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02/12/2022 | FRANCE | N°19/04301

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 02 décembre 2022, 19/04301


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 02 DECEMBRE 2022



N° 2022/214



RG 19/04301

N° Portalis DBVB-V-B7D-BD6OL







[C] [M]





C/



SA MAERSK FRANCE





















Copie exécutoire délivrée le 02 décembre 2022 à :

- Me Julien MEUNIER, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Françoise BOULAN,

avocat au barreau d'AIX-EN-

PROVENCE



Vest. 352























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 11 Mars 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 17/01806.





APPELANT



Monsieur [C] [M], demeurant [Ad...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 02 DECEMBRE 2022

N° 2022/214

RG 19/04301

N° Portalis DBVB-V-B7D-BD6OL

[C] [M]

C/

SA MAERSK FRANCE

Copie exécutoire délivrée le 02 décembre 2022 à :

- Me Julien MEUNIER, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Françoise BOULAN,

avocat au barreau d'AIX-EN-

PROVENCE

Vest. 352

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 11 Mars 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 17/01806.

APPELANT

Monsieur [C] [M], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Julien MEUNIER de la SELARL DONSIMONI & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Jean claude GUARIGLIA, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SA MAERSK FRANCE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Françoise BOULAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Pierre-yves LUCAS, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Décembre 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Décembre 2022

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Nadège LAVIGNASSE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

La société Maersk France appartient au groupe international AP MOLLER MAERSK et est spécialisée dans le secteur d'activité de l'affrètement et de l'organisation des transports maritimes.

Après avoir été embauché par cette société en contrat à durée déterminée du 1er juillet au 31 août 2005, M. [C] [M] a signé un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein et au dernier état de la relation contractuelle, il occupait le poste d'agent de recouvrement, catégorie agent de maîtrise groupe 02, coefficient 157,5, la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport étant applicable.

Courant 2016, la société a envisagé un licenciement collectif concernant 42 salariés et à cette fin, a établi un document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi (PSE).

Par lettre du 4 janvier 2017, M. [M] s'est vu notifier son licenciement économique et a adhéré au congé de reclassement.

Le 31 juillet 2017, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins de contester son licenciement.

Selon jugement du 11 mars 2019, le conseil de prud'hommes a débouté M. [M] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Le conseil du salarié a interjeté appel par déclaration du 14 mars 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 30 septembre 2022, M. [M] demande à la cour de :

« INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement déféré du Conseil de Prud'hommes de Marseille et, après de nouveau avoir jugé :

DIRE ET JUGER que la société MAERSK FRANCE ne démontre pas le bien-fondé du motif économique allégué à l'appui du licenciement de Monsieur [M] ;

DIRE ET JUGER que la société MAERSK FRANCE a violé son obligation légale de reclassement à l'égard de Monsieur [M] ;

En conséquence :

CONDAMNER la société MAERSK FRANCE à verser à Monsieur [M] la somme de 75 000 €, au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause et sérieuse ;

CONDAMNER la société MAERSK FRANCE à verser à Monsieur [M] la somme de 3 000 €, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER la société MAERSK FRANCE aux entiers dépens de l'instance.»

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 29 septembre 2022, la société Maersk France demande à la cour de :

«A titre principal,

Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Marseille en date du 11 mars 2019 en toutes ses dispositions

Condamner Monsieur [M] aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître Françoise BOULAN, membre la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, Avocats associés, aux offres de droit.

A titre subsidiaire,

Limiter le montant des dommages et intérêts accordés à Monsieur [M] au salaire des six derniers mois.»

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE L'ARRÊT

A titre liminaire, la cour relève que le cadre juridique tel que posé par le conseil de prud'hommes et repris page 5 des écritures de la société intimée à savoir «une rupture amiable du contrat de travail dans un contexte économique» ne correspond pas aux pièces déposées aux débats.

En effet, il n'est produit aucune convention de rupture amiable, l'acte de candidature à un départ volontaire fait par M. [M] le 5 septembre 2016, ne pouvant en tenir lieu.

Par ailleurs, si les parties produisent le document unilatéral établi par l'employeur portant PSE - lequel n'est pas un accord collectif -, il s'avère que ce document est sans date et l'affirmation de la société dans la lettre de licenciement, selon laquelle la Dirrecte aurait validé ce document le 29 juillet, n'est étayée par aucune pièce, notamment pas la transmission du document à l'administration.

En outre, la société se contredit puisque dans ses écritures, page 3, elle indique que le document aurait été communiqué à la Dirrecte Ile de France le 28 juillet 2019 (sic), et qu'à l'expiration du délai légal de 21 jours, il a été implicitement validé.

En l'état de ces éléments parcellaires et contradictoires concernant la validation du plan, et en l'absence de production d'un acte de rupture autre que le licenciement prononcé le 4 juillet 2017 et ayant fait l'objet d'une attestation Assedic conforme, la cour considère que M. [M] est recevable en son action visant d'une part à contester le motif du licenciement et d'autre part à reprocher à l'employeur un manquement à l'obligation de reclassement.

Sur le bien fondé du licenciement économique

Il résulte de l'article L.1233-16 du code du travail que la lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur. Les motifs énoncés doivent être précis, objectifs et matériellement vérifiables, et la lettre de licenciement doit mentionner également leur incidence sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié.

La lettre de licenciement est ainsi motivée :

«(...) Nous vous notifions votre licenciement pour motif économique en raison de la suppression de votre emploi consécutive à la réorganisation de notre Entreprise.

Cette réorganisation a été décidée dans le but de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité : l'ensemble des raisons économiques et financières du projet de licenciement ainsi que les mesures de nature économique envisagées sont détaillées dans la note qui a été remise aux mmebres du CE en application de l'article L.2323-31 du code du travail (Livre II) et peuvent être résumées de la façon suivante :

- Crise économique mondiale : après des débuts prometteurs, l'année 2015 s'achève de manière très médiocre dans l'industrie du transport de conteneurs

- Déséquilibre fort entre demandes et offres d'expéditions

- Nouvelle vague de consolidation parmi les acteurs =$gt; tarifs tirés vers le bas du fait de la surcapacité, arrêt de certains services, des navires arrêtés =$gt; réduction des coûts pour toute l'industrie

- La relance reste incertaine pour 2016, les taux de fret continuent de baisser.

- Des mauvais résultats 2015 pour Maersk monde : 44% de moins de résultat qu'en 2014 (MLB), une perte sur le dernier trimestre 2015 et une mauvaise tendance qui se confirme avec une prévision de baisse significative du résultat en 2016.

- La France subit de plein fouet les effets de cette crise mondiale, et de plus n'est pas du tout compétitive (en productivité et en coût) par rapport aux autres clusters Maersk. (...)»

Pour justifier du motif économique du licenciement, la société produit aux débats les pièces suivantes :

- une note économique et financière de 65 pages établie en vue de la consultation du comité d'entreprise,

- le procès-verbal de réunion de ce dernier le 27 juillet 2016,

- le document unilatéral,

- des articles de presse, pour certains datant de 2019.

Ces seuls éléments sont insuffisants à permettre à la présente juridiction de remplir son office, étant précisé que le salarié produit en pièce n°4 le procès-verbal de réunion du CE du 14 juin 2016 comportant notamment l'avis du Cabinet Groupe Legrand mandaté pour restituer son expertise, lequel conteste la réalité du motif économique du PSE indiquant notamment «les volumes de croissance sont importants et les prix remonteront avec la hausse des prix du pétrole et les stratégies de réduction de l'offre.»

En outre, il n'est démontré aucun lien entre la réorganisation visée et la suppression du poste de M. [M].

En tout état de cause, l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur, avant tout licenciement économique n'est pas limitée à la mise en oeuvre du plan social.

En effet, il lui incombe de rechercher s'il existe des possibilités de reclassement dans l'entreprise ou dans les sociétés du groupe dont elle relève, qu'elles soient ou non prévues dans le plan social, et de les mettre en oeuvre au bénéfice des salariés dont les postes sont supprimés.

Le juge judiciaire demeure compétent pour apprécier le respect par l'employeur de l'obligation individuelle de reclassement.

En l'espèce, l'employeur ne justifie pas avoir respecté à l'égard du salarié, son obligation de reclassement tant au niveau du périmètre du groupe que dans des propositions personnalisées, se contentant de produire un unique mail collectif du 8 août 2016 indiquant des postes disponibles dans l'entreprise, sans recherche d'un reclassement adapté à la situation de M. [M].

Dès lors, la cour, infirmant le jugement déféré, dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières du licenciement

Le salarié fait valoir un préjudice résultant des 4 mois de carence imposés par Pôle Emploi, indique avoir perçu des allocations chômage à compter de mai 2018 représentant un montant mensuel inférieur de 500 euros à son salaire, et ne pas avoir retrouvé d'emploi.

Il ajoute que depuis le 1er mars 2021, il s'est trouvé contraint de faire valoir ses droits à la retraite, précisant que sa retraite complémentaire a été minorée de 8% car il ne remplissait pas les conditions du taux plein.

La société considère qu'il convient de tenir compte des mesures d'accompagnement dont le salarié a bénéficié dans le cadre de son départ, à savoir : formation pour son projet professionnel, congé de reclassement d'une durée de 24 mois avec une allocation mensuelle dont le montant était égal à 75 % de la moyenne des rémunérations perçues au cours des 12 derniers mois, les indemnités de rupture ainsi qu'une indemnité complémentaire de licenciement correspondant à 24 mois de salaire, soit 65 323 euros.

Tenant compte de l'âge de M. [M] à la date du licenciement (58 ans), de sa rémunération mensuelle brute moyenne établie à 2 564,93 euros, de son ancienneté (12 ans), de la justification de ce qu'il a continué à percevoir des allocations de chômage jusqu'à sa mise en retraite, il convient de fixer à la somme de 25 000 euros, le montant des dommages-intérêts alloués au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L.1235-5 du code du travail.

Il convient d'appliquer d'office la sanction prévue à l'article L.1235-4 du code du travail.

Sur les frais et dépens

La société qui succombe au principal doit s'acquitter des dépens de la procédure, être déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à ce titre, payer à M. [M] la somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme la décision entreprise,

Statuant à nouveau,

Dit le licenciement économique intervenu le 4 janvier 2017 dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Maersk France à payer à M. [C] [M], les sommes suivantes:

- 25 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne le remboursement par la société Maersk France à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de 4 mois,

Dit qu'à cette fin, une copie certifiée conforme de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi, par le greffe,

Condamne la société Maersk France aux dépens de 1ère instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/04301
Date de la décision : 02/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-02;19.04301 ?
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