+COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-11 référés
ORDONNANCE DE REFERE
du 05 Décembre 2022
N° 2022/ 563
Rôle N° RG 22/00447 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ5H2
[I] [E]
[H] [Y] [G]
C/
[F] [R]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Françoise ASSUS-JUTTNER
- Me Huguette RUGGIRELLO
Prononcée à la suite d'une assignation en référé en date du 02 Août 2022.
DEMANDEURS
Madame [I] [E], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Françoise ASSUS-JUTTNER de la SCP ASSUS-JUTTNER, avocat au barreau de NICE substituée par Me Lucas PANICUCCI, avocat au barreau de NICE
Monsieur [H] [Y] [G], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Françoise ASSUS-JUTTNER de la SCP ASSUS-JUTTNER, avocat au barreau de NICE substituée par Me Lucas PANICUCCI, avocat au barreau de NICE
DEFENDERESSE
Madame [F] [R], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Huguette RUGGIRELLO, avocat au barreau de TOULON substituée par Me Sabrina PRATTICO, avocat au barreau de TOULON
* * * *
DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ
L'affaire a été débattue le 17 Octobre 2022 en audience publique devant
Véronique NOCLAIN, Président,
déléguée par ordonnance du premier président.
En application des articles 957 et 965 du code de procédure civile
Greffier lors des débats : Manon BOURDARIAS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Décembre 2022.
ORDONNANCE
Contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 05 Décembre 2022.
Signée par Véronique NOCLAIN, Président et Manon BOURDARIAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Suivant acte notarié du 4 décembre 2013, madame [F] [R] a acquis de monsieur [H] [G] et de madame [I] [E] une maison à usage d'habitation sise [Adresse 3] au prix de 269.000 euros; les vendeurs avaient réalisé des travaux sur ce bien entre 2000 et 2008.
Madame [F] [R], se plaignant de vices cachés, a saisi le juge des référés aux fins d'expertise; l'expert [O] a été désigné le 20 février 2018 et a déposé son rapport le 27 mai 2020.
Par acte d'huissier du 8 juillet 2020, madame [F] [R] a fait assigner les vendeurs devant le tribunal judiciaire de Toulon aux fins d'indemnisation des préjudices subis et restitution d'une partie du prix de vente du bien litigieux.
Par jugement contradictoire du 4 avril 2022, le tribunal judiciaire de Toulon a principalement :
-condamné in solidum monsieur [H] [G] et de madame [I] [E] à verser à madame [F] [R] la somme de 193.577,24 euros au titre des travaux de reprise ;
-condamné in solidum monsieur [H] [G] et de madame [I] [E] à verser à madame [F] [R] la somme de 3.000 euros au titre du préjudice de jouissance ;
-condamné in solidum monsieur [H] [G] et de madame [I] [E] à verser à madame [F] [R] la somme de 2.000 euros au titre du préjudice moral ;
-condamné in solidum monsieur [H] [G] et de madame [I] [E] à verser à madame [F] [R] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens, comprenant les frais d'expertise ;
-dit n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire.
Par déclaration du 3 mai 2022,monsieur [H] [G] et de madame [I] [E] ont interjeté appel de la décision sus-dite.
Par acte d'huissier du 2 août 2022 reçu et enregistré le 8 août 2022, les appelants ont fait assigner la madame [F] [R] devant le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence au visa des dispositions de l' article 514-3 du code de procédure civile aux fins de suspendre l'exécution provisoire du jugement déféré à la cour et réserver des dépens.
Les demandeurs ont maintenu lors de l'audience du 17 octobre 2022 leurs demandes, reprises dans leurs dernières écritures siginifiées le 13 octobre 2022 à la partie défenderesse.
Par écritures précédemment notifiées aux demandeurs le 14 octobre 2022 et maintenues à l'audience du 17 octobre 2022, madame [F] [R] a demandé de dire irrecevable la demande d'arrêt de l'exécution provisoire, au besoin, de rejeter cette demande et condamner monsieur [H] [G] et de madame [I] [E] à lui verser une indemnité de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.
Il sera renvoyé aux écritures des parties pour un examen complet des moyens soutenus.
MOTIFS DE LA DECISION
En application de l'article 514-3 du code de procédure civile, en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de droit de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
Pour la recevabilité de leur demande, madame [I] [E] et monsieur [H] [G] doivent faire la preuve qu'ils ont présenté en 1ère instance des observations sur l'exécution provisoire du jugement à venir ou que l'exécution du jugement risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance. Or, il est établi par la lecture du jugement déféré qu'ils ont expressément en 1ère instance sollicité le rejet de l'exécution provisoire ; cette demande doit être considérée comme une 'observation sur l'exécution provisoire', le texte de l'article 514-3 précité n'imposant pas de développements particuliers à ce sujet et la demande d'écarter l'exécution provisoire de la décision étant par ailleurs suffisamment explicite. La demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement frappé d'appel est donc recevable.
Au titre du risque de conséquences manifestement excessives, les demandeurs exposent qu'ils ont des capacités financières limités, d'autant qu'ils sont divorcés et supportent chacun de lourdes charges, et que les capacités de remboursement de madame [F] [R] sont' inconnues'; ils ajoutent que si les travaux étaient réalisés, cela priverait la cour de la possibilité de statuer sur leur demande et de nommer un nouvel expert; ils précisent que cela pourrait entraîner un enrichissement sans cause de la défenderesse.
En réplique, madame [F] [R] expose que les demandeurs ne rapportent pas la preuve d'un risque de conséquences manifestement excessives 'révélées après le jugement déféré.'
Il sera rappelé que la condition à remplir par les demandeurs ne concerne pas à ce stade la recevabilité de la demande mais son bien-fondé. [I] [E] et monsieur [H] [G] doivent donc juste faire la preuve de l'existence d'un risque de conséquences manifestement excessives, ce qu'ils tentent de démontrer dans leurs écritures ainsi qu'exigé par le texte ci-dessus.
La charge de la preuve leur incombe; à ce titre, les demandeurs n'apportent pas la preuve d'un risque de non-restitution, se contentant de dire ne pas connaître les capacités financières de la défenderesse; quant au caractère possiblement définitif de l'exécution de la décision, il leur sera rappelé que l'exécution se fait aux risques et périls de celui qui fait exécuter et qu'en l'espèce, aucun élément ne permet de dire que l'exécution des travaux de reprise empêcherait la cour d'examiner l'appel ni même de désigner un expert, qui pourrait examinerait l'état des lieux en tenant compte de l'expertise précédente et de la nature des travaux de reprise réalisés.
Au titre financier, chacun des demandeurs fait état de la précarité de sa situation =
1)madame [I] [E] justifie percevoir un revenu mensuel moyen de 3.278,45 euros et supporter, outre les charges courantes, le remboursement d'un prêt immobilier à hauteur de 1.292,93 euros, assurance comprise; elle affirme supporter le paiement du loyer mensuel de sa fille [P], locataire à [Localité 4], ce qui représenterait une charge de 600 euros par mois, mais la seule quittance produite en sa pièce 9 ne permet pas de justifier ce fait; madame [I] [E] ne communique aucun état de ses avoirs mobiliers ni aucune pièce fiscale complète; elle communique un refus de prêt à hauteur de 100.000 euros qui lui a été signifié le 30 avril 2022 par le Crédit Agricole.
2) monsieur [H] [G] justifie percevoir un salaire mensuel de 3.201,60 euros (voir cumul décembre 2021 = sa pièce 22), régler un loyer mensuel de 596,34 euros et une pension alimentaire de 220 euros par mois, et assumer des charges courantes; il ne communique toutefois aucun document fiscal complet ni l'état de ses avoirs mobiliers.
Eu égard à ces éléments, même incomplets, il peut être considéré que le paiement immédiat de la totalité des sommes dues, soit 200.577,24 euros, pourrait compromettre l'équilibre financier des demandeurs, notamment en ce qui concerne le paiement du prêt immobilier (madame [I] [E]) ou du loyer (monsieur [H] [G]). La condition de l'article 514-3 précité tenant à l'existence d'un risque de conséquences manifestement excessives est donc remplie
Les demandeurs reprennent dans le présent référé au titre des moyens sérieux de réformation le débat sur la nature des fissures constatées sur les lieux; ils contestent la nature 'cachée' d'une partie des fissures telle que retenue par le 1er juge et la ventilation faite par ce dernier entre vices cachés et vices apparents ainsi que les conséquences juridiques retenues au visa de l'article 1641 du code civil. Ce débat est suffisamment important pour qu'il soit retenu comme moyen sérieux de réformation. La condition de l'article 514-3 précité tenant à l'existence d'un moyen sérieux de réformation ou d'annulation est donc remplie.
La demande d'arrêt de l'exécution provisoire est donc fondée.
Toutefois, eu égard aux éléments incomplets remis par les demandeurs sur la réalité de leur trésorerie et aux faits de l'espèce, il y a lieu de faire droit à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire mais de façon limitée à la moitié de la somme due, soit 193.577,24 euros + 3.000 euros +2.000 euros+ 2.000 euros = 200.577,24 euros :2 = 100.288,62 euros. Le surplus de la demande sera rejetée.
L'équité commande de faire application au cas d'espèce des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les demandeurs seront in solidum condamnés à verser à madame [F] [R] une indemnité de 1500 euros au titre des frais irrépétibles.
Puisqu'ils succombent, ils seront in solidum condamnés aux dépens de l'instance.
PAR CES MOTIFS,
Statuant en référés, après débats en audience publique, par décision contradictoire
- Disons recevable la demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement déféré ;
-Ordonnons l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement déféré mais de façon limitée à la moitié du montant des condamnations , soit 100.288,62 euros ;
-Ecartons la demande pour le surplus ;
- Condamnons monsieur [H] [G] et madame [I] [E] in solidum à verser madame [F] [R] une indemnité de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamnons monsieur [H] [G] et madame [I] [E] in solidum aux dépens de la présente instance.
Ainsi prononcé par la mise à disposition de la présente décision au greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 5 décembre 2022, date dont les parties comparantes ont été avisées à l'issue des débats.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE