COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-2
ARRÊT AU FOND
DU 08 DECEMBRE 2022
N° 2022/542
Rôle N° RG 21/16057 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIMPV
SCP BR & ASSOCIES
C/
Madame LA PROCUREURE GENERALE
[C] [M]
S.C.E.A. CRESSON DE PROVENCE
G.F.A. LE GAPEAU DE LA BRAVETTE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Sandra JUSTON
Me Philippe HAGE
PG
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Toulon en date du 04 Novembre 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 11/00989.
APPELANTE
SCP BR & ASSOCIES
dont le siège social est sis [Adresse 5], représenté par Maître [U] [B], agissant en sa qualit é de commissaire à l'exécution du plan de la SCEA CRESSON DE PROVENCE domicilié en cette qualité en son établissement se condaire sis, [Adresse 4]
représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée de Me Corinne BONVINO-ORDIONI de l'ASSOCIATION C.BONVINO ORDIONI V.ORDIONI, avocat au barreau de TOULON, plaidant
INTIMES
Maître [C] [M]
Désigné en qualité de commissaire au plan de la SCEA CRESSON DE PROVENCE en remplacement de Maître [U] [B] de la SCP BR & ASSOCIES, demeurant [Adresse 3]
défaillant
S.C.E.A. CRESSON DE PROVENCE,
dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège
représentée par Me Philippe HAGE de la SCP ROBERT & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, substitué par Me Clémence LE GUEN GOZLAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
G.F.A. LE GAPEAU DE LA BRAVETTE,
dont le siège social est sis, [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
représentée par Me Philippe HAGE de la SCP ROBERT & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Clémence LE GUEN GOZLAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Madame LA PROCUREURE GENERALE,
demeurant COUR D'APPEL - 20. [Adresse 6]
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 12 Octobre 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Agnès VADROT, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre
Madame Muriel VASSAIL, Conseiller
Madame Agnès VADROT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2022.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2022,
Signé par Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par jugement en date du 7 avril 2011, le tribunal de grande instance de Toulon a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société CRESSON DE PROVENCE et a nommé la SCP BR & ASSOCIES prise en la personne de Maître [B] en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement en date du 16 juin 2011, le même tribunal a étendu la procédure au GFA LA GAPEAU DE LA BRAVETTE.
Le 10 janvier 2013, un plan de redressement par voie de continuation a été accordé aux sociétés débitrices, la SCP BR & ASSOCIES prise en la personne de Maître [B] étant désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Le 23 février 2021, la SCP BR & ASSOCIES prise en la personne de Maître [B] a présenté une requête aux fins de modification du plan conformément aux dispositions sanitaires applicables aux entreprises afin d'obtenir un report de 12 mois.
A l'audience du 3 juin 2021, il a modifié sa demande sollicitant une prolongation de deux fois 12 mois conformément aux dispositions de l'article 5 de l'ordonnance du 20 mai 2020. L'affaire a été mise en délibéré au 1er juillet 2021.
Le 25 juin 2021, Maître [B], qui avait été autorisé à produire une note en délibéré contenant un tableau récapitulant les échéances nouvelles proposées, a adressé au tribunal une note portant sur un moratoire de deux ans.
Par jugement en date du 1er juillet 2021, le tribunal judiciaire de TOULON a modifié le plan de redressement arrêté le 10 janvier 2013 au bénéfice de la SCEA CRESSON DE PROVENCE en ce sens qu'il a été procédé à un report du plan de 12 mois avec règlement de la prochaine échéance au 1er juillet 2022 ainsi qu'à un allongement dudit plan d'une durée supplémentaire d'un an, selon des modalités à préciser lors d'un prochain jugement. Le tribunal a en outre ordonné une réouverture des débats à l'audience du 7 octobre 2021 et enjoint à Maître [B] de produire au moins 10 jours avant cette audience un projet d'échéancier modifié avec reprise des paiements au 1er juillet 2022 et allongement d'une année du plan en rappelant qu'il tirerait toute conséquence de droit d'une abstention.
Par jugement en date du 4 novembre 2021, le tribunal judiciaire de TOULON a démis la SCP BR & ASSOCIES représentée par Maître [B] de ses fonctions de commissaire au plan de la SCEA CRESSON DE PROVENCE et a désigné en ses lieu et place Maître [C] [M]. Il a en outre ordonné la réouverture des débats à l'audience du 6 janvier 2022 enjoignant Maître [M], es qualité de produire au moins 10 jours avant un projet d'échéancier modifié.
Les premiers juges ont estimé, qu'en l'état du jugement mixte, faisant partiellement droit à sa demande et ne renvoyant que sur les modalités d'aménagement du plan, à plus forte raison en lui enjoignant de s'exécuter, le mandataire ne pouvait se désister de sa demande.
Ils ont ajouté, après avoir rappelé que le rôle du mandataire était non seulement l'application de la loi mais également le respect du mandat qui lui avait été confié, que celui-ci avait volontairement failli à sa mission, ce qui justifiait qu'il soit déchargé de ses fonctions.
Par déclaration en date du 15 novembre 2021, la SCP BR & ASSOCIES prise en la personne de Maître [U] [B] a interjeté appel de ce jugement. Elle a intimé la société CRESSON DE PROVENCE, le GFA LE GAPEAU DE LA BRAVETTE, Maître [C] [M] ainsi que le ministère public.
Par conclusions déposées et notifiées par le RPVA en date du 7 janvier 2022, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, la SCP BR & ASSOCIES demande à la cour de:
PRONONCER la nullité du jugement rendu par le tribunal judiciaire de TOULON le 4 novembre 2021
En conséquence, en tant que de besoin:
DIRE la SCP BR & ASSOCIES prise en la personne de Maître [B], commissaire à l'exécution du plan de la SCEA CRESSON DE PROVENCE
DIRE n'y avoir lieu à désignation de Maître [M], es qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SCEA CRESSON DE PROVENCE
DIRE n'y avoir lieu à réouverture des débats
En tout état de cause
CONSTATER le désistement de la SCP BR & ASSOCIES représentée par Maître [B] en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SCEA CRESSON DE PROVENCE de sa demande d'allongement d'une durée supplémentaire d'un an.
DIRE que la présente décision fera l'objet d'une publicité opérée par le greffe
DIRE les dépens en frais de procédure
La SCP BR & ASSOCIES indique qu'à l'audience du 7 octobre 2021, elle s'est désistée de sa demande présentée oralement à l'audience du 3 juin 2021 dès lors que le dispositif du jugement accordait ce qu'elle avait sollicité.
Elle soutient que puisqu'il n'avait été fait que partiellement droit à la demande, elle était susceptible de se désister de sa demande complémentaire ; qu'en indiquant qu'elle ne pouvait le faire, le tribunal a violé par fausse application les dispositions des articles 394 et 395 du code de procédure civile et a de ce fait commis un excès de pouvoir dès lors qu'étant dessaisi il ne pouvait plus statuer.
Elle relève, au visa des articles 4 et 5 du code de procédure civile, qu'il est manifeste que le juge a également méconnu l'étendue de son pouvoir juridictionnel en démettant Maître [B] de ses fonctions de commissaire à l'exécution du plan dès lors que le remplacement du mandataire ne lui était pas demandé et n'était pas l'objet du litige.
Elle rappelle que le rôle du commissaire à l'exécution du plan est de rendre compte au tribunal de l'exécution du plan et de le saisir en cas d'inexécution ; qu'il n'était pas tenu de remettre un échéancier afin qu'il soit statué sur sa demande complémentaire dont il avait de par la loi le droit de se désister ; qu'en l'obligeant à maintenir sa demande, le tribunal a excédé ses pouvoirs en application de l'article 1 du code de procédure civile . Elle ajoute qu'il appartenait au tribunal de tirer les conséquences du défaut de présentation d'un nouvel échéancier et de dire que ce défaut avait pour conséquence que le plan n'était pas allongé d'une année supplémentaire.
La SCP BR & ASSOCIES rappelle par ailleurs que les dispositions légales relatives au remplacement du juge commissaire n'ont pas été respectées; qu'elle n'a pas été, en sa qualité d'organe de la procédure, régulièrement convoquée en vue de son remplacement ; qu'il n'existe ni rapport du juge commissaire ni avis du ministère public ; que ces irrégularités procédurales qui concernent la saisine du tribunal affectent la décision dans son entier ; qu'en conséquence, la nullité du jugement s'impose sans qu'il y ait lieu à évocation.
Par conclusions déposées et notifiées par le RPVA en date du 26 janvier 2022, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, la SCEA CRESSON DE PROVENCE et la société GFA LE GAPEAU DE LA BRAVETTE demandent à la cour de:
ANNULER le jugement rendu par le tribunal judiciaire de TOULON en date du 4 novembre 2021
En conséquence,
DIRE n'y avoir lieu à la désignation de Maître [M] es qualité de commissaire à la liquidation du plan
DIRE que la SCP BR & ASSOCIES prise en la personne de Maître [B] doit être maintenue en mission
Elles font valoir que les règles de procédure rappelées par les articles R626-44 et R631-3 du code de commerce n'ont pas été respectées; qu'en outre le tribunal a manifestement statué en excès de pouvoir puisque Maître [B] avait régularisé un désistement de sa requête en début d'audience dessaisissant ainsi définitivement le tribunal de cette procédure.
Par avis en date du 12 septembre 2022, le ministère public requiert l'annulation du jugement déféré le tribunal ayant statué en dehors de sa saisine.
Assigné par remise à personne habilitée le 24 janvier 2022, Maître [C] [M] n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 Septembre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Il résulte des éléments de la procédure et n'est pas contesté qu'à l'audience du 7 octobre 2021, la SCP BR & ASSOCIES prise en la personne de Maître [B] a indiqué se désister de sa demande présentée oralement à l'audience du 3 juin 2021.
Les articles 4 et 5 du code de procédure civile disposent que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.
En l'espèce, le remplacement de la SCP BR & ASSOCIES prise en la personne de Maître [B] en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SCEA CRESSON DE PROVENCE n'était sollicité par aucune des parties et n'était donc pas dans les débats.
Par ailleurs un tel remplacement ne pouvait s'envisager que dans le respect des dispositions résultant des articles L626-25 alinéa 8 et R626-44 du code de commerce et notamment par convocation de la SCP BR & ASSOCIES prise en la personne de Maître [B] comportant en objet son remplacement.
Enfin, le désistement, droit du demandeur en application des articles 1, 394 et 395 du code de procédure, a eu pour effet de dessaisir le tribunal judiciaire.
Il s'en déduit qu'en prononçant dans ces conditions et alors qu'elle ne lui avait pas été demandée, la démission de la SCP BR & ASSOCIES prise en la personne de Maître [B], le tribunal judiciaire de TOULON a statué ultra petita et a excédé ses pouvoirs en méconnaissant l'étendue de ses pouvoirs juridictionnels.
S'agissant d'une condition substantielle tenant à la saisine du tribunal, il convient de prononcer la nullité du jugement entrepris sans possibilité d'évocation.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et mis à disposition au greffe
PRONONCE la nullité du jugement rendu le 4 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de TOULON
DIT que les dépens seront des frais privilégiés de la procédure collective.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,