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24/11/2022 | FRANCE | N°21/08916

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-4, 24 novembre 2022, 21/08916


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4



ARRÊT

sur renvoi de cassation

DU 24 NOVEMBRE 2022



N° 2022/ 292













Rôle N° RG 21/08916 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHUM5







[R] [O]





C/



[Y] [N]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Jean-françois JOURDAN













Décis

ions déférées à la Cour :



Arrêt de la Cour de cassation de PARIS en date du 15 Avril 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 339 F-P cassant partiellement l'arrêt de la chambre 1-7 de la cour d'appel d'Aix en Provence du 6 juin 2019 n°2019/288

et arrêt du 7 septembre 2017 de la Cour de cassation de PARIS du 7 sept...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT

sur renvoi de cassation

DU 24 NOVEMBRE 2022

N° 2022/ 292

Rôle N° RG 21/08916 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHUM5

[R] [O]

C/

[Y] [N]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jean-françois JOURDAN

Décisions déférées à la Cour :

Arrêt de la Cour de cassation de PARIS en date du 15 Avril 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 339 F-P cassant partiellement l'arrêt de la chambre 1-7 de la cour d'appel d'Aix en Provence du 6 juin 2019 n°2019/288

et arrêt du 7 septembre 2017 de la Cour de cassation de PARIS du 7 septembre 2017 cassant partiellement l'arrêt de la 11ème chambre B de la cour d'appel d'Aix en Provence du 15 mai 2015 n° 15/276

DECLARANTE A LA SAISINE

Madame [R] [O]

née le 30 Octobre 1965 à [Localité 5] (PAYS BAS), demeurant [Adresse 2] - GRANDE BRETAGNE

représentée par Me Jean-François JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Patrice AMEZIANE, avocat au barreau de PARIS

DEFENDEUR

Monsieur [Y] [N]

demeurant 1[Adresse 1] ETATS UNIS

défaillant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 11 Octobre 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Laure BOURREL, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Laure BOURREL, Président

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2022.

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2022,

Signé par Madame Laure BOURREL, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURES, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par acte authentique du 6 mars 2008, la SCI Juliette a vendu à Madame [R] [O] un bien immobilier à usage d'hôtel situé [Adresse 4], au prix de 8 600 000 €. Cet immeuble était grevé d'un bail commercial consenti le 30 octobre 2006 au profit de la société Léo au loyer de 14 000 € HT indexé.

Le même jour, le 6 mars 2008, la société Léo a vendu son fonds de commerce y compris le droit au bail, pour le prix de 350 000 €, à Madame [R] [O] agissant pour le compte de l'EURL Jacqui B en formation.

Le 11 mars 2008, Monsieur [Y] [N] a offert d'acquérir l'immeuble pour un prix de 11 200 000 €.

Par l'intermédiaire de Madame [G] [M], avocate, qui est assurée auprès de la société Allianz, par mail du 13 mars 2008, Madame [R] [O] a accepté le principe de cette vente sous diverses conditions.

Monsieur [N] a contresigné le mail de Madame [M].

Par acte sous-seing-privé du 13 mars 2008 rédigé par Madame [G] [M], Madame [R] [O], représentée par Me [M], a vendu à Madame [I] [U] [P] épouse [N] pour un euro symbolique les parts de l'EURL Jacqui B. Un nouveau bail a été consenti le même jour par Madame [R] [O] à l'Eurl Jacqui B pour la période du 1er avril 2008 au 1er avril 2017 moyennant un loyer mensuel HT de 360 000 €.

Par avenant du 16 avril 2008, Madame [R] [O] a consenti à l'EURL Jacqui B une franchise de loyer d'avril à août 2008 en contrepartie de travaux à réaliser par la locataire, et la garantie de loyer a été portée à 150 000 €.

Toutefois, ni le compromis de vente immobilière qui devait intervenir le 1er septembre 2008, ni l'acte notarié de vente qui devait intervenir le 1er avril 2009 n'ont été régularisés.

La société Jacqui B a contesté le bail du 13 mars 2008, n'a pas réglé le montant du loyer tel que fixé dans celui-ci soit 30 000 €, mais uniquement le loyer fixé dans le bail du 30 octobre 2006.

Par exploit du 5 décembre 2008, l'EURL Jacqui B a assigné Madame [R] [O] en nullité du bail conclu le 13 mars 2008.

Par acte du 15 mai 2009, Madame [R] [O] a assigné l'EURL Jacqui B, Monsieur et Madame [N] et Me [G] [M].

Par acte du 25 novembre 2009, Madame [G] [M] a assigné la SA Allianz Iard afin d'être relevée et garantie par elle des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

Parallèlement, par arrêt du 15 décembre 2011, la cour a infirmé l'ordonnance du juge des référés du 30 mars 2011, et a condamné l'EURL Jacqui B à payer à Madame [O] la somme provisionnelle de 265 016 € TTC au titre de sa créance locative, et 4000 € au titre de l'article 700 du CPC.

Par jugement du 9 janvier 2014, le tribunal de Grande instance de Draguignan :

-a rejeté les exceptions soulevées,

-a débouté Monsieur [Y] [N], Madame [I] [U] [P] épouse [N] et l'EURL Jacqui B de leurs demandes,

-a dit valide le bail du 13 mars 2008,

-retenant en outre que l'EURL Jacqui B n'a pas exécuté son obligation de faire des travaux sur l'immeuble, l'a condamnée à payer à Madame [R] [O] la somme de 1 430 097,63 € TTC calculée sur la base de loyer annuel de 360 000 € HT, augmenté de la TVA au taux de

5,5 % jusqu'au 1er janvier 2012, et de 7 % à compter de cette date, avec intérêts à compter de chaque échéance et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil,

-a condamné Madame [G] [M] à payer à Madame [R] [O] la somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts,

-a débouté Madame [G] [M] de sa demande en garantie dirigée contre la société Allianz,

-a débouté Madame [R] [O] du surplus de ses demandes,

-a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

-a condamné Monsieur [Y] [N], Madame [I] [U] [P] épouse [N], l'EURL Jacqui B et Madame [G] [M] aux dépens,

-a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Madame [G] [M] a relevé appel de cette décision par déclaration du 24 janvier 2014.

Par jugement du 10 novembre 2014, le tribunal de commerce de Fréjus a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de l'EURL Jacqui B, et Maître [B] [L] a été commise en qualité de mandataire judiciaire. Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire le 18 janvier 2016.

Maître [B] [L] ès qualité est intervenue volontairement à la procédure.

Par arrêt du 15 mai 2015, la cour de céans :

-a rejeté la fin de non-recevoir fondée sur la clause compromissoire insérée dans le bail du 30 octobre 2006,

statuant sur le bail commercial,

-a confirmé la décision déférée en ce qu'elle a rejeté les exceptions de procédure et dit valide le bail du 13 mars 2008,

-a infirmé la décision pour le surplus et statuant à nouveau,

-a dit que l'EURL Jacqui B est fondée à bénéficier de la dispense de loyer durant 5 mois prévu par l'annexe au bail commercial datée du 16 avril 2008,

-a fixé la créance résiduelle de loyer de Madame [R] [O] à l'encontre de l'EURL Jacqui B à la somme de 1 597 423,98 € TTC, décembre 2014 inclus, avec intérêts légal à compter de chaque échéance et ce jusqu'au 13 novembre 2014,

-a rejeté la demande d'anatocisme,

-a constaté que Madame [R] [O] ne sollicite plus l'exécution forcée de la vente immobilière,

-a dit que Madame [R] [O] et Monsieur [Y] [N] était en l'état d'un avant-contrat portant sur l'acquisition de l'immeuble situé [Adresse 3],

-a dit que Monsieur [Y] [N] a manqué à ses obligations en découlant et l'a condamné à payer à Madame [R] [O] la somme de 200 000 € à titre de dommages-intérêts,

-a rejeté la demande de condamnation in solidum de Madame [U] [P] épouse [N],

-a dit que Madame [G] [M] avocate au barreau de Grasse a manqué à son obligation de conseil et de diligences en ce qui concerne l'avant-contrat, la cession de parts sociales, la rédaction du bail du 13 mars 2008,

-l'a condamnée en conséquence à payer à Madame [R] [O] la somme de 200 000 € à titre de dommages et intérêts,

-a rejeté les autres demandes de Madame [R] [O],

-a condamné la SA Allianz IARD à relever et garantir Madame [G] [M] de la condamnation prononcée contre celle-ci,

-a rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

-a dit que chaque partie gardera à sa charge les dépens qu'elle a exposés, sauf en ce qui concerne Madame [G] [M] qui sera garantie par la SA Allianz Iard.

Sur pourvoi de l'EURL Jacqui B, de Me [B] [L] ès qualités, Monsieur et Madame [N], par arrêt du 7 septembre 2017, la 3e chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il condamne Monsieur [N] à payer à Madame [O] la somme de 200 000 € à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 15 mai 2015 et a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée, a condamné Me [L] en qualité de liquidateur de la société Jacqui B , Monsieur et Madame [N] aux dépens et a rejeté les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Motifs de la Cour de cassation

Vu l'article 1147 du Code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016,

Attendu que pour condamner Monsieur [N] à payer à Madame [O] une somme de 200 000 € à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que l'offre d'achat de Monsieur [N] présentait pour Madame [O] des perspectives de plus-value importante qui n'ont pas été réalisées et que la perte de chance subie s'évalue à 20 % du montant escompté ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'une faute commise dans l'exercice du droit de rupture unilatérale des négociations n'est pas la cause du préjudice consistant dans la perte d'une chance de réaliser une plus-value en cas de réalisation de la vente, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Madame [R] [O] a saisi la cour de céans après cassation par déclaration du 15 janvier 2018.

Par arrêt du 6 juin 2019, la cour d'appel de céans :

Vu les articles 901 4° et 1033 du code de procédure civile,

-a prononcé la nullité de la déclaration de saisine en cause de cette cour d'appel à la suite d'une procédure de renvoi après cassation,

-a dit que la cour n'est pas valablement saisie,

-a déclaré irrecevable la déclaration de saisine et donc les demandes de Madame [R] [O],

-a débouté Monsieur [Y] [N] de sa demande de dommages-intérêts dirigée contre Madame [R] [O] pour procédure abusive,

-a débouté les parties du surplus de leurs demandes,

-a condamné Madame [R] [O] à payer à Monsieur [Y] [N] la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel sur renvoi après cassation,

-a débouté Madame [R] [O] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel sur renvoi après cassation,

-a condamné Madame [R] [O] aux entiers dépens de la présente procédure d'appel sur renvoi après cassation.

Sur pourvoi de Madame [O], par arrêt du 15 avril 2021, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt du 6 juin 2019 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en ses seules dispositions prononçant la nullité de la déclaration de saisine de la cour d'appel à la suite du renvoi après cassation, disant que la cour d'appel n'est pas valablement saisie déclarant irrecevable la déclaration de saisine ainsi que les demandes de Madame [O], a renvoyé l'affaire et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée, a condamné Monsieur [N] aux dépens et à payer à Madame [O] la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [R] [O] a saisi la cour d'appel de céans après cassation par déclaration 15 juin 2021.

Par conclusions du 12 octobre 2021, qui sont tenues pour entièrement reprises, Madame [R] [O] demande à la Cour de :

« Déclarer Madame [O] recevable en son appel et en ses présentes conclusions.

Y faisant droit,

Vu l'article 1134 ancien et suivants et 1147 anciens du Code civil,

vu les articles 1582, 1583 et 1589 du Code civil,

vu l'offre d'achat du 11/03/2008 de Monsieur [N],

vu la contre-offre de Madame [O] du 13 mars 2008 comportant la signature apposée de Monsieur [N],

vu la cession de l'intégralité des parts de l'EURL Jacqui B,

vu la conclusion d'un bail commercial consenti de 13/03/2008 à l'EURL Jacqui B,

vu les mises en demeure des 20/10/2008 et 28/10/200(8 ') notifiées à Monsieur [N],

Voir, dire et juger que l'échange des courriels intervenus le 11 mars 2008 et le 13 mars 2008 comportant les éléments essentiels de la vente dudit bien (tels l'absence de conditions suspensives de financement, date de signature du compromis de vente au 01/09/2008 et de l'acte authentique de vente aux 01/04/2009) traduit la volonté réciproque claire et non équivoque de Madame [R] [O] et de Monsieur [Y] [N] à s'engager dans la vente du bien immobilier de l'espèce.

Dire que la signature apposée de Monsieur [N] sur la contre-offre de vente de Madame [O] du 13 mars 2008 vaut son acceptation pure et simple sans la moindre réserve de tous les termes de cette contre-offre.

Voir dire et juger qu'il résultait ainsi de cet acte du 13 mars 2008 la qualification d'un avant-contrat valant compromis de vente, et à tout le moins promesse de contrat comportant obligation de vente de Madame [O] et celle d'acquérir de Monsieur [N] aux conditions essentielles précitées expressément convenues dans cet acte s'avérant avoir déjà fait l'objet d'un commencement d'exécution par les parties.

Voir, dire et juger qu'en régularisation de cet acte, les parties ont entendu ériger la formalité matérielle de la signature du compromis de vente à intervenir le 1er septembre 2008 (devant être établi et rédigé selon les conditions déjà convenues dans cet avant-contrat précité du 13 mars 2008).

Dire et juger que le défaut de rédaction et de signature du compromis de vente (devant être selon les conditions convenues et les parties) à la date du 1er septembre 2008 résulte du fait exclusif de Monsieur [Y] [N] dont la carence a persisté malgré les 2 mises en demeure des 20 et 28 octobre 2008 effectuées à cette fin restées sans effet.

Voir dire et juger qu'une telle carence a eu pour effet la caducité de l'avant-contrat à la date du 1er septembre 2008.

Voir prononcer à cette date la caducité d'un tel acte.

Dire que cette carence de Monsieur [Y] [N] et l'inexécution de son obligation d'acquérir en résultant génère sa responsabilité civile contractuelle.

Prononcer la responsabilité civile contractuelle de Monsieur [Y] [N].

Réformer le jugement du tribunal de Grande instance de Draguignan du 9 janvier 2014 relatif à la responsabilité civile de Monsieur [Y] [N] et à la demande de Madame [O] en résultant.

Voir, dire et juger Madame [R] [O] fondée à solliciter la légitime réparation de son préjudice résultant de l'inexécution fautive de Monsieur [N] en son obligation d'acquérir.

Voir dire et juger que son préjudice correspond au manque à gagner résultant de la caducité précitée des relations contractuelles et de l'absence de la vente prévue définitivement au 1er avril 2009.

Voir, dire et juger que ce préjudice de manque à gagner correspond à la perte de chance de la plus-value devant être réalisée par Madame [O] dans le cas de la vente au 1er avril 2009.

Dire et juger que ce préjudice correspond au différentiel entre le prix de revente de 11 000 000 € dudit bien à Monsieur [Y] [N] et le coût de revient de l'acquisition de ce bien par Madame [O] d'un montant de 9 225 873,45 € (incluant le coût d'achat de 8 600 000 €, les frais et droits notariés de 61 490 € et les intérêts financiers du prix d'un montant de 564 383,45 € arrêtés aux 01/04/2009, consenti par la banque ABN AMRO à Madame [O] en vue de cette acquisition).

Voir, dire et juger que ce préjudice d'un montant de 1 774 126,55 € s'induit directement et immédiatement de la carence fautive de Monsieur [N] à acquérir ledit bien immobilier et dont elle est la cause.

Voir condamner Monsieur [Y] [N] à payer à Madame [O] la somme de 1 774 126,55 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice précité.

Voir appliquer les intérêts légaux courant sur cette somme et ceux à compter du 01/04/2009, ou à tout le moins, à compter de la signification de la décision à intervenir jusqu'à parfait paiement.

Voir condamner Monsieur [Y] [N] au titre de sa mauvaise foi particulièrement caractérisée en l'espèce à payer à Madame [O] la somme de 20 000 € et ce au titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.

Voir également condamner Monsieur [Y] [N] à payer à Madame [O] la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du CPC.

Voir le condamner aux entiers dépens. »

L'assignation en date du 9 août 2021 destinée à Monsieur [Y] [N] qui demeure à [Localité 6], USA, n'a pas pu lui être délivrée en septembre 2021, celui-ci n'habitant plus à l'adresse indiquée.

Comme les autorités américaines avaient indiqué une autre adresse à [Localité 7], à l'audience du 15 février 2022, le dossier a été renvoyé au 11 octobre 2022, et le 21 mars 2022, Madame [O] a fait transmettre aux autorités compétente une deuxième demande de signification.

A cette autre adresse, les autorités américaines ont indiqué le 23 juin 2022 que l'acte n'avait pas pu être remis à Monsieur [Y] [N].

Par application des dispositions de l'article 634 du code de procédure civile, les dernières conclusions avant cassation de Monsieur [Y] [N] en date du 11 juin 2018 sont reprises. Au terme de celles-ci, qui sont tenues pour entièrement reprises, il demandait à la Cour de :

« À titre principal,

Prononcer la caducité de la déclaration de saisine.

Dire en tout état de cause la Cour non valablement saisie.

Déclarer irrecevable la déclaration de saisine, et donc les demandes de Madame [R] [O].

À titre subsidiaire,

Débouter Madame [R] [O] de toutes demandes, fins et conclusions.

Reconventionnellement,

Condamner Madame [R] [O] à payer à Monsieur [Y] [N] la somme de 10 000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre celle de 15 000 € au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner Madame [R] [O] aux entiers dépens tant de première instance que d'appel qui comprendront la contribution à hauteur de 225 € et dire que la Selas Cabinet Pothet, avocat, pourra recouvrer directement ce dont elle aura fait l'avance sans avoir reçu provision conformément à l'article 699 du code de procédure civile. »

L'instruction de l'affaire a été close le 13 septembre 2022.

MOTIFS

L'article 624 du code de procédure civile énonce que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

L'article 625 alinéa 1 ajoute que sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé.

Il suit de là qu'en cas de cassation partielle, la Cour de renvoi est tenue d'une part, par le contenu de l'acte d'appel, et d'autre part, par le dispositif de l'arrêt de la Cour de cassation, lequel détermine les chefs de demande qui sont atteints par la cassation.

1/Après ce rappel des règles définissant l'étendue de la saisine de la Cour de renvoi, en présence de 2 arrêts cassés partiellement et de deux arrêts de cassation, il convient d'examiner en premier lieu le second arrêt cassé du 6 juin 2019 et le second arrêt de cassation du 15 avril 2021.

Dans son arrêt du 6 juin 2019, la Cour de renvoi a prononcé la nullité de la déclaration de saisine après cassation, a dit que la cour n'est pas valablement saisie, a déclaré irrecevable la déclaration de saisine et donc les demandes de Madame [R] [O], a débouté Monsieur [Y] [N] de sa demande de dommages-intérêts dirigée contre Madame [R] [O] pour procédure abusive, a débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Sur pourvoi de Madame [R] [O], par arrêt du 15 avril 2021, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a cassé l'arrêt du 6 juin 2019 en ces termes :

« Casse et annule en ses seules dispositions prononçant la nullité de la déclaration de saisine de la Cour d'appel à la suite du renvoi après cassation disant que la Cour d'appel n'est pas valablement saisie et déclarant irrecevable la déclaration de saisine ainsi que les demandes de Madame [O], l'arrêt rendu le 6 juin 2019 entre les parties par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée. »

La motivation de cet arrêt est :

« Vu l'article 114 du code de procédure civile :

Il résulte de ce texte qu'affectant le contenu de l'acte de saisine de la juridiction et dans le mode de saisine de celle-ci, l'irrégularité des mentions de la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi après cassation ne constitue pas une cause d'irrecevabilité de celle-ci, mais relève des nullités pour vice de forme, la nullité ne pouvant être prononcé que s'il est justifié d'un grief.

Pour prononcer la nullité de la déclaration de saisine, dire que la cour n'est pas valablement saisie et déclarer irrecevables la déclaration de saisine ainsi que les demandes de Madame [O], l'arrêt retient qu'au regard de l'irrégularité avérée entachant cet acte de procédure, la déclaration de saisine en cause est nulle et la cour d'appel n'étant pas valablement saisie, il y a lieu consécutivement de la déclarer irrecevable et, par conséquent, de déclarer irrecevables les demandes de Madame [O].

En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le vice de forme affectant la déclaration de saisine avait causé un grief à Monsieur [N], la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. »

La disposition de l'arrêt du 6 juin 2019 ayant débouté Monsieur [Y] [N] de sa demande de dommages-intérêts n'est pas cassé, et seules sont cassées les dispositions relatives à la régularité de la saisine de la Cour de renvoi après cassation.

Dans ses écritures, Monsieur [Y] [N] sollicite en premier lieu la caducité de la déclaration d'appel au motif que la déclaration de saisine ne fait pas mention des chefs de réformation lesquels ont été repris dans les conclusions postérieures.

Dans ses dernières écritures, Madame [O] ne répond pas sur les moyens d'irrecevabilité et de caducité développées par Monsieur [N].

L'article 1033 énonce que la déclaration (de saisine après cassation) contient les mentions exigées pour l'acte introductif d'instance devant cette juridiction ; une copie de l'arrêt de cassation y est annexé.

La saisine après cassation étant en date du 15 janvier 2018, par application les dispositions du décret n° 2017- 1227 du 2 août 2017 modifiant les modalités d'entrée en vigueur du décret n° 2017- 891 du 6 mai 2017, les dispositions de l'article 13 de ce décret relatives aux mentions de la déclaration d'appel s'appliquent dans la présente instance.

C'est ainsi que s'appliquent les dispositions de l'article 901 4°du code civil lequel, à peine de nullité, exige que dans l'acte d'appel soient mentionnés les chefs de jugement expressément critiqué auxquelles appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Dès lors, Madame [O] était tenue de mentionner dans la déclaration de saisine après cassation les chefs de jugement critiqué, ce qui fait défaut en l'espèce.

La nullité, et non la caducité, est encourue.

Toutefois, comme il a été rappelé par la Cour de cassation dans son arrêt du 15 avril 2021, il s'agit d'une irrégularité de forme qui n'est sanctionnée par la nullité que si elle fait grief.

Dans ses écritures, Monsieur [Y] [N] n'invoque aucun grief que lui aurait causé cette irrégularité.

En conséquence, il n'y a lieu de prononcer la nullité de la déclaration de saisine après cassation du 15 janvier 2018.

Monsieur [Y] [N] soutient en second lieu qu'il y aurait caducité de la déclaration de saisine après cassation au motif que Madame [O] n'aurait pas notifié sa déclaration de saisine à toutes les parties à l'instance.

En effet l'article 1037-1 alinéa 2 du code de procédure civile énonce que la déclaration de saisine est signifiée par son auteur aux autres parties à l'instance ayant donné lieu à la cassation dans les 10 jours de la notification par le greffe de l'avis de fixation.

Cependant, outre que cette dénonce partielle n'est pas sanctionnée par la caducité ou la nullité de la déclaration de saisine, eu égard au dispositif de l'arrêt de la Cour de cassation du 7 septembre 2017 qui n'a cassé, comme il sera explicité ci-après, que sur le préjudice subi par Madame [O] du fait des agissements de Monsieur [Y] [N], la saisissante après cassation n'avait pas à attraire les autres parties à la procédure de renvoi après cassation.

En troisième lieu, Monsieur [N], qui demeure alors à [Localité 6] (USA), invoque qu'il n'est pas justifié que l'acte de transmission à l'autorité étrangère compétente du 12 avril 2018 lui a été remise.

Cependant, Monsieur [Y] [N] qui a constitué avocat, ne peut invoquer et n'invoque pas qu'il ait subi un préjudice du fait de l'absence de cette remise. Dès lors, cette irrégularité qui elle aussi constitue une irrégularité de forme, n'est pas de nature à entraîner la nullité de la déclaration de saisine.

En quatrième lieu, Monsieur [Y] [N] invoque que le délai de 10 jours de l'article 1037-1 du code de procédure civile, augmenté du délai de 2 mois de l'article 643 du code de procédure civile, n'a pas été respecté.

Par application des dispositions de l'article 1037-1 du code de procédure civile, se pose la question de la recevabilité de cette demande de Monsieur [Y] [N] devant la Cour.

Toutefois, dans le cadre de la plénitude des pouvoirs de la Cour, celle-ci constate qu'alors que l'ordonnance de fixation à bref délai est en date du 30 janvier 2018, Madame [O] a fait transmettre le 9 février 2018 aux autorités américaines compétente afin de signification sa déclaration de saisine après cassation.

En conséquence, Monsieur [Y] [N] est débouté de ses demandes tendant à la caducité ou l'irrecevabilité ou la nullité de la déclaration de saisine de Madame [R] [O] du 15 janvier 2018.

2/ Dès lors, sur le fond, il convient d'apprécier l'étendue de la saisine de la cour de renvoi au regard uniquement des demandes de Madame [O] dirigées à l'encontre de Monsieur [Y] [N], puisque seul ce point reste en litige.

En première instance, par jugement du 9 janvier 2014 du tribunal de grande instance de Draguignan, Madame [O] a été déboutée de ses demandes de condamnation de Monsieur [Y] [N] à lui payer :

-976 000 € de dommages-intérêts en réparation du manque à gagner sur la vente de l'immeuble,

-763 973,79 € de dommages et intérêts représentant le coût des intérêts du prêt payés depuis le 1er avril 2009, à parfaire, du fait de l'inexécution fautive de l'obligation de faire contenu dans l'acte du 13 mars 2008,

-4 000 000 € de dommages et intérêts au titre de la dépréciation de la valeur actuelle du bien.

Sur appel de Madame [O], l'arrêt du 15 mai 2015 de la Cour d'appel de céans a notamment :

-dit que Madame [R] [O] et Monsieur [Y] [N] étaient en l'état d'un avant-contrat portant sur l'acquisition de l'immeuble situé [Adresse 3],

-dit que Monsieur [Y] [N] a manqué à ses obligations en découlant et l'a condamné à payer à Madame [R] [O] la somme de 200 000 € à titre de dommages-intérêts.

Sur pourvoi de la société Jacqui B, de Maître [B] [L] en sa qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Jacqui B, de Monsieur [Y] [N] et de Madame [I] [P] épouse [N], la 3e chambre civile de la Cour de cassation a partiellement cassé l'arrêt du 15 mai 2015 par arrêt du 7 septembre 2017.

Le dispositif de ce premier arrêt de cassation partielle est ainsi rédigé :

« Casse et annule, mais seulement en ce qu'il condamne Monsieur [N] à payer à Madame [O] la somme de 200 000 € à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 15 mai 2015 entre les parties par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet en conséquence sur ce point la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée. »

La motivation de cet arrêt est :

« Vu l'article 1147 du Code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que pour condamner Monsieur [N] à payer à Madame [O] une somme de 200 000 € à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que l'offre d'achat de Monsieur [N] présenté pour Madame [O] des perspectives de plus-values importantes qui n'ont pas été réalisées et que la perte de chance subie s'évalue à 20 % du montant escompté ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'une faute commise dans l'exercice du droit de rupture unilatérale des négociations n'est pas la cause du préjudice consistant dans la perte d'une chance de réaliser une plus-value en cas de réalisation de la vente, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

Il suit de là que l'arrêt du 7 septembre 2017 qui a dit que Madame [R] [O] et Monsieur [Y] [N] étaient en l'état d'un avant-contrat portant sur l'acquisition de l'immeuble situé [Adresse 3], et qui a dit que Monsieur [Y] [N] a manqué à ses obligations en découlant n'est pas atteint par la cassation.

Dès lors, Madame [O] ne peut demander à la Cour de statuer à nouveau sur la nature de la relation qui s'était instaurée entre elle et Monsieur [N], qui a été définitivement qualifiée d'avant-contrat.

De même, il n'y a lieu de statuer à nouveau sur la faute de Monsieur [Y] [N] dans la rupture de cet avant-contrat, l'abus du droit de mettre fin aux relations précontractuelles de celui-ci étant définitivement admis.

Par contre, s'agissant d'une faute commise pendant la négociation précontractuelle, à défaut de conclusion d'un compromis ou d'un contrat, la responsabilité de Monsieur [Y] [N] est délictuelle.

Or, aux termes de l'article 5 du code de procédure civile, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.

Madame [O] demande que son préjudice soit indemnisé au titre de la responsabilité contractuelle de Monsieur [Y] [N], et n'a pas formulé de demande subsidiaire sur la responsabilité délictuelle pour le cas où la responsabilité contractuelle de Monsieur [Y] [N] serait écartée.

Aussi Madame [O] est-elle déboutée de ses demandes d'indemnisation qui sont fondées uniquement sur la responsabilité contractuelle de Monsieur [Y] [N].

Au surplus, alors que l'arrêt de cassation du 7 septembre 2017 explique que le préjudice résultant de la faute commise dans l'exercice du droit de rupture unilatérale des négociations n'est pas la perte d'une chance de réaliser une plus-value en cas de réalisation de la vente, Madame [O] persiste à solliciter l'indemnisation de la perte de chance de la plus-value devant être réalisée dans le cas de la vente au 1er avril 2009, augmentée de divers frais financiers.

En tout état de cause, cette demande n'aurait pas pu prospérer.

3/ Madame [O] sollicite aussi la condamnation de Monsieur [Y] [N] à lui payer la somme de 20 000 € au titre de son préjudice moral « au titre de sa mauvaise foi avérée ».

Toutefois, Madame [O], qui ne consacre aucun paragraphe à son préjudice moral dans le corps de ses écritures, n'explicite pas ce préjudice, et a fortiori, n'en justifie pas.

Elle est déboutée de cette demande.

En conséquence, le jugement déféré qui avait débouté Madame [O] de ses demandes dirigées à l'encontre de Monsieur [Y] [N] est confirmé par substitution de motifs.

4/L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [O] qui succombe en majorité, est condamnée aux dépens du présent arrêt et aux dépens de l'arrêt cassé du 6 juin 2019.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt de défaut, dans la limite de sa saisine,

Vu l'arrêt du 15 mai 2015 la Cour d'appel de céans autrement composée,

Vu l'arrêt du 7 septembre 2017 de la troisième chambre civile de la Cour de cassation,

Vu l'arrêt du 6 juin 2019 de la Cour d'appel de céans autrement composée,

Vu l'arrêt du 15 avril 2021 de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation,

Déboute Monsieur [Y] [N] de ses demandes tendant à la nullité, la caducité ou l'irrecevabilité de la déclaration de saisine après cassation du 15 janvier 2018 de Madame [R] [O],

Confirme le jugement déféré du 9 janvier 2014 du tribunal de grande instance de Draguignan en ce qu'il a débouté Madame [R] [O] de ses demandes dirigées à l'encontre de Monsieur [Y] [N],

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Madame [R] [O] aux dépens du présent arrêt après cassation, ainsi qu'aux dépens de l'arrêt cassé du 6 juin 2019.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-4
Numéro d'arrêt : 21/08916
Date de la décision : 24/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-24;21.08916 ?
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