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25/11/2022 | FRANCE | N°19/07363

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 25 novembre 2022, 19/07363


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 25 NOVEMBRE 2022



N° 2022/ 209







RG 19/07363

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEG7R







[I] [U]





C/



SAS CASTORAMA





















Copie exécutoire délivrée le 25 novembre 2022

à :





- Me Aude VAISSIERE, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Etienne DE VILLEPIN, avocat au barre

au d'AIX-EN-PROVENCE

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 05 Avril 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/02654.





APPELANTE



Madame [I] [U]

(bénéficie d'une aide juridic...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 25 NOVEMBRE 2022

N° 2022/ 209

RG 19/07363

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEG7R

[I] [U]

C/

SAS CASTORAMA

Copie exécutoire délivrée le 25 novembre 2022

à :

- Me Aude VAISSIERE, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Etienne DE VILLEPIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 05 Avril 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/02654.

APPELANTE

Madame [I] [U]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/7120 du 21/06/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Aude VAISSIERE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SAS CASTORAMA, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Etienne DE VILLEPIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Alexandra BEAUX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2022.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

FAITS- PROCÉDURE

Mme [I] [U] a été engagée le 13 juin 2016 selon contrat de travail à durée indéterminée à temps complet par la société Castorama en qualité de stagiaire chef de secteur commerce coefficient 320, catégorie cadre. Il était prévu une période de quatre mois d'essai renouvelable trois mois.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective du bricolage.

La période d'essai de Mme [U] était renouvelée du 23 septembre 2016 jusqu'au 12 janvier 2017.

Du 24 au 26 octobre 2016. Mme [U] était en arrêt de travail pour maladie.

Le 7 novembre 2016 la société Castorama remettait en main propre à la salariée un courrier l'informant que l'essai n'avait pas donné satisfaction et qu'il était mis fin à sa période d'essai. Un solde de tout compte lui était remis le 23 décembre 2016.

Mme [U] saisissait le 16 novembre 2017 le conseil de prud'hommes, en contestation de la rupture de la période d'essai pour motif discriminatoire lié à un état de grossesse et en paiement de diverses indemnités.

Le 5 avril 2019 le conseil de prud'hommes de Marseille a rendu le jugement suivant :

« - Déboute Mme [I] [U] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- Condamne Mme [I] [U] au paiement d'une amende civile s'élevant à la somme de 100€ sur le fondement de l'article 32.1 du code de procédure civile laquelle sera recouvrée par l'établissement d'un extrait aux finances au profit du Trésor Public,

- Condamne Mme [I] [U] aux entiers dépens de l'instance ainsi qu'au paiement de la somme de 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires. »

Par acte du 2 mai 2019 le conseil de Mme [U] a interjeté appel de cette décision.

PRETENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions du 27 juillet 2021, Mme [U] demande à la cour de :

« Recevoir Madame [U] en son appel,

Le déclarer bien fondé,

En conséquence,

A titre principal

Réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dire et Juger illicite la rupture de la période d'essai notifiée le 7 novembre 2016 en ce qu'elle repose sur un motif discriminatoire lié à l'état de grossesse de Mme [U]

Ordonner la nullité de la rupture de la période d'essai,

Condamner, en conséquence, la société Castorama au paiement des sommes suivantes :

- Indemnité de préavis : 8.597,55 € (3 mois ' article 9 CCN applicable)

- Incidence congés payés : 859,75 €

- Indemnité pour irrégularité de la procédure : 2865,85 € (1 mois de salaire)

- Indemnité pour licenciement nul : 28650 € (10 mois) étant précisé que l'indemnité ne peut être inférieure à 6 mois en application de l'article L. 1235-3-1 du code du travail.

Condamner la société Castorama à payer la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle,

Fixer le point de départ des intérêts légaux à la date de la saisine du conseil ce céans et ordonner la capitalisation des intérêts échus,

A titre subsidiaire,

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme [U] à verser la somme de 100 € sur le fondement de l'article 32.1 du Code de procédure civile,

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme [U] à verser la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Débouter en tout état de cause la société Castorama de toutes ses demandes, fins et conclusions.»

Dans ses dernières écritures du 4 septembre 2021, la SAS Castorama demande à la Cour de :

« Confirmer la décision

Dire et juger que Madame [U] produit aux débats une piece n°4 constituée d'un faux matériel.

En conséquence, la débouter de l'ensemble de ses prétentions fins et conclusions

Subsidiairement, au regard de l'absence de démonstration de la connaissance de l'état de grossesse et d'une rupture de la période d'essai, dire et juger que Madame [U] ne bénéficie d'aucune protection et n'est donc pas en mesure de venir faire valoir la nullité de la rupture de son contrat de travail, faute de démontrer que la rupture aurait été motivée par son état de grossesse.

En tout état de cause, et compte-tenu des manoeuvres employées et de la production d'un arrêt de travail falsifié, la condamner à telle amende civile que la juridiction envisagera sur le fondement des dispositions de l'article 32-1 du Code de procédure civile :

Condamner Madame [U] à la somme de 3000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance. »

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures sus-visées.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les « dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

I) Sur la rupture de la période d'essai

L'appelante soutient que la rupture d'essai doit être considérée comme nulle dès lors qu'elle est intervenue en raison de l'état de grossesse.

Elle conteste la falsification de l'arrêt de travail et estime qu'elle n'y avait pas intérêt dès lors que son état était avéré et estime que l'employeur ne s'explique pas sur les raisons de cette rupture alors même que cet essai avait donné pleine satisfaction.

Elle verse notamment aux débats :

- l'avis d'arrêt de travail initial du 24 au 26 octobre 2016 mentionnant les deux cases cochées : « sans rapport » et « en rapport » avec un état pathologique résultant de la grossesse,

- deux bulletins de situation de l'hôpital [3],

- un certificat médical du 25 juin 2018 indiquant que Mme [U] a été reçue au service des urgences de la conception les 26 et 27 octobre 2016,

- un certificat médical du 26 octobre 2016 indiquant que Mme [U]' est reconvoquée aux urgences de la conception le 27 octobre 2016",

- une lettre de recommandation de M. [F], directeur de la société Castorama,

- le témoignage de M. [D] [P] ancien collègue de travail indiquant ' lors de mon embauche à Castorama... j'ai pu constater que Mme [U] [I] était une personne de relation saine, elle était toujours courtoise, gentille avec la clientèle du magasin, ses collègues, sa hiérarchie. Elle gérait son secteur avec tact et sans abus. Je n'ai le souvenir que d'une personne en milieu de travail respectueuse, plein d'égard et très professionnelle »,

- le témoignage de son ancien employeur :« Mme [I] [U] a travaillé dans notre entreprise du 24 septembre 2013 au 24 janvier 2014 en tant qu'auxiliaire de vie et à ce titre elle a fait preuve de sérieux, d'empathie, de grande capacité d'adaptation et elle a rempli avec succès les missions qui lui étaient confiées.. »,

- un relevé Caf mentionnant des prestations familiales à partir de septembre 2017.

La société fait valoir que Mme [U] lui a transmis un arrêt de travail ne mentionnant aucun rapport avec un état pathologique résultant de la grossesse et qu'elle a produit aux débats devant la juridiction prud'hommale un faux pour tenter de venir justifier de la connaissance par son employeur de son état de grossesse pour tenter ainsi de rattacher la rupture de sa période d'essai à sa grossesse.

Elle produit notamment aux débats :

- l'avis d'arrêt de travail initial du 24 au 26 octobre 2016 avec une seule case cochée « sans rapport » avec un état pathologique résultant de la grossesse,

- le témoignage de l'assistante ressource humaines de Castorama Mme [H] [W] du 4 juin 2018.

Aux termes de l'article L. 1221-20 du code du travail, la période d'essai a pour objet de permettre à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, au regard de son expérience et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent. La partie qui prend la décision de rompre la période d'essai au cours de celle-ci n'a pas à indiquer les raisons qui la motivent. L'employeur peut, de manière discrétionnaire, mettre fin à la période d'essai avant son expiration sous réserve de pas faire dégénérer ce droit en abus.

Pour bénéficier des dispositions relatives à la protection de la femme enceinte contre la rupture du contrat de travail pendant l'exécution de la période d'essai tel que prévu par les dispositions de l'article L1225-1 du code du travail, la salariée doit cependant respecter un formalisme concernant la communication de son état de grossesse conformément aux dispositions de l'article R1225-1 du code du travail et notamment il lui appartient de transmettre à son employeur un certificat médical attestant de son état de grossesse indiquant la date de son accouchement présumé ou effective, et le cas échéant, l'existence et la durée prévisible d'un état pathologique rendant nécessaire une augmentation de la période de suspension de son contrat de travail.

La cour relève que la société qui n'est pas tenue de donner les raisons de la rupture de la période d'essai a néanmoins indiqué à Mme [I] [U] qu'elle n'avait pas donné satisfaction. Les témoignages fournis par l'appelante attestant de son sérieux et la lettre de recommandation de Conforama établie au bénéfice de cette dernière ne sont pas de nature à remettre en cause son appréciation.

Les deux bulletins de situation de l'hôpital [3] révèlent que le 24 octobre 2016, Mme [U] s'est rendue aux urgences gynécologiques de l'hôpital, date à laquelle un arrêt de travail lui a été délivré jusqu'au 26 octobre 2016.

A cette date, Mme [U] s'est présentée à l'hôpital de la conception pour une consultation et le bulletin de situation indique type de dossier : E (soit consultation), le risque visé 'Mal avec TM' (soit maladie avec ticket modérateur) ne mentionnant donc pas un état de grossesse.

La salariée s'y est à nouveau rendue le 27 octobre 2016 au vu du certificat médical délivré.

La cour constate que ces éléments corroborent l'avis d'arrêt de travail initial en possession de la société Castorama ne présentant qu'une seule case cochée à savoir « sans rapport » avec un état pathologique résultant de la grossesse et Mme [U] ne peut raisonnablement soutenir que le document qu'elle a présenté en justice au titre de l'arrêt de travail initial sur lequel les deux cases sont cochées, correspond à celui délivré par le médecin.

En outre, les mentions figurant sur son bulletin de paie du mois de novembre 2016 n'indiquent pas d'absence à ce titre mais bien des absences pour des jours de RTT qu'elle a sollicité afin d'éviter les jours de carence et maintenir le montant de son salaire ainsi qu'en atteste l'assistante des ressources humaines Mme [H] [W] .

Enfin, Mme [I] [U] ne justifie pas avoir communiqué à l'employeur un certificat médical constatant son état de grossesse conformément aux dispositions sus-visées de l'article R1225-1 du code du travail, ni même seulement évoqué cet état de grossesse lors de son entretien du 7 novembre 2016 avec le directeur de Castorama, de sorte qu'au regard de l'ensemble des éléments produits, il n'est pas démontré que l'employeur avait connaissance de cet état de grossesse et donc que la rupture de la période d'essai était discriminatoire.

En conséquence, la décision déférée doit être confirmée en ce qu'elle a débouté Mme [U] de l'ensemble de ses demandes.

II) Sur les autres demandes

La production d'un arrêt de travail falsifié à une juridiction aux fins de bénéficier d'indemnités constitue une tentative d'escroquerie au jugement et justifie l'amende civile telle que prévue par les premiers juges.

L'appelante qui succombe doit s'acquitter des dépens d'appel, être déboutée de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile et à ce titre être condamnée à payer à la société Castorama la somme de 900 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [I] [U] à payer à la SAS Castorama la somme de 900 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [U] aux dépens d'appel sous réserve des règles relatives à l'aide juridictionnelle.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/07363
Date de la décision : 25/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-25;19.07363 ?
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