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18/11/2022 | FRANCE | N°19/00198

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 18 novembre 2022, 19/00198


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 18 NOVEMBRE 2022



N°2022/ 199





RG 19/00198

N° Portalis DBVB-V-B7D-BDSLO







[E] [T]





C/



SAS TRANSDEV CAP PROVENCE

























Copie exécutoire délivrée

le 18 Novembre 2022 à :



-Me Olivier KUHN-MASSOT, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Xavier PIETRA, avocat

au barreau d'AIX-EN-PROVENCE







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 21 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F17/01951.







APPELANT



Monsieur [E] [T], demeurant [Adresse 1]

...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 18 NOVEMBRE 2022

N°2022/ 199

RG 19/00198

N° Portalis DBVB-V-B7D-BDSLO

[E] [T]

C/

SAS TRANSDEV CAP PROVENCE

Copie exécutoire délivrée

le 18 Novembre 2022 à :

-Me Olivier KUHN-MASSOT, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Xavier PIETRA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 21 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F17/01951.

APPELANT

Monsieur [E] [T], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Olivier KUHN-MASSOT, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SAS TRANSDEV CAP PROVENCE, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Xavier PIETRA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Thimothée JOLY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Septembre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargées du rapport.

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Novembre 2022.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Novembre 2022.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

Le 5 juillet 2001, la société Provençale d'autocars à [Localité 2] a engagé M. [E] [T] en contrat à durée déterminée jusqu'au 31 décembre 2001. Une convention de transfert est intervenue le 18 novembre 2003 entre la société et Kéolis Provence exploitant de la ligne métro la Rose-Plan de Cuques. Cette convention prévoyait la reprise de la période ouvrant droit à l'ancienneté acquise pour les salariés mentionnés.

Le 1er novembre 2006, M. [E] [T] était embauché à temps complet par la société Transdev Cap Provence dans le cadre de la reprise de la ligne.

Au dernier état de la relation contractuelle, M. [E] [T] occupait le poste de receveur de transport en commun par contrat à durée indéterminée avec une reprise d'ancienneté au 5 juillet 2001 et un coefficient 205.

La convention collective applicable était celle des réseaux de transports publics urbains de voyageurs.

Le 21 octobre 2016, suite à un contrôle d'alcoolémie positif, M. [T] était convoqué à un entretien préalable et à une comparution devant un conseil de discipline. Il s'est également vu notifier une mise à pied à titre conservatoire.

Le 3 novembre 2016, le salarié était licencié pour faute grave.

Le 30 août 2017, M. [T] saisissait le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins d'obtenir la nullité de son licenciement et sa réintégration, à défaut, la requalification en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que diverses indemnités.

Le 21 décembre 2018, le conseil de prud'hommes de Marseille a rendu le jugement suivant :

Dit et juge que le licenciement en sa qualification de faute grave de M. [T] est fondé

Déboute M. [T] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions

Déboute la société Transdev Cap Provence de sa demande reconventionnelle

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires

Condamne la partie demanderesse aux entiers dépens.

Le 4 janvier 2019, le conseil de M. [T] a interjeté appel de la décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions, transmises par voie électronique le 12 juillet 2019, M. [T] demande à la cour de :

« Réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Dire et juger que le licenciement de M. [T] est sans cause réelle et sérieuse ; en conséquence,

Condamner la SAS Transdev Cap Provence au paiement :

- du préavis soit 5 370,28€ correspondant à deux mois de salaire (2 x 2 685,14€) ;

- de l'indemnité de congés payés y afférente soit 537€ ;

- de 26 851,40€ d'indemnité conventionnelle de licenciement, en application de l'article 5 de l'annexe I à la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs ; subsidiairement, au paiement 9 845,51€ d'indemnité légale de licenciement sur le fondement de l'article L.1234-9 du code du travail ;

- de l'indemnité en fonction du préjudice subi à raison de la rupture du contrat de travail après 15 années d'ancienneté, à hauteur de 64 443,36€ correspondant à 24 mois de salaires,

- de 895 € correspondant au paiement de la période de la mise à pied, outre 89,50€ de congés payés y afférents,

Condamner la Sas Cap Provence au paiement des frais irrépétibles de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 5 000 €. »

M. [T] soulève l'irrégularité de la procédure et l'inopposabilité du règlement intérieur au salarié. Il soutient que la société Transdev Cap Provence n'a pas soumis les dispositions du règlement intérieur au comité d'entreprise et au CHSCT et qu'il n'a pas accompli les formalités d'affichage du règlement intérieur sur le lieu de travail ainsi que les formalités de dépôt au greffe du conseil de prud'hommes. Il fait valoir également qu'il n'a pas été informé de son droit à demander une contre-expertise contrairement à ce que prévoit le règlement intérieur. Il soulève la violation des dispositions de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs compte tenu de la composition irrégulière du conseil de discipline qui ne peut être ramenée à deux membres pour chaque catégorie qu'à titre exceptionnel et de l'impossibilité pour le salarié d'assurer utilement sa défense.

M. [T] fait valoir au fond l'absence de sanction disciplinaire de l'état d'ébriété, le règlement intérieur ne mentionnant que la sanction de l'état de « sobriété », la mention d'un motif erroné sur la lettre de licenciement puisqu'il n'a été soumis qu'à un contrôle de la présence d'alcool dans l'air expiré et non à un contrôle du taux d'alcool dans le sang et l'absence de mesure du taux d'alcoolémie par l'ethylotest.

Aux termes de ses dernières conclusions, transmises par voie électronique le 27 juin 2019, la société Transdev Cap Provence demande à la cour de :

« Juger irrecevable la demande formée par M. [E] [T] au titre de l'indemnité de licenciement conventionnelle et légale et pour la première fois aux termes de conclusions d'appelant numéro 2 ;

Confirmer le jugement déféré en ce que le premier juge a retenu que le licenciement du salarié pour faute grave est fondé ;

Débouter M. [E] [T] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions;

Y ajoutant,

Condamner M. [E] [T] au paiement de la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens.

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la Cour faisait droit aux demandes de M. [E] [T] :

Dire que Monsieur [E] [T] ne rapporte pas la preuve d'un quelconque préjudice tant sur le plan moral que sur le plan financier ;

En conséquence,

Réduire le montant des indemnités sollicitées à de plus justes proportions ;

Dire n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. »

La société Transdev Cap Provence réplique que les formalités ont été prévues par l'article 40 du réglement intérieur et qu'il est justifié le 22 avril 2015 du dépôt de ce dernier au greffe du conseil de prud'hommes d'Aix en Provence et que quand bien même le règlement intérieur ne lui serait pas opposable M. [E] [T] a reconnu à deux reprises avoir consommé de l'alcool avant sa prise de poste et n'a jamais demandé à bénéficier d'une contre-expertise, relevant que des notes de service circulent régulièrement rappelant les règles en matière de consommation d'alcool. La société estime que s'agissant des conducteurs de bus, l'infraction prévue par l'article R 234-1 du code de la route est caractérisée lorsque le conducteur présente un taux d'alcool de 0, 20 g par litre dans le sang ou 0,10 mg par litre d'air expiré.

Elle souligne que l'appareil utilisé pour le contrôle d'alcoolémie est homologué et opérationnel, la valeur ne s'affichant sur l'éthylotest que si le résultat est inférieur à la valeur du seuil légal. Elle estime qu'une obligation de sécurité incombe au salarié tant envers lui-même qu'envers son entourage au lieu et au temps du travail et que M. [E] [T] a déjà connu des problèmes d'alcoolémie dans le passé.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I) Sur le licenciement :

La lettre de licenciement était libellée dans les termes suivants :

« Vous avez été embauché par notre société le 1er novembre 2006 (ancienneté au 5 juillet 2001) en qualité de conducteur receveur, emploi que vous occupez toujours à ce jour.

Lors de notre entretien préalable du vendredi 28 octobre 2016, en présence de M. [Y] [G], votre conseil, nous vous avons exposé les faits qui nous ont conduits à envisager à votre égard une mesure de licenciement.

Ces faits vous sont rappelés ci-après :

Le jeudi 20 octobre 2016, la Direction a décidé de procéder à des contrôles d'alcoolémie inopinés conformément aux dispositions du Règlement Intérieur de l'entreprise.

7 conducteurs de la CAP étaient présents au dépôt RTM de la Rose à [Localité 2] avant leur prise de service et ont été priés d'effectuer des tests de contrôle d'alcoolémie en présence de M. [F] [J], Responsable d'exploitation et Madame [O] [S], chef de secteur mouvement.

Le jeudi 20 octobre 2016 au dépôt RTM de la Rose à [Localité 2] à 13 heures 30, alors que vous alliez débuter votre service, vous avez donc fait l'objet d'un contrôle d'alcoolémie par M. [F] [J] et Madame [O] [S].

Il s'est avéré que votre taux d'alcoolémie relevé était positif et donc manifestement supérieur au maximum autorisé par le Code de la Route en France pour les conducteurs de véhicules de Transport en commun de personnes (0.2 grammes d'alcool par litre de sang tel que précisé par la Loi). Vous n'avez pas sollicité de contre-expertise.

Les contrôles d'alcoolémie des sept autres conducteurs effectués avec des éthylotests homologués de marque identique se sont par ailleurs tous révélés négatifs.

Devant le gravité des faits, nous avons décidé de vous convoquer à un entretien préalable et de procéder à votre mise à pied conservatoire verbalement dans l'attente de la décision à intervenir.

Ainsi, dès le lendemain, soit le vendredi 21 octobre 2016, nous vous avons remis en main propre:

- une convocation à un entretien préalable en date du vendredi 28 octobre 2016 à 9 heures 45, portant également notification de votre mise à pied conservatoire

- et compte tenu du nécessaire respect des délais prévus par la Convention Collective dans le cadre des procédures disciplinaires du deuxième degré, une convocation devant le Conseil de Discipline en date du vendredi 28 octobre à 11 heures 30.

Parallèlement, par courrier du 21 octobre 2016 remis en main propres, les membres du Conseil de Discipline ont également été convoqués.

Au cours de ces entretiens, vous avez reconnu les faits et n'avez pas contesté le taux d'alcoolémie positif. Vous avez par ailleurs argué que vous auriez consommé une bière avant votre prise de service.

Vous avez ajouté que vous ne connaissiez pas le seul maximum concernant le taux d'alcoolémie avant de prendre votre service et que vous ne referez plus la même erreur à l'avenir.

Vos explications ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.

Force est de constater que si vous n'aviez pas été soumis à ce contrôle d'alcoolémie préventif avant votre prise de service, vous auriez ainsi effectué votre service en état d'ébriété en violation des dispositions légales et réglementaires applicables à la conduite des véhicules de transport en commun. Vous auriez également exposé les usagers de votre véhicule à un risque grave pour leur santé et leur sécurité. La responsabilité de l'entreprise aurait enfin pu être engagée du fait de la violation d'une obligation de sécurité.

Nous ne pouvons tolérer que vous exerciez votre activité professionnelle de conducteur receveur de transport en commun de voyageurs avec un taux d'alcoolémie supérieur au maximum autorisé.

Nous vous rappelons que cette interdiction est expressément rappelée dans le règlement intérieur de notre entreprise (articles 13, 27 et 28) et qu'une note de service est affichée dans nos locaux d'exploitation.

Ainsi, pour ces raisons nous avons pris la décision de vous notifier un licenciement pour faute grave. »

1) Sur la régularité de la procédure de licenciement

Le règlement intérieur de la compagnie des autocars de Provence applicable à compter du 11 juin 2015 est en date du 22 avril 2015.

L'article 13 relève « qu'il est interdit de prendre le volant si le taux d'alcoolémie est supérieur au taux maximum légal autorisé » et l'article 28 prévoit la possibilité « d'un contrôle d'alcoolémie de manière inopinée afin de prévenir un danger peut être réalisé à tout moment lors de la prise de la fin de service ou au cours de celui-ci et la faculté pour les salariés de demander une contre expertise de leur état au moyen d'analyses et examens médicaux, chimiques et biologiques ».

Si les dispositions du règlement intérieur de la compagnie des autocars de Provence permettent ainsi d'établir l'état d'ébriété d'un salarié sur le lieu de travail en recourant à un contrôle de son alcoolémie dans la mesure où les modalités de ce contrôle en permettent la contestation et qu'eu égard à la nature du travail confié à ce salarié l'état d'ébriété est de nature à exposer les personnes ou les biens à un danger, encore faut-il que toutes les formalités de dépôt aient été réalisées et que l'affichage ait été effectué à « une place accessible dans les lieux ou le travail est effectué ainsi que dans les locaux et à la porte des locaux où se fait l'embauche » comme le prévoient les dispositions de l'article R.1321-1 du code du travail.

Ainsi, l'entrée en vigueur du règlement intérieur est conditionnée par le respect des formalités de dépôt et de publicité et ne peut produire effet que si l'employeur a accompli les diligences prévues par l'article L.1321-4 du code du travail, la date d'entrée en vigueur du réglement courant à compter de la dernière date des formalités en vertu de l'article R. 1321-3 du code du travail. A défaut, les dispositions sont inopposables aux salariés.

Les dispositions de l'article 40 du règlement intérieur prévoient que « le règlement intérieur a été soumis pour avis aux membres du comité d'entreprise ainsi que pour les matières relevant de sa compétence au CHSCT, qu'il a été transmis à l'inspection du travail compétente pour l'entreprise accompagné de de l'avis des représentants du personnel en double exemplaire puis déposé au secrétariat du conseil des prud'hommes d'Aix-en-Provence et affiché dans les lieux prévus à cet effet. Il entrera en vigueur le 11 juin 2015, date à partir de laquelle il annule et remplace le règlement intérieur précédent en vigueur ».

Ainsi, si la société Transdev Cap Provence justifie du dépôt du règlement intérieur de la compagnie des autocars au greffe du conseil de prud'hommes d'Aix en Provence en l'état du récipissé d'acte mentionnant un dépôt au 22 avril 2015 et que figure dans ce règlement les mentions de la réalisation des formalités prescrites, elle ne produit cependant aucune pièce établissant la justification effective de la consultation du comité d'entreprise et du CHSCT, des consultations préalables des représentants du personnel et de la communication du règlement à l'inspecteur du travail ainsi que des lieux où ce règlement intérieur est affiché alors que ces éléments sont contestés par M. [E] [T].

Par ailleurs, les notes de services n'indiquent pas expressément la possibilité d'un recours à une contre-expertise en cas de contrôle d'alcoolémie mais se contentent notamment dans la note 333 de renvoyer à l'article 28 du réglement intérieur dont il n'est pas établi il ait été porté à la connaissance du salarié, de sorte qu'il ne peut être reproché à M. [E] [T] de ne pas avoir sollicité une contre-expertise.

La possibilité de contester le contrôle d'alcoolémie par une prise de sang plus fiable et précise étant un droit essentiel, l'employeur doit pouvoir justifier que cette possibilité a bien été notifiée au salarié lors de son contrôle d'alcoolémie, ce qui n'est pas le cas en l'espèce au vu du procès-verbal de contrôle qui ne mentionne pas cette faculté.

La société ne peut par ailleurs valablement soutenir que M. [E] [T] avait connaissance du règlement intérieur au vu de la mention figurant dans son contrat de travail dans la mesure où le règlement intérieur applicable à la date de la signature du contrat en 2006 a été modifié en 2015.

Enfin, les dispositions de l'article l'article R234-1 du code de la route, dispositions pénales, ne peuvent s'appliquer, et ce même si M. [E] [T] a reconnu une consommation d'alcool avant son service, faute de pouvoir retenir les résultats de l'éthylomètre du fait du réglement intérieur inopposable au salarié et au surplus la société ne justifiant pas que, hors le règlement intérieur, les modalités de ce contrôle auraient été portées préalablement à la connaissance du salarié rendant dès lors ce contrôle licite.

Le moyen soutenu par M. [E] [T] sera accueilli sans qu'il soit nécessaire d'étudier les autres griefs soulevés.

En conséquence, le licenciement reposant exclusivement sur le contrôle d'alcoolémie prévu par un réglement intérieur inopposable doit être considéré sans cause réelle et sérieuse et le jugement doit être infirmé de ce chef.

2) Sur les conséquences financières du licenciement

a) sur le rappel de salaire de la période de mise à pied

La demande de rappel de salaire concernant la mise à pied conservatoire est justifiée, soit la somme de 895€ ainsi que la somme de 89,50 € au titre des congés payés y afférents.

b) sur l'indemnité compensatrice de préavis

Le salaire mensuel moyen brut de M. [E] [T] s'élevait à la somme de 2685,14 € et n'est pas autrement discuté.

En conséquence, la somme de 5 370,28 € correspondant à deux mois de salaire doit être retenue ainsi que la somme de 537 € correspondant aux congés payés y afférents.

c) sur l'indemnité conventionnelle de licenciement

La société Transdev Cap Provence soulève l'irrecevabilité de la demande formée pour la première fois en cause d'appel au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement en application des dispositions de l'article 564 et 910-4 du code de procédure civile, indiquant en outre que cette prétention n'a pas été sollicitée dans les premières conclusions.

L'article 910-4 du code de procédure prévoit « à peine d'irrecevabilité relevée d'office que les parties doivent présenter dans les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910 l'ensemble de leurs prétentions sur le fond .Cette irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. »

En l'espèce M. [E] [T] n'a pas sollicité d'indemnité conventionnelle devant le conseil des prud'hommes de Marseille et cette prétention ne figure pas dans ses premières conclusions devant la cour d'appel.

Dès lors, la demande doit être déclarée irrecevable en application des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile tendant à assurer la concentration des prétentions.

d) sur l'indemnité légale de licenciement

La demande d'indemnité légale a été soumise au conseil des prud'hommes de Marseille et figure dans les premières conclusions de M. [E] [T], le quantum de la demande étant indifférent et dès lors, la demande doit être déclarée recevable.

En application de l'article R.1234-2 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance nº 2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable au litige, l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté.

M. [E] [T] avait 15 ans et 6 mois d'ancienneté (ancienneté reprise au 5 juillet 2001 jusqu'à l'issue du préavis).

L'indemnité légale de licenciement s'élève donc à :

Pour les 10 premières années : [(2 685,14 x 1/5) x 15] + [(2 685,14 x 1/5) x 6/12] = 8 313,93

Pour les années supérieures à 10 ans : [(2 685,14 x2/15) x5 ] + (2 685,14 x2/15) x 6/12] =

1 969,10, soit un total de 10 283,03euros.

Toutefois, M. [E] [T] ne sollicite que la somme de 9 845,51 euros et dès lors, il convient de faire droit à cette demande.

e) sur l'indemnité pour rupture sans cause réelle et sérieuse :

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise (plus de 11 salariés), des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de M. [E] [T], de son âge (54 ans), de son ancienneté (plus de 16 ans), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement son préjudice doit être fixée à la somme de 27 000 € .

En outre, la cour applique d'office la sanction prévue à l'article L.1235-4 du code du travail.

f) sur les dommages et intérets pour procédure humiliante et vexatoire :

Le salarié ne justifie d'aucune circonstance vexatoire ni d'un préjudice distinct dont il n'aurait pas déjà été tenu compte.

II) Sur les frais et dépens :

La société Transdev Cap Provence qui succombe doit s'acquitter des dépens de premère instance et d'appel, être déboutée de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile et à ce titre condamnée à payer à M. [E] [T] la somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit irrecevable la demande d'indemnité conventionnelle de licenciement,

Dit le licenciement de M. [E] [T] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Transdev Cap Provence à payer à M. [E] [T] les sommes suivantes:

- 895 € au titre du rappel de salaire pour la période de mise à pied à titre conservatoire,

- 89,50 € au titre des congés payés y afférents;

- 5 370,28 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 537 € au titre des congés payés afférents

- 9 845,51 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 27 000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande des parties,

Ordonne le remboursement par la société Transdev Cap Provence à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de 4 mois,

Dit qu'à cette fin, une copie certifiée conforme de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi par le greffe,

Condamne la société Transdev Cap Provence aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/00198
Date de la décision : 18/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-18;19.00198 ?
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