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08/12/2022 | FRANCE | N°18/05334

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 08 décembre 2022, 18/05334


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 08 DECEMBRE 2022



N° 2022/













Rôle N° RG 18/05334 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCFVP







SCI DU PRESSOIR





C/



SARL FRANCE PISCINE

SA ACTE IARD





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Layla TEBIEL



Me Sandra JUSTON



Me Hadri

en LARRIBEAU









Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 07 Mars 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 14/01475.





APPELANTE



SCI DU PRESSOIR

, demeurant [Adresse 4] / FRANCE

représentée par Me Hadrien LARRIBEAU de la SCP DELAGE -...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 08 DECEMBRE 2022

N° 2022/

Rôle N° RG 18/05334 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCFVP

SCI DU PRESSOIR

C/

SARL FRANCE PISCINE

SA ACTE IARD

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Layla TEBIEL

Me Sandra JUSTON

Me Hadrien LARRIBEAU

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 07 Mars 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 14/01475.

APPELANTE

SCI DU PRESSOIR

, demeurant [Adresse 4] / FRANCE

représentée par Me Hadrien LARRIBEAU de la SCP DELAGE - DAN - LARRIBEAU - RENAUDOT, avocat au barreau de GRASSE substituée à l'audience par Me Quentin MAGNAND, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEES

SARL FRANCE PISCINE

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée à l'audience par Me Sébastien BADIE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Noreddine ALIMOUSSA, avocat au barreau de NICE

SA ACTE IARD

, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Layla TEBIEL de la SCP BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant à l'audience Me Jérôme BRUNET-DEBAINES de la SCP BRUNET-DEBAINES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 18 Octobre 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Monsieur Olivier ABRAM, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2022.

ARRÊT

EXPOSE DU LITIGE

La SCI du Pressoir, propriétaire d'une villa située « [Adresse 6] » sis [Adresse 3] à [Localité 5], a souhaité confier à la société France Piscine, assurée auprès de la société ACTE IARD, la rénovation de sa piscine ;

La réception est intervenue le 3 mars 2006;

Compte tenu de l'apparition de désordres, une expertise était ordonnée le 20 janvier 2010, et son rapport déposé le 11 septembre 2013;

Par exploit d'huissier en date des 13 et 18 août 2014, la SCI du Pressoir a fait assigner la société France Piscine et la société ACTE IARD devant le Tribunal de Grande Instance de GRASSE afin d'obtenir, notamment, à titre principal, leur condamnation in solidum à lui payer la somme de 60 190 € HT au titre des dommages matériels, à titre subsidiaire, la condamnation de la société France Piscine à lui payer la somme de 60 190 € HT au titre des dommages matériels, et, en tout état de cause, la condamnation de la société France Piscine à lui payer la somme de 4 000 € au titre de la perte du classement en « tourisme trois étoiles », la somme de 4 000 € au titre de la perte de revenus locatifs, la somme de 11 778,56 € au titre des travaux de remise en état, la somme de 4 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, et à supporter les dépens;

Par ordonnance d'incident en date du 4 août 2017, le juge de la mise en état, notamment, déboutait la SCI du Pressoir de ses demandes d'expertise et de provision ad litem;

Par jugement en date du 7 mars 2018, le Tribunal de Grande Instance de GRASSE, notamment, condamnait la société France Piscine à verser à la SCI du Pressoir la somme de 1 808,30 €, et déboutait la SCI du Pressoir du surplus de ses demandes;

Par déclaration en date du 23 mars 2018, la SCI du Pressoir relevait appel de cette décision;

Par conclusions notifiées par voie électronique le 12 août 2020, la SCI du Pressoir sollicite de:

Vu le rapport d'expertise judiciaire [G],

Vu articles 1147 ancien, 1231-1, 1792 et suivant du Code Civil,

Vu les pièces visées,

INFIRMER le jugement rendu le 7 mars 2018 par le Tribunal de Grande Instance de GRASSE en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,

AVANT DIRE DROIT :

Juger que les demandes de la SCI du Pressoir sont recevables et bien fondées ;

Juger que la SCI du Pressoir présente un intérêt légitime à solliciter une nouvelle expertise judiciaire ;

Désigner Monsieur [G], ou tout autre expert qu'il plaira au Tribunal, avec pour mission d'examiner les désordres persistants tels que décrits dans le Procès-Verbal de Maître [C] du 10 novembre 2016 et dans les présentes conclusions ;

Condamner in solidum la société France Piscine et la société ACTE IARD à verser à la SCI du Pressoir la somme de 30.000 euros à titre de provision ad litem ;

A TITRE PRINCIPAL : Sur la responsabilité décennale

Juger que les désordres objet de l'expertise réalisée par Monsieur [G] étaient cachés à la réception ;

Juger que ces désordres affectent la solidité de l'ouvrage et le rendent impropre à sa destination;

Juger que ces désordres sont imputables aux travaux réalisés par la société France Piscine ;

Juger que l'activité d'étanchéité est incluse dans l'activité déclarée de « réalisation de piscines» par la société France Piscine à son assureur, la société ACTE IARD ;

En conséquence,

Juger que ces désordres sont de nature décennale ;

Juger que la responsabilité décennale de la société France Piscine est engagée ;

Juger que les garanties décennales de la société ACTE IARD sont mobilisables ;

Condamner in solidum la société France Piscine et la société ACTE IARD à verser à la SCI du Pressoir la somme de 83 600,58 € TTC, au titre des dommages matériels, indexée sur la base de l'indice BT01 à compter de la délivrance de l'assignation en référé ;

A TITRE SUSIDIAIRE : Sur la responsabilité contractuelle

Juger que les désordres et malfaçons stigmatisés par le rapport [G] sont constitutifs d'une faute de nature contractuelle imputable à la société France Piscine ;

Juger que les dommages subis par la SCI du Pressoir constituent le préjudice résultant de la faute contractuelle commise par la société France Piscine ;

Juger que le préjudice subi par la SCI du Pressoir est en lien de causalité avec la faute commise par la société France Piscine ;

En conséquence,

Condamner la société France Piscine à verser à la SCI du Pressoir la somme de 83.600,58 € TTC, au titre des dommages matériels, indexée sur la base de l'indice BT01 à compter de la délivrance de l'assignation en référé ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE : Sur les préjudices

Condamner in solidum la société France Piscine et la société ACTE IARD à verser à la SCI du Pressoir la somme de 4 000 €, au titre du préjudice lié à la perte du classement en « tourisme trois étoiles » ;

Condamner in solidum la société France Piscine et la société ACTE IARD à verser à la SCI du Pressoir la somme de 28 000 €, au titre de la perte des revenus locatifs, à parfaire au jour de l'audience ;

Condamner in solidum la société France Piscine et la société ACTE IARD à verser à la SCI du Pressoir la somme de 11 778,56 €, au titre des travaux de remise en état ;

Condamner in solidum la société France Piscine et la société ACTE IARD à verser à la SCI du Pressoir la somme de 30 000 €, à titre de provision ad litem ;

Condamner in solidum la société France Piscine et la société ACTE IARD à verser à la SCI du Pressoir la somme de 15 000 €, au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Condamner in solidum la société France Piscine et la société ACTE IARD aux entiers dépens de la présente instance ainsi que ceux de l'instance en référé, en ce compris les frais d'expertise judiciaire de Monsieur [G] s'élevant à la somme de 7 961,08 € TTC, outre la somme de 741,52 € TTC au titre de la mise en eau;

Elle indique avoir fait réaliser les travaux préconisés par l'expert judiciaire mais que les désordres perdurent, de sorte qu'il apparaît que le rapport de l'expert n'a pas correctement identifié la cause des désordres qui ne résultaient manifestement pas que du défaut d'étanchéité de la plage, ce qui justifie qu'une nouvelle expertise soit ordonnée;

Elle ajoute que l'ampleur et la nature des différents désordres, constitués de fissures, malfaçons, humidité, et défauts d'étanchéité imputables à la société intimée, affectent nécessairement la solidité de l'ouvrage et le rendent impropre à sa destination, de sorte que la responsabilité décennale de la société France Piscine est engagée;

Elle précise que cela justifie la garantie de la société ACTE IARD qui couvre la responsabilité décennale de la société France Piscine, alors que l'activité réalisée est incluse dans l'activité garantie de réalisation de piscine, s'agissant de travaux annexes à l'ouvrage principal;

Elle demande à titre subsidiaire l'application de la responsabilité contractuelle de la société France Piscine;

Elle développe ses préjudices, en ce compris les préjudices immatériels, et les constats ou les travaux de remise en état afin de pérenniser l'usage et la location des lieux ;

Par conclusions notifiées par voie électronique le 4 septembre 2018, la société France Piscine sollicite de :

Confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne la condamnation de France Piscine aux dépens, notamment les frais d'expertise,

Rejeter toutes les demandes de la SCI du Pressoir,

Ramener ses demandes à de plus justes proportions, au regard du rapport de l'expert judiciaire,

Subsidiairement dire et juger que la part de responsabilité de la société France Piscine ne saurait être supérieure à 10 pour cent des désordres et de leurs conséquences, le reste devant rester à la charge de la SCI du Pressoir, responsable de ses propres désordres,

TRES Subsidiairement, Condamner ACTE IARD à relever et garantir la société France Piscine de toutes condamnations dont elle pourrait faire l'objet, y compris au titre des frais et dépens,

En tout état de cause, Réformer la décision en ce que les dépens, notamment, frais d'expertise ont été mis à la charge de la société France Piscine,

Dire et juger que France Piscine sera tenue uniquement à hauteur de 10 % des dépens, notamment frais d'expertise,

Condamner en tout état de cause la SCI du Pressoir ou tout succombant à une somme de 3 500€ sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens,

Elle précise que les désordres constatés perdurent malgré les travaux réparatoires réalisés notamment sur son ouvrage, ce qui confirme qu'ils ne sont pas à l'origine des désordres, au contraire du ruissellement des eaux provenant de la colline jouxtant le studio sur un mur, non réalisé par elle, et qui est insuffisamment étanche;

Elle demande à tout le moins une répartition entre ce qui lui revient et ce qui est imputable aux eaux de ruissellement de la colline sur les murs accolés au bâtiment, qu'il revient à la SCI d'étancher, conteste les préjudices avancés, et demande, le cas échéant, la garantie de son assureur;

Par conclusions notifiées par voie électronique le 13 septembre 2018, la société ACTE IARD sollicite de:

En principal,

- Confirmer la décision du 7 mars 2018;

- Constater que la société France Piscine n'a pas souscrit de garantie au titre de l'activité étanchéité;

- Constater que les désordres invoqués et relevés par l'expert trouvent leur origine dans le défaut d'étanchéité de la dalle;

- Dire et juger que c'est à bon droit que la société ACTE IARD a opposé à son assurée France Piscine le refus de garantie;

En conséquence,

- Débouter la SCI du Pressoir et la société France Piscine de toutes leurs demandes à l'encontre de la société ACTE IARD,

- Prononcer la mise hors de cause d'ACTE IARD,

- Débouter la SCI du Pressoir de sa nouvelle demande d'expertise,

Subsidiairement,

- Réduire l'indemnisation des préjudices de la SCI du Pressoir,

En toute hypothèse,

- Dire et juger qu'ACTE IARD n'a pas à intervenir au titre des dommages immatériels,

- Condamner la SCI du Pressoir et France Piscine au paiement d'une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC au titre des frais irrépétibles exposés devant la Cour,

- Les condamner aux dépens;

Elle indique que le rapport d'expertise judiciaire ne peut manifestement pas être ni combattu ni critiqué par la lecture d'un procès-verbal de constat d'huissier non contradictoire, alors que les constatations nécessaires ont été effectuées dans le cadre de la mesure ordonnée, et que les travaux préconisés par l'expert ont été réalisés, ce qui conduit à rendre totalement inutile toute mesure d'expertise puisqu'à ce jour l'ouvrage n'est plus celui réalisé par la société France Piscine assurée auprès de la société ACTE IARD, mais par une tierce entreprise;

Elle précise que les désordres ne sont pas de nature décennale, ainsi que l'a relevé l'expert, et ajoute que la mauvaise réalisation de l'étanchéité par la société France Piscine, seule en cause, est la conséquence de la réalisation par son assuré d'une activité non déclarée lors de la souscription du contrat;

Elle indique ne pas garantir les dommages immatériels, et conteste les préjudices;

L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 octobre 2022;

SUR CE

La SCI du Pressoir sollicite d'abord la réformation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande d'expertise;

Elle produit au soutien de cette demande une facture des travaux réalisés par elle en date du 31 mai 2015, ainsi que deux constats d'huissier en date des 10 novembre 2016 et 24 octobre 2017, et en déduit que malgré la réalisation des travaux préconisés, les désordres persistent;

Or, il apparaît que la facture produite n'émane pas de la même société (SEDEG) qui celle qui avait émis le devis en fonction duquel le coût des travaux réparatoires a été arrêté par l'expert ([H] [D]), et que le montant des travaux y est différent;

Par ailleurs, il ne peut être constaté que les postes de cette facture sont les mêmes que ceux qui ont été validés sur le devis analysé à l'expertise, celui-ci n'étant pas produit, ni d'ailleurs aucune des annexes;

Dans ces conditions, il ne peut être retenu que la facture des travaux réalisés corresponde aux travaux préconisés à l'expertise;

C'est la raison pour laquelle les constats d'huissier sont insuffisants à établir la nécessité d'une nouvelle expertise, rien ne permettant de déduire que les désordres qui y sont relatés sont le signe de la persistance des désordres malgré la réalisation des travaux préconisés, plutôt que la simple continuation de la manifestation des désordres déjà identifiés à l'expertise;

D'autre part, il apparaît que les travaux en cause ont été réceptionnés il y a plus de 15 ans, l'expertise déposée il y a plus de 10 ans, et que des travaux ont effectivement été réalisés par la société SEDEG sur la piscine et la plage en cause;

De cette sorte, l'ouvrage en question n'est plus celui que la société attraite à la présente instance a livré et devait garantir;

Il en résulte que la demande d'instauration d'une nouvelle mesure d'expertise ne peut qu'être rejetée, et le jugement confirmé sur ce point;

Pour le reste, l'article 1792 du Code civil dispose que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination; une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère;

L'article 1147 ancien précise pour sa part que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part;

Il ressort du rapport d'expertise que sur les 7 désordres analysés, l'expert n'en retient que 6;

- Une humidité sur le mur supportant le vide sanitaire et la piscine (Désordre dit 2), lorsque la terrasse est inondée, ajoutant sur ce poste que derrière le mur en pierre donnant sur cet espace, il y a la colline qui, indique-t-il « doit certainement « couler » lors de fortes pluies »;

- Une humidité dans le studio situé sous la plage de la piscine (Désordre dit 3), consécutive à une fuite d'eau passant par les gaines de ventilation qui goute dans le studio, en précisant ne pas exclure, là-encore, le fait que la colline puisse couler et engendrer une humidité plus ou moins importante, selon les saisons;

- Des traces d'humidité sur les murs entourant les plages de la piscine (Désordres dits 4 et 5);

- Un défaut de dimension de la piscine (4,40 mètres de largeur au lieu des 4,50 mètres convenus), et une fissure non fuyarde sur le carrelage, sur le grand côté de la piscine, face au débordement, sur laquelle apparaît un trace de calcaire (Désordre dit 6);

- Des traces de rouille et des décollements de carrelage (Désordre dit 7);

L'expert précisait que les désordres constatés provenaient des travaux réalisés, et que les désordres dits 2 et 3 étaient la conséquence d'une mauvaise étanchéité réalisée sous le dallage des plages et de la terrasse;

Il s'en déduit en premier lieu que ce sont bien les travaux de la société France Piscine qui sont à l'origine des désordres et malfaçons contradictoirement relevés;

D'autre part, il apparaît que les désordres dits 2 et 3 sont de nature décennale, en ce que la plage réalisée n'est pas étanche, et se trouve de ce fait même contraire à sa destination, alors même qu'il était mentionné au devis que la réalisation des plages en cause comprenait la plage dite studio, ce qui rendait la réalisation d'une étanchéité parfaite, déjà nécessaire, indispensable et impérative au regard des caractéristiques de l'emplacement de cette plage par rapport au studio qu'elle surplombait;

Il doit être ajouté ici que la société France Piscine n'établit pas que ce sont bien les eaux de la colline qui sont à l'origine de la présence de cette humidité sur le mur supportant le vide sanitaire et la piscine, et dans le studio;

Or, par application du premier des textes cités, il s'agit d'une preuve qui lui incombe, ainsi que de déterminer, le cas échéant, dans quelle mesure ce ruissellement l'exonère de sa garantie ;

Sur ce point, en outre, le rapport de l'expert se contente d'émettre des hypothèses, qui ne suffisent pas à établir la présence d'une cause étrangère exonératoire ou l'étendue de cette exonération, en indiquant, sur le désordre dit 2, que la colline « doit certainement couler, lors de fortes pluies », et sur le désordre dit 3, qu'il « n'exclut pas, qu'en plus, la colline « coule » les jours de pluie », sans indiquer les constatations précises et circonstanciées qui lui permettent de déduire ce prétendu ruissellement, auquel il n'a manifestement jamais assisté, ni, par extension, l'importance de celui-ci;

Quant aux autres désordres, en l'absence d'éléments permettant de déduire qu'ils ont rendu l'ouvrage impropre, ils apparaissent être des défauts esthétiques consécutifs à des fautes d'exécution de la société France Piscine à l'origine de ces traces, fissures et décollements;

De cette sorte, ils relèvent de sa responsabilité contractuelle;

Ainsi, que ce soit par application de sa responsabilité décennale ou contractuelle, la société France Piscine est responsable des désordres et malfaçons affectant l'ouvrage, et doit en payer les travaux réparatoires;

Il doit être précisé ici que la société ACTE IARD n'apparait effectivement pas garantir l'activité d'étanchéité, la police couvrant la seule garantie décennale de la société pour la réalisation de « la construction de piscine, filtration et chauffage »;

Par ailleurs, il ne peut être considéré que l'ouvrage en cause soit induit dans la réalisation de piscines, s'agissant de la construction d'une plage d'une surface selon le devis de 60 m2, par nature indépendante au regard de ses caractéristiques et de ses dimensions, alors par ailleurs qu'au terme du rapport d'expertise il est clair que ce n'est pas la piscine elle-même qui n'est pas étanche;

Les demandes à l'encontre de la société ACTE IARD seront donc rejetées, et le jugement entrepris confirmé sur ce point, par motifs substitués;

Quant aux préjudices, il y a lieu de retenir les montants arrêtés à l'expertise et contradictoirement débattus, sans tenir compte des travaux faits par la société SEDEG, dont on ne sait, comme il a été dit, s'ils correspondent aux travaux préconisés;

Le montant total des travaux retenus par l'expert s'élève à la somme totale de 64 070,15 € TTC, à laquelle sera effectivement ajouté la somme de 741,52 € TTC pour la mise en eau de la plage, réalisée lors de l'expertise;

Il y effectivement lieu en outre d'ajouter à la première de ces sommes le coût d'une maîtrise d''uvre, justement évaluée à 10 %, soit la somme de 6 407 €, afin de permettre aux travaux à réaliser d'être suivis et exécutés sous le contrôle d'un professionnel en charge de veiller à ce qu'ils soient effectués dans les règles de l'art;

Ces montants seront indexés sur l'indice BT 01 à compter du mois de septembre 2013 et jusqu'à parfait paiement, compte tenu de la date du dépôt du rapport d'expertise;

Quant aux préjudices consécutifs, il ne peut être imputé à la société France Piscine la perte du classement allégué, les documents produits n'établissant pas que ce soit ce bien qui était l'objet de ce classement;

Il apparaît en revanche que la détérioration du studio ' telle qu'elle ressort du rapport d'expertise lorsqu'il indique que celui-ci présente des traces de salpêtre et de moisissures, et des constats d'huissier suscités, lorsqu'ils confirment les infiltrations dont il est l'objet ' et son impossible mise en location sont effectivement la conséquence des désordres imputables à cette intimée;

Ce préjudice s'analyse comme la perte d'une chance de pouvoir percevoir un revenu du fait de la mise en location de ce bien sur la période courant à compter du premier constat d'huissier des désordres en date du 30 avril 2009, mentionné dans l'ordonnance de référé ayant instauré l'expertise, jusqu'à la date de la facture de réalisation de travaux par la société SEDEG le 31 mai 2015, à compter de laquelle l'ouvrage a été modifié pour ne plus être celui dû et livré par la société France Piscine;

Il sera en outre tenu compte des caractéristiques propres du bien, qui, comme le rappelle un locataire (courrier du 26 juillet 2010) demeure un studio situé en contrebas de la piscine, éclairé d'une seule petite fenêtre à barreaux;

Il y a donc lieu d'accorder à l'appelante à ce titre la somme de 4 000 €, que sera condamnée à payer la société France Piscine, non la société ACTE IARD, qui ne peut être tenue de payer des dommages immatériels consécutifs à des dommages matériels non garantis;

Le jugement entreprise sera donc réformé sur ces points;

Il n'y a en revanche pas lieu de faire droit à la demande relative à la prise en charge des travaux de remise en état ou des frais d'expertise amiable antérieurs à l'expertise, qu'il appartenait à la SCI de faire examiner par l'expert afin qu'il détermine si ceux-ci sont ou non liés aux désordres et malfaçons en cause;

Il n'y a pas plus lieu de faire droit à la demande tendant à l'allocation d'une provision ad litem, la présente décision n'ayant pas pour objet de continuer une procédure déjà longue, ni, par extension, de donner à l'appelante les moyens d'y faire face;

La société France Piscine, qui succombe, supportera les dépens d'appel;

L'équité et la situation économique des parties justifient qu'elle soit condamnée à payer à la SCI du Pressoir la somme de 4 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

REFORME le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société France Piscine à payer à la somme de 1 808,30 €;

CONDAMNE la société France Piscine à payer à la SCI du Pressoir la somme de 64 070,15 € TTC au titre des travaux réparatoires consécutifs aux désordres et malfaçons affectant la piscine et la plage;

CONDAMNE la société France Piscine à payer à la SCI du Pressoir la somme de 6 407 € au titre des honoraires de maîtrise d''uvre nécessaires afin de suivre l'exécution de ces travaux;

CONDAMNE la société France Piscine à payer à la SCI du Pressoir la somme de 741,52 € TTC au titre de la mise en eau de la plage réalisée lors de l'expertise;

DIT que ces condamnations seront indexés sur l'indice BT 01 à compter du mois de septembre 2013 et jusqu'à parfait paiement ;

CONDAMNE la société France Piscine à payer à la SCI du Pressoir la somme de 4 000 € au titre de la perte de chance de percevoir des revenus locatifs du studio situé en dessous de la plage du 30 avril 2009 au 31 mai 2015;

LE CONFIRME pour le surplus;

Y AJOUTANT:

CONDAMNE la société France Piscine à payer à la SCI du Pressoir la somme de 4 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

CONDAMNE la société France Piscine aux dépens d'appel;

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2022,

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 18/05334
Date de la décision : 08/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-08;18.05334 ?
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