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17/11/2022 | FRANCE | N°21/04245

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 17 novembre 2022, 21/04245


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 17 NOVEMBRE 2022



N° 2022/













Rôle N° RG 21/04245 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHE4T







S.A. AXA FRANCE IARD





C/



S.A.S. FHALFAMILY





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Romain CHERFILS





Me Antoine SCANDOLERA





r>








Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 04 Mars 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 2021F00095.





APPELANTE



S.A. AXA FRANCE IARD prise en la personne de son représentant légal en exercice

, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Romai...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 17 NOVEMBRE 2022

N° 2022/

Rôle N° RG 21/04245 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHE4T

S.A. AXA FRANCE IARD

C/

S.A.S. FHALFAMILY

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Romain CHERFILS

Me Antoine SCANDOLERA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 04 Mars 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 2021F00095.

APPELANTE

S.A. AXA FRANCE IARD prise en la personne de son représentant légal en exercice

, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée à l'audience par Me Rachid CHENIGUER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et ayant pour avocat plaidant Me David CUSINATO de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée à l'audience par Me Laura TAFANI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

S.A.S. FHALFAMILY, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Antoine SCANDOLERA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué à l'audience par Me Solène TRIVIDIC, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 28 Septembre 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Monsieur Olivier ABRAM, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2022.

ARRÊT

EXPOSÉ DU LITIGE

La société FHALFAMILY exploite un fond de commerce de restauration traditionnelle sous l'enseigne 'Aux Antipodes' à [Localité 3].

Elle a souscrit un contrat d'assurance multirisque professionnelle le 7 janvier 2016 se composant des conditions générales référencées n°690200 N et des conditions particulières référencées 6993898104.

Les conditions particulières prévoient une extension de garantie des pertes d'exploitation en cas de fermeture administrative de l'établissement assuré, ainsi libellée: « la garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies:

1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même (l'assuré),

2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre,d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication. ['] »

Cette extension de garantie est assortie de la clause d'exclusion suivante:

« SONT EXCLUES:

- LES PERTES D'EXPLOITATION, LORSQUE, A LA DATE DE LA DECISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L'OBJET, SUR LE MEME TERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ETABLISSEMENT ASSURE, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE ».

Suite à l'arrêté du 14 mars 2020 du Ministre des solidarités et de la santé et au décret du 29 octobre 2020 pris dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de Covid-19, la société FHALFAMILY a été contrainte de fermer son établissement du 16 mars 2020 au 2 juin 2020.

Le 14 octobre 2020, la société FHALFAMILY a déclaré un sinistre auprès de la société Axa France Iard, sollicitant la mise en jeu de la garantie et une indemnisation à hauteur de 60 080 euros au titre des pertes d'exploitation qu'elle considère avoir subi.

L'assureur a refusé sa garantie au motif que 'd'autres établissements sur le territoire départemental avaient été nécessairement impactés par la décision prise par arrêté du 14 mars 2020".

Par acte du 28 octobre 2020, la société FHALFAMILY a fait assigner son assureur devant le juge des référés du tribunal de commerce de Marseille aux fins principalement d'obtenir une provision.

Par ordonnance du 22 décembre 2020, le juge des référés du tribunal de commerce de Marseille a dit n'y avoir lieu à référé et a renvoyé les parties au fond à l'audience du tribunal de commerce de Marseille du 21 janvier 2021.

Par jugement contradictoire du 4 mars 2021, le tribunal de commerce de Marseille a principalement:

Déclaré non écrite la clause d'exclusion de garantie ci-dessous reproduite:

'Sont exclues : les pertes d'exploitation lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative pour cause identique',

Condamné la SA Axa France Iard à payer à la société FHALFAMILY la somme de 20 000 euros à titre de provision à valoir sur les pertes d'exploitation qu'elle a subies lors des fermetures de son établissement, dans la limite de trois mois,

Sur le quantum des pertes d'exploitation subies, désigné Monsieur [O] [E] comme expert judiciaire, avec les chefs de mission suivants:

- d'entendre les parties en leurs explications et de répondre à leurs dires et à leurs observations,

- de se faire communiquer tous documents utiles a ses investigations, notamment l'estimation effectuée par la Societe FHALFAMILY et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois demieres années,

- d'entendre tous sachants,

- de s'adjoindre, si besoin, un sapiteur de son choix,

- d'évaluerle montant des dommages constitués par la perte de marge brute sur une période maximum de trois mois, déduction faite d'une franchise de trois jours,

- d'examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance,

d'éva1uer le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causées par l'interruption ou la réduction de 1'activité, de la marge brute (chiffre d'affaires

- charges variables) incluant les charges salariales et les économies réalisées, en recherchant si du chiffre d'affaires a été généré par des ventes à emporter ou 'click and collect' et en le retranchant alors, en prenant compte les facteurs externes indépendamment des pertes d'exploitation liées à la fermeture administrative,

- d'évaluer le montant des pertes financières,

- dc chiffrer le montant de la perte de marge brute subie par la société FHALFAMILY sur une période maximum de trois mois, déduction faite d'une franchise de trois jours,

Dit que du tout, l'expert, dans les trois mois à compter de la date du versement de la consignation, devra dresser un rapport qui sera déposé au greffe, en un seul exemplaire,

Dit que le suivi de l'expertise sera confié au juge charge du contrôle des expertises du Tribunal de Commerce de Marseille,

Dit que la société Axa France Iard devra consigner au greffe du tribunal de commerce de Marseille, la somme de 3 000 euros destinée à garantir le paiement des frais et honoraires de l'expert, dans le délai d'un mois à compter de 1'invitation à ce faire qui lui sera adressée par le greffe,

Condamné la société Axa France Iard à payer à la société FHALFAMILY la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la société Axa France Iard aux dépens toutes taxes comprises,

Précisé que le jugement est de plein droit exécutoire à titre provisoire,

Rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du jugement.

Par déclaration enregistrée au greffe le 22 mars 2021, la société Axa France Iard a interjeté appel de toutes les dispositions de cette décision.

Par conclusions d'incident notifiées par le RPVA le 29 septembre 2021, la société Axa France Iard a saisi le Président de la chambre d'une demande tendant à voir déclarées irrecevables les conclusions et pièces notifiées par la société FHALFAMILY, intimée, le 04 juin 2021.

Par ordonnance rendue le 28 juillet 2022, la demande formée par l'intimée tendant à voir prononcer la nullité de la signification de la déclaration d'appel du 7 avril 2021 et l'irrecevabilité des conclusions et pièces de la société Axa France Iard du 28 avril 2021 a été rejetée et les conclusions du 29 juin 2021 de la société FHALFAMILY, intimée, ont été déclarées irrecevables, précision faite 'que ces dernières avaient été reçues à cette date au RPVA et non à celle du 04 juin 2021 comme indiqué par erreur par les deux parties'.

A la demande du conseil de l'assureur, un certificat de non recours contre cette ordonnance rendue le 28 juillet 2022 a été établi par le greffe le 17 août 2022.

L'affaire a été fixée au fond à l'audience du 28 septembre 2022, à laquelle elle a été retenue et plaidée.

Par dernières conclusions notifiées par le RPVA le 28 avril 2021, la société Axa France Iard, appelante, demande à la cour:

Vu l'article 562 du code de procédure civile,

Vu les articles 1103, 1170, 1171 et 1188 et suivants du code civil,

Vu l'article L113-1 du code des assurances,

A TITRE PRINCIPAL:

INFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a:

- considéré que la clause d'exclusion ne serait ni formelle ni limitée au sens de l'article L113-1 du code des assurances et qu'AXA FRANCE IARD devra garantir la société FHALFAMILY au titre de la perte d'exploitation de son activité de restauration,

- condamné AXA FRANCE IARD à payer à la société FHALFAMILY, à titre de provision, la somme de 20 000 €,

- ordonné une expertise judiciaire et nommé à cette fin Monsieur [O] [E] avec la mission telle que décrite dans le jugement entrepris,

- condamné AXA FRANCE IARD à payer à la société FHALFAMILY la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

ET STATUANT A NOUVEAU,

- JUGER que la clause d'exclusion respecte le caractère formel exigé par l'article L113-1 du code des assurances en ce qu'elle est claire et ne laisse pas de place à l'incertitude,

- JUGER que la clause d'exclusion ne vide pas l'extension de garantie de sa substance et qu'elle ne prive pas l'obligation essentielle d'AXA France IARD de sa substance,

En conséquence,

- DECLARER applicable en l'espèce la clause d'exclusion dont est assortie l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie,

- DEBOUTER la société FHALFAMILY de sa demande de condamnation à l'encontre d'AXA FRANCE IARD,

A TITRE SUBSIDIAIRE:

- REFORMER le jugement entrepris sur la mission confiée à l'expert judiciaire,

STATUANT A NOUVEAU,

- ordonner que l'expert judiciaire aura pour mission de:

Se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par l'assurée et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années,

Entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite de ses opérations,

Examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance et se rapportant uniquement à l'activité de restauration, en tenant compte de la franchise de 3 jours ouvrés applicable à chaque sinistre:

* du 15 mars au 1 er juin 2020 inclus,

* du 27 septembre au 4 octobre 2020 inclus,

* du 30 octobre 2020 au 30 janvier 2021 inclus,

Donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, de la marge brute (chiffre d'affaires-charges variables) incluant les charges salariales, les économies réalisées,

Donner son avis sur le montant des aides/subventions d'état perçues par l'assurée,

Donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture,

EN TOUT ETAT DE CAUSE

- CONDAMNER la société FHALFAMILY à payer à AXA FRANCE IARD la somme de 1 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de la SELARL LEXAVOUE Aix-en-Provence, avocats associés aux offres de droit.

MOTIFS

A titre préliminaire, la cour rappelle que n'étant pas saisie de conclusions par l'intimée, elle doit, pour statuer sur l'appel, examiner les motifs du jugement ayant accueilli les prétentions de cette partie en première instance.

Sur la garantie perte d'exploitation en cas de fermeture d'un établissement pour épidémie:

En vertu des articles suivants du code civil, dans leur version applicable en l'espèce au jour de la conclusion du contrat le 7 janvier 2016, soit antérieurement à l'ordonnance du 10 février 2016 entrée en vigueur le 1er octobre 2016:

Article 1156 « On doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes».

Article 1157 « Lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l'entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elle n'en pourrait produire aucun'.

Article 1158 « Les termes susceptibles de deux sens doivent être pris dans le sens qui convient le plus à la matière du contrat'.

Article 1161 « Toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier'.

Article 1162 « Dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation'.

L'article L 113-1 alinéa premier du code des assurances dispose que:

« Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ».

En matière d'assurance, l'assuré doit connaître l'étendue des garanties incluses dans le contrat d'assurance qu'il a souscrit et être en mesure de les comprendre.

Et, il a été jugé qu'il résulte de l'article L 113-1 du code des assurances:

- d'une part, que les clauses d'exclusion de garantie ne peuvent être tenues pour formelles et limitées dès lors qu'elles doivent être interprétées et qu'elles ne se réfèrent pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées,

- d'autre part, que n'est ni formelle, ni limitée, la clause d'exclusion de garantie qui vide la garantie d'une partie significative ou de la totalité de sa substance.

Dans tous les cas, la validité d'une clause d'exclusion de garantie doit être appréciée par le juge par rapport à la définition du risque garanti.

En l'espèce, dans les conditions particulières du contrat d'assurance multirisque professionnelle du 7 janvier 2016, figure, sous le titre 'PERTE D'EXPLOITATION SUITE À FERMETURE ADMINISTRATIVE' (page 8), une garantie des pertes d'exploitation consécutive à une fermeture administrative intervenue notamment à la suite d'une épidémie, ainsi rédigée:

« La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même

2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication.

Durée et limite de la garantie

la garantie intervient pendant la période d'indemnisation, c'est-à-dire la période commençant le jour du sinistre et qui dure tant que les résultats de l'établissement sont affectés par ledit sinistre, dans la limite de trois mois maximum.

Le montant de la garantie est limité à 300 fois l'indice.

L'assuré conservera à sa charge une franchise de 3 jours ouvrés ».

A la suite de plusieurs décisions administratives interdisant aux restaurateurs de recevoir du public en raison de l'épidémie de coronavirus, dit Covid 19, et donc de la fermeture administrative en résultant, l'assurée a subi des pertes d'exploitation dont elle a demandé l'indemnisation au premier juge.

Cependant, l'assureur dénie toute garantie en invoquant la clause d'exclusion suivante:

« SONT EXCLUES:

- LES PERTES D'EXPLOITATION, LORSQUE, A LA DATE DE LA DECISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L'OBJET, SUR LE MEME TERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ETABLISSEMENT ASSURE, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE».

Si une épidémie peut être définie comme étant le résultat du développement et de la propagation rapide d'une maladie contagieuse dans une population, cette population peut être celle d'un lieu limité, mais aussi d'un village, d'une ville, d'un département, d'une région, d'un ou de plusieurs pays.

Pour la garantie souscrite par la société FHALFAMILY auprès de la SA Axa France Iard, aucune distinction n'est opérée quant à la population visée, aucune définition des termes maladie contagieuse et épidémie ne figure au contrat.

Contrairement à ce que soutient l'assureur, les conditions de mise en oeuvre de la garantie perte d'exploitation en cas de fermeture administrative comprenant parmi plusieurs événements la survenance d'une épidémie, permettent de retenir que le risque de fermeture administrative d'un restaurant est couvert en cas d'épidémie, l'obligation essentielle de l'assureur étant donc celle d'indemniser son assurée des pertes d'exploitation subies suite à une fermeture administrative en raison d'une épidémie.

L'objet de la garantie des pertes d'exploitation suite à une fermeture administrative telle que prévue aux conditions particulières du contrat est de garantir une indemnisation des pertes financières subies par l'assurée en cas de fermeture administrative l'empêchant de poursuivre son activité, selon deux conditions cumulatives:

1/ la décision de fermeture doit avoir été prise par une autorité administrative compétente, extérieure à l'assurée,

2/ la décision de fermeture doit être 'la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication'.

En l'espèce, il est constant que la décision de fermeture a bien été prise par une autorité administrative compétente, extérieure à l'assurée.

Et, comme l'a exactement retenu le premier juge, la rédaction de la clause d'exclusion de garantie susvisée, notamment dans sa locution finale « pour une cause identique », renvoie nécessairement à la cause de la fermeture administrative garantie, soit une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication, de sorte que, même si elle ne figure pas dans la clause d'exclusion, la notion d'épidémie constitue une condition de la mise en oeuvre de la garantie.

S'il est exact que les conditions particulières du contrat ne contiennent pas de termes relevant d'un vocabulaire spécialisé ou technique,

l'assureur ne peut valablement soutenir que le terme 'épidémie' ne nécessite aucune interprétation et se prévaloir des dispositions de l'article 1192 du code civil selon lesquelles on ne peut interpréter des clauses claires et précises à peine de dénaturation, alors que les décrets des 11 et 31 mai 2020 pris dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, contiennent dans leur intitulé la prescription des «mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid 19», la notion d'épidémie ayant dans ce cas précis justifié la fermeture administrative de l'ensemble des restaurants au niveau national.

Le fait qu'une épidémie de légionellose, de listériose ou de grippe aviaire a pu n'entraîner la fermeture que d'un seul établissement correspond à des cas d'espèce et ne saurait suffire à exclure toute interprétation autre que celle proposée par la SA Axa France Iard.

De même, les différentes acceptions possibles du terme « épidémie » ne permettent nullement à l'assureur d'énoncer valablement que l'assurée, en tant que restaurateur très informé des risques relatifs à l'hygiène alimentaire, a au moment de la souscription du contrat, contracté l'extension de garantie pour couvrir les risques d'une fermeture administrative liée à la survenance d'une épidémie au sein de son seul établissement.

Si la SA Axa France Iard souhaitait exclure la couverture d'un risque systémique de nature à entraîner le déséquilibre du portefeuille des contrats assurés, il lui incombait de définir les risques couverts de manière claire et dépourvue d'ambiguïté, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Et l'assureur ne peut se prévaloir de la commune intention des parties lors de la souscription du contrat qui n'était pas de couvrir le risque d'une fermeture généralisée à l'ensemble du territoire mais de couvrir les aléas inhérents à l'exploitation d'un restaurant exposé à des risques biologiques, alors qu'il est constant qu'il est le seul rédacteur des termes de la clause d'exclusion de garantie dont le caractère non formel a été retenu ci-dessus.

Au surplus, la clause d'exclusion susvisée n'est nullement limitée puisqu'elle vise:

- tout autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, la notion «d'autre établissement» étant particulièrement large,

- le département, soit un territoire géographiquement étendu au sein duquel exerce un nombre important d'établissements, même si ce nombre varie en fonction de la densité de la population de chaque département, de sorte que l'hypothèse de l'assureur selon laquelle cette clause s'appliquerait en cas d'épidémie pour un nombre limité de personnes à l'intérieur d'un seul et unique établissement au sein d'un département, rend illusoire la garantie des pertes d'exploitation en cas d'épidémie, et aboutit à la vider de sa substance.

Il s'ensuit que les premiers juges ont à bon droit retenu que la clause d'exclusion de garantie litigieuse nécessitait une interprétation du terme «épidémie» visé dans la clause d'exclusion comme «cause identique», de sorte qu'elle n'est pas formelle et limitée au sens de l'article L 113-1 du code des assurances.

En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a déclaré réputée non écrite la clause d'exclusion de garantie ci-dessus reproduite.

Sur l'expertise et sur la demande de provision:

En application des conditions particulières du contrat:

La Protection financière comprenant la garantie perte d'exploitation renvoie à l'article 2.1 et aux plafonds de garanties indiqués aux conditions générales, et stipule 'y compris frais supplémentaires et avec période d'indemnisation de 18 mois' (page 3/12).

'La garantie intervient pendant la période d'indemnisation, c'est-à-dire la période commençant le jour du sinistre et qui dure tant que les résultats de l'établissement sont affectés par ledit sinistre, dans la limite de trois mois maximum.

Le montant de la garantie est limité à 300 fois l'indice.

L'assuré conservera à sa charge une franchise de 3 jours ouvrés » (page 9).

Les conditions générales concernent au point 2.1 la perte d'exploitation et la perte de revenus et stipulent notamment en page 20:

Les dommages assurés 'selon mention aux conditions particulières, soit la garantie s'exerce pour la perte que vous subissez et pour les frais supplémentaires que vous devez engager, soit elle est limitée à ces seuls frais supplémentaires.

La perte faisant l'objet de la garantie est:

- soit la perte de marge brute que vous subissez durant la période d'indemnisation à la suite de la diminution de votre chiffre d'affaires causée par les événements précédents.

La marge brute est la différence entre: le chiffre d'affaires annuel hors TVA corrigé de la variation des stocks et le total des achats et charges variables (...)

- soit la perte de revenus (ou d'honoraires) professionnels que vous subissez durant la période d'indemnisation à la suite de la diminution de votre activité causée par les événements précédents.

Les frais supplémentaires sont les frais d'exploitation excédant vos charges normales, qu'au cours de la période d'indemnisation vous engagez avec notre accord afin de retrouver ou de maintenir, à la suite des événements concernés, le niveau de marge brute ou de revenus (honoraires) correspondant à votre activité professionnelle garantie',

et précisent les modalités de calcul de l'indemnité.

Alors que la garantie 'perte d'exploitation suite à fermeture administrative' est une garantie complémentaire faisant partie de la protection financière assurée par la police souscrite, les pertes d'exploitation doivent être calculées selon les conditions prévues en page 21 des conditions générales applicables à toutes les pertes d'exploitation quel que soit l'événement ayant donné lieu à ces pertes.

Il s'ensuit que ce n'est pas par unique référence au chiffre d'affaires que l'indemnité doit être calculée, étant au surplus relevé que le montant de la garantie est limité à 300 fois l'indice.

En l'état des pièces produites devant lui, c'est à juste titre que le premier juge a ordonné une expertise comptable confiée à Monsieur [O] [E] avec la mission détaillée qui convient, étant précisé qu'il y a lieu de faire droit à la demande formée par l'assureur concernant l'ajout des chefs de mission suivants:

- examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance et se rapportant uniquement à l'activité de restauration, en tenant compte de la franchise de 3 jours ouvrés applicable à chaque sinistre:

* du 15 mars au 1er juin 2020 inclus,

* du 27 septembre au 4 octobre 2020 inclus,

* du 30 octobre 2020 au 30 janvier 2021 inclus,

- donner son avis sur le montant des aides/subventions d'état perçues par l'assurée,

- donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture,

afin de permettre à la juridiction qui sera éventuellement saisie ultérieurement au fond d'être parfaitement éclairée.

En revanche, c'est à tort que l'assureur soutient que le premier juge aurait donné pour mission à l'expert d'évaluer le montant des frais supplémentaires d'exploitation pendant la période d'indemnisation (page 45 de ses écritures) puisque cette recherche ne fait pas partie de la mission confiée à l'expert par le tribunal.

En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'une expertise a été ordonnée selon la mission initiale, sauf à y ajouter les chefs de mission susvisés, les autres chefs proposés par l'assureur étant déjà inclus dans la mission initialement confiée à l'expert.

Et, c'est à juste titre qu'après avoir pris en considération les pièces comptables produites par l'assurée devant lui et les arguments de l'assureur, que le premier juge a fixé le montant de la provision allouée à l'assurée à 20 000 euros, de sorte qu'il y a lieu à confirmation sur ce point.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile:

Succombant, l'assureur supportera les dépens d'appel et sa demande au titre des frais irrépétibles doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR :

Statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi

CONFIRME le jugement déféré,

ET Y AJOUTANT,

DIT que la mission confiée à l'expert Monsieur [O] [E] comprend l'ajout des chefs de mission suivants:

- examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance et se rapportant uniquement à l'activité de restauration, en tenant compte de la franchise de 3 jours ouvrés applicable à chaque sinistre:

* du 15 mars au 1er juin 2020 inclus,

* du 27 septembre au 4 octobre 2020 inclus,

* du 30 octobre 2020 au 30 janvier 2021 inclus,

- donner son avis sur le montant des aides/subventions d'état perçues par l'assurée,

- donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture,

afin de permettre à la juridiction qui sera éventuellement saisie ultérieurement au fond d'être parfaitement éclairée,

RENVOIE la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Marseille pour la suite de la procédure,

DIT qu'une copie du présent arrêt sera adressée par le greffe à l'expert [O] [E],

REJETTE les autres demandes formées par la SA Axa France Iard, dont sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SA Axa France Iard aux dépens d'appel et en ordonne la distraction en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2022,

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 21/04245
Date de la décision : 17/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-17;21.04245 ?
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