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06/12/2022 | FRANCE | N°19/09415

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 06 décembre 2022, 19/09415


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT AU FOND

DU 06 DÉCEMBRE 2022



N° 2022/377













Rôle N° RG 19/09415 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BENHB







[L] [B]





C/



[K] [P] [I] [U]















Copie exécutoire délivrée



le :



à :

Me Roméo LAPRESA

Me Julien DUMOLIE













Décision déféré

e à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 29 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/04474.





APPELANTE



Madame [L] [B]

née le 21 Mars 1976 à [Localité 4] (67), demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Roméo LAPRESA, avocat au barreau de DRAGUIGNAN





INT...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 06 DÉCEMBRE 2022

N° 2022/377

Rôle N° RG 19/09415 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BENHB

[L] [B]

C/

[K] [P] [I] [U]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Roméo LAPRESA

Me Julien DUMOLIE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 29 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/04474.

APPELANTE

Madame [L] [B]

née le 21 Mars 1976 à [Localité 4] (67), demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Roméo LAPRESA, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIME

Monsieur [K] [P] [I] [U]

né le 19 Mars 1970 à [Localité 3] ([Localité 3]), demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Julien DUMOLIE de la SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Aubane MALVEZIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 25 Octobre 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Olivier BRUE, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La cour été composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

Madame Louise DE BECHILLON, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Mélissa NAIR.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Décembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 06 Décembre 2022,

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Mme Colette SONNERY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Le 15 mars 2008, Mme [L] [B] divorcée [Y] a vendu cinq juments à M. [K] [U], dont trois ont été revendues le 16 avril 2008.

M. [K] [U] a confié depuis l'acquisition la garde des juments [D], [A] et [W] à Mme [L] [B].

Celle-ci expose que malgré la délivrance de deux sommations interpellatives,les chevaux se trouvent toujours sur la propriété de Monsieur [T] [B], Haras de l'Argens.

Se fondant sur l'article 1947 du code civil applicable en matière de dépôt, Mme [L] [B] réclame le paiement des ses débours, ainsi que des frais de pension.

Vu l'assignation du 6 juin 2016, par laquelle Mme [L] [B] a fait citer M. [K] [U], devant le tribunal de grande instance de Draguignan.

Vu le jugement rendu le 29 mai 2019, par cette juridiction, ayant :

-condamné M. [K] [U] à payer à Mme [L] [Y] en deniers ou quittance la somme de 1.760€, au titre des frais de vétérinaires et maréchal-ferrant exposés depuis le jugement de 2014 jusqu'au 16/05/2018

- rejeté la demande au titre des frais de pension et la demande de dommages-intérêts,

- rejeté la demande aux fins d'ordonner à Monsieur [U] à reprendre possession des

juments sous astreinte

- condamné Madame [L] [Y] à payer à Monsieur [U] la somme de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu la déclaration d'appel du 13 juin 2019, par Mme [L] [B].

Vu les conclusions transmises le 12 août 2020, par l'appelante.

Elle souligne que si le dépôt est présumé gratuit, la personne qui a fait le dépôt est tenue de rembourser aux dépositaire toutes les dépenses qu'il a faites pour la conservation de la chose déposée et de l'indemniser de toutes les pertes que le dépôt peut lui avoir occasionnées, ce compris les factures des haras accueillant les animaux, précisant qu'il n'est pas nécessaire que les parties aient fixé par avance le montant de la pension.

Mme [L] [B] ajoute que M. [K] [U] connaît le lieu d'hébergement des chevaux, lequel est distinct de l'adresse de facturation qui est celle du siège de l'entreprise.

L'appelante affirme n'avoir ne pas avoir reçu le courrier du déposant lui proposant de racheter les juments pour la somme de 1000 €, dès lors que le nom figurant sur sa boîte aux lettres n'est plus depuis son divorce son nom d'épouse, mais son nom de jeune fille.

Vu les conclusions transmises le 26 janvier 2021, par M. [K] [U].

Il affirme qu'il s'agit en réalité d'une vente orchestrée par le père de Mme [L] [B], M. [T] [B], qui a placé lesjuments au nom de sa fille dans le cadre de sa séparation avec sa compagne et qu'il était convenu qu'elles resteraient sous la garde de ce dernier.

M. [K] [U] soulève l'irrecevabilité des demandes par application de l'article 480 du code de procédure civile au regard de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement rendu le 6 novembre 2014, ayant considéré qu'il convenait de de distinguer les sommes réclamées au titre de la pension des animaux de celles réclamées au titre du remboursement de frais et rappelé que le dépôt étant présumé gratuit en vertu de l'article 1917 du code civil, la charge de la preuve

de son caractère onéreux repose sur le dépositaire.

Il observe sur le fond que Mme [L] [B] vise dans ses courriers reconnaissant la vente de la jument Roxana et ses sommations interpellatives, la garde de deux juments et qu'elle réclame dans ses écritures le paiement de sommes relatives à trois juments.

L'intimé rappelle que le dépôt réalisé dans un cadre non professionnel, sans document écrit est présumé gratuit, notamment lorsqu'il existe un lien entre les parties et que tel est le cas en l'espèce, compte tenu des liens d'amitié qui existaient à l'origine avec le père de la demanderesse.

Il estime que le contrat de dépôt conclu entre le père et la fille ne lui est pas opposable et souligne que l'appelante a confié les chevaux à son père sans l'informer. Il ajoute avoir indiqué par lettre de son conseil du 9 décembre 2014 qu'aucuns frais ne devaient être engagés sans son accord préalable et que les factures produites sont postérieures à cette date.

M.[K] [U] fait valoir que rien ne démontre que les frais réclamés ont été employés pour les 3 équidés dont il est propriétaire.

Il expose que la demande de récupération des chevaux sous astreinte est désormais devenue sans objet du fait de la vente des chevaux, réalisée le 9 décembre 2020 au profit de Monsieur [G] [X].

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 27 septembre 2022.

SUR CE

sur l'exception d'irrecevabilité des demandes

M. [K] [U] soulève en premier lieu, l'irrecevabilité des demandes, dès lors que par jugement du 6 novembre 2014, le tribunal de grande instance de Draguignan, saisi d'une action en paiement relative aux mêmes chevaux a rejeté la demande au titre des frais de pension, au motif qu'il n'était pas démontré que le dépôt avait été convenu à titre onéreux et ordonné le remboursement des frais personnellement engagés par Mme [L] [B].

Il résulte des dispositions de l'article 480 du code de procédure civile que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a été tranché dans le dispositif du jugement.

Si les motifs de cette décision rappellent que le dépôt est présumé conclu à titre gratuit et distinguent les frais de pension, des frais de conservation, il n'apparaît cependant pas expressément dans son dispositif que la demande relative aux frais de pension est rejetée.

Par ailleurs, les demandes formées dans le cadre de la présente procédure portent sur des périodes et des dépenses différentes.

L'exception d'autorité de la chose jugée est, en conséquence, rejetée.

M. [K] [U] soulève l'irrecevabilité des demandes pour défaut de qualité à agir, dès lors que les juments ne sont pas gardées chez Mme [L] [B], mais chez son père M. [T] [B].

Le déposant a été informé du lieu où se trouvaient les juments par sommations interpellative du 25 octobre 2018.

Il apparaît cependant que si Mme [L] [B] a conclu avec ce dernier un contrat de dépôt, relatif aux trois équidés litigieux, ayant fait l'objet de l'émission de factures, cette situation ne lui retire pas qualité à agir, alors qu'elle est le dépositaire principal.

La fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir est donc rejetée.

Sur le fond

Exposant que trois juments lui ont été déposées par M. [K] [U] depuis leur acquisition par M. [K] [U], Mme [L] [B] réclame sa condamnation à lui payer la somme de 76'340,66 €, correspondant à des frais de vétérinaire, des frais de maréchal-ferrant, des frais de gardiennage comprenant la pension et l'entretien, ainsi que des frais de pharmacie.

Elle précise avoir elle-même selon contrat du 1er décembre 2014, confié en dépôt les trois équidés à M.[T] [B], moyennant un prix de pension de 350 € par mois et par cheval, pour l'hébergement (nourriture, eau) en pension pré/box, l'accès aux installations, ainsi qu'une place dans la sellerie.

Mme [L] [B] produit aux débats un certificat de vente daté du 15 mars 2008, aux termes duquel elle a vendu cinq juments à M. [K] [U], ainsi qu'un certificat de vente datée du 16 avril 2008, selon lequel celui-ci a vendu deux d'entre elles à M. [G] [X].

Il ressort de la réponse à la sommation interpellative signifiée le 22 juillet 2015 à la demande de Mme [L] [B] à M. [K] [U] que ce dernier ne conteste pas lui avoir laissé trois équidés en dépôt. L'existence d'un dépôt volontaire est donc démontrée.

Aucun document écrit n'a cependant été établi pour le formaliser et en fixer les conditions et modalités.

Si le déposant ne peut être tenu de payer une indemnité au dépositaire s'il n'est pas constaté que le dépôt avait été convenu à titre onéreux, le dépositaire peut lui réclamer le remboursement des dépenses engagées pour la conservation de la chose.

Par application des dispositions de l'article 1947 du Code civil, la personne qui a fait le

dépôt est tenue de rembourser au dépositaire les dépenses qu'il a faites pour la conservation de la chose déposée et de l'indemniser de toutes les pertes que le dépôt peut lui avoir occasionnés.

La gratuité du dépôt, au sens de l'article 1917 du code civil, n'emporte donc aucunement renonciation au remboursement des dépenses ni à l'indemnisation des pertes.

Lorsqu'il s'agit d'un animal, les frais de conservation couvrent d'abord les dépenses d'entretien courant, nourriture et hébergement et constituent ensuite des dépenses remboursables, au titre de l'article 1947 du Code civil, ainsi que les frais vétérinaires et les dépenses de ferrage des chevaux.

Il incombe cependant au dépositaire d'apporter la preuve la réalité et du caractère pertinent des débours invoqués.

En l'espèce, aucun élément du dossier ne permet d'établir que le déposant avait convenu que les juments seraient placées en pension chez un tiers, en l'occurrence le père de la demanderesse, ce, à titre onéreux.

En vertu du principe de l'effet relatif des contrats, le contrat de dépôt conclu entre M. [T] [B] et Mme [L] [Y] le 1er décembre 2014, n'est pas opposable à M. [K] [U].

Le courrier électronique adressé par M. [T] [B] à Mme [L] [Y] le 1er mars 2016 visant une facture récapitulative de 16'300 € n'apparaît pas un justificatif suffisant. Il en est de même pour son courrier du 7 novembre 2017.

Pour le même motif, Mme [L] [B] n'est pas fondée à réclamer le remboursement des factures de gardiennage établies par son père, au nom du haras de Suvières.

M. [K] [U] ne peut prétendre que la dépositaire a outrepassé ses prérogatives en faisant donner des soins aux juments placées en dépôt, sans précision que le déposant devait être averti préalablement à ces derniers.

Les termes du courrier du 9 décembre 2014 sur l'autorisation préalable des soins n'étaient valables que dans la courte période devant précéder la reprise de possession imminente annoncée par M. [K] [U] qui a finalement laissé les animaux sur place jusqu'à leur revente le 9 décembre 2020.

Seules les factures de pharmacie des 9 mars 2016 et 22 avril 2020 se rapportant expressément aux juments litigieuses peuvent être remboursées à concurrence de 65 € et 54 €, soit un total de 119 €.

Les factures de vétérinaire mentionnant les juments placées en dépôt doivent être remboursées à concurrence de la somme de 1396,01 €.

Il en est de même pour les factures de maréchal-ferrant à concurrence de la somme de 1400 €.

En l'état de la revente des juments à un tiers intervenu à la date précitée, la demande de condamnation sous astreinte à venir les récupérer se trouve sans objet.

Compte tenu des circonstances de l'espèce et du déplacement des chevaux chez un tiers, la résistance abusive du débiteur n'est pas démontrée ; la demande de dommages-intérêts formée à ce titre par Mme [L] [B] est, en conséquence, rejetée.

Il n'y avait pas lieu de condamner en première instance Mme [B], reconnue créancière

de sommes à l'égard de M. [K] [U], au paiement d'une indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, ni de la condamner aux dépens.

Il n'y a pas lieu, en équité, de faire appplication de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement est infirmé, sauf en ce qu'il a rejeté la demande titre des frais de pension, la demande à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, ainsi que la demande aux fins d'ordonner à M. [U] reprendre possession des juments sous astreinte.

M. [K] [U] est condamné aux dépens de première instance et d'appel, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, sans qu'il y ait lieu d'y intégrer les frais de sommation interpellative et de constat étant précisé qu'il pourrait être fait application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a rejeté la demande titre des frais de pension, la demande à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, ainsi que la demande aux fins d'ordonner à M. [U] reprendre possession les juments sous astreinte.

Statuant à nouveau sur les points infirmés,

Condamne M. [K] [U] à payer à Mme [L] [B] les sommes de :

-1396,01 €, au titre des frais de vétérinaire.

- 115 €, au titre des frais pharmaceutiques

- 1400 €, au titre des frais de maréchal-ferrant

Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne M. [K] [U] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 19/09415
Date de la décision : 06/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-06;19.09415 ?
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