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14/12/2022 | FRANCE | N°19/08371

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-2, 14 décembre 2022, 19/08371


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2



ARRÊT AU FOND

DU 14 DECEMBRE 2022



N° 2022/552













Rôle N° RG 19/08371 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEKFF







[W] [K]





C/



[I] [N]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Jean-michel ROCHAS



Me Joseph MAGNAN









Décision défÃ

©rée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE en date du 02 Mai 2019 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 17/06814.





APPELANT



Maître [W] [K]

Mandataire Judiciaire, pris en son nom personnel, demeurant [Adresse 2]



représenté par Me Jean-michel ROCHAS de la SCP PLANTARD ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 14 DECEMBRE 2022

N° 2022/552

Rôle N° RG 19/08371 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEKFF

[W] [K]

C/

[I] [N]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jean-michel ROCHAS

Me Joseph MAGNAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE en date du 02 Mai 2019 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 17/06814.

APPELANT

Maître [W] [K]

Mandataire Judiciaire, pris en son nom personnel, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Jean-michel ROCHAS de la SCP PLANTARD ROCHAS VIRY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Ivan MATHIS, du Cabinet FABRE, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTIME

Monsieur [I] [N]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 3], de nationalité française, demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Alice DINAHET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Géraldine CHIAIA, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 26 Octobre 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Agnès VADROT, conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseiller

Madame Agnès VADROT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Décembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Décembre 2022,

Signé par Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par jugement en date du 13 décembre 2010, le tribunal de commerce de Salon de Provence a prononcé la liquidation judiciaire de la société DPG RENOVATION et a désigné Maître [W] [K] en qualité de liquidateur.

Le 19 septembre 2011, la procédure de liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actifs.

Par requête en date du 23 février 2012, Monsieur [I] [N] a sollicité auprès du président du tribunal de commerce de Salon de Provence la désignation d'un mandataire ad hoc. Au soutien de sa demande, il a expliqué avoir été embauché le 1er mars 2009 par la société DPG RENOVATION dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée lequel n'avait pas été rompu en suite du prononcé de la liquidation judiciaire puisqu'il n'avait ni démissionné ni été licencié de sorte qu'il se trouvait dans l'obligation de saisir le conseil des prud'hommes aux fins d'obtenir la remise des documents de fin de contrat ainsi que le paiement de ses indemnités de rupture.

Par ordonnance en date du 24 février 2012, le président du tribunal de commerce de Salon de Provence a désigné Maître [K] es qualité de mandataire ad hoc pour représenter la société DPG RENOVATION dans le cadre de l'instance l'opposant à Monsieur [N] devant le conseil des Prud'hommes de Martigues.

Par jugement de départage rendu le 28 juin 2013, le conseil de prud'hommes de Martigues a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et a fixé les sommes qui étaient dues à ce titre à Monsieur [N] au passif de la procédure collective.

Par arrêt en date du 17 juin 2016, la Cour d'Appel d'Aix en Provence a confirmé le jugement entrepris en ce :

-qu'il avait dit que la rupture du contrat de travail s'analysait en ses effets en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

-qu'il avait fixé le montant de la créance de Monsieur [N] au passif de la liquidation judiciaire de la société DPG RENOVATION à la somme de 1624,10€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse -qu'il s'est prononcé sur la garantie due par l'AGS

La cour d'appel a infirmé le jugement pour le surplus et a fixé la créance de Monsieur [N] au passif de la liquidation judiciaire de la société DPG RENOVATION aux sommes suivantes:

-1015,06€ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

-3248,20€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis

-324,82€ au titre des congé payés sur préavis

-2000€ à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive de contrat de travail

-400€ à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier du DIF

-1948,92€ à titre d'indemnité compensatrice de congés payés (année 2010)

-1461,69€ à titre d'indemnité compensatrice de congés payés (année 2011)

-1500€ au titre des frais irrépétibles d'appel

Par acte d'huissier en date du 1er décembre 2017, Monsieur [N] a fait citer Maître [K] devant le tribunal de Grande Instance d'Aix en Provence aux fins de voir constater sa faute professionnelle résultant de l'absence de licenciement économique dans les quinze jours de la liquidation judiciaire conformément à l'article L3253-8 du code du travail et de le voir condamner à lui verser la somme de 81 136,15€ de dommages et intérêts en réparation du préjudice en résultant.

Par jugement en date du 2 mai 2019, le tribunal de grande instance d'Aix en Provence, après avoir jugé que l'action n'était pas prescrite, a notamment dit que Maître [K] avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité civile sur le fondement de l'article 1240 du code civil et l'a condamné à verser à Monsieur [N] les sommes de :

-36 000€ en réparation du préjudice lié à l'entrave portée à son droit au bénéfice des allocations chômage et des indemnités versées par la sécurité sociale suite à sa maladie

-6636,15€ au titre de la perte de garantie de l'AGS

-15 000€ en réparation de son préjudice moral

Par déclaration en date du 22 mai 2019, Maître [K] a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance en date du 30 Août 2019, le Premier Président de la Cour d'Appel d'Aix en Provence a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire assortissant le jugement rendu le 2 mai 2019.

Par conclusions déposées et notifiées par le RPVA en date du 27 janvier 2022, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, Maître [K] demande à la cour de:

LE RECEVOIR en son appel

L'Y DECLARER bien fondé

INFIRMER le jugement rendu le 2 mai 2019 par le tribunal de grande instance d'Aix en Provence en toutes ses dispositions

Vu l'article 2224 du code civil,

DIRE prescrite l'action telle que formée par Monsieur [I] [N] à son encontre

A titre subsidiaire,

CONSTATER qu'il a parfaitement rempli l'obligation de moyens pesant sur lui

DEBOUTER Monsieur [I] [N] de l'action en responsabilité civile professionnelle qu'il a cru devoir former à son encontre

DEBOUTER Monsieur [I] [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

CONDAMNER Monsieur [I] [N] à lui payer une indemnité d'un montant de 5000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNER Monsieur [I] [N] aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de Maître Jean-Michel ROCHAS en application de l'article 699 du code de procédure civile

Sur la prescription de l'action

Après avoir rappelé les dispositions de l'article 2224 du code civil aux termes desquelles les actions personnelles se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant de l'exercer, Maître [K] soutient que les premiers juges ont indûment retenu que les faits permettant à Monsieur [N] d'exercer la présente action ne pouvaient être connus de lui qu'à compter de l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix en Provence le 17 juin 2016.

Il fait valoir qu'il est indiscutablement établi qu'à compter du 23 février 2012 -date de sa requête aux fins de désignation d'un administrateur ad hoc - Monsieur [I] [N] connaissait les faits lui permettant d'exercer la présente action c'est à dire le fait que la société DPG RENOVATION avait fait l'objet d'une liquidation judiciaire et que malgré cela il n'avait pas fait l'objet d'une mesure de licenciement, et qu'il savait ou aurait du savoir que faute de licenciement dans le délai de 15 jours de l'ouverture de la liquidation judiciaire la garantie de l'AGS ne pourrait être mobilisée.

Il en déduit que Monsieur [N] disposait d'un délai expirant au plus tard le 23 février 2017 pour saisir la juridiction et que son action initiée par une assignation délivrée le 1er décembre 2017 est donc prescrite.

Il ajoute que la procédure prud'homale n'a pu en aucune manière avoir eu pour effet de suspendre cette prescription quinquennale les deux parties défenderesses étant totalement distinctes, à savoir la liquidation judiciaire d'une part et Maître [K] à titre personnel d'autre part.

Enfin, il précise, en réponse aux arguments de Monsieur [N], que les dispositions applicables sous l'empire de l'article 2270-1 ancien du code civil fixant le point de départ du délai de prescription à la date de la réalisation du dommage ou à la date à laquelle la victime est en mesure d'agir, ont été abrogées ; que les dispositions de l'article 2224 du code civil ne reprennent pas la notion de manifestation du dommage ou de son aggravation mais uniquement cette de connaissance des faits permettant d'exercer l'action.

Au fond

Sur l'absence de faute

Il rappelle que le liquidateur judiciaire est tenu à une obligation de moyens et non de résultat et que ne pèse sur lui aucune obligation légale de procéder aux licenciements pour motif économique dans le délai de quinzaine qui conditionne l'acquisition pour le salarié de la garantie offerte par l'AGS,

Il pointe la totale carence du mandataire social de la société DPG RENOVATION dans le cadre du suivi de la liquidation judiciaire de l'entreprise dont il était le gérant, laquelle a eu pour conséquence de le priver de l'accès aux documents comptables et sociaux de la société ainsi qu'aux bulletins de salaire de Monsieur [N] et à la liste des chantiers.

Pour répondre à l'analyse du tribunal qui a estimé qu'il n'avait pas accompli de diligences suffisantes pour connaître le nombre de salariés et qu'il aurait notamment du se renseigner auprès de l'URSSAF, Maître [K] indique que l'URSSAF PACA oppose systématiquement aux demandes de renseignements présentées par les mandataires judiciaires une fin de non recevoir; qu'en tout état de cause les fichiers de l'URSSAF ne comportent pas les adresses des salariés.

Maître [K] ajoute qu'il a contacté la CARSAT laquelle lui a répondu dans un délai supérieur à 4 mois.

Il estime avoir parfaitement rempli son obligation de moyens, ne voyant pas quelles autres initiatives il aurait pu prendre afin d'identifier l'existence du contrat de travail dont a pu bénéficier Monsieur [N]. Il fait valoir qu'en tout état de cause c'est sur ce dernier que pèse la charge de la preuve.

Sur l'absence de lien de causalité

Maître [K] fait valoir qu'il ne peut en aucune manière être tenu d'éventuels agissements dommageables d'un tiers qui a laissé Monsieur [N] dans l'ignorance de la liquidation judiciaire de la société DPG RENOVATION et l'a amené à poursuivre une activité salariale dans des conditions qui manifestement caractérisent un travail dissimulé.

Il estime qu'il appartient à Monsieur [N] de mieux se pourvoir et notamment à l'encontre de son employeur.

Sur le préjudice

Il rappelle qu'une action en responsabilité civile professionnelle ne peut avoir d'autre effet que de replacer celui qui allègue d'un préjudice dans le même état ou la même situation financière qui aurait été la sienne si la faute invoquée n'avait pas été commise.

Il fait valoir que le licenciement de Monsieur [N] étant inéluctable du fait de la liquidation judiciaire sans poursuite d'activité de la société DPG RENOVATION, il convient d'apprécier quelle aurait été sa situation s'il avait fait l'objet d'une mesure de licenciement économique avant le 28 décembre 2010. Il expose que dans cette hypothèse, l'AGS aurait été amenée à prendre en charge sa créance salariale au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement (1 015,06€), de l'indemnité compensatrice de préavis (2537,54€) et des congés payés sur préavis (253,75€) après déduction des charges salariales.

Il relève que Monsieur [N] a continué à travailler, malgré le prononcé de la liquidation judiciaire, jusqu'au 31 décembre 2011 ; que son salaire mensuel étant de 1624,10€, il a donc reçu une somme totale de 19 489,20€, hors prélèvement sociaux, pour la période allant de décembre 2010 à décembre 2011; que s'il avait fait l'objet d'une mesure de licenciement dans le courant du mois de décembre 2010, il aurait perçu à compter du mois de janvier 2011 une allocation journalière nette d'un montant de 31,58€, c'est à dire environ 694,76€ par mois; qu'ainsi du fait des agissements quasi frauduleux de la société DPG RENOVATION, Monsieur [N] a bénéficié d'une situation plus favorable en continuant à exercer un emploi salarié dans des conditions inopposables à la procédure collective et à percevoir un salaire bien supérieur aux indemnités journalières auxquelles il pouvait prétendre.

Il constate que Monsieur [N] s'est inscrit à pôle emploi le 26 janvier 2012 et a reçu indemnisation rétroactivement à compter du 20 janvier 2012 pour une période totale de 686 jours calendaires.

Il souligne que si Monsieur [N] a été rempli de ses droits avec un certain délai, il ne peut en être tenu pour responsable ; que si par extraordinaire, la cour considérait qu'il doive répondre du retard apporté par les organismes sociaux à verser toute allocation ou indemnité à Monsieur [N], ce retard ne pourrait tout au plus être réparé que par l'allocation d'intérêts au taux légal.

Il ajoute que le tribunal a alloué à Monsieur [N] des dommages et intérêts en considération d'un certificat médical daté d'octobre 2017 et rapportant un état dépressif sévère dont il ne peut être tenu pour responsable.

Par conclusions déposées et notifiées par le RPVA en date du 14 avril 2021, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, Monsieur [I] [N], intimé et appelant à titre incident, demande à la cour de:

Vu les dispositions des articles 1992, 1240 du code civil

CONFIRMER le jugement rendu le 2 mai 2019 par le tribunal d'Aix en Provence sauf en ce qui concerne le quantum des dommages et intérêts alloués en réparation du préjudice subi

DECLARER son action non prescrite

DIRE ET JUGER que Monsieur [W] [K] a commis une faute de nature à engager sa responsabilité civile sur le fondement de l'article 1240 du code civil

DIRE ET JUGER que cette faute lui a causé un préjudice

REFORMER sur le quantum et condamner Monsieur [W] [K] au paiement de la somme de 81 136,15€ en réparation du préjudice qu'il a subi

ORDONNER la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du code civil

REJETER toutes les demandes, fins et prétentions de Monsieur [W] [K]

CONFIRMER la condamnation de Monsieur [W] [K] au paiement de la somme de 3000€ en application des dispositions de l'article 700 du CPC au titre des frais de première instance

CONDAMNER Monsieur [W] [K] au paiement de la somme de 5000€ sur le fondement de l'article 700 du CPC au titre des frais d'appel

CONDAMNER Monsieur [W] [K] aux entiers dépens

Sur le point de départ de la prescription de l'action

Monsieur [N] indique que conformément aux dispositions de l'article L3258-8 2° du code du travail, le mandataire liquidateur a l'obligation de licencier les salariés dans les 15 jours qui suivent le jugement de liquidation judiciaire puisque, au-delà, les salariés sont privés du bénéfice de l'AGS pour les créances résultant de la rupture du contrat de travail.

Il expose que Maître [K] ayant nié toute obligation à son égard en arguant du fait qu'il n'avait pas eu connaissance de sa qualité de salarié, il n'a pas eu d'autre choix que de saisir la juridiction prud'homale pour que soit tranchées les questions relatives à son statut; que c'est la cour d'appel d'Aix en Provence qui a, dans son arrêt définitif du 17 juin 2016, jugé qu'il aurait dû faire l'objet d'un licenciement économique dans les 15 jours de la liquidation; qu'il s'en suit qu'il n'a connu les faits juridiques lui permettant d'exercer son action qu'à partir de cette date ; qu'il était en effet dans l'impossibilité d'envisager une quelconque action en responsabilité du liquidateur avant l'issue de la procédure prud'homale rappelant que Maître [K] contestait le lien de subordination et l'existence de son contrat de travail au jour de la liquidation judiciaire en raison d'un transfert du contrat de travail du salarié auprès d'un autre employeur.

Il ajoute, sur la base d'un arrêt rendu le 6 décembre 2017 par la Cour de Cassation, que c'est la manifestation du dommage qui constitue le point de départ de la prescription quinquennale; qu'en l'espèce le dommage fixant le point de départ de la prescription est apparu lorsqu'il n'a pas pu obtenir le paiement des condamnations réparant son préjudice en raison de la mise hors de cause de l'AGS.

Il en déduit que son action n'est pas prescrite.

Sur la faute professionnelle de Maître [K]

Monsieur [N] rappelle qu'il résulte des dispositions de l'article L3253-8 du code du travail que le mandataire liquidateur a l'obligation de procéder aux licenciements pour motif économique des salariés d'une entreprise en liquidation judiciaire dans les 15 jours qui suivent le jugement prononçant la liquidation judiciaire.

Il indique qu'il résulte de la jurisprudence que le mandataire liquidateur est tenu d'une obligation de vérification et d'accomplissement de sa mission avec diligence.

Il relève qu'en l'espèce Maître [K] n'a jamais procédé à son licenciement.

Il conteste l'argument de ce dernier relativement à son ignorance de l'existence de salariés soutenant qu'il aurait du accomplir toutes les diligences nécessaires pour avoir la liste du personnel de l'entreprise notamment auprès de l'URSSAF ou encore de l'expert comptable.

Il souligne à cet égard que la procédure collective a été ouverte à l'initiative de la caisse de retraite PREMALLIANCE, ce qui laissait supposer la présence de salariés dans l'entreprise ; que la déclaration unifiée de cotisations sociales pour le premier trimestre de l'année 2010 ainsi que ses bulletins de salaire pour les mois de mai et juillet 2010 démontrent également l'existence de salariés.

Il considère que les diligences accomplies personnellement par Maître [K] sont insuffisantes et qu'il a de fait manqué à son devoir de diligence, ce qui est constitutif d'une faute.

Sur le lien de causalité entre la faute et le dommage

Il indique que son licenciement économique aurait dû lui permettre d'obtenir des documents de fin de contrat nécessaires pour son inscription et le versement des allocations par pôle emploi dont il s'est trouvé privé ; qu'en outre, alors qu'il souffrait d'une dépression, la CPAM a refusé de lui verser les indemnités de sécurité sociale puis une pension d'invalidité dont il n'a pu obtenir la régularisation que plusieurs années après.

Il fait enfin valoir que faute d'avoir été licencié dans le délai de 15 jours suivant jugement d'ouverture, l'AGS n'a pas garanti le paiement des condamnations prononcées par la cour d'appel de sorte qu'il n'a pas pu obtenir l'exécution complète de l'arrêt du 17 juin 2016; qu'en effet la cour d'appel lui a alloué la somme globale de 9 036,15€ sur laquelle le fonds de garantie des salaires est intervenu à hauteur de 2400€ seulement soit un différentiel de 6636,15€.

Sur son préjudice

Il indique avoir subi un préjudice liée à l'entrave injustement portée à son droit au bénéfice des allocations chômage en indemnisation duquel il réclame la somme de 25 000€ à titre de dommages et intérêts, rappelant qu'il n'a pu percevoir le versement de ses indemnités qu'à compter du 3 janvier 2014 soit deux ans après son inscription en date du 31 janvier 2012.

Il explique par ailleurs n'avoir pu obtenir le versements de ses indemnités journalières par la sécurité sociale que le 9 mars 2017 soit trois ans après être tombé malade. Il réclame à ce titre une somme de 15 000€.

Il sollicite également le paiement d'une somme de 15 000€ pour avoir été privé de sa pension d'invalidité catégorie 2 à laquelle il aurait pu prétendre depuis août 2016, rappelant que même dans l'hypothèse où son action devant le TASS aboutirait il ne pourrait qu'être rétabli dans ses droits mais ne serait pas indemnisé pour le préjudice subi, lequel est imputable à Maître [K] .

Enfin, il rappelle qu'il n'a pu recouvrer l'intégralité des condamnations prononcées par la cour d'appel, la garantie des AGS n'intervenant pas faute de licenciement dans le délai légal, soit un préjudice de 6 636,15€.

Il demande en conséquence à être indemniser à hauteur de 60 000€ au titre de son préjudice financier global.

Il ajoute qu'il vit dans le plus grand dénuement depuis plus de 5 ans et est bien fondé à solliciter une indemnisation complémentaire au titre de son préjudice moral, soit la somme de 20 000€.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la prescription

L'article 2224 du code civil énonce que les actions personnelles ou mobilières sont soumises à un délai de prescription de cinq ans lequel commence à courir à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait du connaître les faits qui lui permettent de l'exercer.

Il s'en déduit que le point de départ de la prescription quinquennale est fixé au jour où le titulaire de l'action a connaissance du dommage qui lui permet d'agir.

En l'espèce, c'est par un arrêt du 17 juin 2016 qu'il a été définitivement statué sur l'incidence de la procédure de liquidation judiciaire sur le contrat de travail de Monsieur [I] [N].

La cour d'appel a en effet rejeté l'argumentation du mandataire ad hoc de l'employeur selon laquelle le contrat de travail du salarié - qui avait travaillé directement pour le gérant de la société liquidée - avait été transféré au jour de la liquidation judiciaire raison pour laquelle il n'avait pas été licencié par le liquidateur.

Elle a jugé qu'aucun transfert du contrat de travail n'ayant eu lieu, il appartenait au liquidateur judiciaire de procéder au licenciement de Monsieur [N] dans les quinze jours du prononcé de la liquidation judiciaire ; qu'à défaut de l'avoir fait, ce qui était constitutif d'une faute, la rupture du contrat de travail était intervenue à la date sollicitée par le salarié soit le 19 septembre 2011 et s'analysait en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Elle a également constaté que dès lors que la rupture du contrat de travail n'avait pas été notifiée par le liquidateur judiciaire dans l'une des périodes définies par l'article L3523-8 2°, 3° et 4° du code du travail, l'AGS ne garantissait pas la prise en charge des indemnités de rupture.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont fixé le point de départ du délai de prescription au 17 juin 2016, correspondant à la date à laquelle Monsieur [N] a eu connaissance du dommage lui permettant d'agir, son action en responsabilité à l'encontre du liquidateur judiciaire étant conditionnée à l'issue de la procédure prud'homale quant à l'existence d'un contrat de travail le liant à la société liquidée.

Il en résulte que l'action initiée par Monsieur [I] [N] le 1er décembre 2017 n'est pas prescrite.

Le jugement querellé sera confirmé de ce chef.

Sur la faute

Il résulte des dispositions de l'article L3253-8 du code du travail que l'assurance mentionnée à l'article L3253-6 couvre les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation.

Il appartient au liquidateur, qui exerce les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine, d'effectuer les vérifications et démarches nécessaires aux fins d'établir la liste des salariés de l'entreprise liquidée et devant être licenciés, et ce dans des conditions permettant la protection de leurs droits.

Il est constant que Maître [K] es qualité n'a pas procédé au licenciement de Monsieur [N] dans le délai de 15 jours à compter de la liquidation judiciaire.

Il résulte des éléments versés aux débats que Maître [K] a, le 14 décembre 2010, adressé à Monsieur [S] [C], gérant de la SARL DPG RENOVATION, une lettre recommandée avec accusé de réception par laquelle il a demandé communication de la liste exhaustive des salariés restant à licencier ; que ce pli n'a pas été réclamé ; que par deux courriers datés du même jour une convocation a été adressée pour le 23 décembre 2010 à la SARL DPG RENOVATION et à Monsieur [C] ; qu'elle n'a pas été honorée ; qu'enfin un procès verbal de carence en date du 22 décembre 2010 atteste du déplacement au siège social d'un huissier de justice ayant constaté la seule présence d'une boite au lettres portant le nom de la société.

Il n'est justifié de l'accomplissement d'aucune autre diligence.

Il en résulte que l'action de Maître [K], auquel il incombait une obligation de contrôle et de vérification, s'est limitée à la seule sollicitation du gérant de la société liquidée.

C'est donc à juste titre que le tribunal de grande d'Aix en Provence a retenu que Maître [K] avait commis une faute en s'abstenant de pousser plus avant ses investigations alors même que la déclaration unifiée de cotisations sociales pour le premier trimestre de l'année 2010 révélait l'existence de salariés et que Monsieur [N] destinataire de bulletins de salaires faisait toujours partie des effectifs de la société au jour de la liquidation.

Le jugement querellé sera en conséquence confirmé de ce chef.

Sur le lien de causalité et l'évaluation du préjudice

Il est établi et non contesté que faute de notification de son licenciement économique dans le délai de 15 jours à compter de la liquidation judiciaire, Monsieur [I] [N] a été privé de la garantie de l'AGS. Il est donc bien fondé à réclamer l'indemnisation de ce préjudice résultant directement de la faute retenue à l'encontre de Maître [K]. C'est à juste titre que les premiers juges ont évalué ce préjudice à 6636,15€ correspondant à la différence entre la somme de 9036,15€ qui lui avait été allouée par la cour d'appel et la somme de 2400€ qu'il avait effectivement perçu.

Il est également constant qu'en l'absence de licenciement économique, Monsieur [N] n'a pas pu obtenir les documents de fin de contrat.

Ce dernier justifie du fait que l'absence de ces documents a fait obstacle à son droit au bénéfice des allocations chômage et des indemnités versées par la sécurité sociale ; que si celui-ci a été rétabli dans ses droits, il n'a pu obtenir le paiement des indemnités qui lui étaient dues à ces titres que de manière différée. Il est donc bien fondé à réclamer l'indemnisation de ce préjudice résultant directement de la faute retenue à l'encontre de Maître [K] et qui a été justement évalué par les premiers juges à la somme de 36 000€.

Il n'est en revanche pas justifié de la demande d'indemnisation au titre de la pension d'invalidité pour le calcul de laquelle une instance est encore en cours. C'est donc à juste titre que le tribunal de grande instance a débouté Monsieur [N] de cette demande.

Il ne peut davantage être déduit des deux certificats médicaux produits un lien de causalité direct entre la faute retenue à l'encontre de Maître [K] et l'état dépressif chronique dont souffre Monsieur [N]. Le jugement querellé sera infirmé en ce qu'il a alloué à ce dernier une somme de 15 000€ en réparation de son préjudice moral.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Maître [W] [K] sera condamné aux dépens.

Il se trouve infondé en ses prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au vu des circonstances de l'espèce, il serait inéquitable de laisser supporter à Monsieur [I] [N] l'intégralité des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

Maître [W] [K] sera condamné à lui verser la somme de 1500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 2 mai 2019 par le tribunal de grande instance d'Aix en Provence sauf en ce qu'il a condamné Maître [K] à verser à Monsieur [N] la somme de 15 000€ en réparation de son préjudice moral

Et statuant à nouveau de ce chef,

DEBOUTE Monsieur [I] [N] de sa demande d'indemnisation au titre de son préjudice moral

DECLARE Maître [K] infondé en ses prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE Maître [K] à verser à Monsieur [I] [N] la somme de 1500€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE Maître [K] aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-2
Numéro d'arrêt : 19/08371
Date de la décision : 14/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-14;19.08371 ?
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