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08/12/2022 | FRANCE | N°21/11709

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 08 décembre 2022, 21/11709


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 08 DECEMBRE 2022



N° 2022/













Rôle N° RG 21/11709 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BH5CC







S.A.R.L. VIVIANE





C/



S.A.R.L. ARON BATIMENT





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Thierry TROIN



Me Jean-marc SZEPETOWSKI









Décision déférée à la Cour :



Ordonnance du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 27 Juillet 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/00693.





APPELANTE



S.A.R.L. VIVIANE

, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Jean-marc SZEPETOWSKI, avocat au barreau de NICE





INTIMEE



S...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 08 DECEMBRE 2022

N° 2022/

Rôle N° RG 21/11709 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BH5CC

S.A.R.L. VIVIANE

C/

S.A.R.L. ARON BATIMENT

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Thierry TROIN

Me Jean-marc SZEPETOWSKI

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 27 Juillet 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/00693.

APPELANTE

S.A.R.L. VIVIANE

, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Jean-marc SZEPETOWSKI, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

S.A.R.L. ARON BATIMENT

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Thierry TROIN de la SELARL BENSA & TROIN AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 19 Octobre 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Monsieur Olivier ABRAM, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2022.

ARRÊT

EXPOSÉ DES FAITS

La SARL VIVIANE a confié à la SARL ARON BATIMENT, à l'enseigne @ROBAT, trois marchés de construction pour la réalisation d'un immeuble, [Adresse 2] :

Lot 1 : démolition terrassement pour une somme de 120 000 € (pièce 1) ;

Lot 2 : gros-'uvre pour une somme de 594 161,88 € (pièce 2) ;

Lot 3 : étanchéité pour une somme de 44 806,80 € (pièce 3).

La passation de ces marchés est respectivement intervenue en date du 21 octobre 2019, du 6 septembre 2019, puis du 28 mai 2020.

Les 23 novembre et 23 décembre 2020, la Société ARON BATIMENT va émettre trois factures d'avancement des travaux, savoir :

Lot 1 : démolition terrassement : 11 880,74 € ;

Lot 2 : gros-'uvre : 26 787,40 € ;

Lot 3 : étanchéité : 4 301,50 €

Ces situations n'ont pas été réglées par la SARL VIVIANE qui va se prévaloir des non-achèvements et d'une mauvaise gestion du chantier puis de son abandon pour procéder à la résiliation des marchés et résilier les marchés par courrier du 25 mars 2021.

Le 26 mars 2021, la Société ARON BATIMENT a demandé à la Société VIVIANE le paiement des factures émises les 23 novembre et 23 décembre 2020, outre la somme qu'elle aurait dû percevoir en fin de marché, en application de l'article 1794 du Code Civil, pour chacun des lots.

Par acte d'huissier du 13 avril 2021, la Société ARON BATIMENT a fait assigner en référé devant le tribunal judiciaire de Grasse, la société Viviane, pour solliciter l'interdiction de la poursuite du chantier par la SARL VIVIANE, la condamnation de celle-ci à lui verser des provisions, et qu'il soit ordonné une expertise judiciaire.

Par ordonnance du 27 Juillet 2021, le Tribunal Judiciaire de GRASSE a :

Dit n'y avoir lieu à référé en ce qui concerne la demande formulée par la société ARON BATIMENT tendant à voir interdire à la société Viviane sous astreinte la poursuite du chantier de construction situé [Adresse 2]

Condamné la société Viviane à payer à la société ARON BATIMENT les sommes provisionnelles suivantes :

11 880,74 euros au titre du lot terrassement

39 187,30 euros au titre du lot gros 'uvre

4301,50 euros au titre du lot étanchéité

Condamné la société ARON BATIMENT à procéder à l'enlèvement du bungalow de chantier qu'elle a fait installer et toujours présent sur le site [Adresse 2], sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai de 20 jours suivants la signification de la présente ordonnance

Ordonné une expertise aux frais avancés de la société ARON BATIMENT

Par déclaration d'appel enregistrée au greffe le 30 Juillet 2021, la SARL VIVIANE a interjeté appel de cette ordonnance en ce qu'elle a :

Condamné la sté VIVIANE à régler à la société ARON BATIMENT à titre provisionnel les sommes de 11 880,74 euros 39 187,30 euros 4 301,50 euros au titre de soldes concernant les lots terrassements gros 'uvre et étanchéité ainsi qu'à la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 et aux entiers dépens

Limité à la somme de 100 euros par jour de retard la condamnation de la sté ARON BATIMENT sous astreinte d'avoir à enlever le bungalow de chantier présent sur site -Débouté la sté VIVIANE de sa demande de condamnation sur le fondement de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens.

Par conclusions du 10 Septembre 2021, la SARL VIVIANE, appelante sollicite de voir :

Réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a fait droit aux demandes de condamnations provisionnelles de la société ARON BATIMENT.

Débouter la Société ARON BATIMENT de l'intégralité de ses demandes de ce chef.

Condamner la SARL ARON BATIMENT, au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de Me J.M. SZEPETOWSKI, Avocat, sous sa due affirmation d'en avoir fait l'avance

Elle expose que la réalisation des travaux par l'entreprise ARON a généré de grandes difficultés ainsi que cela se trouve établi par le rapport du bureau géotechnique ERG stigmatisant la dangerosité de la situation générée par la carence de cette société; que de même, les retards par rapport au calendrier d'exécution ne cessaient de s'aggraver ; que le bureau de contrôle APAVE a établi une liste de ses observations non suivies d'effet concernant l'entreprise de gros 'uvre ainsi que pour le marché d'étanchéité ;

Le 02 mars 2021, le Maitre d''uvre a adressé une mise en demeure dans laquelle il était fait état de l'état déplorable du chantier, notamment sa dangerosité résultant de l'absence de mise en place de protections collectives. Le lendemain, une nouvelle mise en demeure était adressée, dans laquelle le maitre d''uvre constatait qu'aucune action n'avait été mise en 'uvre pour finaliser les travaux, faisait valoir que ces défauts et inachèvements impactaient "directement l'intervention des autres corps d'état » , et rappelait que ce qui précède mettait en péril "la réception et la qualité des travaux", aucun effectif n'étant présent sur le site. Le maître d'oeuvre avertissait que "sans action immédiate" il serait contraint de mandater les entreprises pour "reprendre et terminer" les travaux aux frais, risques et péril de l'entreprise.

Le 05 mars 2021 un procès-verbal de constat était établi.

Le 08 mars 2021, le maître de l'ouvrage adressait trois mises en demeures à l'entreprise ARON pour chacun des marchés concernés, mises en demeures aux termes desquelles, ils étaient stigmatisés l'état du chantier ainsi que l'absence d'achèvement des travaux.

Le 25 mars 2021, le maître de l'ouvrage adressait à l'entreprise trois courriers aux termes desquels il était prononcé la résiliation des marchés sur le fondement du CCAP de l'opération qui stipule qu'« en cas de défaillance de l'entreprise et 8 jours après une mise en demeure, le maître de l'ouvrage peut prononcer la résiliation de plein droit du marché ».

La demande de condamnation de la concluante au paiement à titre provisionnel du montant des factures litigieuses se heurte à une contestation sérieuse en l'absence de respect des stipulations contractuelles, de preuve de leur rattachement à des situations de travaux établies conformément à la procédure prévue au contrat et validé par le maître d''uvre, en contradiction avec les comptes rendus de chantier et les comptes généraux définitifs établis par le maître d''uvre.

Par conclusions du 1 Octobre 2021, la société ARON BATIMENT, intimée et appelante incidente sollicite de voir :

Vu les articles 834 et 835 du Code de Procédure Civile,

CONFIRMER l'Ordonnance de Référé rendue par le Tribunal Judiciaire de GRASSE le 29 juillet 2021, sauf en ce qui concerne la condamnation à procéder à l'enlèvement du bungalow.

DEBOUTER la Société VIVIANE de sa demande d'enlèvement du bungalow de chantier, compte tenu de son enlèvement le 22 juin 2021.

DEBOUTER la Société VIVIANE de toutes ses demandes, fins et conclusions.

CONDAMNER la Société VIVIANE à payer à la Société ARON BATIMENT la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi que les entiers dépens d'appel.

La Société ARON BATIMENT expose qu'elle est en mesure de justifier de la poursuite du chantier par l'entreprise et de sa bonne réalisation, empêchant toute résiliation dans le délai de 8 jours invoqué par la Société VIVIANE le 8 mars 2021, qu'un constat d'huissier du 23 mars 2021 établit:

La présence des salariés de la Société ARON BATIMENT sur le chantier ;

La présence d'une entreprise OMNIBAT 06 qui aurait été mandatée par la société VIVIANE en substitution de la société ARON BATIMENT ;

L'achèvement du gros-'uvre et des travaux de terrassement, à l'exception du bassin et du muret d'enceinte dont les plans restent à fournir par le maître d''uvre et le maître d'ouvrage.

La société VIVIANE ne s'est jamais prévalue de non-conformité des travaux alors que les marchés ont été conclus successivement le 21/10/2019, le 06/09/2019 et le 28 mai 2020 et a attendu la demande de règlement des factures pour ce faire.

Les prétendus retards de chantier ne lui sont pas imputables mais sont la conséquence de nombreuses modifications de plans intervenus et de l'absence de fourniture d'éléments permettant à la société ARON BATIMENT d'avancer son chantier, ainsi qu'au défaut de paiement des trois situations susvisées.

La résiliation souhaitée par la société VIVIANE le 25 mars 2021 constitue une éviction du chantier sans pouvoir constater contradictoirement l'état d'avancement du chantier ;

L'affaire a été fixée à l'audience du 19 Octobre 2022

MOTIVATION

L'article 835 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Sur l'enlèvement du bungalow :

Il n'est pas contesté que le bungalow de chantier laissé par la société ARON BATIMENT sur le site [Adresse 2] a été enlevé.

Sur l'indemnité provisionnelle accordée à l'entreprise ARON BATIMENT :

Il ressort des marchés signés par la SARL VIVIANE et l'entreprise ARON BATIMENT le 21/10/2019 (démolition et terrassement) , le 06/09/2019 (gros-'uvre )et le 28 mai 2020 (lot étanchéité) que les parties ont convenu de se référer à la norme supplétive NF P 03 001 applicable à la date de la signature des marchés ;

Par voie de conséquence, en application de l'article 1103 du code civil cette norme s'applique ainsi aux relations entre les parties en ses dispositions relatives à la constatation des droits au paiement de l'entrepreneur par l'établissement de situations mensuelles de travaux reprenant les acomptes déjà perçus, précisant le montant de la retenue de garantie transmises au plus tard le 10 du mois , à la vérification de ces situations par le maître d''uvre et à la proposition de versement d'acompte en conséquence, aux délais de vérification et de notification du décompte général définitif.

Toutefois, la demande en paiement de la SARL ARON BATIMENT en date du 26 mars 2021 comportant un cachet du 29 mars 2021 fait suite à la résiliation du contrat par la SARL VIVIANE et n'intervient donc pas dans le cadre précité dont l'entreprise impute le non- respect à la société VIVIANE.

La résiliation a été prononcée par le maître d'ouvrage spécialement en raison de la mauvaise gestion du chantier qu'il impute à l'entreprise ARON BATIMENT et d'un abandon de chantier contestés par celle-ci.

Les constats d'huissiers et les courriers échangés produits de part et d'autre ne permettent pas de conforter de façon évidente l'une ou l'autre des positions dans le cadre d'une procédure de référé.

Cette question devra donc être tranchée par le juge du fond à l'issue de l'expertise ordonnée à juste titre par le premier juge.

Si l'on procède à la comparaison entre les sommes réclamées par l'entreprise et le décompte en date d'août 2021 du maître d''uvre contesté par l'entreprise comme non établi dans le respect de la norme dont le maître d'ouvrage se prévaut, il n'y a pas de différence sur le montant des acomptes perçus mais on peut noter leur ancienneté novembre 2020 pour le lot gros-'uvre, mars 2020 pour le lot démolition 'terrassement, novembre 2021 pour le lot étanchéité (alors que le compte est d'août 2021).

S'agissant du lot étanchéité, il est mentionné par le maître d''uvre des travaux réalisés par l'entreprise intervenue sur le chantier à la demande du maître d'ouvrage avant même la résiliation si l'on se réfère au courrier adressé par LR AR au maître d'ouvrage le 12 mars 2021 et au constat d'huissier en date du 23 mars 2021. Il en est de même s'agissant du lot démolition terrassement.

Il existe ainsi une contestation sérieuse sur l'imputabilité de la résiliation et sur le compte entre les parties qu'il n'entre pas dans la compétence du juge des référés de trancher.

Par voie de conséquence, l'ordonnance du juge des référés sera infirmée en ce qui concerne les sommes allouées à titre provisionnel à l'entrepreneur.

Partie perdante en ce qui concerne la demande d'indemnité provisionnelle, l'entreprise ARON BATIMENT paiera les dépens et sa demande sur le fondement de l'article 700 du CPC sera rejetée.

En revanche, l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du CPC au bénéfice de la société VIVIANE au regard des circonstances et des données du litige telles qu'elles résultent des pièces produites de part et d'autre.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe :

INFIRME l'ordonnance du juge des référés du tribunal judicaire de Grasse en date du 29 juillet 2021 en ce qu'elle condamne la société VIVIANE à payer à la société ARON BATIMENT à titre provisionnel les sommes suivantes :

-11880,74 euros au titre du lot terrassement

-39187,30 euros au titre du lot gros 'uvre

-4301,50 euros au titre du lot étanchéité

Et en ce qu'elle condamne la société ARON BATIMENT à procéder à l'enlèvement du bungalow de chantier installé sur le site [Adresse 2] sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai de 20 jours suivant la signification de l'ordonnance.

LA CONFIRME pour le surplus,

Y AJOUTANT,

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du CPC

CONDAMNE la société ARON BATIMENT aux dépens de la procédure d'appel dont distraction au profit de maître Jean-Marc SZEPETOWSKI.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2022,

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 21/11709
Date de la décision : 08/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-08;21.11709 ?
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