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08/12/2022 | FRANCE | N°18/08820

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 08 décembre 2022, 18/08820


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 08 DECEMBRE 2022



N° 2022/













Rôle N° RG 18/08820 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCP3Y







[W] [M] [P] [T]





C/



SCI LES HAUTS DE L'ESTAQUE





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Laurent CANTARINI



Me Edouard BAFFERT






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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 05 Avril 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 13/12035.





APPELANT



Monsieur [W] [M] [P] [T]

né le 25 Août 1967 à [Localité 3], demeurant [Adresse 1]

représenté à l'audience par Me Laurent CAN...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 08 DECEMBRE 2022

N° 2022/

Rôle N° RG 18/08820 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCP3Y

[W] [M] [P] [T]

C/

SCI LES HAUTS DE L'ESTAQUE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Laurent CANTARINI

Me Edouard BAFFERT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 05 Avril 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 13/12035.

APPELANT

Monsieur [W] [M] [P] [T]

né le 25 Août 1967 à [Localité 3], demeurant [Adresse 1]

représenté à l'audience par Me Laurent CANTARINI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SCI LES HAUTS DE L'ESTAQUE

, demeurant [Adresse 2]

représentée à l'audience par Me Edouard BAFFERT de la SARL BAFFERT-MALY, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 19 Octobre 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Monsieur Olivier ABRAM, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2022.

ARRÊT

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique en date du 4 mars 2010, la SCI Les Hauts de l'Estaque a vendu en état futur d'achèvement à [W] [T] un appartement et un garage dans un ensemble immobilier dénommé [Adresse 4];

La livraison du bien est intervenue le 30 octobre 2012;

Par exploit d'huissier en date du 20 septembre 2013 [W] [T] a fait assigner la SCI Les Hauts de l'Estaque devant le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE pour :

Vu les dispositions des articles L 261-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation,

Vu les dispositions des articles 1642-1 et 1646-1 et suivants et 1602 et suivants du code civil,

DECLARER la SCI Les Hauts de l'Estaque responsable des désordres, malfaçons, défauts de finitions, et défauts de conformité allégués par Monsieur [T] et la déclarer tenue à garantie,

Avant-dire-droit sur la liquidation du préjudice subi par Monsieur [T],

ORDONNER une expertise avec mission pour le technicien commis d'avoir à :

-prendre connaissance de toutes pièces contractuelles, techniques et administratives nécessaires à l'accomplissement de sa mission,

-décrire les désordres, malfaçons, défauts de finitions et défaut de conformité affectant les biens immobiliers acquis par le requérant, décrire les moyens propres à y remédier, en chiffre le coût et en évaluer la durée,

-donner son avis sur l'ensemble des préjudices subis par le requérant, notamment de jouissance et financier à raison du retard dans la livraison de l'appartement et à raison de l'ensemble des travaux restant à effectuer,

CONDAMNER la SCI Les Hauts de l'Estaque à payer à Monsieur [T] les sommes suivantes :

-Loyer appartement du 01/01/2011 au 30/10/2012 : 11 220.66 €,

-Loyer garage du 01/01/2011 au 30/10/2012 : 2 000 €,

-Loyer garde meuble du 01/01/2011 au 30/10/2012 : 7 071.68 €,

-Dommages intérêts trouble de jouissance : 22 000 €,

-Dommage intérêts préjudice financier : 10 000 €,

-Dommages-intérêts préjudice moral : 15 000 €,

CONDAMNER la SCI Les Hauts de l'Estaque à payer à Monsieur [T] une somme de 5 980 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

CONDAMNER la SCI Les Hauts de l'Estaque aux entiers dépens dont distraction au profit de Maitre Jérôme VEYRAT GIRARD sur ses affirmations de droits;

Par jugement en date du 5 avril 2018, le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE a :

Déclaré recevable action de Monsieur [W] [T] relatives aux désordres, non-conformités et irrespect des surfaces contractuelles à l'égard de la SCI Les Hauts de l'Estaque,

Débouté Monsieur [W] [T] de sa demande d'expertise judiciaire au titre des désordres réservés,

Condamné la SCI LES HAUTS DE L'ESTAQU'E à payer à Monsieur [W] [T] les suivantes :

10 200,60 € au titre des frais de location d'appartement

2 000 € au titre des frais de location de garage

6 744,18 € titre des frais de garde-meubles

5 000 € au titre de son préjudice moral pour résistance dolosive

Débouté Monsieur [W] [T] de ses demandes au titre de son préjudice de jouissance et moral de son préjudice financier,

Condamné la SCI Les Hauts de l'Estaque à payer à Monsieur [W] [T] la somme de 588 € au titre du coût du sèche serviette,

Débouté Monsieur [W] [T] de ses demandes au titre du non-respect des surfaces contractuelles,

Condamné la SCI Les Hauts de l'Estaque à payer à Monsieur [W] [T] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Ordonné l'exécution provisoire de la décision,

Condamné la SCI Les Hauts de l'Estaque aux entiers dépens;

Par déclaration en date du 25 mai 2018, [W] [T] a relevé appel de cette décision en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande d'expertise judiciaire au titre des désordres réservés, de ses demandes au titre de son préjudice de jouissance et moral et de son préjudice financier, et de ses demandes au titre du non-respect des surfaces contractuelles;

Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 décembre 2018, [W] [T] sollicite de :

Vu les dispositions des articles L. 261-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation,

Vu les dispositions des articles 1642-1 et 1646-1 et suivants et 1602 et suivants du code civil,

Vu les dispositions des articles 1616 et 1617 du code civil,

DIRE ET JUGER que les demandes de Monsieur [W] [T] sont recevables et bien fondées,

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a :

Déclaré recevable l'action de Monsieur [T] relative aux désordres non-conformités et irrespect des surfaces contractuelles à l'égard de la SCI Les Hauts de l'Estaque,

Dit et jugé que l'immeuble de Monsieur [T] a été livré avec un retard de 22 mois,

Ecarté les travaux supplémentaires, les retards de paiement, la défaillance des entreprises et de la maîtrise d''uvre comme causes légitimes du retard,

Retenue 24 jours d'intempéries, soit après la mise en 'uvre du doublement contractuellement prévu 48 jours d'intempéries ayant pour effet de reporter la date de livraison fixée au plus tard au 31 décembre 2010 au 18 février 2011,

Dit et jugé que la SCI Les Hauts de l'Estaque a fait preuve d'une réticence dolosive directement à l'origine du préjudice subi par Monsieur [T],

En conséquence,

Condamné la SCI Les Hauts de l'Estaque à payer à Monsieur [T] :

-10 200.60 € au titre des frais de location d'appartement,

-2 000 € au titre des frais de location du garage,

- 6 744,18 € au titre des frais de garde meuble,

- 588 € au titre du sèche serviette,

Condamner la SCI Les Hauts de l'Estaque à payer à Monsieur [T] la somme de 3 000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

INFIRMER pour le surplus,

Statuant à nouveau,

DECLARER la SCI Les Hauts de l'Estaque responsable des désordres, malfaçons, défauts de finitions et défauts de conformité allégués par Monsieur [T] et la déclarer tenu à garantie,

DIRE et juger que la demande d'expertise de Monsieur [T] est recevable et bien fondée,

Avant-dire-droit sur la liquidation du préjudice subi par Monsieur [T],

ORDONNER une expertise avec mission pour le technicien commis d'avoir à :

-prendre connaissance de toutes pièces contractuelles, techniques et administratives nécessaires à l'accomplissement de sa mission,

-Décrire les désordres, malfaçons, défauts de finitions et défaut de conformité affectant les biens immobiliers acquis par le requérant, décrire les moyens propres à y remédier, en chiffre le coût et en évaluer la durée,

-Donner son avis sur l'ensemble des préjudices subis par le requérant, notamment de jouissance et financier à raison du retard dans la livraison de l'appartement et à raison de l'ensemble des travaux restant à effectuer,

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour estime que les éléments versés aux débats permettent de chiffrer les préjudices subis par Monsieur [T],

Condamner la SCI Les Hauts de l'Estaque à payer à Monsieur [T] au titre des réserves non-levées :

Terrasse Est:

1 104 € pour la pose de l'éclairage et de la prise 220 volts

249 € pour le récupérateur d'eau,

690 € pour la pose d'une étanchéité,

994.43 € pose d'un nouveau séparatif,

249 € pour le réservoir d'eau,

Chambre 1:

3450 € Mise en place porte fenêtre « tirant a droite »,

Chambre 2:

414 € Reprise du mur,

Hall d'entrée,

3 588 € Repositionnement du tableau électrique à l'emplacement prévu,

Toilettes:

414 € Changement carreau,

Salon-cuisine:

3 450 € Remplacement porte fenêtre « tirant à gauche '',

524,40 € reprise fissure,

[Adresse 5]:

690 € Remplacement des dalles à nettoyer ou changer,

3 104.40 € Raccordement des pissettes des balcons au réseau d'eaux pluviales,

241.20 € reprises de la fixation du séparatif sur le garde-corps béton,

552 € reprises du décollement des peintures sous balcon R+ 1,

178.80 € reprises des fissures sur le garde-corps béton,

104 € Mise en place de nouvelles serrures-absence de clé,

Condamner la SCI Les Hauts de l'Estaque à payer a Monsieur [T] la somme de 7 000€ au titre du préjudice de jouissance lié à l'absence de levée des réserves,

Sur le retard de livraison:

Dire et juger que trouble de jouissance et le préjudice financier sont parfaitement établies,

En conséquence,

Condamner la SCI Les Hauts de l'Estaque à payer à Monsieur [T] les sommes suivantes :

Dommages-intérêts trouble de jouissance : 22 000 €,

Dommages-intérêts pour préjudice financier : 10 000 €,

Dire et juger que le préjudice moral pour réticence dolosive de la SCI Les Hauts de l'Estaque a été sous-évalué,

En conséquence,

Condamner la SCI Les Hauts de l'Estaque à payer à Monsieur [T] la somme de 15 000€ au titre du préjudice moral,

Dire et juger que la SCI Les Hauts de l'Estaque n'a pas respecté les surfaces contractuellement prévues,

En conséquence,

Sur les terrasses :

Condamner la SCI Les Hauts de l'Estaque à payer à Monsieur [T] la somme de 15 310,58 € correspondant à la baisse du prix de vente liée à la surface manquante,

Sur le box garage:

Condamner la SCI Les Hauts de l'Estaque à fournir à Monsieur [T] un garage de la superficie contractuellement prévue, aux frais exclusifs de la SCI Les Hauts de l'Estaque, et ce sous astreintes de 150 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

A titre subsidiaire, si cela s'avère impossible,

Condamner la SCI Les Hauts de l'Estaque à payer à Monsieur [T] la somme de 4 757,76 € correspondant à la baisse du prix de vente liée à la surface manquante,

En tout état de cause,

Condamner la SCI Les Hauts de l'Estaque à payer à Monsieur [T] la somme de 5 000€ à titre de dommages-intérêts en réparation du trouble de jouissance que lui cause de non-respect de la surface du garage,

Sur les charges de copropriété supplémentaires réglées du fait de la non-conformité de surface,

Condamner la SCI Les Hauts de l'Estaque à payer à Monsieur [T] la somme de 95.50€ pour les charges supplémentaires relatives aux box de garage payées de 2013 à 2017,

Condamner la SCI Les Hauts de l'Estaque à payer à Monsieur [T] la somme de 191€ pour les charges supplémentaires relatives aux terrasses payées de 2013 à 2017,

Condamner la SCI Les Hauts de l'Estaque à payer à Monsieur [T] une somme de 5 000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la SCI Les Hauts de l'Estaque aux entiers dépens avec recouvrement direct au profit de Maître Laurent CANTARINI conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Il indique que son action n'est pas forclose, compte tenu de l'interruption résultant de l'assignation en référé en date du 26 octobre 2012, et que sa demande d'expertise se justifie, ou, à tout le moins, qu'il soit indemnisé de l'ensemble des désordres subis et du retard de livraison, alors que le bien livré ne correspond pas à celui convenu;

Par conclusions notifiées par voie électronique le 1er octobre 2018, la société Les Hauts de l'Estaque sollicite de :

Vu les articles 122 et 563 du CPC,

Vu l'article 1622 du code civil,

Déclarer Monsieur [T] mal fondé en son appel des trois chefs de jugement visés dans sa déclaration d'appel,

Dire et juger que ses demandes indemnitaires au titre de la prétendue non-levée des réserves constituent des demandes nouvelles irrecevables en appel,

A titre subsidiaire,

Dire et juger que la preuve d'une faute de la la SCI Les Hauts de l'Estaque au titre de la levée des réserves n'est pas rapportée,

Dire et juger la Cour non saisie du chef du jugement ayant chiffré le préjudice de Monsieur [T] à 5 000 euros au titre des réticences dolosives,

Dire et juger irrecevable l'action indemnitaire engagée par Monsieur [T] au titre des surfaces de sa terrasse et son parking, faute d'avoir été engagée dans l'année de la livraison de son appartement,

En conséquence confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Condamner Monsieur [T] au paiement d'une somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens;

Elle indique que la demande d'expertise n'est pas justifiée, d'autant que les réserves en cause ont été levées dans leur grande majorité, et que les demandes de condamnation de la SCI ne se justifient pas, étant nouvelles et non fondées sur la faute personnelle de la SCI;

Elle conteste les préjudices qu'il allègue avoir subi, et indique que la demande fondée sur le prétendu non-respect des surfaces contractuelles est injustifiée et, en tout état de cause, forclose;

L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 septembre 2022;

SUR CE

Il ressort de l'article 562 du Code de procédure civile que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent; la dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible;

La déclaration d'appel de [W] [T] mentionne expressément que l'un des chefs de jugement critiqués est le rejet de ses demandes au titre de son préjudice de jouissance, moral et financier;

De cette sorte, la Cour se trouve bien saisie de la contestation de l'évaluation de son préjudice moral au titre de la réticence dolosive de la SCI Les Hauts de l'Estaque;

L'article 564 dispose pour sa part qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait;

L'article suivant précise que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent;

Or, les demandes indemnitaires de [W] [T] tendent effectivement aux mêmes fins que sa demande d'expertise élevée en première instance, en ce qu'elles ont pour objet, à titre subsidiaire et au cas où sa demande principale d'expertise afin d'évaluer les réserves non-levées serait rejetée comme elle l'a été devant le premier juge, à obtenir l'indemnisation du coût des levées des réserves faites en fonction des estimations qu'il produit;

La demande à ce titre ne se trouve donc pas irrecevable comme nouvelle;

Aux termes de l'article 1642-1 du Code civil, le vendeur d'un immeuble à construire ne peut être déchargé ni avant la réception des travaux, ni avant l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession, des vices de construction ou des défauts de conformité alors apparents;

L'article 1648 alinéa 2 du même code dispose que l'action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l'année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices;

La livraison du bien est intervenue le 30 octobre 2012;

Comme l'a retenu le premier juge, le délai de forclusion a donc commencé à courir le 30 novembre 2012 et l'action au titre des défauts de conformité et vices de construction apparents devait donc être engagée avant le 30 novembre 2013;

Or, effectivement, [W] [T] a assigné la SCI Les Hauts de l'Estaque par acte d'huissier du 20 septembre 2013, soit dans le délai d'un an, alors en outre que cette assignation mentionne l'ensemble des réserves portées sur le procès-verbal de livraison et celles dénoncées ultérieurement par courrier par [W] [T], au rang desquelles figurent les constatations de l'huissier en date du 13 mai 2013 relatives aux différences de superficie;

Par voie de conséquence, il apparaît que l'assignation du 20 septembre 2013 a régulièrement interrompu le délai de forclusion, de sorte que l'action de M. [T] relative aux vices de construction et défaut de conformité apparents est recevable;

Le jugement entrepris sera donc confirmé;

Il ressort de l'article 146 du Code de procédure civile qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver; en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve;

C'est sur le fondement de ce texte que le premier juge a rejeté à raison la demande d'expertise;

En effet, il s'est écoulé près de 10 ans entre la livraison du bien et la clôture de la présente procédure, de sorte que les vices et non-conformités objets des demandes ont nécessairement été modifiées par le passage de ce temps;

D'autre part, il apparaît qu'[W] [T] a produit aux débats toutes les pièces nécessaires afin de déterminer quelles étaient ses réserves et ce que représente leur coût, offrant ainsi à son contradicteur la possibilité de les contredire sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une expertise dont l'instauration est ainsi devenue superflue;

La demande à ce titre sera donc rejetée et le jugement confirmé sur ce point, par substitution de motifs ;

Il apparaît que l'appelant a effectivement déclaré dans le procès-verbal de livraison, et dans les courriers en date des 6 et 21 novembre 2012, 3, 7 et 28 décembre 2012, et 19 février 2013 des vices de construction et des non-conformités contractuelles;

Il est également produit un constat d'huissier en date du 13 mai 2013, listant l'ensemble des défauts affectant l'appartement de [W] [T];

Il y a lieu de relever ici que c'est au vendeur de justifier de la levée des réserves en cause;

A ce titre, la production d'un courrier en date du 14 février 2013 émanant d'une entreprise et d'un autre en date du 13 mars 2013 émanant de l'intimé, faisant état pour l'un du refus de l'appelant de voir une entreprise intervenir, et pour l'autre de la volonté d'[W] [T] que son vendeur soit son seul interlocuteur et lui proposant une date d'intervention, est insuffisante, en l'absence de toutes autres pièces postérieures attestant des diligences accomplies afin de réaliser les travaux nécessaires, et/ou de l'impossibilité de les réaliser, alors que ces pièces sont antérieures au dernier constat d'huissier suscité;

Par ailleurs, l'action de [W] [T] est fondée sur les articles 1642-1 et 1648 du Code civil, non sur la responsabilité contractuelle du vendeur pour les vices cachés révélés après réception, de sorte qu'elle ne se trouve pas soumise au même formalisme, et ne nécessite pas que soit rapportée la preuve d'une faute personnelle directement imputable à la SCI;

Quoiqu'il en soit, il ressort de l'examen des lettres et du constat suscités que :

Sur la terrasse Est : il manque un éclairage, un robinet, et les protections sous les dalles béton, prévus à la notice descriptive;

En revanche, il n'est pas fait état dans le dernier constat suscité de traces de corrosions des cloisons, et il n'apparait pas que la présence d'une banquette pompier s'analyse en une non-conformité contractuelle, s'agissant d'un équipement extérieur à la terrasse;

Dans la chambre n°1: une porte-fenêtre positionnée différemment du plan de vente du logement;

Dans la chambre n°2: un faux aplomb du mur d'environ 3 cm;

Dans le hall: une hauteur sous plafond différente de celle prévue au plan de vente, et le tableau électrique posé différemment de l'emplacement prévu;

Dans les toilettes: une tache au sol;

Dans le salon / cuisine: une ouverture différente de celle convenue au plan de vente, et une fissure;

Dans la terrasse Ouest ; des dalles à nettoyer ou à changer, des pissettes des balcons des étages supérieurs orientant les EP sur la terrasse, des cloisons séparatives à refixer, et des fissures à reprendre;

Il apparaît en outre que les menuiseries intérieures n'étaient pas dotées de clés;

La reprise de ces défauts de conformités et vices de construction a été évaluée par l'appelant à la somme de 19 748,23 € par la production de devis adressés à son nom, dont le montant n'est pas en lui-même discuté;

Il convient donc de faire partiellement droit à cette demande, en y ôtant le montant porté au titre des cloisons séparatives de la terrasse Est dont la preuve de la nécessité de les installer ou de les changer n'est pas rapportée pour la somme de 994,43 €, et de condamner en conséquence la SCI Les Hauts de l'Estaque à payer à [W] [T] la somme de 18 753,80 €;

Il apparait en outre que cette absence de levée de réserves près de 10 ans après la livraison est de nature à avoir entrainé un préjudice de jouissance qu'il y a lieu de fixer à la somme de 2 000€, que la société venderesse sera également condamnée à lui payer;

Il résulte des articles 1606 et 1619 du Code civil que le vendeur est tenu de délivrer la contenance telle qu'elle est portée au contrat, mais que la différence éventuelle entre le bien convenu et celui livré ne donne lieu à diminution de prix qu'autant que la différence entre la mesure réelle et celle exprimée au contrat est d'un vingtième, eu égard à la valeur de la totalité des objets vendus, s'il n'y a stipulation contraire;

Il ressort sur ce point que l'acte de vente stipule au chapitre Conditions d'exécution des travaux ' Tolérances ' Délais ' Causes légitimes de suspension du délai de livraison, que pour l'exécution des travaux restant à faire le vendeur s'oblige à se conformer au plans, coupes, élévation et à la notice descriptive, et rappelle qu'une tolérance de 5% en plus ou en moins sera admise dans l'exécution des travaux par rapport aux cotes des plans, et que dans cette limite aucune réclamation ne sera prise en considération;

Il apparaît que l'appelant établit que les terrasses présentent une surface de 49,7 m2 au lieu des 58,3 m2 convenus dans le plan de vente, et que le garage présente une surface de 17,6 m2 au lieu des 24,4 m2 annoncés au règlement de copropriété ;

Il convient sur ce point de rejeter la demande de [W] [T] tendant à obtenir qu'il soit enjoint à la SCI de lui fournir un garage équivalent à la surface convenue, rien ne permettant de déduire que cette exécution soit possible s'agissant d'une opération livrée il y a près de 10 ans, pour laquelle il n'est pas acquis que cette venderesse dispose encore de tels lots;

Il en résulte quoiqu'il en soit que la demande de [W] [T] tendant à obtenir l'indemnisation de ces pertes de surface se trouve fondée, mais uniquement dans la mesure de la diminution de surface excédant la tolérance de 5 % contractuellement arrêtée;

Par application de ceci, et des calculs produits en demande qui se fondent sur le prix de vente au m2 des biens en cause, il sera donc alloué à ce titre à l'appelant la somme de 3 578,40 € pour la terrasse et la somme de 3 909,16 € pour le garage;

En revanche, il n'apparait pas établi que comme le prétend [W] [T], celui-ci ne puisse stationner dans son garage compte tenu de cette réduction de surface, de sorte que la demande à ce titre sera rejetée;

Il en sera de même des demandes relatives aux charges de copropriété afférentes au garage et aux terrasses, dès lors qu'il n'est pas établi que les millièmes de parties communes relatifs à ces biens soient impactés par ces différences de surfaces alors qu'est également pris en compte dans le calcul de ceux-ci la consistance du lot et sa situation, ni que les comparaisons fournies soient pertinentes au regard des caractéristiques propres des lots de l'appelant;

Pour le reste, il apparaît que [W] [T] critique uniquement les montants alloués au titre de son préjudice de jouissance, de son préjudice financier et de son préjudice moral ;

Or, il est clair comme l'a retenu pertinemment le premier juge que le préjudice de jouissance consécutif au retard de livraison du bien entre le 18 mars 2011, date tenant compte des causes légitimes de retard et dont la fixation n'est pas contestée en appel, et le 30 octobre 2012, date de la livraison, fait double emploi avec l'indemnité allouée en remboursement de la location de son appartement, déjà compensée par l'allocation de la somme de 10 200,60 €;

Par ailleurs, ainsi que ce juge l'a retenu, il ne peut être considéré que vivre dans un studio en lieu et place d'un appartement T3 soit constitutif d'un grave trouble moral, alors que M. [T] ne justifie pas d'une situation de famille particulière ;

Il apparaît par ailleurs qu'il n'est effectivement pas justifié de difficultés économiques particulières au cours de la période de retard de livraison susceptibles d'engendrer un préjudice financier spécifiquement imputable à la venderesse;

En outre, le préjudice moral a justement été arrêté à la somme de 5 000 € compte tenu de la réticence dolosive de la SCI Les Hauts de l'Estaque, qui savait lors de la signature de l'acte de vente que le délai de livraison ne serait pas respecté et s'est abstenue de l'indiquer à son acquéreur;

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur tous ces points, par motifs adoptés;

La SCI Les Hauts de l'Estaque, qui succombe, supportera les dépens;

L'équité et la situation économique des parties justifient qu'elle soit condamnée à payer à [W] [T] la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

DIT que la Cour se trouve bien saisie de la contestation de l'évaluation du préjudice moral de [W] [T] au titre de la réticence dolosive de la SCI Les Hauts de l'Estaque par l'effet de la déclaration d'appel;

DIT que les demandes indemnitaires de [W] [T] au titre des réserves non levées sont recevables;

REFORME le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de [W] [T] au titre du non-respect des surfaces contractuelles;

CONDAMNE la SCI Les Hauts de l'Estaque à payer à [W] [T] la somme de 3 578,40 € pour la non-conformité de la surface des terrasses et la somme de 3 909,16 € pour la non-conformité de la surface du garage;

LE CONFIRME pour le surplus;

Y AJOUTANT:

CONDAMNE la SCI Les Hauts de l'Estaque à payer à [W] [T] la somme de 18 753,80 € au titre des réserves non levées;

CONDAMNE la SCI Les Hauts de l'Estaque à payer à [W] [T] la somme de 2 000€ au titre du préjudice de jouissance consécutif à ces réserves non levées;

CONDAMNE la SCI Les Hauts de l'Estaque à payer à [W] [T] la somme de 2 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

CONDAMNE la SCI Les Hauts de l'Estaque aux dépens, distraits au profit de Me Laurent CANTARINI;

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2022,

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 18/08820
Date de la décision : 08/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-08;18.08820 ?
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