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02/12/2022 | FRANCE | N°19/04013

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 02 décembre 2022, 19/04013


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 02 DECEMBRE 2022



N° 2022/213





RG 19/04013

N° Portalis DBVB-V-B7D-BD5TL







EURL MARSEILLE PROVENCE RESTAURANTS





C/



[W] [X]

















Copie exécutoire délivrée le 02 décembre 2022

à :



- Me Catherine BERTHOLET, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Juliette GOLDMANN, avocat au barreau de

MARSEILLE

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 14 Février 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F17/02094.





APPELANTE



EURL MARSEILLE PROVENCE R...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 02 DECEMBRE 2022

N° 2022/213

RG 19/04013

N° Portalis DBVB-V-B7D-BD5TL

EURL MARSEILLE PROVENCE RESTAURANTS

C/

[W] [X]

Copie exécutoire délivrée le 02 décembre 2022

à :

- Me Catherine BERTHOLET, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Juliette GOLDMANN, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 14 Février 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F17/02094.

APPELANTE

EURL MARSEILLE PROVENCE RESTAURANTS, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Catherine BERTHOLET de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Arnaud CERUTTI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [W] [X], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Juliette GOLDMANN, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Marion DUTARD, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Décembre 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Décembre 2022.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

M. [W] [X] a été engagé à compter du 22 octobre 1997 par l'Eurl Sodexaub, exploitant à [Localité 1] un restaurant à l'enseigne Mc Donald's, en qualité d'équipier polyvalent. L'Eurl Sodexaub a été incluse dans une unité économique et sociale (UES BISA) créée par accord du 27 octobre 1999 englobant diverses sociétés exploitant des restaurants à l'enseigne McDonald's, dépendant de la holding Brescia Investissement.

M. [X] occupait en dernier les fonctions de manager opérationnel confirmé au sein de la société Marseille Provence Restaurants, sous l'enseigne Mc Donald's, la convention collective applicable étant celle de la restauration rapide.

Le salarié a été titulaire de plusieurs mandats notamment comme délégué du personnel et avait été désigné le 16 juin 2016 en qualité de délégué syndical CGT au sein de l'UES.

Le 11 juillet 2017, la société a notifié au salarié une mise à pied disciplinaire de 5 jours.

Le 19 septembre 2017, M. [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins d'obtenir l'annulation de la mise à pied et la condamnation de la société à lui verser diverses sommes.

Le 14 février 2019, le conseil de prud'hommes de Marseille en sa formation de départage a rendu son jugement en ces termes :

« ANNULE la mise à pied disciplinaire prononcée par l'EURL Marseille Provence Restaurants à l'encontre de M. [X] le 11 juillet 2017

CONDAMNE l'EURL Marseille Provence Restaurants à verser à M. [X] la somme de 1 044,09 euros bruts à titre de rappel de salaires sur mise à pied disciplinaire, outre celle de 104,41 euros bruts au titre des congés payés y afférents

DIT que ces sommes porteront intérêts de droit à compter du 25 septembre 2017, et ce jusqu'à parfait paiement

ORDONNE la capitalisation des intérêts, sous réserve toutefois qu'il s'agisse d'intérêts dus pour une année entière

ORDONNE à l'EURL Marseille Provence Restaurants de remettre à M. [X] un bulletin de salaire conforme à la présente décision et de régulariser sa situation auprès des organismes sociaux

DIT n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte

CONDAMNE l'EURL Marseille Provence Restaurants à verser à M. [X] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE l'EURL Marseille Provence Restaurants aux entiers dépens de la procédure

ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.»

Le 8 mars 2019, le conseil de la société Marseille Provence Restaurants a interjeté appel de la décision.

Aux termes de ses dernières conclusions, transmises par voie électronique le 29 mai 2019, l'EURL Marseille Provence Restaurants demande à la cour de :

« INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement entrepris.

CONDAMNER M. [X] à verser à la société MPR la somme de 2000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

LAISSER les entiers dépens à la présente instance à la charge de M. [X].»

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 7 septembre 2022, M. [X] demande à la cour de :

« CONFIRMER le jugement entrepris dans toutes ses dispositions.

Y AJOUTER :

CONDAMNER la société Marseille Provence Restaurants à payer à Monsieur [X] la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour les frais exposés à hauteur de Cour.

DEBOUTER la société Marseille Provence Restaurants de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.»

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour constate que dans le jugement déféré, à l'exception de la page n°1, le nom du salarié a été indiqué comme étant [X] et il convient de voir rectifier cette erreur purement matérielle.

Sur les délais de la procédure suivie

Le salarié, au visa de l'article L.1332-2 du code du travail soutient que la sanction est intervenue hors délai et encourre de ce fait l'annulation.

Il indique avoir été convoqué initialement à un entretien préalable fixé au 8 juin 2017, reporté sur la seule initiative de la société au 11 juillet 2017 (sic).

Il considère que le délai d'un mois était expiré au 8 juillet 2017.

L'employeur fait valoir que le délai d'acheminement particulièrement long de la première convocation l'a contraint à envoyer une deuxième convocation à un entretien préalable pour le 20 juin 2017, date à laquelle le salarié s'est présenté assisté.

Il estime que le point de départ du délai d'un mois pour notifier la sanction court à compter de cette date et que la notification de la mise à pied disciplinaire faite le 11 juillet 2017, est donc intervenue 9 jours avant l'expiration du délai.

Aux termes de l'alinéa 4 de l'article L.1332-2 du code du travail, la sanction ne

peut intervenir moins d'un jour franc, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien préalable.

Dans un arrêt du 7 juin 2006, la Cour de cassation a posé en principe « que si l'employeur informé de l'impossibilité dans laquelle se trouve le salarié de se présenter à l'entretien préalable peut en reporter la date, c'est alors à compter de cette nouvelle date que court le délai d'un mois qui lui est imparti pour notifier la sanction».

Il résulte des éléments produits aux débats et notamment de la pièce n°13 de la société que le salarié a informé son employeur le 9 juin 2017 «avoir reçu ce jour la convocation à l'entretien préalable prévu le 8 juin 2017».

Alors que l'employeur avait prévu un délai suffisant lors de sa 1ère convocation (lettre postée le 30 mai pour le 8 juin 2017), il a tiré les conséquences de l'impossibilité pour M. [X] de se présenter à la date initialement fixée et c'est dès lors à juste titre qu'il a procédé à une nouvelle convocation pour le 20 juin 2017, s'agissant d'une garantie de fond de la procédure, prescrite dans le seul intérêt du salarié.

En conséquence, le délai d'un mois a commencé à courir à compter de cette dernière date et dès lors que la notification de la sanction est intervenue le 11 juillet 2017, soit avant le 20 juillet 2017, la procédure doit être déclarée régulière sur ce point.

Sur l'annulation de la sanction

Pour annuler la sanction, le juge départiteur a dit que l'employeur aurait dû s'assurer de l'accord du salarié protégé sur la sanction de mise à pied à titre disciplinaire, constitutive d'une modification même temporaire de son contrat de travail, par modification de la rémunération des mois de juillet et août 2017.

La société critique cette appréciation, considérant que la mise à pied disciplinaire emporte une suspension temporaire du contrat de travail mais non une modification de la rémunération, la perte de salaire n'étant qu'une conséquence de la suspension.

Elle dénonce une protection exorbitante du droit commun au bénéfice du salarié protégé, non prévue par la Loi.

Elle indique que M.[X] s'est fondé en 1ère instance sur deux arrêts de la Cour de cassation des 23 juin 1999 et 28 avril 2011 mais qu'aucune de ces décisions n'institue un quelconque droit au refus, ou encore une obligation pour l'employeur qui souhaiterait notifier une mise à pied disciplinaire à un salarié protégé, d'obtenir son accord préalable.

Elle déclare s'appuyer sur un arrêt de la cour d'appel de Versailles du 26 septembre 2017, lequel a maintenu le pouvoir de sanction de l'employeur sur le salarié protégé, et conservé pour ce dernier la possibilité de contester la mesure et d'en demander l'annulation devant la juridiction prud'homale, s'il l'estime injustifiée.

M. [X] soutient que cet arrêt isolé a été rendu dans le cadre d'une procédure de référé, et se prévaut au contraire d'un arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence du 16 décembre 2016.

Il fait valoir que la jurisprudence offre un droit au salarié protégé d'accepter ou de refuser la sanction disciplinaire qui a pour conséquence de modifier le contrat de travail sur un élément essentiel de la rémunération.

Il reproche à l'employeur de lui avoir imposé la mesure, pour avoir omis de l'informer de sa possibilité de refuser, et d'avoir ainsi méconnu les règles protectrices, rendant la procédure disciplinaire irrégulière.

C'est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le juge départiteur s'est prononcé, et il y a seulement lieu d'ajouter que :

- la décision versaillaise produite par la société correspond à un cadre procédural différent,

- la société avait opposé le même moyen dans le cadre d'un litige entre les mêmes parties concernant une mise à pied disciplinaire identique notifiée en 2014, lequel a été rejeté par le conseil de prud'hommes puis par la présente cour dans son arrêt du 20 novembre 2020 et a été déclaré inopérant par la Cour de cassation le 1er juin 2022 (arrêt communiqué par la société appelante, pourvoi n°21-10-555).

Tirant les conséquences de l'absence d'information préalable faite au salarié protégé de son droit d'accepter ou de refuser la mise à pied disciplinaire - la sanction envisagée entraînant au demeurant une modification de la rémunération du salarié sur les deux mois de juillet et août et donc de la durée du travail durant la même période - c'est donc à juste titre que le premier juge a annulé la sanction et condamné l'employeur à régler les sommes qui ont été rappelées ci-avant et qui ne sont pas contestées.

Sur les frais et dépens

L'appelante succombant totalement doit s'acquitter des dépens, être déboutée de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à ce titre payer à M. [X] la somme de 2 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré, sauf à rectifier l'erreur purement matérielle portant sur le nom patronymique du salarié en remplaçant [X] par [X],

Y ajoutant,

Condamne l'Eurl Marseille Provence Restaurants à payer à M. [X] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne l'Eurl Marseille Provence Restaurants aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/04013
Date de la décision : 02/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-02;19.04013 ?
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