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12/12/2022 | FRANCE | N°22/00388

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-11 référés, 12 décembre 2022, 22/00388


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11 référés





ORDONNANCE DE REFERE

du 12 Décembre 2022



N° 2022/ 575





Rôle N° RG 22/00388 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJVH2







S.A.S. EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST





C/



S.A. DUVAL DEVELOPPEMENT MEDITERRANEE

S.A. SA KONE





























Copie exécutoire délivrée





le :



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à :



- Me Armelle BOUTY



- Me Benjamin BOITON





Prononcée à la suite d'une assignation en référé en date du 22 Juin 2022.





DEMANDERESSE



S.A.S. EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social, demeurant [Adresse ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11 référés

ORDONNANCE DE REFERE

du 12 Décembre 2022

N° 2022/ 575

Rôle N° RG 22/00388 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJVH2

S.A.S. EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST

C/

S.A. DUVAL DEVELOPPEMENT MEDITERRANEE

S.A. SA KONE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Armelle BOUTY

- Me Benjamin BOITON

Prononcée à la suite d'une assignation en référé en date du 22 Juin 2022.

DEMANDERESSE

S.A.S. EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Armelle BOUTY de la SELARL RACINE, avocat au barreau de MARSEILLE

DEFENDERESSES

S.A. DUVAL DEVELOPPEMENT MEDITERRANEE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Benjamin BOITON, avocat au barreau de MARSEILLE, Me Julie GOMEZ-BALAT, avocat au barreau de PARIS

S.A. SA KONE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social, demeurant [Adresse 5]

non comparante, non représentée

* * * *

DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ

L'affaire a été débattue le 17 Octobre 2022 en audience publique devant

Véronique NOCLAIN, Président,

déléguée par ordonnance du premier président.

En application des articles 957 et 965 du code de procédure civile

Greffier lors des débats : Manon BOURDARIAS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Décembre 2022.

ORDONNANCE

Réputée contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 12 Décembre 2022.

Signée par Véronique NOCLAIN, Président et Manon BOURDARIAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Suivant marché de travaux du 21 février 2020, la société DUVAL DEVEOPPEMENT MEDITERRANEE a confié à la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST la construction d'un EHPAD sur la commune de [Localité 4] ; la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST a sous-traité le lot 11"Ascenseur' à la société KONE par contrat du 29 janvier 2021.

La société DUVAL DEVELOPPEMENT MEDITERRANEE a fait assigner d'heure à heure par acte du 11 mars 2022 pour une audience du 14 mars 2022 la société EIFFAGE CONSTRUCTIONS SUD EST et la société KONE devant le président du tribunal judiciaire de Marseille statuant en référé aux fins qu'elles soient contraintes de procéder aux travaux de mise en conformité au regard de la réglementation sismique des trois ascenseurs installés dans l'EPHAD avant le 17 mars 2022 sous astreinte de 3.000 euros par jour de retard à compter du 17 mars 2022.

Par ordonnance contradictoire du 22 mars 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Marseille a principalement :

-condamné la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST au bénéfice de la société DUVAL DEVELOPPEMENT MEDITERRANNEE, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la signification de l'ordonnance de procéder aux travaux de remise en catégorie 1 sur le plan sismique des ascenseurs de l'EPAHD sis [Adresse 1] à [Localité 4] ;

-condamné la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST à payer à titre provisionnel à la société DUVAL DEVELOPPEMENT MEDITERRANNEE la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par déclaration du 5 avril 2022, la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST a interjeté appel de la décision sus-dite.

Par acte d'huissier du 22 juin 2022 reçu et enregistré le 1er juillet 2022, la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST a fait assigner la société DUVAL DEVELOPPEMENT MEDITERRANNEE et la société KONE devant le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence au visa des dispositions de l' article 514-3 du code de procédure civile aux fins de suspendre l'exécution provisoire du jugement déféré à la cour et aux fins de condamner la société DUVAL DEVELOPPEMENT MEDITERRANEE à lui verser la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

La demanderesse a maintenu lors de l'audience du 17 octobre 2022 ses prétentions initiales, reprises dans ses dernières écritures signifiées le 16 octobre 2022 aux défenderesses.

Par écritures précédemment notifiées aux autres parties le 16 octobre 2022 et maintenues à l'audience du 17 octobre 2022, la société DUVAL DEVELOPPEMENT MEDITERRANEE a demandé à titre principal de dire irrecevables les prétentions de la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST faute de preuve de l'existence d'un risque de conséquences manifestement excessives, à titre subsidiaire, de juger que la demanderesse ne rapporte pas la preuve de l'existence de moyens sérieux d'annulation ou de réformation de la décision déférée, et en tout état de cause, de débouter la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST de ses prétentions et de la condamner à lui verser une indemnité de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

La société KONE, assignée valablement à personne, n'est ni présente ni représentée.

Il sera renvoyé aux écritures des parties pour un examen complet des moyens soutenus.

MOTIFS DE LA DECISION

En application de l'article 514-3 du code de procédure civile, en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de droit de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

Pour la recevabilité de sa demande, la société DUVAL DEVELOPPEMENT MEDITERRANEE n'a pas à justifier avoir présenté en 1ère instance des observations sur l'exécution provisoire de la décision à venir ou à démontrer que l'exécution de la décision risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance puisque le juge des référés ne peut écarter l'exécution de droit de sa décision (article 514-1 du code de procédure civile). La demande d'arrêt de l'exécution provisoire est donc recevable, n'étant au surplus pas soumise à d'autre condition prévue expressément par l'article 514-3 précité.

Au titre des moyens sérieux de réformation ou d'annulation de la décision déférée, la société demanderesse expose que :

-qu'il existe des contestations sérieuses sur l'obligation contractuelle et réglementaire à sa charge d'installer dans l'EPHAD des ascenseurs de catégorie 1;

-aucune des prescriptions émises dans le rapport de visite de la commission communale de sécurité du 24 janvier 2022 ne fait référence aux ascenseurs, ainsi que reconnu par la société DUVAL DEVELOPPEMENT MEDITERRANEE en 1ère instance; un avis favorable de cette commission a été obtenu le 11 février 2022, avant délivrance de l'assignation en référé ;

-le bureau de contrôle QUALICONSULT a déposé son rapport final de contrôle technique le 18 mars 2022 et ce rapport ne comporte pas le moindre avis suspendu portant sur la conformité des ascenseurs à la réglementation sismique ;

-les ascenseurs objets du référé ont fait l'objet de procès-verbaux de réception et de mise en service signés le 6 janvier 2022 par le maître d'ouvrage en présence de son maître d'oeuvre sans réserve portée sur ce classement par rapport à la norme EN 81-77 ; c'est à tort que le juge des référés a cru malgré ce pouvoir décider que cette réception n'était 'pas valablement opposable à la société DUVAL DEVELOPPEMENT MEDITERRANEE' au motif que ce procès-verbal n'a pas été signé par EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST ; depuis, aux termes d'un procès-verbal signé le 23 mars 2022, le maître d'ouvrage a prononcé la réception de l'ensemble des travaux confiés à la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST sans réserve sur une non-conformité des ascenseurs ; la société DUVAL DEVELOPPEMENT MEDITERRANEE fait état d'une note technique annexe n° 10 du procès-verbal de réception mais cette note ne fait qu'indiquer l'existence d'une procédure sur ce sujet et au besoin, préconise de faire des analyses complémentaires, ce qui ne constitue pas une réserve ; la société DUVAL DEVELOPPEMENT MEDITERRANEE n'avait de toutes façons pas fait de réserve à ce sujet auprès de la société KONE lors de la réception; les deux réceptions sans réserve purgent la non-conformité alléguée et fait obstacle à toute action ou réclamation à ce titre ;

-il existe au regard de ces éléments à tout le moins des contestation sérieuses sur l'obligation reposant sur la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST de réaliser les travaux litigieux.

En réplique, la société DUVAL DEVELOPPEMENT MEDITERRANEE expose que :

-il a été expressément fait référence dans le marché liant les parties à l'ensemble des DTU et normes françaises, ce que la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUS EST avait accepté en toute connaissance de cause ; l'agrément de la société KONE n'a d'ailleurs eu lieu que parce ce que devait être prise en compte l'application de la norme AFNOR EN 81-77 et donc, l'installation d'ascenseurs de type 1 au titre de la réglementation parasismique ; il n'y a d'ailleurs eu aucune contestation émise à ce sujet par la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST à la rédaction du compte-rendu de chantier qui reprend la norme AFNOR 81-77 sus-dite ;

-il n'y a pas eu de réceptions sans réserve ainsi que précisé par la demanderesse ;

-il y eu une réserve émise par la société DUVAL DEVELOPEMENT MEDITERRANEE dans une note technique point 10 des annexes remise le 23 mars 2022 à la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST à l'issue du rendez-vous de réception.

Il sera rappelé que le juge des référés a fait droit à la demande de la société DUVAL DEVELOPEMENT MEDITERRANEE au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile ; or, les éléments ci-dessus exposés par les parties permettent de constater qu'il existe bien des contestations sérieuses quant à l'obligation mise à la charge par le juge des référés de la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST de poser des ascenseurs de type 1 dans l'EPAHD concerné et ce, au regard des documents contractuels liant les parties, dont l'analyse en l'absence d'évidence relèverait du juge du fond, mais également, au regard des réceptions intervenues, dont la nature et les conséquences sont sérieusement débattues par la demanderesse. Il existe donc à ce titre des moyens de réformation de la décision déférée. Cette 1ère condition du bien-fondé de la demande est donc remplie.

Au titre du risque de conséquences manifestement excessives, la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST expose que :

-la réalisation des travaux nécessiterait de déposer et de remonter presque intégralement la cabine et la machinerie des ascenseurs A, B et C concernés et de remplacer une bonne partie des ouvrages neufs ;

-le coût strict de main d'oeuvre et de matériel a été estimé à 60.000 euros HT, ce qui est équivalent aux 2/3 du coût de fourniture et d'installation de ces trois ascenseurs ; cette exécution serait irréversible car il ne serait pas possible de rétablir les parties dans leur situation antérieure si la cour réformait l'ordonnance de référé ;

-la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST serait privée de l'utilité de son appel alors qu'il existe des moyens sérieux de réformation ;

-l'opération de construction a été intégralement réceptionnée sans aucune réserve émise au sujet de la non-conformité des ascenseurs et livré à son exploitant la société DOMUSVIE ; la réalisation des travaux s'avérerait au surplus très complexe et pourrait compromettre gravement l'exploitation de l'EPAHD par la société DOMUSVIE.

En réplique, la société DUVAL DEVELOPPEMENT MEDITERRANEE expose que :

-il existe des réserves à la réception de l'ouvrage ;

-la condamnation concerne une société dont le chiffre d'affaires dépassait en 2021 210.536,900 euros ;

-le risque de conséquences manifestement excessives ne s'analyse qu'au regard des parties de la cause, et donc, pas au regard de l'exploitant de l'EPAHD ;

-il ne s'agira pas de réorganiser la configuration du bâtiment et les travaux exigés n'ont aucun caractère irréversible.

Il ne peut être sérieusement contesté que la pose des ascenseurs litigieux et l'installation de trois nouveaux ascenseurs représentent des travaux d'ampleur qui ne seront pas sans compromettre l'exploitation de l'EPAHD concerné pendant la durée des travaux, alors que ce bâtiment a été livré à son exploitant la société DOMUSVIE; en outre, il ne peut être sérieusement contesté que ces travaux sont par nature irréversible. L'exécution forcée de la décision risque donc d'entraîner des conséquences manifestement excessives. La 2ème condition de l'article 514-3 précité est donc remplie.

La demande d'arrêt de l'exécution provisoire de la décision déférée est donc fondée. Il y sera donc fait droit.

L'équité commande de ne pas faire application au cas d'espèce des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les demandes à ce titre seront écartées.

Puisque la décision lui bénéficie, la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST supportera la charge des dépens du référé, sans distraction puisque ce dernier est sans représentation obligatoire.

PAR CES MOTIFS,

Statuant en référés, après débats en audience publique, par décision réputée contradictoire

- Ordonnons l'arrêt de l'exécution provisoire de la décision déférée ;

- Ecartons les demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Mettons les dépens à la charge de la société EIFFAGE CONSTRUCTION SUD EST ;

Ainsi prononcé par la mise à disposition de la présente décision au greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 12 décembre 2022, date dont les parties comparantes ont été avisées à l'issue des débats.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-11 référés
Numéro d'arrêt : 22/00388
Date de la décision : 12/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-12;22.00388 ?
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