COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT DE SURSIS À STATUER
DU 06 DÉCEMBRE 2022
N° 2022/ 806
N° RG 22/04546 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJEAA
JONCTION AVEC
N° RG 22/09009 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJTXQ
[W] [U] épouse [P]
[F] [U]
C/
[V] [I]
[13]
Société [11] CHEZ [20]
Société [12]
Etablissement Public SIP [Localité 18] / [Localité 8]
Société [14] CHEZ [20]
Entreprise [15]
Copie exécutoire délivrée le : 08/12/2022
à :
Me Sandy ANZALONE
Me Alicia COLOMBO
+ Notifications LRAR à toutes les parties
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge des Contentieux de la Protection de MARSEILLE en date du 16 Mars 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 11-21-000261, statuant en matière de surendettement.
APPELANTS
Madame [W] [U] épouse [P]
née le 17 Août 1983 à [Localité 17],
demeurant [Adresse 6]
Monsieur [F] [U]
né le 13 Mai 1987 à [Localité 17],
demeurant [Adresse 3]
tous représentés par Me Sandy ANZALONE, avocate au barreau de MARSEILLE, plaidante
INTIMÉES
Madame [V] [I], (réf. : 2C13252477032)
née le 04 Juillet 1973 à [Localité 17],
demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Alicia COLOMBO, avocate au barreau de MARSEILLE, plaidante
S.A. [13] ([13])
(réf. : 1175111008),
domiciliée [Adresse 21]
défaillante
S.A. [11](réf. : 41651217671100), domicilié chez [20], [Adresse 1]
[Localité 9]
défaillante
Société [14] (réf. : 50545207799002),
domicilié chez [20], [Adresse 1]
défaillante
Société [12] (réf. : 22002116913 ; 00489257076), domicilié chez [Adresse 10]
défaillante
Établissement Public SIP DE [Localité 18]/ [Localité 8]
(réf. : TH 17), domicilié [Adresse 5]
défaillant
Entreprise [15] (réf. : 742851171311),
domiciliée chez [22] - [Adresse 16]
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
Conformément à l'article R332-1.2 devenu R331-9-2 du code de la consommation et à l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Agnès DENJOY, Présidente, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Agnès DENJOY, Présidente
Madame Pascale POCHIC, Conseillère
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Nicolas FAVARD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Décembre 2022.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Décembre 2022
Signé par Madame Agnès DENJOY, Présidente et Monsieur Nicolas FAVARD, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE :
Vu la déclaration de surendettement déposée par Mme [V] [I] le 28 novembre 2018 auprès de la commission de surendettement des particuliers des Bouches-du-Rhône.
Le 13 décembre 2018, la commission a déclaré la demande recevable.
Le 15 avril 2021, la commission a imposé la suspension d'exigibilité des dettes de Mme [V] [I] pour une durée de 24 mois, sans intérêts, compte tenu de ses ressources (1 678 euros), de ses charges (2 076 euros) et du montant de son endettement (103 168,42 euros) avec la précision que ces mesures sont subordonnées à la mise en 'uvre des démarches nécessaires à la sortie de l'indivision concernant un bien immobilier situé à [Adresse 19], dont la valeur de la part de Mme [I] est estimée à 91 470 euros.
A la suite de la notification de cette décision, Mme [V] [I] a contesté ces mesures, au motif que l'acte d'indivision la liant à son frère - pour la nue-propriété du bien immobilier habité par leurs parents à titre de résidence principale - comportait une clause d'interdiction d'aliéner. Elle a sollicité à la place une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.
Par le jugement dont appel du 16 mars 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Marseille a :
- débouté Mme [V] [I] de sa demande,
- rééchelonné les dettes de Mme [V] [I] sur une durée de 84 mois, sans intérêts, par des mensualités de 232,35 euros,
- laissé les dépens à la charge du Trésor public.
Cette décision a été notamment, notifiée à M. [F] [U] et Mme [W] [P], née [U], créanciers, par lettres recommandées avec avis de réception signés le 19 mars 2022.
M. [U] et Mme [P] ont relevé appel de cette décision par déclaration expédiée au greffe de la cour le 25 mars 2022.
L'affaire a été enrôlée sous le numéro RG 22/4546.
Une seconde déclaration d'appel au nom des consorts [U] a été enrôlée par la suite sous le N° RG 22/9009.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 21 octobre 2022 et ont toutes accusé réception de leur convocation.
À l'audience du 21 octobre 2022, les appelants représentés par leur avocat ont renouvelés oralement leurs conclusions écrites aux termes desquelles ils ont demandé à la cour de :
- ordonner la jonction de la procédure RG 22/4546 et de la procédure RG numéro 22/ 9009
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit qu'il n'était pas possible pour la débitrice de sortir de l'indivision et en ce qu'il a fixé la durée de rééchelonnement de son passif à 84 mois avec effacement partiel à l'issue du plan et débouté les consorts [U] de leur demande de dommages-intérêts,
- le confirmer pour le surplus,
Statuant à nouveau,
- dire que Madame [I] devra sortir de l'indivision dans les deux ans du "jugement" à intervenir et procéder au remboursement intégral des sommes qu'elle leur doit
- dire que la débitrice doit leur rembourser la somme de 232,35 euros par mois jusqu'au remboursement intégral de leur créance
À titre subsidiaire, si la cour considère que la débitrice ne peut sortir de l'indivision du vivant de ses parents, juger que les mesures de désendettement la concernant peuvent excéder sept ans et ne sont pas limités dans le temps :
- surseoir à statuer jusqu'à la fin du démembrement du bien immobilier situé [Adresse 19] cadastré [Cadastre 7] K n° [Cadastre 2]
- juger qu'aucune clause n'interdît à la débitrice de sortir de l'indivision du vivant de ses parents
- dire que Madame [I] devra sortir de l'indivision dans les deux ans du jugement à intervenir et rembourser intégralement les sommes dues aux consorts [U] à l'issue
- dans l'attente, dire qu'elle devra rembourser la somme de 232,35 euros par mois,
- à titre encore subsidiaire, fixer provisoirement la durée du rééchelonnement du passif à 84 mois et dire que la débitrice devra revenir devant la commission de surendettement à l'issue de ce délai,
À titre infiniment subsidiaire juger que Madame [I] devra bénéficier d'une mesure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire à charge pour le mandataire de procéder à la vente de ses droits indivis en vue de leur remboursement :
- dire que la débitrice devra leur verser la somme de 232,35 euros par mois jusqu'à remboursement intégral de leur créance,
- condamner Madame [I] à leur verser la somme de 10'000 euros à titre de dommages-intérêts et la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
Les consorts [U] rappellent que leur père aujourd'hui décédé a consenti un prêt à Mme [I] d'un montant de 92'000 euros cinq mois avant son décès ; que la débitrice a commencé à payer les échéances de remboursement prévues mais qu'au décès de son créancier elle a cessé tout versement et qu'elle reste devoir 88'142 euros en principal.
Ils indiquent que Mme [I] est bénéficiaire d'une donation intervenue le 13 novembre 2003 de la nue-propriété d'une villa située à [Localité 8] et qu'elle dispose donc d'un patrimoine important qui est de nature à lui permettre de solder sa dette envers eux.
Ils estiment que la débitrice est en mesure d'obtenir la mainlevée de la clause d'inaliénabilité insérée à l'acte de donation.
Ils soutiennent qu'elle est propriétaire de sa résidence principale et qu'en ce cas, son plan de désendettement peut excéder 84 mois et perdurer sans limite de temps.
Madame [V] [I] demande à la cour aux termes de ses conclusions écrites reprises oralement à la barre par son avocat de :
- in limine litis, déclarer irrecevable comme étant nouvelle en cause d'appel la demande de sursis à statuer jusqu'à la fin du démembrement de propriété du bien immobilier dont leur débitrice est donataire de l'usufruit,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
- condamner solidairement les appelants à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du CPC,
- statuer ce que de droit sur les dépens dont distraction au profit de Me Alicia Colombo.
Mme [I] expose en substance que la donation-partage dont elle a bénéficié en 2003 de la nue-propriété d'un bien qui constitue la résidence principale de ses parents et dont ils sont toujours usufruitiers comporte une clause d'inaliénabilité qui ne lui permet pas de vendre ses droits indivis.
Elle ajoute que sa situation financière est modeste et qu'elle n'est pas en mesure de s'acquitter de sa dette hormis le paiement des mensualités fixées par le premier juge en fonction de ses ressources et de ses charges.
Il est renvoyé aux conclusions respectives des parties pour le détail de leur argumentation.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la fin de non-recevoir :
Contrairement à ce que soutient Madame [V] [I] une demande de sursis à statuer n'est pas une prétention et en l'espèce la demande de sursis à statuer présentée par les appelants dans l'attente de la fin du démembrement de propriété du bien de leur débitrice est recevable.
Sur le fond :
Vu l'article L.733 - 3 du code de la consommation, la débitrice n'est pas propriétaire de sa résidence principale, en conséquence de quoi le plan de remboursement qui serait éventuellement mis en place ou confirmé ne peut excéder 7 ans. Cette disposition est d'ordre public.
En l'espèce, toutefois, il est constant que la débitrice est nue-propriétaire en indivision d'un bien immobilier dont ses parents lui ont fait donation par un acte qui remonte au 13 novembre 2003.
Le prêt contracté auprès d'[N] [U] auteur des consorts [U] est intervenu en 2015.
De manière générale lorsqu'un débiteur qui a demandé l'ouverture d'une procédure de surendettement est propriétaire d'un bien immobilier, une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire de son patrimoine est applicable dans les termes de l'article L.742 - 14 du code de la consommation.
Toutefois, selon ce texte, sont exclus de la liquidation judiciaire les biens insaisissables énumérés par l'article L 112 ' 2 du code des procédure civile d'exécution.
Ce dernier texte énonce que sont insaisissables, les biens déclarés insaisissables par le donateur sauf autorisation du juge et pour la portion qu'il détermine, par les créanciers postérieurs à l'acte de donation [...].
La créance des consorts [U] étant postérieure à l'acte de donation, la débitrice dispose dès lors d'une action en justice lui permettant de demander sur le fondement de l'article 900- 1 du code civil à ce que soit écartée la clause d'inaliénabilité insérée à l'acte de donation.
Selon l'article 900 -1 du code civil, le donataire peut être judiciairement autorisé à disposer du bien (ici : de ses droits indivis) si l'intérêt qui avait justifié la clause a disparu ou s'il advient qu'un intérêt plus important l'exige.
Par ailleurs, les créanciers de Mme [I] disposent d'une action oblique leur permettant de pallier le refus de leur débitrice d'exercer une telle action en saisissant eux même le juge sur le fondement de l'article 900 -1 du code civil aux fins de faire écarter la clause d'inaliénabilité et de permettre la liquidation du patrimoine de leur débitrice dans les conditions de droit commun de la procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire.
Par conséquent il y a lieu de prononcer une décision de sursis à statuer dans l'attente de la décision qui sera rendue par la juridiction que pourront saisir les consorts [U] par voie d'action oblique, en l'état du refus de la débitrice d'engager une telle action, aux fins d'écarter la clause d'inaliénabilité insérée à l'acte de donation partage du 13 novembre 2003, sur le fondement des dispositions de l'article 900 ' 1 du Code civil.
Il appartiendra à toute partie intéressée de saisir la juridiction de céans une fois la décision rendue en vue de la reprise de l'instance.
Dans l'intervalle il incombe à Madame [I] de continuer à s'acquitter des mensualités fixées par le plan de surendettement exécutoire conformément à la décision du juge du contentieux de la protection de Marseille.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Ordonne la jonction de l'instance n° RG 22/9009 à l'instance n° RG 22/4546
Déclare la demande de sursis à statuer présentée par les consorts [U] recevable,
Surseoit à statuer sur les prétentions des consorts [U],
Dit qu'il leur incombe d'exercer une action oblique devant la juridiction compétente ayant pour objet de voir écarter le jeu de la clause d'inaliénabilité insérée à la donation du 13 novembre 2003 sur le fondement de l'article 900 - 1 du code civil,
Dit qu'il appartiendra à tout intéressé de saisir la juridiction de céans une fois la décision rendue en vue de la poursuite de l'instance,
Dit qu'il incombe à Madame [I] de continuer dans l'intervalle à s'acquitter des mensualités prévues par le jugement dont appel,
Réserve toute autre demande et les dépens.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE