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02/12/2022 | FRANCE | N°19/04610

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 02 décembre 2022, 19/04610


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 02 DECEMBRE 2022



N° 2022/215



RG 19/04610

N° Portalis DBVB-V-B7D-BD7KM







[T] [O]





C/



SAS CSF

























Copie exécutoire délivrée le 02 décembre 2022

à :



- Me Benjamin CORDIEZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE







- Me Nicolas DRUJON D'ASTROS, a

vocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 21 Février 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F17/02266.





APPELANTE



Madame [T] [O], demeurant [Adres...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 02 DECEMBRE 2022

N° 2022/215

RG 19/04610

N° Portalis DBVB-V-B7D-BD7KM

[T] [O]

C/

SAS CSF

Copie exécutoire délivrée le 02 décembre 2022

à :

- Me Benjamin CORDIEZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- Me Nicolas DRUJON D'ASTROS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 21 Février 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F17/02266.

APPELANTE

Madame [T] [O], demeurant [Adresse 1]

comparante en personne, assistée de Me Benjamin CORDIEZ de la SCP CORDIEZ BENJAMIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SAS CSF, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Nicolas DRUJON D'ASTROS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Isabelle GUITTARD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Décembre 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Décembre 2022.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

Le 1er juin 2015, Mme [T] [O] a été embauchée par la société CSF, exploitante de supermarchés à l'enseigne Carrefour Market, par contrat à durée déterminée à temps partiel en qualité d'employée commerciale.

La situation contractuelle a été pérennisée selon avenant du 29 juin 2015, valant contrat à durée indéterminée à temps partiel (30 h), la convention collective nationale applicable étant celle du commerce à prédominance alimentaire.

Le 17 août 2017, la salariée a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 28 août 2017.

Le 31 août 2017, Mme [O] a été licenciée pour faute grave.

Le 28 septembre 2017, Mme [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille afin de voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le 21 février 2019, le conseil de prud'hommes a rendu le jugement suivant :

DEBOUTE Mme [T] [O] de l'ensemble de ses demandes

DEBOUTE la Société CSF de sa demande reconventionnelle

CONDAMNE le demandeur aux entiers dépens.

Le 20 mars 2019, le conseil de Mme [O] a interjeté appel de la décision.

Aux termes de ses dernières conclusions, transmises par voie électronique le 2 novembre 2020, Mme [O] demande à la cour de :

« DIRE Madame [O] bien fondée en son appel,

INFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

STATUANT A NOUVEAU,

DIRE le licenciement de Madame [O] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

EN CONSEQUENCE,

CONDAMNER la société CSF au paiement des sommes suivantes :

2.767,60 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

276,76 € à titre d'incidence congés payés sur indemnité précitée,

644,85 € à titre d'indemnité de licenciement,

10.400 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

2.000 € à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC,

LA CONDAMNER aux entiers dépens,

LA DEBOUTER de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles, fins et prétentions,

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 22 juillet 2019, la société CSF demande à la cour de :

«CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [O] de l'ensemble de ses demandes,

Par conséquent :

DIRE ET JUGER bien-fondé le licenciement intervenu à l'encontre de Madame [O]

En conséquence :

DEBOUTER Madame [O] de ses demandes en paiement des sommes suivantes :

2.767,60 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

276,76 € à titre d'incidence congés payés sur indemnité précitée,

644,85 € à titre d'indemnité de licenciement,

10.400 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

2.000 € à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens,

Reconventionnellement :

CONDAMNER Madame [O] au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 CPC

CONDAMNER Madame [O] au paiement des entiers dépens.»

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur le bien fondé du licenciement

En vertu des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.
 

En l'espèce, la lettre de licenciement est libellée de la manière suivante :

« Nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour faute grave pour les griefs que nous vous avons exposés lors de notre entretien en date du 28 août dernier au cours duquel vous n'avez pas souhaité vous faire assister et que nous reprenons brièvement ci-après.

En premier lieu, malgré les demandes réitérées de ne pas utiliser le TR pour modifier les stocks, vous persistez à aller à l'encontre de cette demande claire et précise. Ainsi, celle-ci a dû être réitérée le 1er août. Votre argument selon lequel votre fonction requiert d'utiliser cet outil de travail ne saurait prospérer dès lors que, justement, il vous a été demandé de n'en faire usage que dans des circonstances bien précises.

Ces faits entrent en violation de l'article 1 du règlement intérieur applicable à notre entreprise lequel dispose que « chaque salarié est tenu, à l'égard de son supérieur hiérarchique, ou de tout autre échelon de la hiérarchie (à partir du niveau 3), de suivre les instructions écrites ou verbales qui lui sont données par ces derniers tant au sujet de son travail, qu'au sujet du fonctionnement et de l'organisation de l'établissement, dans le respect des dispositions légales et conventionnelles

Par ailleurs, ce même jour, alors que je vous demandais simplement d'appliquer les consignes données, vous vous êtes emportée et avez commencé à critiquer l'organisation du travail au sein du magasin, à vive voix, devant la clientèle présente, tout en refusant, dans un premier temps, de gagner le bureau comme il vous l'a été demandé dans le seul but de vous calmer.

Là encore, ce comportement est contraire au règlement intérieur pris en son article 2 selon lequel « le personnel est tenu de :

- faire preuve du plus grand respect d'autrui, sous peine de s 'exposer à des sanctions ;

- ne pas avoir un comportement susceptible de nuire à la bonne renommée de l'entreprise, de l'enseigne ou des autres salariés ».

En deuxième lieu, vous avez été absente de votre poste de travail du 8 au 12 août inclus.

Lorsque, lors de votre retour au magasin, il vous a été demandé les motifs de cette absence, vous avez indiqué que vous étiez en congés payés. Après vérification sur l'affichage et auprès de votre Manager, nous vous avons indiqué que ce n'était pas le cas et que votre absence était donc injustifiée,

Là encore, vous n'avez pas respecté le règlement intérieur de notre entreprise pris en ses articles 10 et 11 lesquels prévoient respectivement que :

- « En cas d'absence pour maladie ou accident, le salarié doit prévenir, dans la mesure du possible, son responsable hiérarchique avant l'heure prévue pour la prise de fonction et, au plus tard, dans les 24 heures, sauf cas de force majeure. Il devra en justifier, dans les trois jours calendaires, par l'envoi d'un certificat médical ou d'hospitalisation.

- « Nul ne peut modifier sans autorisation la date de ses congés annuels, ceci valant aussi bien pour la période principale que pour le reliquat, ni prolonger son absence à ce titre, sauf accord mutuel entre le salarié et l'employeur»

Enfin, le 17 août, alors que nous ne faisons que vous faire part du caractère injustifié de votre absence et de la présence anormale d'un meuble « Elle et Vire » en surface de vente, vous vous êtes, une nouvelle fois emportée violemment devant les clients, nous obligeant à vous demander de quitter la surface de vente. Vous avez ensuite proféré des menaces selon lesquelles votre mari viendrait me « casser la tête».

L'ensemble de ce qui précède nous contraint à procéder à votre licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnités. Votre contrat prend fin ce jour ».

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, même pendant la durée du préavis ; l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
 

1- Sur le premier grief

La société fait valoir que la salariée a fait preuve d'insubordination le 1er août 2017 en persistant à ne pas suivre les consignes déjà rappelées concernant l'utilisation du terminal mobile (TR), en critiquant ouvertement la directive donnée, en s'emportant et en refusant de quitter le rayon.

L'appelante soutient que la société est défaillante dans la charge probatoire pour démontrer qu'il s'agissait d'un ordre réitéré.

Elle explique qu'elle a voulu renseigner une cliente sur un prix et que c'est alors que le directeur M. [V] l'a invectivée et agressée verbalement, lui interdisant pour la première fois d'utiliser le TR.

Elle ajoute que la société ne démontre pas l'existence d'une directive ou consigne concernant l'utilisation du TR, l'irrespect de celle-ci et la prétendue utilisation pour modifier les stocks.

Même s'il n'a pas été produit de règlement ou de directive concernant l'utilisation des terminaux radio-fréquence, il entrait dans les pouvoirs du directeur de dire à Mme [O] de ne l'utiliser que dans des circonstances précises, l'outil étant destiné à gérer les stocks, et non spécialement à renseigner une cliente sur un prix.

La contestation de cette directive par la salariée - même si elle était donnée pour la première fois - est patente à travers ses écrits, Mme [O] la qualifiant d'absurde et incohérente.

Non seulement la salariée n'établit pas que le directeur l'ait agressée et il est au contraire justifié que Mme [O] a résisté à la demande de ce dernier et a perdu son calme, contrevenant ainsi au règlement intérieur, ce qui constitue bien un comportement d'insubordination.

2- sur le 2ème grief

La société soutient que la salariée a été en absence injustifiée du 8 au 12 août 2017 alors qu'elle aurait dû être en congés du 17 au 30 juillet et produit à l'appui le tableau des congés d'été.

La salariée indique qu'elle a échangé sa période de congés avec une autre employée, le tout avec l'accord de la manager et produit en ce sens, deux attestations de Mme [R] confirmant l'échange des congés.

Dans ses deux écrits, Mme [R] affirme que l'échange des congés s'est effectué en total accord et validation de sa supérieure hiérarchique Mme [M], précisant «j'ai donc pris les congés de Mme [O] du 24 juillet au 7 août et Mme [O] a pris mes congés soit du 7 au 16 août.»

En application de l'article L.3141-16 du code du travail, l'organisation des congés payés relève du pouvoir de direction de l'employeur, et toute absence à ce titre nécessite l'autorisation expresse de ce dernier.

En l'espèce, la société justifie par le tableau produit en pièce n°12 que les congés d'été de Mme [O] étaient planifiés du 17 au 30 juillet 2017 soit la semaine 29 & 30 et le bulletin de salaire du mois de juillet vient corroborer la prise effective de ceux-ci, sans que la salariée n'ait à aucun moment - alors que la procédure de licenciement n'était pas commencée - émis une protestation.

Outre le fait que le témoignage d'une autre salariée, - sans écrit comme un mail émanant de la supérieure hiérarchique qui aurait donné son accord -, ne suffit pas à venir démontrer une possible erreur, les dates indiquées par Mme [R] ne coïncident pas, puisque Mme [O] n'était pas en congés programmés du 31 juillet au 7 août soit la semaine 31 et l'échange n'était donc pas possible.

Mme [O] ne justifie pas d'un modificatif de ses congés par un écrit de sa part ou un document de son supérieur hiérarchique.

La salariée n'indique pas non plus avoir travaillé sur les semaines concernées par ses congés et en tout état de cause ne le démontre pas.

Dès lors qu'à l'issue de son congé pour maladie (du 2 au 7 août), elle ne s'est pas présentée à son poste de travail la semaine 32, soit du 8 au 12 août 2017, l'employeur était en droit de relever cette absence injustifiée.

Les deux premiers griefs de la lettre de licenciement sont donc fondés et à eux seuls, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le troisième, étaient suffisamment graves pour rendre impossible le maintien du contrat de travail même pendant la durée du préavis et justifier le licenciement sans indemnité.

En conséquence, il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Mme [O] de ses demandes financières liées à la rupture.

Sur les frais et dépens

L'appelante succombant au principal doit s'acquitter des dépens et être déboutée de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La situation économique respective des parties justifie de ne pas faire application de ces dispositions en faveur de la société.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [T] [O] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/04610
Date de la décision : 02/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-02;19.04610 ?
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