMA,

Confirmer le jugement déféré en ce:

- qu'il a déclaré responsable ISOL SUD EST de l'incendie survenu le 9 Novembre 2012 et en ce qu'il a condamné solidairement ISOL SUD EST et son assureur les MMA à payer à FILIA MAIF au titre de son recours subrogatoire la somme de 418 068,31 euros,

- qu'il a alloué aux époux [N] la somme de 10 000 euros en réparation de leur préjudice moral,

- qu'il a condamné solidairement la société ISOL SUD EST et les MMA à payer aux époux [N] et à FILIA MAIF la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

Débouter les MMA de leurs dernandes en cause d'appel,

Débouter ISOL SUD EST de son appel incident,

Dire et juger recevable et fondé l'appel incident des époux [N],

En conséquence condamner solidairement ISOL SUD EST et les MMA à payer aux époux

[N] la sornme de 16 231,76 euros au titre de la remise en état de leur allée et de leur jardin,

Condamner solidairement ISOL SUD EST et les MMA à payer aux époux [N] et à

FILIA MAIF la somme de 10 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure

civile ainsi que les entiers dépens d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 septembre 2022.

MOTIFS

En l'espèce, il résulte des pièces régulièrement produites et des explications des parties:

- que la maison des époux [N] est une construction récente de 180 m2 environ, implantée sur un terrain de 4 000 m2,

- que les travaux réalisés par la société ISOL SUD EST ont été facturés le 21 décembre 2010

et sont ainsi désignés 'LAINE DE COTON A SOUFFLEE: fourniture et pose d'un matelas isolant dans combles perdus

NITA COTON de chez SCMI: fourniture et pose d'un matelas isolant dans combles perdus

Avis technique ITEC N°7001

Classement au feu M1

Epaisseur moyenne: 300 mm

Surface 235 m2" (pièce 2 de la société ISOL SUD EST),

- que l'incendie s'est déclaré en début d'après-midi vers 14 heures le 9 novembre 2012 dans les combles de la maison des époux [N], alors que Monsieur [N] avait allumé le poêle en fin de matinée pour la première fois de la saison automnale 2012,

- que les pompiers intervenus sur les lieux ont indiqué à l'expert [D] le 19 juin 2013:

Monsieur [I] (sergent chef sapeur pompier au centre de secours de [Localité 4] 'je suis intervenu en qualité de chef du premier engin d'incendie arrivé sur les lieux, j'ai constaté une émission de fumée sortant de la toiture, je ne peux préciser la localisation exacte, il me semble qu'elle provenait de la toiture, côté porte d'entrée de la villa (....) à mon arrivée sur les lieux, j'ai rencontré le propriétaire, je lui ai demandé de me conduire au tableau électrique, j'ai actionné tous les disjoncteurs, je ne me souviens pas si le disjoncteur général avait déjà déclenché, je ne me souviens pas également si le propriétaire l'a actionné en ma présence,

au moment de mon action sur le tableau électrique, cet équipement ne présentait pas de dégradation thermique visible; de même, l'intérieur de la villa n'était pas encore affecté par le feu ni par la fumée, il s'agissait d'un feu de combles qui nous a opposé des difficultés pour procéder à son extinction',

Monsieur [E] (sapeur pompier au centre de secours de [Localité 4]) 'je faisais partie de l'équipe du premier engin d'incendie arrivé sur les lieux, dès notre arrivée, j'ai constaté que de la fumée et de petites flammes sortaient de la toiture située entre celle où se trouve la cheminée et celle du garage, j'en suis certain; je suis monté sur l'échelle depuis laquelle j'avais accès à la toiture pour enlever des tuiles (....) Des tuiles étaient déjà détériorées par le feu, je ne peux préciser ce qui brûlait exactement dans les combles mais des éléments de bois de support de la toiture étaient déjà atteints par le feu' (annexe 6 du rapport),

- que suivant constat d'huissier établi le 21 novembre 2012, le poêle à bois se trouve dans le séjour salon, pièce située juste derrière le mur de refend, sur lequel un trou permet le passage des câbles électriques,

des photographies ont été prises au niveau de la zone située dans les combles et permettent de constater la présence de restes de laine de coton à soufflée et sur le conduit de marque POJOULAT avec double pont en inox des traces de chauffements importants, l'expert du cabinet Elex mandaté par l'assureur FILIA MAIF ayant précisé que ces constatations confirmaient que le départ de feu se trouve à ce niveau et corroboraient les dires de Monsieur [N] selon lesquels la colonne de feu se trouvait à droite du conduit lorsqu'il est revenu à son domicile, cette zone étant la plus sinistrée au niveau des fermettes, du conduit du poêle proprement dit et des câbles électriques (annexe 7 du rapport),

- que l'expert [D] a examiné l'ensemble des pièces produites par les parties, procédé à diverses constatations au cours de 8 réunions sur les lieux entre le 25 janvier 2013 et le 19 mai 2014, a eu recours à un sapiteur électricien (Monsieur [X]) et à des analyses effectuées en centre de recherche et d'étude CREPIM, dont il résulte principalement les éléments suivants:

* les différentes pièces de la villa sont affectées à des degrés divers par l'incendie, les dégradations étant la conséquence directe du feu dans les combles non aménagés, ayant provoqué la chute des plafonds, des vestiges de l'isolant (laine de coton soufflée), d'éléments de bois de la charpente, de tuiles,

* les désordres des plafonds ont été accentués par les opérations nécessaires des services d'incendie dans le cadre de l'extinction du sinistre,

* l'isolant est carbonisé dans les volumes correspondant aux pièces les plus impactées par le sinistre, son épaisseur initiale (30 cm environ) étant notablement réduite par la combustion,

* dans le salon les désordres thermiques sont sévères, un pan de toiture est détruit, des chevons encore en place sont carbonisés, une nappe de conducteurs électriques n'a plus d'isolant,

* le conduit de fumée de type isolé (double enveloppe métallique avec interposition de laine de roche) présente des traces de combustion (noircissement) et des traces d'échauffement, l'isolant en laine de coton posé en sous-face du plafond est carbonisé notamment aux abords et contre le conduit de fumée,

* dans la cuisine la toiture est en partie détruite, sur le mur de refend séparant les combles cuisine-séjour, on distingue une trouée par laquelle chemine un faisceau de vestiges de conducteurs électriques dont les isolants sont détruits par le feu,

* les désordres thermiques les plus significatifs sont localisés dans les combles du salon dont un pan de la toiture est détruit par le feu, aux abords du conduit de fumée traversant ce volume, dans la chambre 1 enfant la plus proche du salon, dans la chambre parents, dans le cellier, sur le tableau électrique situé près de l'entrée de la villa,

- que selon l'expert [D], l'éclosion d'un feu dans les combles de la villa ne peut survenir que dans deux hypothèses:

1/ soit par un défaut sur l'installation électrique,

2/ soit par un contact de l'isolant en laine de coton avec le conduit de fumée du poêle à bois, type insert,

qu'il a écarté l'hypothèse d'une combustion liée à un défaut électrique en précisant que ses constatations avaient permis d'éliminer un échauffement accidentel lié à une surintensité ou un amorçage entre les câbles d'alimentation EDF, que l'état du tableau électrique n'établissait pas un échauffement sur une connexion ou un cours-circuit entre conducteurs à l'intérieur du tableau, que les déclarations de Monsieur [N] permettaient d'écarter l'hypothèse d'un feu initié par un défaut sur le tableau électrique, que l'hypothèse d'un court-circuit dans les combles lui paraissait pour le moins incertaine sur une installation récente dont le schéma d'équipement établi par la société PREFINELEC montre la présence de protections conformes à la norme en vigueur, que l'hypothèse d'une résistance de contact lui paraissait aussi peu probable sur une installation récente puisque dans l'éventualité d'un serrage insuffisant d'une connexion, les manifestations d'échauffement seraient intervenues bien antérieurement (pages 17 et 18 du rapport),

que s'agissant de la deuxième hypothèse, il a précisé:

* que le conduit de cheminée traversait les combles sur une longueur de 1,60 mètre et était relié à la souche de cheminée en sortie de toiture et au conduit de raccordement du poêle type insert, en sortie du plafond du séjour, qu'il n'avait pas été possible de constater l'existence d'une distance de sécurité dans sa traversée du faux plafond (espace ouvert de 8 cm) en raison de sa dégradation, que seule la paroi externe du conduit était atteinte (deux traces d'échauffement et traces noirâtres de combustion) témoignant des effets du sinistre dans les combles et écartant la survenance d'un feu de cheminée,

* que l'isolant disposé dans les combles en sous-face des plafonds est en laine de coton, dénommé NITACOTON, ignifugé dans la masse pour améliorer son comportement au feu et considéré comme non inflammable (en fait il doit retarder l'inflammation du produit et réduire la propagation) mais que ce produit reste combustible,

* que Monsieur [S], responsable de la société ISOL SUD EST a admis au cours de la réunion d'expertise du 30 avril 2013 que l'isolant a pu être en contact avec le conduit de fumée en l'absence de matérialisation d'une zone de sécurité autour du conduit, alors que la notice concernant cet isolant précise que le souffleur doit dégager le pourtour du conduit de fumée d'un minimum de 16 cm lorsque celui-ci est raccordé (ce qui est le cas en l'espèce),

* que les tests de combustion réalisés par le CREPIM mettent en évidence une décomposition thermique de l'isolant à une température de 200°/250° associé ensuite à un fort dégagement de chaleur à coeur pouvant atteindre 700°,

- que l'expert [D] indique que ce processus thermique s'est très certainement réalisé, conduisant à l'éclosion de feu dans les combles, et explique que le feu ne s'est pas déclaré lors de la saison précédente alors que le poêle a été utilisé par un phénomène de pyrolyse de l'isolant ayant formé une sorte de cavité dans l'épaisseur de l'isolant au contact du conduit et ayant constitué un système isolé (pièce à calories) ayant favorisé la dégradation thermique de l'isolant accompagné de son déssèchement aux abords, l'éclosion du feu ayant fini par intervenir lorsque la carbonisation de l'isolant a atteint la couche supérieure et donc l'air libre des combles, l'oxygène de l'air (élément nécessaire à la combustion) ayant généré une accélération du processus, dérivant vers une combustion vive (présence de flammes) dans les combles,

- que l'expert [D] conclut que l'hypothèse d'une combustion initiée par le contact de l'isolant avec le conduit de fumée de l'insert est à retenir, qu'elle en constitue la cause déterminante et résulte du non-respect par la société ISOL SUR EST d'une part, de la distance de sécurité (16 cm) énoncée dans la notice de l'isolant, et d'autre part, des règles de l'art prévoyant dans tous les cas une distance de sécurité minimale, entre la paroi d'un conduit de fumée et un élément combustible (8cm pour le conduit en place), étant précisé que l'isolant prélevé sur les lieux et testé n'a pas révélé d'insuffisance en matière de réaction au feu, et qu'aucun indice tangible ne permet d'attribuer un influence du défaut de ramonage du conduit de fumée et du conduit de raccordement dans la genèse du sinistre (page 26 du rapport),

- que dans son compte-rendu du 24 juillet 2013, le sapiteur [X] a formulé les conclusions partielles suivantes: 'les constatations effectuées ne mettent pas en évidence un défaut électrique susceptible d'initier l'éclosion d'un commencement d'incendie, toutefois l'hypothèse d'une cause électrique ne peut être totalement éliminée, on peut, en effet envisager le cas d'un échauffement anormal au niveau d'une connextion (phénomène dû au passage du courant dans la résistance de contact) (annexe 4 du rapport), puis dans son compte-rendu du 7 juillet 2014, le sapiteur [X] conclut qu'à son avis l'incendie n'a pas une origine électrique après avoir répondu au dire du conseil des MMA du 3 juillet 2012 en indiquant notamment:

* il est exact qu'une protection du tableau électrique conforme aux normes n'exclut pas, à elle seule, la possibilité d'une origine électrique d'un sinistre,

* sur un éventuel défaut de serrage dû au transport d'un tableau électrique pré-câblé: les tableaux des installations domestiques sont très généralement équipés par les installateurs et non pré-câblés, et les résistances de contact se produisent essentiellement sur les connexions d'arrivée de l'alimentation ou de départ des circuits d'utilisation qui sont connectés au moment de l'installation,

* que les éventuelles perturbations ou dysfonctionnements du portail électrique (invoqués par Monsieur [N] quelques jours avant le sinistre) sont dûs à des interférences ou des parasites,

* que la présence de câbles électriques brûlés à proximité du départ de feu présumé ne permet de tirer aucune conclusion puisque la dégradation des câbles peut être due aussi bien à un cours-circuit initial qu'à un échauffement conséquence du sinistre,

* que si, pour quelque cause que ce soit, les câbles électriques avaient fondu dans le tableau, d'une part l'alimentation aurait été coupée instantanément par le disjoncteur de branchement et/ou par les fusibles du coupe-circuit ERDF, et, d'autre part, les câbles ayant fondu, l'alimentation était, ipso facto coupée en aval et ne pouvait donc alimenter le sinistre (étant rappelé que les gaines de câbles ne propagent pas la flamme) (annexe 2 du rapport).

Contrairement à ce que soutiennent les époux [N] et leur assureur et à ce qu'a estimé le premier juge, il n'est établi par aucun élément que la société ISOL SUD EST n'a pas respecté les règles de l'art et a commis une faute en ne respectant pas les dispositions réglementaires en matière de pose d'isolant, et il ne peut davantage être soutenu qu'elle n'a jamais contesté les conclusions de l'expert.

S'il est exact que la société ISOL SUD EST a été très peu représentée lors des réunions d'expertise et qu'elle n'a pas adressé de dire à l'expert, son assureur MMA l'a fait et a, à plusieurs reprises, contesté la responsabilité de son assurée dans la survenance du sinistre, et remis en question au fur et à mesure des investigations les analyses du sapiteur et de l'expert, étant observé que l'appelante fait exactement valoir que la question de la distance entre l'isolant posé par son assurée et le conduit n'a pas pu être vérifiée, ni après l'installation, ni avant ou après le sinistre.

Et, si l'expert [D] a noté dans son compte rendu de la réunion du 30 avril 2013 que le gérant de la société ISOL SUD EST avait souligné l'absence de matérialisation d'une zone de sécurité autour du conduit de cheminée, et que sur présentation par l'expert de la notice de l'isolant thermique NITACOTON précisant que le souffleur de l'isolant devait dégager le pourtour des conduits d'un minimum de 16 cm et s'assurer que cet espace reste dégagé, il avait admis un possible contact de l'isolant avec le conduit de fumée (page 10/29 annexe 4), position reprise dans sa note de synthèse du 26 mai 2014 (annexe 5 page 7/12), il y a lieu de relever que ces propos émanant du gérant de la société ISOL SUD EST ne font état que d'une possibilité et non d'une certitude, sur laquelle l'expert a élaboré l'hypothèse selon laquelle le contact de l'isolant avec le conduit de fumée aurait entraîné une accumulation de la chaleur, puis une augmentation de la température générant un point chaud à l'origine de l'incendie.

Or, comme le fait exactement valoir l'appelante, nonobstant le fait que l'isolant prélevé sur les lieux du sinistre se pyrolyse sous l'effet de la chaleur de conduction à partir de 250° et que cette dégradation s'accompagne de dégagements de chaleur, les essais du CREPIM ont démontré qu'il n'y avait pas eu d'auto-inflammation de l'isolant, et il n'est nullement acquis que les fumées dégagées par le conduit pouvaient atteindre les températures de 200° à 250° à partir de laquelle l'isolant posé par la société ISOL SUD EST pouvait se dégrader au vu des tests effectués par le CREPIM, aucun essai n'ayant permis de vérifier la température de contact réelle en cas de fonctionnement du poêle muni du conduit POUJOULAT avec l'isolant NITACOTON, de sorte que l'hypothèse retenue par l'expert [D], qui n'a pas été techniquement vérifiée, ne peut valablement être retenue.

Il s'ensuit qu'il n'est pas suffisamment établi que les travaux réalisés par la société ISOL SUD EST en décembre 2010 sont à l'origine du sinistre, étant au surplus observé:

- que ce dernier est intervenu près de deux ans après les travaux, après plusieurs utilisations du poêle pendant les saisons froides,

- que l'élimination par l'expert [D] de la possibilité d'un feu de cheminée ou d'une cause électrique au vu des constatations et de l'analyse du sapiteur [X], permet seulement de conclure que la cause du sinistre reste en l'état indéterminée.

En conséquence, le jugement déféré doit être infirmé en ce que le premier juge a déclaré la société ISOL SUD EST responsable de l'incendie et l'a condamnée solidairement avec son assureur MMA à payer les sommes susindiquées à la société FILIA MAIF au titre de son recours subrogatoire, ainsi que la somme de 10 000 euros aux époux [N] au titre de leur préjudice moral.

En l'absence d'imputabilité du sinistre à la société ISOL SUD EST, le recours subrogatoire de la société FILIA MAIF ainsi que les demandes d'indemnisation complémentaire formées par les époux [N] doivent toutes être rejetées.

En conséquence, le jugement déféré doit également être infirmé, y compris sur les dépens et les frais irrépétibles, mais il sera confirmé en ce que le premier juge a débouté les époux [N] de leur demande d'indemnisation au titre de la remise en état de l'allée et du jardin, mais pour d'autres motifs.

Succombant principalement, les époux [N] et la SA FILIA MAIF seront condamnés in solidum aux dépens incluant les frais d'expertise judiciaire, étant précisé que la SA FILIA MAIF supportera 80 % des dépens et les époux [N] 20%.

En revanche, aucune considération d'équité ne justifie d'allouer à quiconque une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, et après en avoir délibéré conformément à la loi,  

 

INFIRME le jugement déféré, excepté en ce que le premier juge a débouté les époux [N] de leur demande d'indemnisation au titre de la remise en état de l'allée et du jardin,

STATUANT A NOUVEAU et Y AJOUTANT,

DIT que la cause du sinistre incendie survenu le 9 novembre 2012 n'est pas déterminée,

En conséquence,

DIT n'y avoir lieu à retenir la responsabilité de la société ISOL SUD EST et la garantie de son assureur MMA IARD,

REJETTE toutes les demandes formées par les époux [N] et par la société FILIA MAIF à l'encontre de la société ISOL SUD EST et de son assureur MMA IARD,

REJETTE les demandes d'indemnités formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum les époux [N] et la SA FILIA MAIF aux dépens de première instance et d'appel incluant les frais d'expertise judiciaire, étant précisé que la SA FILIA MAIF supportera 80 % des dépens et les époux [N] 20%.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2022,

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 18/16612
Date de la décision : 15/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-15;18.16612 ?
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