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25/11/2022 | FRANCE | N°19/04146

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 25 novembre 2022, 19/04146


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 25 NOVEMBRE 2022



N° 2022/ 208





RG 19/04146

N° Portalis DBVB-V-B7D-BD6CN







[G] [I] [P]





C/



Société PRO IMPEC, venant aux droits de la SAS CNE

SASU SERVICE D'ENTRETIEN ET DE NETTOYAGE INDUSTRIEL SEN I















Copie exécutoire délivrée le : 25 novembre 2022

à :



- Me Djaouida KIARED, avocat au barreau

de MARSEILLE



- Me Isabelle LAURENT-JOSEPH, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 25 NOVEMBRE 2022

N° 2022/ 208

RG 19/04146

N° Portalis DBVB-V-B7D-BD6CN

[G] [I] [P]

C/

Société PRO IMPEC, venant aux droits de la SAS CNE

SASU SERVICE D'ENTRETIEN ET DE NETTOYAGE INDUSTRIEL SEN I

Copie exécutoire délivrée le : 25 novembre 2022

à :

- Me Djaouida KIARED, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Isabelle LAURENT-JOSEPH, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 19 Février 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00051.

APPELANTE

Madame [G] [I] [P]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/7216 du 05/07/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Djaouida KIARED, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

SAS PRO IMPEC, venant aux droits de la SAS C.N.E, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SASU SERVICE D'ENTRETIEN ET DE NETTOYAGE INDUSTRIEL SENI, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Isabelle LAURENT-JOSEPH, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Christine HUNAULT LEVENEUR, avocat au barreau de MONTPELLIER

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2022.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [G] [I] [P] a été engagée à compter du 1er janvier 2011 par la SASU Service d'Entretien Nettoyage Industrielle (SENI) dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de 18 heures par semaine, soit 78 heures mensuelles avec reprise de son ancienneté au 4 août 2003. Elle intervenait en qualité d'agent de service au nettoyage de l'immeuble la [Adresse 3]) appartenant au groupe Erilia Habitat à [Localité 4].

Au dernier état de la relation contractuelle, Mme [G] [I] [P] percevait un salaire mensuel brut de 844,70 € pour 78 heures de travail.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés.

Le 1er septembre 2017, la société CNE devenait le nouvel attributaire du marché de nettoyage de l'immeuble [Adresse 3] du groupe Erilia Habitat [Localité 4] et informait la société SENI de cette reprise sollicitant par email du 30 août 2017 la transmission de la liste du personnel transférable dans le cadre de l'article 7 de la convention collective.

Le 1er septembre 2017, la société SENI adressait à la société CNE l'ensemble des éléments nécessaires pour assurer le transfert ainsi que le nom des salariés affectés à ce marché et un courrier à Mme [P] l'informant du transfert de son contrat de travail à la société CNE.

Au retour de ses congés, la salariée était en arrêt de travail pour maladie du 4 au 8 septembre 2017.

Mme [G] [I] [P] adressait un courrier le 19 octobre 2017 à la société SENI indiquant qu'elle ne pouvait plus assumer ses fonctions sur le chantier Erilia Habitat et réclamait les documents lui permettant d'ouvrir ses droits à indemnisation pour le chômage, le certificat de travail et le solde de tout compte.

Le 19 octobre 2017 la société CNE mettait en demeure Mme [G] [I] [P] de reprendre son poste de travail et de justifier son absence depuis le 11 septembre 2017.

Le 23 octobre 2017 la salariée adressait un courrier à la société SENI indiquant son refus d'être transférée.

Mme [G] [I] [P] recevait une convocation de la société CNE à l'entretien préalable de licenciement pour le 10 novembre 2017 et était licenciée le 15 novembre 2017 pour faute grave.

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre Mme [G] [I] [P] saisissait le 12 janvier 2018 le conseil de prud'hommes aux fins de voir notamment prononcer la nullité du et condamner la société SENI, subsidiairement la société CNE, à lui verser diverses sommes.

Par jugement du 19 février 2019, le conseil de prud'hommes de Marseille a :

« - déclaré hors de cause la SAS SENI

- dit le licenciement de Mme [G] [I] [P] pour faute grave justifié

- débouté Mme [G] [I] [P] de l'ensemble de ses demandes

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires

- condamné la partie demanderesse aux entiers dépens. »

Par acte du 12 mars 2019, le conseil de Mme [G] [I] [P] a interjeté appel de cette décision.

PRETENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions du 25 juillet 2019 Mme [P] demande à la cour de:

« Réformer la décision rendue par le CPH de [Localité 4] en sa totalité.

Fixer le montant mensuel moyen brut du dernier salaire à la somme de 844.72 €

Dire que le licenciement est nul et subsidiairement dépourvu de causeréelle et sérieuse

Condamner principalement la société SENI, et subsidiairement la société CNE, à lui payer:

- Indemnité de préavis 1 689.44 €

- Congés payés sur préavis 168.94 €

- Indemnité de licenciement légale 3 331.95. €

- Indemnité pour licenciement nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse

(article L.1235-3 du Code du Travail) 12 mois de salaire brut 10 136.64 €

- Dommages et intérêts pour manquements à l'obligation 10 000.00 €

de prévention et sécurité

- Article 700 du CPC 1 500.00 €

- Entiers dépens

Condamner en outre aux intérêts de droit sur les sommes allouées à compter de la demande en justice avec capitalisation. »

Dans ses dernières écritures du 19 juillet 2019 la SASU SENI demande à la cour de :

« A titre principal:

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Marseille en date du 19 fevrier 2019.

Et en conséquence,

Constater que le 1er septembre 2017, la SAS CNE est devenue le nouvel attributaire du marché de nettoyage de l'immeuble la [Adresse 3] appartenant au groupe Erilia Habitat [Localité 4], sur lequel intervenait Mme [G] [I] [P]

Constater que la relation contractuelle entre Mme [G] [I] [P] et la SASU SENI a pris fin le 31 août 2017, consécutivement à la perte du marché de nettoyage de l'immeuble la [Adresse 3] appartenant au groupe Erilia Habitat [Localité 4], sur lequel intervenait Mme [G] [I] [P]

Dire et juger que le contrat de travail à temps partiel de Mme [G] [I] [P] a été transféré de plein droit de la société sortante, la SAS SENI, à la société entrante, la SAS CNE le 1er septembre 2017 et ce, conformément à l'article 7 de la convention collective des entreprises de propreté et services associés.

Dire et juger que la SASU SENI a fait une stricte application de l'article 7 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés.

Constater que la SASU SENI et la SAS CNE sont deux sociétés distinctes et n'ont aucun lien juridique entre elles

Dire et juger que la SASU SENI, société sortante, n'est pas responsable des décisions prises par la SAS CNE,société entrante, à l'egard de Mme [G] [I] [P] et de ses conséquences.

Dire et juger que la SASU SENI n'a pas manqué à ses obligations en matière de prévention de la santé de la salariée Mme [G] [I] [P]

Et en conséquence,

Mettre hors de cause la SASU SENI.

Débouter Mme [G] [I] [P] de l'intégralité de ses demandes formées contre la SASU SENI.

Débouter la SAS CNE de toutes demandes éventuelles formées contre la SASU SENI

A titre subsidaire,

Dire et juger que le licenciement de Mme [G] [I] [P] notifié par la SAS CNE le 15 novembre 2017 n'a aucun lien avec l'état de santé de Mme [G] [I] [P]

Dire et juger que les articles L1132-1 et L1132-4 du code du travail n'avaient pas vocation à s'appliquer au litige opposant Mme [G] [I] [P] à son employeur, la SAS CNE et de son ancien employeur, la SASU SENI. »

En l'état de ses dernières écritures du 2 septembre 2019 la société PRO IMPEC venant aux droits de la société CNE demande à la cour de:

« Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil des Prud'hommes de Marseille en date du 19 Février 2019

En conséquence,

Dire et juger que le licenciement prononcé par la société PRO IMPEC venant aux

droits de la société CNE le 15 Novembre 2017 repose bien sur une faute grave

Dire et juger le licenciement pour faute grave justifié

Débouter Mme [G] [I] [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Condamner Mme [G] [I] [P] au paiement d'une somme de 1.000 Euros au titre de

l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance. »

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux conclusions suvsisées.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; En conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

I) Sur le transfert du contrat de travail :

Mme [P] soutient la nécessité de l'accord du salarié en cas de modification du contrat de travail à défaut d'exception légale et la non-application de l'article L 1224-1 du code du travail aux pertes de marché et en cas de transfert conventionnel ainsi que l'impossibilité du transfert du fait de l'état de santé de la salariée, de la fraude au reclassement et du manquement de l'employeur à ses obligations de prévention et de santé.

Elle verse notamment aux débats :

- un courrier du 23 octobre 2017 adressé à la société SENI aux termes duquel il est indiqué « .. Je l'informe tout de suite en retour que je ne souhaite pas un transfert et demande un licenciement à l'amiable ou un reclassement ..»

- l'attestation de sa fille Mme [H] épouse [E] témoignant 'qu'une personne de Seni [Localité 4] lui avait indiqué que sa mère allait recevoir des documents de licenciement' et celle de M. [E] indiquant avoir appelé la société Séni à [Localité 4]' qui lui a dit que sa belle mère allait recevoir des documents lui permettant d'aller à pôle emploi...'.

La SASU SENI conteste la nécessité d'un accord du salarié au transfert de son contrat de travail dans un cadre conventionnel en l'absence de toute modification substantielle de son contrat de travail par l'entreprise entrante, Mme [G] [I] [P] remplissant toutes les conditions requises fixées par l'article 7.2 de la convention pour être transférable et l' absence de contestation de sa part, cette dernière ayant encaissé le chèque du solde de tout compte.

La société PRO IMPEC venant aux droits de la société CNE fait valoir que Mme [P] remplissait toutes les conditions de la convention collective de la propreté pour être transférable au sein de la société CNE et précise n'avoir jamais eu connaissance du refus de Mme [P] d'être transférée soulignant qu'elle ne s'est pas présentée à son poste de travail et a refusé de signer un quelconque avenant.

Selon la règle jurisprudentielle constante sauf application éventuelle de l'article L. 1244-1 du code du travail non applicable au cas d'espèce, le changement d'employeur prévu et organisé par voie conventionnelle suppose l'accord exprès du salarié, le transfert conventionnel réalisant une modification ou une novation du contrat par changement d'un des contractants.

Ainsi, même si les dispositions des articles 7 à 7.7 de la convention collective nationale étendue des entreprises de propreté du 26 juillet 2011 prévoient que le transfert du contrat de travail des salariés affectés à un marché faisant l'objet d'un changement de prestataire s'effectue de plein droit au profit de l'entreprise entrante, le salarié conserve en réalité le droit de consentir à ce transfert ou de s'y opposer, le transfert ne pouvant résulter du seul fait de la convention collective.

Mme [P] justifie qu'elle a adressé à la SASU SENI un courrier recommandé du 23 octobre 2017 reçu le 30 octobre 2017 notifiant son refus d'être transférée.

Par ailleurs, Mme [P] ne s'est pas présentée sur son lieu de travail, n'a pas signé d'avenant au contrat soumis par la société CNE et n'a pas comparu à l'entretien préalable au licenciement envisagé par la société CNE, ce qui caractérise également le refus du transfert.

Parallèlement, la SASU SENI n'est pas en mesure de justifier que la salariée était d'accord pour ce transfert.

En conséquence, le transfert du contrat de travail de la société SASU SENI à la société CNE ne s'étant pas opéré Mme [P] est restée salariée de la première, sans qu'il soit nécessaire d'évoquer le moyen concernant l'état de santé de cette dernière.

La décision déférée est infirmée sur ce point.

II ) Sur le manquement à l'obligation de prévention et sécurité :

Mme [P] soutient qu'elle a averti son employeur téléphoniquement et par courrier du 19 octobre 2017 de ses problèmes de santé (douleurs importantes aux genoux) et qu'au lieu d'envisager un reclassement la société SENI lui a notifié le transfert de son contrat de travail à la société CNE sur un poste qu'elle ne pouvait plus occuper, ce qui a entraîné le licenciement par la nouvelle société.

La salariée produit notamment :

- un courrier du 19 octobre 2017 adressé à la société SENI faisant état de ce que « suite à la perte de chantier maladie de genou je ne suis pas capable de monter sur des escaliers et votre incapacité à trouver un autre poste au sein de la société (...) »

- l'arrêt de travail mentionnant une télétransmission démontrant que l'employeur était bien informé de sa situation.

- les témoignages de Mme [H] épouse [E] et M. [E],

- le relevé d'appel téléphonique de Mme [P].

La société SENI conteste avoir été alertée d'un quelconque problème de santé concernant la salariée ni avant le 31 août 2017, ni après la rupture de la relation contractuelle.

La société SENI produit notamment aux débats :

- une attestation de Mme [R], chef d'établissement à SENI [Localité 4] indiquant que Mme [P] « ne lui jamais fait part de qu'elle aurait des soucis de santé ni envoyé d'arrêt maladie pour la période du 4 au 8 septembre 2017, ni demandé de reclassement (...)»

- une attestation de Mme [O], assistante de l'établissement SENI [Localité 4], témoignant de ce qu'elle n'a jamais reçu d'arrêt maladie émanant de Mme [P] pour la période du 4 au 8 septembre 2017,

- la fiche d'aptitude médicale concernant Mme [P] de l'AISMT13 du10 janvier 2017 la déclarant totalement apte à exercer son emploi,

- le passeport santé sécurité de Mme [P].

Le code du travail impose l'obligation de prévention et sécurité à l'employeur par les articles L.4121-1 & suivants, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 22 septembre 2017, en ces termes:

L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.Ces mesures comprennent :

1 Des actions de prévention des risques professionnels;

2 Des actions d'information et de formation ;

3 La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention prévus à l'article L.4121-2 du même code. Il doit assurer l'effectivité de ces mesures .

C'est à l'employeur tenu de cette obligation d'établir qu'il y a satisfait.

Les éléments produits par la société SENI démontrent qu'au mois de janvier 2017 la salariée était déclarée apte à exercer son emploi d'agent de service de nettoyage.

La société SENI établit qu'elle n'a été avertie des problèmes de santé de la salariée qu'à partir du courrier du 19 octobre 2017, les témoignages de Mme [H] épouse [E] et M. [E] faisant état de conversations téléphoniques étant formellement contredits par les attestations du chef d'établissement et de l'assistante d'établissement de la SENI [Localité 4] et le relevé téléphonique ne donnant aucune indice indications sur les destinataires des appels et le contenu de ces derniers.

À cette date, aucun certificat médical attestant d'un problème au genou n'a été transmis par la salariée à la société SENI, de sorte que le médecin du travail n'a pu être saisi aux fins d'un éventuel constat d'inaptitude de la salarié à son poste et d'un reclassement.

En conséquence, aucun manquement à l'obligation de prévention et de sécurité ne peut être reproché à la société SENI.

La décision déférée est confirmée de ce chef.

III) Sur les conséquences de l'absence de transfert du contrat de travail :

1) sur la rupture du contrat de travail

Mme [P] soutient que le licenciement prononcé par la société CNE mais à la charge de la société SENI, seul employeur, est à minima dépourvu de cause réelle et sérieuse et même nul car causé par l'état de santé de cette dernière.

Le 15 septembre 2017 la SASU SENI a établi à Mme [P] un certificat de travail mentionnant l'emploi de cette dernière du 1er janvier 2011 au 31 août 2017, un bulletin de salaire pour le mois d'août 2017, un solde de tout compte et l'attestation pôle mentionnant une rupture pour motif de transfert conventionnel, documents qui lui ont été adressés par courrier du 23 octobre 2017.

Mme [P] a encaissé la somme de 189,27 € net réglée par chèque BNP Paribas à son nom du solde de tout compte correspondant aux congés payés du mois d'août 2017.

En dépit du motif figurant sur l'attestation pôle emploi « transfert conventionnel » , la rupture du contrat de travail par la société SENI concrétisé par la remise à la salarié des documents de fin de contrat, hors toute procédure de licenciement et sans l'envoi d'une lettre motivée, doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et non comme un licenciement nul, l'état de santé de la salariée n'étant pas la cause du licenciement en l'état des éléments ci-dessus retenus.

Le licenciement opéré par la société CNE le 15 novembre 2017 est en conséquence sans objet.

2) sur les conséquences de la rupture

a) sur les indemnités de rupture

Le salaire de référence moyen mensuel de Mme [P] doit être fixé à 844,72 € .

L'indemnité de préavis correspondant à deux mois de salaire de référence et les congés payés y afférents ne sont pas autrement discutés.

L'article R1234-2 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance N°2017-1387 du 22 Septembre 2017 applicable au litige, prévoit que l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au delà de dix ans d'ancienneté.

Mme [P] avait à la date de la rupture 14 ans et 4 mois d'ancienneté.

L'indemnité légale de licenciement s'élève donc à :

Pour les 10 premières années : [(844,72 x 1/5) x 14] + [(844,72 x 1/5) x 3/12] = 2 407,45

Pour les années supérieures à 10 ans : [(844,72 x2/15) x4 ] + (844,72 x2/15) x 3/12] = 478,67,

soit un total de 2 886,12 euros.

b) sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Au moment de la rupture Mme [P], âgée de 60 ans, comptait plus de 14 ans d'ancienneté et la société employait plus de 11 salariés. Au vu de cette situation, du montant de sa rémunération, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle il convient de fixer son préjudice à la somme de 10 000 euros.

IV) Sur les autres demandes

La société SENI qui succombe doit s'acquitter des dépens de première instance et d'appel, être déboutée de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile et à ce titre condamnée à payer à Mme [G] [I] [P] la somme de 1 500 €.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la société CNE la charge des frais irrépétibles au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme le jugement déféré SAUF en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts fondée sur le manquement à l'obligation de sécurité ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Juge que le transfert conventionnel du contrat de travail n'a pas eu lieu,

Dit que la rupture du contrat de travail intervenue le 31 août 2017 et imputable à l'employeur soit la société SENI, s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société SENI à payer à Mme [G] [I] [P] les sommes suivantes :

- 1 689,44 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 168,94 euros au titre de l'indemnité congés payés y afférents

- 2 886,12 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement

- 10 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les sommes allouées de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 12janvier 2018 et les sommes allouées à titre indemnitaire à compter de la présente décision;

Ordonne la capitalisation de ces intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil;

Déboute la société CNE de ses demandes au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la société SENI aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/04146
Date de la décision : 25/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-25;19.04146 ?
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