COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 17 NOVEMBRE 2022
N° 2022/778
Rôle N° RG 22/04977 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJFSD
[X] [K] épouse [P]
[Z] [P]
[E] [P]
C/
[N] [K]
[G] [K]
S.C.I. AZUR
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Joseph MAGNAN
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de TOULON en date du 28 mars 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/00477.
APPELANTS
Madame [X] [K] épouse [P]
née le 08 septembre 1963 à [Localité 4] (SUD VIETNAM), demeurant [Adresse 1]
Monsieur [Z] [P]
né le 05 mai 1995 à [Localité 5] (GUADELOUPE), demeurant [Adresse 1]
Monsieur [E] [P]
né le 10 mars 1999 à [Localité 2] (GUADELOUPE), demeurant [Adresse 1]
représentés par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assistés de Me Alain ROTH, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
INTIMES
Monsieur [N] [K]
demeurant [Adresse 1]
assigné et non représenté
Monsieur [G] [K], demeurant [Adresse 3]
assigné et non représenté
S.C.I. AZUR
prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 1]
assignée et non représentée
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 08 novembre 2022 en audience publique devant la cour composée de :
M. Gilles PACAUD, Président
Madame Myriam GINOUX, Conseillère
Mme Angélique NETO, Conseillère rapporteur
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe initialement prévu le 15 décembre 2022, avancé au 17 novembre 2022.
ARRÊT
Rendu par défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2022,
Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Caroline BURON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Par ordonnance contradictoire en date du 14 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Toulon, pôle JCP-REFERE, statuant en référé, a :
- constaté que Mme [X] [K] épouse [P], M. [Z] [P] et M. [E] [P] sont occupants dans droit ni titre des locaux situés [Adresse 1] ;
- ordonné, à défaut de départ volontaire, leur expulsion, ainsi que celle de tous occupants du chef de Mme [X] [K] épouse [P], avec l'éventuelle assistance de la force publique et d'un serrurier en cas de besoin ;
- condamné in solidum Mme [X] [K] épouse [P], M. [Z] [P] et M. [E] [P] à verser à la SCI Azur la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné in solidum Mme [X] [K] épouse [P], M. [Z] [P] et M. [E] [P] aux entiers dépens de la procédure.
Suivant déclaration transmise au greffe le 17 décembre 2021, Mme [X] [K] épouse [P], M. [Z] [P] et M. [E] [P] ont formé un appel annulation à l'encontre de l'ordonnance susvisée.
Se prévalant d'une circonstance nouvelle tenant à l'annulation, par jugement du 21 janvier 2022 du tribunal judiciaire de Toulon, de l'assemblée générale en date du 28 juin 2021 fixant un calendrier d'occupation, Mme [X] [K] épouse [P], M. [Z] [P] et M. [E] [P] ont, par acte d'huissier en date du 1er mars 2022 selon la procédure de référé d'heure à heure, assigné M. [N] [K], M. [G] [K] et la SCI Azur devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulon aux fins de voir rapporter l'ordonnance de référé en date du 14 décembre 2021.
Par ordonnance en date du 28 mars 2022, ce magistrat a :
- débouté Mme [X] [K] épouse [P], M. [Z] [P] et M. [E] [P] de leurs demandes ;
- condamné in solidum Mme [X] [P], M. [Z] [P] et M. [E] [P] à payer à la société Azur la somme de 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné in solidum Mme [X] [P], M. [Z] [P] et M. [E] [P] aux dépens.
Ce magistrat a estimé que, dès lors que l'appel interjeté à l'encontre de l'ordonnance en date du 14 décembre 2021 tend à son annulation, la cour sera tenue de statuer sur l'entier litige, la dévolution s'opérant pour le tout, de sorte que les dispositions de l'article 488 alinéa 2 du code de procédure civile sont inapplicables.
Suivant déclaration transmise au greffe le 4 avril 2022, Mme [X] [K] épouse [P], M. [Z] [P] et M. [E] [P] ont interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions dûment reprises.
Aux termes de leurs dernières conclusions transmises le 11 avril 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens soulevés, ils sollicitent de la cour qu'elle :
- infirme l'ordonnance entreprise ;
- rapporte l'ordonnance de référé du 14 décembre 2021 ;
- juge n'y avoir lieu à leur explusion ;
- condamne solidairement les intimés à leur verser à chacune la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de la procédure abusive engagée à leur encontre et du commencement d'exécution de la procédure d'expulsion ;
- condamne M. [N] [K] à leur verser à chacun la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
- condamne M. [G] [K] à leur verser à chacun la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
- condamne la SCI Azur à leur verser à chacun la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
- condamne solidairement les intimés aux entiers dépens qui serontr ecouvrés par Me Joseph Magnan, avocat à la cour.
Ils exposent avoir été expulsés de leur propre maison familiale, dont ils sont propriétaires en indivision avec Mrs [K], sur la base d'une assignation délivrée le 9 août 2021 en violation des articles 56, 15, 16 du code de procédure civile et de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme dès lors que les pièces listées dans l'acte introductif d'instance ne leur ont pas été communiquées, sans qu'aucune régularisation ne soit intervenue au cours de la procédure. Ils indiquent avoir demandé au juge des référés le renvoi de l'affaire pour avoir communication dess pièces de la partie adverse, ce qui leur a été refusé.
Ils exposent avoir été expulsés sur la base d'un calendrier d'occupation voté lors d'une assemblée générale du 28 juin 2021 qui a été annulée par jugement en date du 21 janvier 2022, faisant observer que cette procédure en annulation n'a pas été portée à la connaissance du premier juge. Ils demandent donc à ce que l'ordonnance du 14 décembre 2021 soit rapportée en application de l'article 488 du code de procédure civile.
Ils soutiennent que, dans le cadre de l'appel interjeté à l'encontre de l'ordonnance du 14 décembre 2021, ils en sollicitent l'annulation pour irrégularité de l'acte introductif d'instance tenant à la violation du principe du contradictoire et des droits de la défense. Ils affirment que l'effet dévolutif de l'appel ne pourra pas s'opérer, dans la mesure où ils n'entendent pas conclure au fond. De plus, ils relèvent que, si une ordonnance de référé est exécutoire de plein droit, l'effet dévolutif ne peut jouer dès lors que l'exécution provisoire a été suspendue par le premier président.
Ils estiment donc qu'en jugeant que l'effet dévolutif devait s'appliquer, en dépit de l'irrégularité de l'acte introductif d'instance, doublé d'une grave violation du contradictoire, le juge des référés a fait une inexacte appréciation des faits de la cause et du droit applicable.
Ils insistent enfin sur préjudice moral subi du fait de la procédure abusive engagée par les intimés et des commandements de quitter les lieux délivrés à leur encontre.
Régulièrement intimés par la signification de la déclaration d'appel, de l'avis de fixation et des conclusions, par actes d'huissier en date des 12, 14 et 15 avril 2022, M. [N] [K], M. [G] [K] et la SCI Azur n'ont pas constitué avocat.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 25 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de rapporter l'ordonnance entreprise
L'article 488 alinéa 2 du code de procédure civile énonce que l'ordonnance de référé peut être modifiée ou rapportée en référé qu'en cas de circonstances nouvelles.
Il est admis que ces dispositions ne s'appliquent pas à l'encontre d'une ordonnance de référé frappée d'appel en raison de l'effet dévolutif attaché à cette voie de recours.
En l'espèce, les appelants, qui se prévalent d'une circonstance nouvelle, demandent de rapporter l'ordonnance de référé en date du 14 décembre 2021.
Il est acquis qu'un appel annulation a été interjeté à l'encontre de cette ordonnance le 17 décembre 2021, lequel appel est pendant devant la présente chambre.
Il résulte de l'article 562 alinéa 2 du code de procédure civile que la dévolution s'opère pour le tout lorsque la cour annule la décision entreprise.
Tel n'est toutefois pas le cas si la demande d'annulation, sollicitée par l'appelant, procède d'une irrégularité affectant l'acte introductif d'instance devant le premier juge.
Il reste, qu'en dépit de l'annulation de l'acte introductif d'instance, l'effet dévolutif de l'appel annulation doit être rétabli si l'appelant a conclu au fond à titre principal devant la cour d'appel et, ce faisant, a renoncé au premier degré de juridiction.
Dans le cadre de l'appel interjeté à l'encontre de l'ordonnance en date du14 décembre 2021, les appelants soutiennent n'en solliciter que l'annulation par suite d'une irrégularité affectant l'acte introductif d'instance devant le premier juge.
Il résulte de l'ordonnance entreprise que la déclaration d'appel du 17 décembre 2021 tend à l'annulation de l'ordonnance du Président du Tribunal Judiciaire, pôle JCP-REFERE, du 14 décembre 2021, rendue sur la base d'une assignation nulle en raison des mentions fausses contenues relativement à la communication des pièces, en violation des règles du contradictoire et des droits de la défense.
Par ailleurs, le premier juge indique qu'à la lecture des conclusions d'appel annulation notifiées le 29 décembre 2021, il apparaît que l'appelante ne conclura pas sur le fond et que, dans le dispositif, l'acte dévolutif d'appel ne s'applique pas en raison d'une grave irrégularité de l'acte introductif d'instance mentionnant une communication de pièces jamais effectuée.
Il s'évince donc de ces éléments que les appelants, qui sollicitent la nullité de l'ordonnance du 14 décembre 2021 pour irrégularité de l'acte introductif d'instance, n'ont pas, dans leurs premières conclusions, conclu au fond à titre subsidiaire.
Il reste que l'irrégularité affectant l'acte introductif d'instance soulevée par les appelants au visa des articles 56, 15 et 16 du code de procédure civile porte sur l'absence de communication des pièces énoncées dans l'acte, pendant toute la procédure de première instance, et ce, en violation du principe du contradictoire et des droits de la défense.
Si en l'état de ces éléments, la demande d'annulation de l'ordonnance apparaît procèder tant d'une irrégularité affectant l'acte introductif d'instance (article 56 du code de procédure civile) que d'une atteinte au principe du contradictoire (articles 15 et 16 du même code), les appelants, qui n'ont pas conclu au fond, maintiennent que l'absence de communication de pièces entraîne la nullité de l'acte introductif d'instance et, partant, la nullité de l'ordonnance du 14 décembre 2021.
Dans ces conditions, l'appel apparaît dépourvu d'effet dévolutif, de sorte que les appelants sont fondés à se prévaloir des dispositions de l'article 488 alinéa 2 du code de procédure civile.
A la lecture de l'ordonnance en date du 14 décembre 2021, le premier juge a ordonné l'expulsion des appelants de la villa appartenant à la SCI Azur en raison d'une occupation faite en méconnaissance de la résolution n° 7 du procès-verbal de l'assemblée générale des copropriétaires, en date du 28 juin 2021, fixant un calendrier d'occupation de la villa.
A la date de l'audience qui s'est tenue le 5 octobre 2021, Mme [X] [P] née [K] avait saisi le tribunal judiciaire de Toulon, par actes d'huissiers en date du 22 juillet 2021, aux fins notamment de voir annuler l'assemblée générale de la SCI Azur du 28 juin 2021.
A l'issue des débats qui se sont déroulés le 21 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Toulon a, par jugement en date du 21 janvier 2022, annulé l'assemblée générale de la SCI Azur du 28 juin 2021.
Les appelants se prévalent de l'annulation de cette assemblée générale comme étant une circonstance nouvelle.
Or, si le juge ayant rendu l'ordonnance du 14 décembre 2021 ne fait aucunement état de la procédure pendante devant la juridiction du fond, les appelants, qui étaient représentés, n'allèguent ni ne démontrent avoir porté à la connaissance du premier juge la procédure initiée par Mme [X] [P] née [K] elle-même.
Ce faisant, ils ne peuvent se prévaloir de faits dont ils avaient connaissance à la date de l'audience devant le juge des référés, et en l'occurrence la procédure pendante devant la juridiction du fond ayant conduit au jugement du 21 janvier 2022 du tribunal judiciaire de Toulon, qu'il leur appartenait d'invoquer.
Dans ces conditions, ce jugement ne constitue pas une circonstance nouvelle justifiant de rapporter l'ordonnance de référé du 14 décembre 2021 dont l'exécution provisoire a été suspendue par le premier président.
L'ordonnance entreprise sera donc confirmée, par substitution de motifs, en ce qu'elle a débouté les appelants de leur demande de rapporter l'ordonnance de référé du 14 décembre 2021.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
L'exercice d'une action en justice ne peut constituer un abus de droit que dans les circonstances particulières le rendant fautif, et notamment dans le cas d'une mauvaise foi manifeste, d'une erreur grossière équivalente au dol ou d'une volonté de nuire.
En l'espèce, dès lors qu'il n'a pas été fait droit à la demande des appelants de rapporter l'ordonnance du 14 décembre 2021, ils seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée dans le cadre de la présente procédure.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Etant donné que les appelants n'obtiennent pas gain de cause à hauteur d'appel, il a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle les a condamnés aux dépens de première instance.
Par ailleurs, ils seront condamnés in solidum aux dépens de la procédure d'appel.
En revanche, l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance par la société Azur, de sorte que l'ordonnance entreprise sera infirmée de ce chef.
Enfin, en tant que parties tenues aux dépens, les appelants seront déboutés de leur demande formulée sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné in solidum Mme [X] [K] épouse [P], M. [Z] [P] et M. [E] [P] à payer à la SCI Azur la somme de 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
La confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
Déboute la SCI Azur de sa demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance ;
Déboute Mme [X] [K] épouse [P], M. [Z] [P] et M. [E] [P] de leur demande formulée sur le même fondement ;
Condamne in solidum Mme [X] [K] épouse [P], M. [Z] [P] et M. [E] [P] aux entiers dépens de la procédure d'appel.
La greffière Le président