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17/11/2022 | FRANCE | N°21/18067

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 17 novembre 2022, 21/18067


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRET SUR RENVOI DE CASSATION



DU 17 NOVEMBRE 2022



N°2022/















Rôle N° RG 21/18067 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BISRQ







Société AGPM VIE





C/



[J] [U] épouse [M]

[S] [M]

[H] [M]

















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Alexandra BOISRAME





M

e Jean-michel ROCHAS









Arrêt en date du 17 Novembre 2022 prononcé sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 10 Novembre 2021, qui a cassé et annulé l'arrêt du RG 18/850 rendu le 18 décembre 2019 par la cour d'appel de Bastia (Chambre civile, section 1).





DEMANDERESSE...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRET SUR RENVOI DE CASSATION

DU 17 NOVEMBRE 2022

N°2022/

Rôle N° RG 21/18067 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BISRQ

Société AGPM VIE

C/

[J] [U] épouse [M]

[S] [M]

[H] [M]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Alexandra BOISRAME

Me Jean-michel ROCHAS

Arrêt en date du 17 Novembre 2022 prononcé sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 10 Novembre 2021, qui a cassé et annulé l'arrêt du RG 18/850 rendu le 18 décembre 2019 par la cour d'appel de Bastia (Chambre civile, section 1).

DEMANDERESSES SUR RENVOI DE CASSATION

Société AGPM VIE,

demeurant [Adresse 3]

ayant pour avocat à l'audience Me Jean-michel ROCHAS de la SCP PLANTARD ROCHAS VIRY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

DEFENDERESSES SUR RENVOI DE CASSATION

Madame [J] [U] veuve [M]

demeurant [Adresse 1]

ayant pour avocat postulant Me Alexandra BOISRAME de la SELARL AV AVOCATS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et ayant pour avocat plaidant à l'audienceMe Allétia CAVALIER, avocat au barreau du MANS

Madame Marine FRESI

demeurant [Adresse 2]

ayant pour avocat postulant Me Alexandra BOISRAME de la SELARL AV AVOCATS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et ayant pour avocat plaidant à l'audienceMe Allétia CAVALIER, avocat au barreau du MANS

Madame [H] [M]

demeurant [Adresse 4]

ayant pour avocat postulant Me Alexandra BOISRAME de la SELARL AV AVOCATS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et ayant pour avocat plaidant à l'audienceMe Allétia CAVALIER, avocat au barreau du MANS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 21 Septembre 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente,

Monsieur Olivier ABRAM, Conseiller

Madame Angélique NAKHLEH, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2022.

ARRÊT

EXPOSE DU LITIGE

[W] [M] a souscrit le 1er avril 1990 un contrat intitulé Contrat de carrière auprès de la société AGPM Vie, prévoyant notamment le versement d'un capital en cas d'invalidité totale et définitive;

Suite à la demande de versement du capital, un expertise médicale était réalisée par l'assureur le 23 juin 2015, à la suite de laquelle le 16 novembre 2015 la société AGPM Vie annulait le contrat souscrit et refusait sa garantie;

Par exploit d'huissier en date du 22 juin 2017, [W] [M] a fait assigner la société AGPM Vie afin d'obtenir, notamment, sa condamnation à lui payer la somme de 59 300 € au titre du versement du capital pour invalidité totale et définitive, et la somme de 5 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

Par jugement en date du 18 octobre 2018, le Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO a, au visa de l'article L113-8 du Code des assurances, notamment:

Dit que M. [M] n'a pas commis de fausse déclaration intentionnelle;

Dit que la société AGPM Vie a prononcé à tort la nullité du contrat;

Condamné la société AGPM Vie à garantir le risque Invalidité totale et définitive (ITD);

Condamné AGPM Assurances à payer à [W] [M], avec intérêts au taux légal à dater du 20 avril 2015, la somme de 59 300 €;

Par arrêt en date du 18 décembre 2019, la Cour d'appel de BASTIA, infirmant la décision et statuant à nouveau, a, notamment, :

Dit qu'AGPM Vie a prononcé à juste titre la nullité du contrat d'assurance de [W] [M] sur la base de l'article L. 113-8 du code des assurances;

Rejeté les demandes de [W] [M];

[W] [M] est décédé le 3 février 2021, laissant pour lui succéder [J] [U] veuve [M] et [S] et [H] [M];

Par arrêt en date du 10 novembre 2021, la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 décembre 2019, par la Cour d'appel de BASTIA;

Par déclaration en date du 21 décembre 2021, la société AGPM Vie a saisi la Cour d'appel;

Par conclusions notifiées par voie électronique le 18 mai 2022, la société AGPM Vie sollicite de :

Vu les articles L. 113-2 et L. 113-8 du Code des assurances, Vu les explications qui précèdent et les pièces versées aux débats,

INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de grande instance d'AJACCIO le 18 octobre 2018 en ce qu'il a dit que Monsieur [M] n'avait pas commis de fausse déclaration intentionnelle, que la société AGPM Vie avait prononcé à tort la nullité du contrat et en ce qu'il a condamné la société AGPM Vie à garantir le risque ITD et à payer à Monsieur [M] la somme de 59 300 € en principal, la somme de 4 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens ;

ET STATUANT A NOUVEAU,

DIRE ET JUGER que Monsieur [M] a commis une double fausse déclaration intentionnelle en ayant répondu par la négative aux questions n°4 et n°7, en ce qu'il n'a pas mentionné avoir déjà subi un préjudice corporel, ni avoir conservé des séquelles entraînant un trouble de la vue ;

DIRE ET JUGER que ces fausses déclarations ont changé l'objet du risque ou en ont diminué l'opinion pour la compagnie AGPM Vie ;

DIRE ET JUGER que la compagnie AGPM Vie a prononcé à juste titre la nullité du contrat d'assurance de Monsieur [M] ;

DEBOUTER les consorts [M] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNER les consorts [M] à payer à la compagnie AGPM Vie la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER les consorts [M] aux entiers dépens;

Elle expose, sur la question n°12 « Avez-vous eu une autre affection, maladie ou séquelle à déclarer ' », que la motivation retenue par les premiers juges apparaît contestable en ce que, peu importe l'origine de l'« affection », de la « maladie » ou des « séquelles » à déclarer, qu'elles proviennent d'un accident quelconque, qu'il soit de la circulation ou autre, ou d'une maladie quelconque, [W] [M] aurait dû répondre par l'affirmative et préciser qu'il conservait effectivement des séquelles au niveau de son 'il droit, à savoir un strabisme divergent, comme cela résulte de ses déclarations dans le rapport d'expertise médicale ;

Elle poursuit en indiquant qu'à la question n° 4 : « Avez-vous déjà subi un préjudice corporel entraînant une infirmité permanente totale ou partielle '», Monsieur [M] a également répondu par la négative, alors que lors des mêmes opérations d'expertise il a déclaré avoir subi un accident de voiture en 1982 dont il a conservé des séquelles, soit le strabisme;

Et qu'à la question n°7 : « Avez-vous un trouble ou une diminution importante de la vue ' », Monsieur [M] a coché la case «Non», ainsi que la case «Oui» précisant à la question relative à la nature de l'affection : « myopie légère : 'il droit 8/10 et 'il gauche 8/10», alors que lors des opérations d'expertise, il a pourtant indiqué qu'il conservait des séquelles de l'accident de 1982, à savoir le strabisme;

Elle en déduit que [W] [M] a commis des fausses déclarations intentionnelles qui ont diminué l'opinion du risque pour la compagnie AGPM Vie justifiant la nullité du contrat, alors que le strabisme est un « trouble de la vision »;

Elle précise que l'arrêt de la Cour d'appel a été cassé uniquement parce qu'il mentionnait que l'intimé conservait des séquelles du traumatisme oculaire droit subi lors de l'accident de la circulation survenu en 1982, à savoir « une cécité » ET « un strabisme divergent », alors qu'en réalité, la cécité n'avait été déclarée que comme un antécédent médical et que lors de l'examen réalisé par l'expert, seul un strabisme divergent droit avait été observé, et ajoute que comme l'a relevé le rapport du conseiller près la Cour de cassation, cette dénaturation n'a aucune influence sur l'issue du litige en l'état des autres fausses déclarations de l'assuré ;

Par conclusions notifiées par voie électronique le 15 avril 2022, [J] [U] veuve [M] et [S] et [H] [M] en qualité d'héritières de [W] [M] sollicitent de :

Vu les articles L112-3, L113-8, L113-9, Vu l'article 1315 du Code civil dans sa version antérieure à l'Ordonnance du 10/02/2016, Vu la jurisprudence, Vu les pièces versées aux débats, Vu le contrat du 1er avril 1990 et son avenant du 14 mars 2015,

Confirmer en toutes ses dispositions le Jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO le 18 octobre 2018,

Déclarer irrecevable et en tous cas mal fondée la société AGPM VIE en son appel,

A titre principal,

JUGER que le questionnaire fourni par la société AGPM VIE n'est pas précis, JUGER que Monsieur [W] [M] n'a pas commis de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle, JUGER que les risques liés à un accident antérieur à l'adhésion du contrat sont exclus des conditions générales, JUGER que l'appréciation du risque par la société AGPM VIE n'a pas été modifié et qu'en toute hypothèse, il appartient à la société AGPM VIE de démontrer que son appréciation du risque a été modifiée, JUGER que la société AGPM VIE ne démontre pas que son appréciation du risque aurait été modifiée, JUGER que la société AGPM VIE a prononcé à tort la nullité du contrat, JUGER que Madame [J] [U], veuve [M], Madame [S] [M] et Madame [H] [M] sont bien fondées à solliciter le versement du capital pour le risque Invalidité totale et définitive par maladie en raison de son taux d'incapacité de 80 %,

CONDAMNER la société AGPM VIE à garantir Monsieur [M], aux droits duquel viennent aujourd'hui Madame [J] [U], veuve [M], Madame [S] [M] et Madame [H] [M], pour le risque Invalidité totale et définitive par maladie,

CONDAMNER en conséquence la société AGPM VIE à payer à Madame [J] [U], veuve [M], Madame [S] [M] et Madame [H] [M], la somme de 59 300€ avec intérêt au taux légal à compter de la demande de prise en charge le 20 avril 2015,

A titre subsidiaire,

JUGER que la société AGPM VIE ne rapporte pas la preuve de la mauvaise foi de Monsieur [W] [M], ENJOINDRE à la société AGPM VIE de faire application de la règle proportionnelle conformément à l'article L113-9 du Code des assurances,

CONDAMNER la société AGPM VIE à garantir Monsieur [M] aux droits duquel viennent aujourd'hui Madame [J] [U], veuve [M], Madame [S] [M] et Madame [H] [M], pour le risque Invalidité totale et définitive par maladie,

En toute hypothèse, RECTIFIER l'erreur matérielle dans le dispositif du jugement du Tribunal de grande instance d'AJACCIO du 18 octobre 2018 en remplaçant « AGPM ASSURANCES » par « AGPM VIE »,

DEBOUTER la société AGPM VIE de toutes ses demandes, fins et conclusions,

CONDAMNER la société AGPM VIE à payer à aux droits duquel viennent aujourd'hui Madame [J] [U], veuve [M], Madame [S] [M] et Madame [H] [M], la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER la société AGPM VIE aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris ceux afférents à la décision cassée;

Elles rappellent que la Cour de cassation ayant prononcé la cassation de l'arrêt de la cour d'appel de BASTIA en toutes ses dispositions, la juridiction de renvoi est investie de la connaissance de l'entier litige dans tous ses éléments de fait et de droit;

Elles indiquent que l'assureur peut se prévaloir de la nullité du contrat d'assurance à deux conditions cumulatives : qu'il y ait eu une réticence ou une fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, et que cette réticence ou cette fausse déclaration ait changé l'objet du risque ou ait diminué l'opinion pour l'assureur;

Elles soulignent que la société AGPM VIE a reproché à Monsieur [M] de ne pas avoir répondu « oui » à la question n°12 « avez-vous une autre affection, maladie ou séquelle à déclarer », alors que la question n'était pas posée de manière suffisamment précise pour que Monsieur [M] puisse répondre par l'affirmative et qu'il puisse ainsi préciser qu'il avait eu un accident de la circulation huit ans plus tôt, étant ajouté que toutes les questions couvrent une période plus courte, sans remonter 8 ans auparavant;

Elles précisent que l'accident de voiture en 1982 entraînant un traumatisme crânien avec coma d'emblée pendant 45 jours et traumatisme oculaire droit n'a pas entrainé une infirmité permanente totale ou partielle, tel que cela ressort du rapport d'expertise, de sorte que [W] [M] n'avait pas à répondre « oui » à la question n°4, le strabisme n'étant pas une infirmité, ni à mentionner ce strabisme à la question n°7 sur les troubles de la vue, rien n'établissant que le strabisme divergent de Monsieur [M] entraînait chez lui un trouble ou une diminution importante de la vue;

Elles ajoutent que si la Cour devait estimer que les réponses de [W] [M] au questionnaire constituent une fausse déclaration, elle ne pourra pas juger que celle-ci est intentionnelle eu égard à l'imprécision des questions, ni, a fortiori, que [W] [M] a fait preuve de mauvaise foi ;

Elles continuent en soulignant qu'il ne résulte pas du rapport d'expertise que l'accident survenu en 1982 aurait eu des séquelles définitives sur l''il droit de Monsieur [M], et il n'est pas mentionné que le strabisme divergent dont souffrait Monsieur [M] était de nature à entraîner une infirmité permanente totale ou partielle, ni même une diminution ou un trouble de la vie, de sorte que la société AGPM VIE ne démontre pas en quoi son appréciation du risque a changé alors même que cette preuve lui incombe;

Elles précisent en toute hypothèse que le risque lié à un accident antérieur à l'adhésion était d'ores et déjà exclu du contrat par l'effet des clauses applicables, et que si elle avait estimé que la survenance d'un accident antérieur à la conclusion du contrat était un élément déterminant de son appréciation du risque susceptible d'engendrer une non-souscription, elle n'aurait pas manqué de poser une question spécifique dans son questionnaire ;

SUR CE

Il résulte de l'article L113-2 2° du Code des assurances que l'assuré est obligé de répondre exactement aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur l'interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l'assureur les risques qu'il prend en charge ;

L'alinéa premier de l'article L113-8 du même Code dispose pour sa part qu'indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l'article L132-26, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre;

Par application, l'assureur ne peut se prévaloir d'une déclaration inexacte de l'assuré que si elle procède de réponses à des questions précises posées préalablement à la souscription du contrat ;

La police souscrite contient une liste de 17 questions, au chapitre intitulé déclaration d'état de santé, les questions n°13 à 17 étant réservées aux adhérentes;

C'est en fonction des réponses apportées aux questions n°4, 7 et 12 que l'assureur se prévaut de la nullité de la police souscrite, compte tenu d'un examen médical sollicité par l'assureur, et réalisé le 23 juin 2015;

Lors de celui-ci, il était effectivement mentionné, au rang des antécédents, que [W] [M] avait subi un accident de voiture en 1982 duquel était résulté un traumatisme crânien avec coma d'emblée pendant 45 jours et un traumatisme oculaire droit avec cécité et strabisme divergent séquellaire;

La question n°4 est libellée ainsi: « Avez-vous déjà subi un préjudice corporel entrainant une infirmité permanente totale ou partielle' »;

[W] [M] y a répondu négativement;

Effectivement, il ne ressort pas des éléments versés que l'accident survenu en 1982 ait entrainé une telle conséquence, rien au dossier ne permettant de qualifier le strabisme séquellaire dont s'agit d'infirmité, c'est à dire d'une perte totale ou partielle de la vision, alors même qu'à l'examen des pièces versées, il s'agit de la seule conséquence de l'accident de 1982;

En outre, il n'apparait pas que ce soit ce strabisme séquellaire qui a entrainé la myopie révélée dans la réponse à la question n°7;

Celle-ci est écrite de la manière suivante: « Avez vous un trouble ou une diminution importante de la vue' », et [W] [M] y a répondu non, puis oui avant d'indiquer sa myopie et son score;

Il apparaît d'abord que cette correction sincère par l'assuré de sa première mention est insusceptible de caractériser une fausse déclaration, s'agissant au contraire de dire à son assureur quel était l'état exact de sa vue;

En outre, il ne peut être reproché à l'assuré de ne pas avoir mentionné ici son strabisme;

En effet, si celui-ci peut être qualifié de trouble de la vue au sens large, s'agissant d'une anormalité par rapport à la position habituelle des yeux, l'acception du terme de trouble de la vue en langage courant vise une diminution de la vue, et une réduction des capacités des yeux, ce qui n'est ici pas établi en l'absence de preuve de ce qu'il soit résulté de ce strabisme une telle conséquence;

La question se trouve donc insuffisamment précise pour déduire de la réponse apportée par [W] [M] une fausse déclaration, celui-ci s'étant cantonné d'évoquer sa myopie, qui constitue effectivement un trouble de la vue au sens habituel de ce terme;

La question n°12 est libellée ainsi : « Avez-vous une autre affection, maladie ou séquelle à déclarer' »;

Il apparaît que c'est au visa de la réponse négative qui lui a été apportée par l'assuré que la nullité du contrat a été prononcée par l'assureur dans son courrier en date du 16 novembre 2015, soulignant que l'accident survenu en 1982 avait entrainé une séquelle, en l'espèce un strabisme, que [W] [M] s'était volontairement abstenu de déclarer;

De fait, il apparaît clair que [W] [M] souffrait d'un strabisme séquellaire consécutif à un accident survenu en 1982, et ce en contradiction avec la réponse négative apportée à la question n°12;

Pour autant, il ne ressort pas des faits de la cause que la question dont s'agit ait été suffisamment claire;

En effet, la question met au même rang au présent de l'indicatif (« Avez-vous des... ») les affections, maladies et séquelles, de sorte qu'elle mélange avec des événements justifiant une prise en charge actuelle, ceux qui ne justifient pas une telle prise en charge, tel la séquelle en cause;

Cela est déjà de nature à la rendre imprécise;

Par ailleurs, le questionnaire en cause ne contient pas de questions aussi larges que celle-ci, et, lorsqu'il n'interroge pas sur les affections en cours par nature connues pour être actuelles, mais sur les interventions ou événements passés, il limite sa question dans le temps (électro-cardiogramme ou électro-encéphalogramme au cours des deux dernières années, interruption d'activité de plus de 8 jours au cours des deux dernières années), ou précise explicitement l'intervention ou l'événement en cause (intervention chirurgicale, dépression, ou préjudice corporel entrainant une infirmité);

C'est ici qu'apparait effectivement le manque de toute question dédiée aux accidents et à leurs conséquences, auquel il ne peut être reproché à l'assuré de ne pas avoir pallié en faisant des déclarations spontanées, et ce d'autant moins que la séquelle en cause est consécutive à un accident survenu, comme l'a pertinemment rappelé le premier juge, 8 ans avant la souscription du contrat, c'est à dire après un temps suffisamment long pour que l'assuré ne la conserve pas à l'esprit afin d'éclairer son assureur en réponse à cette question confuse et générale ;

Celle-ci apparaît en ce sens insuffisamment claire, du fait de l'importance des réponses qu'elle peut appeler, faisant pour ainsi dire figure de question-balai, compte tenu de sa position et de sa généralité;

Cette absence de clarté ressort également a posteriori du fait que c'est [W] [M] lui-même qui a déclaré cette séquelle à l'expertise, ainsi que l'accident qui en est à l'origine, signe qu'il n'entendait nullement dissimuler quoique ce soit à son assureur et qu'il n'avait aucune volonté de le tromper, mais qu'il n'a fait que répondre aux questions qui lui étaient posées, comme la loi lui en fait l'obligation;

Il en résulte que [W] [M] n'a pas fait de réponse inexacte à la question n°4, et que les questions n°7 et n°12 étaient insuffisamment précises pour permettre de déduire l'existence de fausses déclarations;

En outre, à supposer que ces réponses puissent être qualifiées de fausses déclarations intentionnelles, il apparaît que celles-ci n'auraient pas eu pour effet de changer l'objet du risque;

En effet, les conditions générale de la police souscrite excluent expressément en leur article 17.2 « les conséquences de maladies ou d'infirmités existant à la date de la prise d'effet du contrat (ou un accident antérieur à cette date) et dont il n'a pas été fait état lors de l'adhésion alors que vous en aviez connaissance, nonobstant l'application de l'article L113-8 du Code des assurances »;

Il résulte par ailleurs de l'article 9 que la garantie couvre les accidents survenus à compter de la date d'effet, et les maladies après examen du médecin conseil;

Par application de ceci, il est clair que l'absence de déclarations par [W] [M] de son accident et de ces conséquences n'aurait pas changé l'objet du risque ni n'en aurait diminué l'opinion pour l'assureur, cet accident et ses conséquences étant de toute façon exclus de la police, puisque les accidents antérieurs n'étaient pas couverts, et que les maladies consécutives éventuelles, dont le lien avec l'accident aurait été révélé par l'examen, n'étaient pas garantis;

Il doit être ajouté qu'il ne peut être allégué que si le questionnaire avait été rempli en mentionnant les conséquences de cet accident, l'assureur aurait pu ne pas couvrir le risque en cause et choisir de l'exclure, alors que cette exclusion était déjà comprise au contrat, de sorte que la mention de ces conséquences de cet accident était indifférente;

Il ne peut pas plus être soutenu que l'assureur, compte tenu du questionnaire fourni, aurait pu être amené à couvrir une pathologie en lien avec l'accident, puisque ce lien aurait été mis en évidence à l'expertise, grâce aux déclarations de l'assuré, dont il n'y a pas lieu de douter de la sincérité au regard de celles qu'il a faites le 23 juin 2015, et à l'examen qui aurait été réalisé, obligatoire pour une pathologie par application de l'article 9 suscité;

Il apparaît que c'est donc à bon droit que le premier juge a retenu, d'une part, que [W] [M] n'avait commis aucune fausse déclaration intentionnelle, et, d'autre part, qu'il n'était pas établi que la connaissance de cet accident aurait été de nature à modifier l'opinion que l'assureur pouvait se faire du risque garanti;

Le jugement sera cependant réformé en ce qu'il a condamné la société AGPM Assurances à payer la somme due en principal, les frais irrépétibles et les dépens à la place de la société AGPM Vie, seule débitrice de l'obligation en cause et partie à l'instance, et pour tenir compte du décès de [W] [M] et de ce que ses successeurs viennent à ses droits;

La société AGPM Vie, qui succombe, supportera les dépens d'appel;

L'équité et la situation économique des parties justifient qu'elle soit condamnée à payer à [J] [U] veuve [M] et [S] et [H] [M] en qualité d'héritières de [W] [M] la somme de 5 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

REFORME partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société AGPM Assurances à payer à [W] [M] la somme de 59 300 € avec intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2015, la somme de 4 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens;

CONDAMNE la société AGPM Vie à payer à [J] [U] veuve [M], [S] [M] et [H] [M] en qualité d'héritières de [W] [M] la somme de 59 300 € avec intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2015;

CONDAMNE la société AGPM Vie à payer à [J] [U] veuve [M], [S] [M] et [H] [M] en qualité d'héritières de [W] [M] la somme de 4 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

CONDAMNE la société AGPM Vie à supporter les dépens;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus;

Y AJOUTANT:

CONDAMNE la société AGPM Vie à payer à [J] [U] veuve [M], [S] [M] et [H] [M] en qualité d'héritières de [W] [M] la somme de 5 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

CONDAMNE la société AGPM Vie aux dépens d'appel;

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2022

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 21/18067
Date de la décision : 17/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-17;21.18067 ?
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