La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/11/2022 | FRANCE | N°20/01279

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-5, 24 novembre 2022, 20/01279


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5



ARRÊT AU FOND

DU 24 NOVEMBRE 2022



N° 2022/







GM





Rôle N°20/01279

N° Portalis DBVB-V-B7E-BFQFA







SA MINELLI





C/



[Y] [Z]

























Copie exécutoire délivrée

le : 24/11/2022

à :



- Me Michel HALLEL, avocat au barreau de STRASBOURG



- Me Marie-

Ange PAGANELLI, avocat au barreau de NICE





























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 23 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/000082.





APPELANTE



SA MINELLI, sise [Adresse 5]



repré...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT AU FOND

DU 24 NOVEMBRE 2022

N° 2022/

GM

Rôle N°20/01279

N° Portalis DBVB-V-B7E-BFQFA

SA MINELLI

C/

[Y] [Z]

Copie exécutoire délivrée

le : 24/11/2022

à :

- Me Michel HALLEL, avocat au barreau de STRASBOURG

- Me Marie-Ange PAGANELLI, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 23 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/000082.

APPELANTE

SA MINELLI, sise [Adresse 5]

représentée par Me Michel HALLEL, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMEE

Madame [Y] [Z], demeurant [Adresse 1]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2020/004347 du 06/11/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AIX-EN-PROVENCE)

représentée par Me Marie-Ange PAGANELLI, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Monsieur Antoine LEPERCHEY, Conseiller

Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2022

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Pascale ROCK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE :

La société Minelli possède de nombreux établissements secondaires sous l'enseigne « Minelli » dont un situé au Centre commercial appelé Cap 3000 situé à [Localité 4] dans lequel travaillait Mme [Y] [Z].

Cette société est composée de plus de dix salariés.

La convention collective nationale applicable est celle du commerce succursaliste de la chaussure.

A compter du 1er janvier 2006, Mme [Y] [Z] a été engagée en contrat à durée indéterminée à temps partiel en qualité de vendeuse.

Par avenant du 28 novembre 2014, Mme [Y] [Z] a été mutée sur le magasin Minelli du Centre commercial de Cap 3000 à [Localité 4], à compter du 1er décembre 2014 en qualité de vendeuse. Elle est également passée d'un temps partiel à un temps plein.

Par courrier remis en mains propres le 10 novembre 2016, il a été demandé à la salariée d'intégrer le magasin Minelli de [Localité 3] à compter du 28 novembre 2016, ce que l'intéressée a refusé de faire par courrier daté du 14 novembre 2016.

Mme [Y] [Z] invoquait ses situations personnelles et familiales, notamment le fait qu'elle élevait seule sa fille lycéenne de quinze ans et ayant subi un accident de la circulation le 29 novembre 2016, qui nécessitait des examens médicaux.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 novembre 2016, la société Minelli a convoqué Mme [Y] [Z] à un entretien préalable à un licenciement fixé le 1er décembre 2016.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 décembre 2016, la société Minelli a licencié Mme [Y] [Z] pour défaut de respect de la clause de mobilité et refus de mutation sur le magasin de Minelli de [Localité 3] avec dispense de préavis.

Suite à la saisine de la salariée du 16 février 2018, par jugement rendu le 23 décembre 2019, le conseil de prud'hommes de Grasse a notamment condamné la société Minelli à régler à la salariée les sommes de 5000 euros de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, 16 500 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1678 euros au titre du préjudice de carrière.

Le 27 janvier 2020, la société Minelli a interjeté un appel partiel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.

L'ordonnance de clôture est rendue le 15 septembre 2022.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 avril 2020, la société Minelli demande à la cour d'appel de :

- infirmer le jugement rendu en ce que :

il a condamné la société Minelli à payer à Mme [Y] [Z] 5000 euros de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, 16 500 euros de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1678 euros au titre du préjudice de carrière

il a condamné la société la société Minelli à payer à Mme [Y] [Z] 1300 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991

il a ordonné la remise des documents sociaux rectifiés

il l'a déboutée de sa demande reconventionnelles

il l'a condamnée aux dépens

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de rupture vexatoire

- débouter la salariée de toutes ses demandes

subsidiairement :

- ramener à de plus justes proportions les montants sollicités au titre des dommages intérêts

- en tout état de cause ;

- indique dans le jugement le salaire moyen de référence de Mme [Y] [Z]

- condamner Mme [Y] [Z] à lui régler la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

-la condamner aux dépens.

Sur la demande de dommages intérêts de la salariée, pour exécution déloyale du contrat de travail, l'employeur fait valoir que :

-le dépôt d'une plainte à l'encontre de la salariée est seulement l'usage d'une voie de droit ,

-la salariée est défaillante à démontrer les agissements qu'elle aurait subis de la part de M. [R] [M]. Cette demande doit être rejetée.

Sur le prétendu préjudice de carrière, l'employeur fait valoir, en droit, qu'il n'est soumis à aucune obligation de promotion professionnelle en vertu du contrat de travail. La demande de dommages intérêts de la salariée ne peut être de nature contractuelle. Cette demande relève donc de la responsabilité civile de droit commun donc de l'article 1240 du code civil. Or, il n'existe aucune disposition légale, conventionnelle, contractuelle qui obligerait la société Minelli à procéder à une évaluation et un bilan de compétence annuels de ses salariés. La salariée ne justifie pas des promotion qu'elle aurait prétendument sollicitées et qui ne lui auraient pas été accordées.

Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement, l'employeur rappelle que le contrat de travail de Mme [Y] [Z] comprend une clause de mobilité. La bonne foi contractuelle étant présumée, les juges n'ont ps à rechercher si la décision de l'employeur de faire jouer une clause de mobilité dans le contrat de travail est conforme à l'intérêt de l'entreprise. Il incombe au salarié de démontrer que cette décision a été prise pour des raisons étrangères à cet intérêt, ou bien qu'elle a été mise en 'uvre dans des conditions exclusives de la bonne contractuelle.

Par conclusions notifiées par voie électronique le  20 juillet 2020, Mme [Y] [Z] demande à la cour d'appel de :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Grasse du 23 décembre 2019, en ce qu'il a considéré son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- débouter en conséquence, la société Minelli de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société Minelli à lui payer ;

' 10.070,52 euros pour exécution déloyale du contrat de travail

' 20.141.40 euros pour préjudice de carrière

' 20.141.40 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et

sérieuse

' 8.000 euros au titre des dommages et intérêts pour rupture vexatoire

' 2.000 euros par application de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet

1991 ;

avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes pour les demandes à caractère salarial et à compter de la décision à intervenir pour les demandes à caractère indemnitaire, et capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil,

- ordonner à la société Minelli de lui remettre ses documents sociaux modifiés (certificat de travail, reçu pour solde de tout compte et attestation Pôle emploi) sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à compter de la décision à intervenir ;

- condamner la société Minelli à payer à son avocate la somme de 2.000 euros par application de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- condamner la société Minelli aux dépens.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail, Mme [Y] [Z] invoque les articles du code civil et L.1222-1 du Code du travail. Elle ajoute que manque gravement à ses obligations l'employeur qui porte atteinte à l'intégrité physique ou morale du salarié.

En fait, elle soutient avoir été contrainte d'effectuer son contrat de travail dans des conditions déplorables. M. [R] [M] a eu un comportement injurieux, qui se traduisait par des critiques sur son travail et des remarques désobligeantes. Ce dernier n'hésitait pas à rabaisser et dénigrer l'intimée devant témoin.

Par ailleurs, l'employeur n'a pas hésité à mettre publiquement en cause la salariée, déposant une plainte pénale à son encontre, pour un vol de pochette contenant une centaine d'euros, alors même qu'aucune preuve ne pesait contre Mme [Y] [Z].

Ces méthodes caractérisent une exécution déloyale de son contrat de travail et un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat au sens de la jurisprudence précitée, et ce, d'autant plus que l'employeur n'a pris aucune disposition en vue de les faire cesser.

Sur le préjudice de carrière, la salarié soutient que, en droit, dans le cas où, bien que l'avancement soit laissé au choix de la hiérarchie et ne présente donc pas de caractère automatique, l'employeur doit, en vertu du statut du personnel applicable dans l'entreprise, procéder à une évaluation et un bilan de compétences annuels des salariés. Les éléments communiqués démontrent que Mme [Y] [Z] qui a pourtant toujours eu un comportement exemplaire au sein de la société Minelli a, malgré son expérience reconnue de 12 ans au sein de la société, dû se résoudre à faire une croix sur son projet de carrière.

Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la salariée fait valoir, en droit, que :

- une cour d'appel peut estimer que la mise en 'uvre de la clause de mobilité n'est pas conforme à l'intérêt de l'entreprise et décider, en conséquence, de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement du salarié ayant refusé sa mutation

- de jurisprudence constante il est acquis que la mise en 'uvre d'une clause de mobilité doit préserver le droit du salarié à une vie familiale

- ne commet pas de faute le salarié qui refuse une mutation consécutive à la mise en 'uvre de la clause de mobilité intervenue avec précipitation et de mauvaise foi.

En fait, Mme [Y] [Z] estime que  alors même que la clause contractuelle prévoit qu'elle pourra être mutée uniquement « pour les besoins du service », la société Minelli n'a jamais justifié que sa décision de la muter à [Localité 2] était dictée par l'intérêt de l'entreprise. Cette mutation a eu un caractère précipité, ne lui laissant que peu de temps pour réorganiser sa vie familiale avec ses trois enfants, et notamment la dépendance de sa plus jeune fille.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [Y] [Z] fait valoir que l''effectif de la société Minelli étant supérieur à onze salariés, les dispositions de l'article L. 1235-3 du Code du travail dans sa version antérieure au 24 septembre 2017 trouvent ici à s'appliquer. Le licenciement lui a causé un préjudice très important. A près de 50 ans, elle s'est retrouvée sans emploi pour élever ses trois enfants. En outre, Mme [Y] [Z] est toujours en grande fragilité psychologique consécutivement à son licenciement et ses conditions de travail déplorables et a été contrainte de suivre un traitement médicamenteux et psychiatrique, post traumatique.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail :

1.Sur la demande indemnitaire de la salariée pour exécution déloyale du contrat de travail :

Selon l'article 1134 du code civile dans sa version applicable lors du contrat de travail conclu le 1er janvier 2006 : Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.Elles doivent être exécutées de bonne foi

Selon l'article L 4121-1 du code du travail : L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Il résulte de ces articles de loi que ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

Mme [Y] [Z] affirme que Monsieur [R] [M], responsable du magasin, a eu un comportement injurieux envers elle, qu'il la rabaissait et la dénigrait devant témoins. La salariée produit deux attestations précises qui accréditent cette affirmation.

Dans son attestation rédigée le 3 avril 2018, M. [S] [N] affirme qu'il a travaillé avec la salariée sur le site Cap 3000 et que M. [R] [M] adoptait un comportement odieux contre l'intimée. Il ajoute que ce dernier remettait : « constamment » en question le dévouement de la salariée dans son travail. »

Ces faits sont confirmés par M. [K] [W] lequel, dans son attestation du 21 février 2018, évoque que : « le nouveau responsable » passait son temps à « insulter », « réprimander » Mme [Y] [Z], alors même qu'elle : « rectifiait les erreurs de celui-ci au sein du magasin. »

L'affirmation de Mme [Y] [Z], concernant le comportement odieux de M. [R] [M], est établi.

S'agissant du dépôt de plainte effectué par l'employeur, pour des faits de vol d'une pochette contenant une centaine d'euros, les pièces produites par Mme [Y] [Z] sont insuffisantes pour démontrer une faute de l'employeur sur ce point et une exécution déloyale par ce dernier du contrat de travail. Les deux attestations produites, émanant de collègues de la salariée, indiquent seulement que la salariée souffre encore moralement et que cette dernière a été convoquée au commissariat alors qu'elle n'était pas concernée par cette affaire. Toutefois, rien ne permet de savoir ce que l'employeur a dit aux enquêteurs et comment l'enquête a été menée de ses dires.

Les insultes et le comportement agressif et rabaissant de M. [R] [M] contre la salariée constituent un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Il importe peu de savoir que Mme [Y] [Z] ne démontre pas avoir alerté sa hiérarchie, dés lors que M. [R] [M], qui dénigrait la salariée, était lui-même un supérieur hiérarchique de cette dernière en sa qualité de responsable de magasin.

Ce supérieur hiérarchique n'a pris aucune mesure pour remédier à une situation de souffrance de la salariée dont il ne pouvait pas ne pas voir connaissance, étant lui-même l'auteur de comportements ayant causé une souffrance psychologique à la salariée.

Compte tenu du fait que Mme [Y] [Z] n'explique pas pendant combien de temps elle a subi le comportement inadmissible de son supérieur hiérarchique, il lui sera alloué la somme de 3 000 euros de dommages intérêts.

La société Minelli est condamnée à payer la somme de 3 000 euros de dommages intérêts à Mme [Y] [Z] et le jugement rendu le 23 décembre 2019 sera infirmé de ce chef.

2. sur la demande indemnitaire de la salariée au titre du préjudice de carrière :

Si l'employeur ne conteste pas que, pendant, douze années, la salariée n'a pas bénéficié de promotion professionnelle en ce qu'elle n'a jamais été promue au poste d'adjointe ou de responsable de magasin, Il ne résulte aucunement des clauses du contrat de travail de Mme [Y] [Z] que l'employeur supportait la charge de quelconques obligations en matière de promotion professionnelle de sa salariée.Ainsi, faute pour Mme [Y] [Z] de démontrer que son employeur était tenu par une obligation de lui accorder une promotion professionnelle, celle-ci sera déboutée de sa demande indemnitaire à ce titre.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef en ce qu'il a condamné l'employeur à régler à l'intimée la somme de 1678 euros au titre du préjudice de carrière

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail :

1. Sur la demande relative au licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Le contrat de travail initial du 30 décembre 2005 stipule une clause de mobilité, aux termes de laquelle : « Il est convenu que pour les nécessités du service que vous pouvez être mutée dans un autre magasin appartenant au groupe Vivarte ('). Si votre lieu de travail se situe en province, la mutation pourra s'effectuer dans la même agglomération, c'est à dire dans la limite de desserte par les transports en commun de celle-ci. »

- sur l'intérêt de l'entreprise :

La bonne foi contractuelle étant présumée, il appartient au salarié de prouver l'abus de droit de l'employeur dans la mise en 'uvre de la clause de mobilité prévue dans son contrat de travail, en démontrant que la décision de ce dernier de faire jouer cette clause a été prise, en réalité, pour des raisons étrangères à l'intérêt de l'entreprise ou qu'elle a été mise en 'uvre dans des conditions exclusives de toute bonne foi.

En l'espèce, les éléments de preuve versés par les deux parties caractérisent, au moment de la décision de mutation de la salariée sur un autre site, le besoin de la société Minelli de réduire le volume horaire des salariés affectés sur le magasin de [Localité 4].

En effet, il est établi une diminution du chiffre d'affaires du point de vente du site Cap 3000 entre septembre 2015 et novembre 2016, lorsqu'il a été proposé à Mme [Y] [Z] de muter sur le magasin Minelli de [Localité 3], ainsi qu'une réduction progressive des effectifs et du volume horaire du magasin du site Cap 3000 après le mois de novembre 2016.

Mme [Z] ne parvient pas suffisamment à démontrer que la mise en 'uvre de sa clause de mobilité aurait été prise pour pour des raisons étrangères à l'intérêt de l'entreprise ou qu'elle a été mise en 'uvre dans des conditions exclusives de toute bonne foi.

- sur le non-respect de la vie familiale :

La mise en 'uvre par l'employeur de la clause de mobilité ne doit pas porter atteinte au droit du salarié au respect de sa vie privée et familiale, à moins que cela ne soit justifié par les tâches ou fonctions du salarié et proportionné au but recherché.

En l'espèce, la salariée était affectée sur le magasin Minelli du site Cap 3000 de [Localité 4] depuis le 1er décembre 2014 lorsque l'employeur lui a demandé le 7 novembre 2016 de muter au sein du magasin Minelli de [Localité 3] à compter du 28 novembre 2016.

Mme [Y] [Z] ne conteste pas ni que le magasin de [Localité 3] se situait à moins de neuf kilomètres du magasin de [Localité 4], ni que ses trajets quotidiens en voiture pour se rendre depuis son domicile sur son nouveau lieu travail situé à [Localité 3] ne devaient augmenter que d'une durée de vingt-quatre minutes au maximum au total.

Ainsi, même si la salariée fait état d'une situation personnelle objectivement difficile -étant mère séparée avec une enfant de quinze ans nécessitant des soins suite à un accident de la circulation subi le 29 septembre 2016- elle n'établit pas en quoi le fait que ses trajets étaient augmenté de vingt-quatre minutes par jour, en voiture, portait atteinte à sa vie personnelle et familiale.

Il n'apparaît pas que la mise en 'uvre par l'employeur de la clause de mobilité portait atteinte au droit de la salariée au respect de sa vie privée et familiale.

- sur le délai de prévenance :

La mutation doit être notifiée avec un délai de prévenance suffisant à défaut de quoi la clause de mobilité a été mise en 'uvre dans des conditions abusives et le salarié est fondé à refuser sa nouvelle affectation.

En l'espèce, la salariée a bénéficié d'un délai de prévenance de dix-huit jours entre la notification de sa mutation par courrier remis en mains propres le 10 novembre 2016 et la prise d'effet de cette mutation à compter du 28 novembre 2016.

Ce délai de prévenance apparaît suffisant car les deux magasins n'étaient distants que de neuf kilomètres. De plus, l'intimée n'établit pas en quoi cette mutation l'obligeait à réorganiser sa vie personnelle. En particulier, elle n'invoque pas la nécessité de déménager ni l'impact éventuel de cette mutation sur le suivi des soins médicaux de sa fille.

Il n'apparaît pas que la clause de mobilité a été mise en 'uvre dans des conditions abusives et que le salariée était fondée à refuser sa nouvelle affectation.

Mme [Y] [Z] doit être déboutée de sa demande tendant à faire juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En conséquence, les demandes financières de l'intimée en lien avec l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sont également rejetées (demande de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse).

Le jugement entrepris sera infirmé à ce titre.

Sur les autres demandes :

1. Sur les intérêts :

Les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris, soit à compter du 23 décembre 2019.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

2. Sur la remise de documents :

La cour rejette les demandes de la société Minelli relative à la remise des documents de fin de contrat rectifiés : l'attestation destinée au Pôle emploi, le certificat de travail et un reçu pour solde de tout compte.

Sur les frais du procès :

La société Minelli est déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société Minelli sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 2 000 euros. à Mme Marie-Ange Paganelli, conseil de l'intimée, par application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,

- confirme le jugement entreprise en ce qu'il a débouté Mme [Y] [Z] de sa demande de dommages intérêts pour rupture vexatoire  et en ce qu'il a condamné la société Minelli aux dépens et à payer une somme de 1300 euros à l'avocate de Mme [Y] [Z] au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

-infirme le jugement entrepris en ses autres dispositions soumises à la cour ;

statuant à nouveau des chefs de jugement infirmés :

- condamne la société Minelli à payer à Mme [Y] [Z] la somme de 3 000 euros de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- rejette les demandes de Mme [Y] [Z] d'indemnisation au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et du préjudice de carrière ;

- rejette les demandes de Mme [Y] [Z] relatives aux documents sociaux ;

- dit que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2019, date du jugement entrepris ;

- ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

- y ajoutant :

- condamne la société Minelli aux dépens de la procédure d'appel

- condamne la société Minelli payer à Mme [Y] [Z] une somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- déboute la société Minelli de sa demande d'indemnité de procédure en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-5
Numéro d'arrêt : 20/01279
Date de la décision : 24/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-24;20.01279 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award