La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/12/2022 | FRANCE | N°19/03470

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 02 décembre 2022, 19/03470


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 02 DECEMBRE 2022



N°2022/212



RG 19/03470

N° Portalis DBVB-V-B7D-BD32X







[J] [Z]





C/



Association UNION REGIONALE DES FRANCAS DE PROVENCE ALPES COTE D'AZUR









Copie exécutoire délivrée le 02 décembre 2022

à :



- Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



- Me Véronique SPITALIER, avocat au barreau de MARSEIL

LE







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE - section AD - en date du 25 Juin 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 13/4049.





APPELANTE



Made...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 02 DECEMBRE 2022

N°2022/212

RG 19/03470

N° Portalis DBVB-V-B7D-BD32X

[J] [Z]

C/

Association UNION REGIONALE DES FRANCAS DE PROVENCE ALPES COTE D'AZUR

Copie exécutoire délivrée le 02 décembre 2022

à :

- Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- Me Véronique SPITALIER, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE - section AD - en date du 25 Juin 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 13/4049.

APPELANTE

Mademoiselle [J] [Z], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Isabelle GUITTARD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Association UNION REGIONALE DES FRANCAS DE PROVENCE ALPES COTE D'AZUR, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Véronique SPITALIER, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 27 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Décembre 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Décembre 2022.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

L'association Les Francas Union Régionale PACA, ayant pour objet l'organisation de formations pour l'obtention de diplômes d'accès aux fonctions d'animateurs et soumise à la convention collective nationale de l'animation, a embauché, selon contrat de travail à durée indéterminée du 3 janvier 2011, Mme [J] [Z], en qualité d'assistante de gestion coefficient 350 classe E.

Le 18 juillet 2012, l'association a notifié à Mme [Z] un avertissement.

A compter du 6 septembre 2012, la salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie jusqu'au 16 septembre prolongé au 28 octobre 2012.

Le 3 octobre 2012, l'employeur a convoqué Mme [Z] à un entretien préalable au licenciement fixé au 16 octobre suivant et par lettre recommandée du 22 octobre 2012, Mme [Z] a été licenciée pour faute grave.

Contestant notamment la mesure prise à son encontre, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille le 23 septembre 2013.

Selon jugement du de départage du 25 juin 2015, le conseil de prud'hommes a débouté Mme [Z] de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Le conseil de Mme [Z] a interjeté appel par déclaration du 22 juillet 2015.

La procédure a été radiée par arrêt du 7 avril 2017.

L'affaire a été rétablie sur conclusions de l'appelante du 27 février 2019 et les parties convoquées pour l'audience du 27 septembre 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions développées oralement, Mme [Z] demande à la cour de :

Infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Dire le licenciement litigieux dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Dire que l'intimée a manqué à son obligation de sécurité.

Condamner en conséquence l'association Les Francas au paiement des sommes suivantes :

- 4 081 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis conventionnel,

- 408,10 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 020,25 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

avec intérêts de droit à compter de la demande en justice.

- 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour dégradation de l'état de santé de Mme [Z] et manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,

- 1 500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La condamner aux dépens.

Dans ses dernières écritures reprises lors des débats, l'association Les Francas Union Régionale PACA demande à la cour de :

Confirmer les dispositions du jugement en ce qu'il a débouté Mme [Z] de toutes ses demandes.

Condamner Mme [Z] à verser à l'association Les Francas la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ordonner l'exécution provisoire.

Condamner Mme [Z] aux entiers dépens.

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties visées par la greffière.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur l'avertissement du 18 juillet 2012

L'appelante ne porte aucune critique quant à la motivation du jugement sur ce point, lequel a repris les termes de la lettre objectivant des fautes par manque d'organisation et de rigueur, dans le traitement du courrier, du suivi administratif et financier.

Par ailleurs, le jugement a mis en exergue le fait que la salariée ne démontrait par aucun élément objectif, de prétendues erreurs de paramétrage des données comptables par la société chargée de ressaisir la comptabilité suite au cambriolage de janvier 2012 et n'était pas seule pour assurer ses tâches, lesquelles correspondaient à sa fiche de poste et au travail d'une assistante de gestion.

En conséquence, la décision doit être confirmée quant au rejet de l'annulation de la sanction.

Sur le licenciement

En vertu des dispositions de l' article L 1232-1 du Code du travail, tout licenciement motivé dans les conditions prévues par ce code doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, même pendant la durée du préavis ; l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
 

La lettre de licenciement, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.
 

En l'espèce, l'association a énoncé dix griefs principaux dont la liste a été reprise dans le jugement déféré.

La salariée ne dénie pas les faits exposés mais les qualifie tout au plus d'insuffisance professionnelle non fautive.

Elle explique qu'elle a dû assumer les fonctions occupées jusqu'alors par un comptable et une secretaire à temps plein, était livrée à elle-même sans controle régulier de son responsable hiérarchique tel que prévu à la convention collective.

Elle ajoute que le cambriolage de janvier 2012 a considérablement perturbé le fonctionnement de la structure mais que l'employeur n'a embauché un salarié en renfort que 5 mois après, chargé de rectifier les erreurs dans la saisie de la comptabilité, commises par l'informaticien qui n'avait aucune compétence.

Elle invoque le fait que l'association en 2016 et 2018 a embauché plusieurs salariés supplémentaires ce qui démontre que sa charge de travail n'était pas proportionnée à sa fiche de poste.

La salariée considère que le retard pris résulte de sa surcharge de travail, mettant en avant la réalité matérielle de sa maladie dont elle soutient que l'employeur a été informé.

La cour constate que sur ce dernier point, Mme [Z] ne démontre par aucun élément que l'affection invalidante prise en charge à 100 % à compter du 4 octobre 2012, voire même la fatigue décrite par un de ses amis M. [N] dans son attestation, ont été portées à la connaissance de l'employeur, avant la suspension du contrat de travail en septembre 2012.

L'appelante ne justifie par aucun mail ou lettre - comme elle le soutient - avoir fait des alertes auprès de son employeur quant à sa charge de travail, même après l'avertissement notifié; les attestations de sa mère, régisseur dans la même entreprise et d'une amie décrivant des horaires tardifs ne sont pas de nature à démontrer l'accomplissement d'heures supplémentaires, au demeurant non réclamées dans le cadre judiciaire.

De la même façon, Mme [Z] n'apporte aux débats aucun élément concernant le fait qu'elle aurait occupé un poste confié auparavant à deux personnes et que sa charge de travail a été accrue par les erreurs commises par l'informaticien, chargé de reprendre les données de comptabilité, suite au cambriolage de janvier 2012, étant précisé que les embauches faites trois ou cinq ans après le licenciement ne sauraient venir démontrer la surcharge de travail invoquée en 2012-2013.

L'employeur, pour chaque grief, apporte la démonstration de leur matérialité et de leur imputabilité à Mme [Z], les manquements les plus importants étant :

- absence de traitement des courriels (mails non ouverts) du conseil régional, le principal partenaire financier de l'association, pour voir reconduire le marché pour 2013 (pièce n°31),

- absence de réponse à la CAF, autre partenaire financier, quant au remboursement des aides avancées aux stagiaires BAFA en janvier et avril 2012 (pièce n°30),

- nombreuses factures non envoyées aux clients en 2011 et 2012 (pièces n°25 à 29),

- chèques des stagiaires non encaissés (pour certains sans ordre) de mai à septembre 2012 (pièces n° 11-18-19-20),

- non traitement de demande de remboursements de frais de février 2012 (pièce n°12), chèques établis au nom d'intervenants de février à avril 2012, mais non envoyés (pièce n°17),

- un accident du travail de juillet 2012 restant non déclaré en septembre (pièce n°32),

- une demande de régularisation des cotisations 2011 par la prévoyance, non traitée malgré relance du 21 juin 2012 (pièce n°23),

- la radiation de l'association de l'adhésion au service de santé, après deux relances de la part de l'organisme (pièce n°22).

La découverte de l'ensemble de ces manquements a été faite alors que le commissaire aux comptes devait accomplir sa mission le 18 septembre 2012, l'association ayant dû opérer un tri et un classement des documents, en embauchant à nouveau l'ancienne secrétaire laquelle atteste (pièce n°42) de l'ensemble des faits sus-visés, précisant que les tâches à accomplir relevaient non d'une connaissance comptable mais de la simple organisation comptable .

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que Mme [Z] a gravement failli dans les tâches confiées relevant de sa compétence et de sa qualification professionnelle comme étant titulaire d'un BTS d'assistante de gestion, étant précisé que le délégué national a bien contrôlé l'activité de la salariée puisqu'après avoir constaté diverses fautes, il lui adressait le 18 juillet 2012 un avertissement, lui rappelant la nécessité d'être plus rigoureuse et méthodique dans l'organisation de son travail.

Il est manifeste que la salariée n'a apporté aucune attitude correctrice au mois d'août 2012, alors même qu'elle était déchargée de toute fonction comptable par l'embauche depuis le mois de juin 2012 de M. [E] à raison de 10h par semaine et dès lors, l'employeur était fondé dans la lettre de licenciement, les faits de même nature se reproduisant, à faire état des précédents, même s'ils ont été sanctionnés en leur temps, pour justifier une sanction aggravée, compte tenu des fautes commises, avant eu un impact sur le fonctionnement de l'association.

En consequence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une faute grave.

Sur l'obligation de sécurité

L'appelante affirme que cette «obligation de résultat» (sic) substantielle a été ignorée par l'employeur, indiquant qu'étant déjà très éprouvée mentalement et physiquement par sa maladie, elle a été épuisée par la charge de travail inconsidérée qui lui a été imposée, ce qui a été à l'origine de l'arrêt pour maladie du 6 septembre 2012.

Elle ajoute que cette surcharge de travail est liée à un dysfonctionnement organisationnel majeur suite au cambriolage de janvier 2012, et considère que cela caractérise une faute grave de l'employeur.

L'intimée n'a pas répondu à cette demande qui est nouvelle et la cour ne l'ayant pas relevée d'office en application de l'article 564 du code de procédure civile, il convient de l'examiner.

L'employeur, tenu d'une obligation de moyens renforcée, doit prouver qu'il a bien mis en 'uvre les mesures nécessaires à la préservation de la santé et de la sécurité de ses salariés.

En l'espèce, la salariée a été déclarée apte selon avis du médecin du travail du 20 janvier 2011 et l'employeur n'a pas été informé de la survenance d'une maladie, qui se serait déclarée en fin d'année 2011, le premier arrêt de travail datant du 6 septembre 2012 et la salariée n'étant plus revenue ultérieurement.

Même si l'association a subi un cambriolage en janvier 2012, ce dysfonctionnement a été traité par l'association qui a mandaté la société de maintenance informatique aux fins de reprise des données et il a été démontré que l'employeur a recruté un comptable à temps partiel à compter du mois de juin 2012.

L'employeur n'a jamais été alerté par Mme [Z] ou ses proches - sa mère travaillant dans la même entreprise comme régisseur depuis le 12 avril 2011- quant à une charge de travail qui aurait été trop importante, de sorte qu'il ne pouvait mettre en oeuvre d'autres mesures que celles déjà prises.

En conséquence, la cour, constatant que l'employeur n'a pas failli dans son obligation, rejette la demande de dommages et intérêts formulée par Mme [Z].

Sur les autres demandes

L'appelante succombant totalement doit s'acquitter des dépens d'appel, être déboutée de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à ce titre payer à l'intimée la somme de 800 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme, dans ses dispositions soumises à la cour, le jugement déféré,

Y ajoutant,

Déboute Mme [J] [Z] de sa demande au titre de l'obligation de sécurité,

Condamne Mme [Z] à payer à l'Association Les Francas Union régionale Paca la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [Z] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/03470
Date de la décision : 02/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-02;19.03470 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award