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17/11/2022 | FRANCE | N°17/13293

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-5, 17 novembre 2022, 17/13293


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5



ARRÊT AU FOND

DU 17 NOVEMBRE 2022



N° 2022/466



AL







Rôle N°17/13293

N° Portalis DBVB-V-B7B-BA4DB







[U] [E]





C/



SAS MEDITOURBE

























Copie exécutoire délivrée

le : 17/11/2022

à :



- Me Jean Pascal JUAN, avocat au barreau de TARASCON



- Me Alexan

dre JAMMET, avocat au barreau de TARASCON





























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARLES en date du 12 Juin 2017 enregistré au répertoire général sous le n° F16/00378.





APPELANT



Monsieur [U] [E], demeurant [Adresse 1...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT AU FOND

DU 17 NOVEMBRE 2022

N° 2022/466

AL

Rôle N°17/13293

N° Portalis DBVB-V-B7B-BA4DB

[U] [E]

C/

SAS MEDITOURBE

Copie exécutoire délivrée

le : 17/11/2022

à :

- Me Jean Pascal JUAN, avocat au barreau de TARASCON

- Me Alexandre JAMMET, avocat au barreau de TARASCON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARLES en date du 12 Juin 2017 enregistré au répertoire général sous le n° F16/00378.

APPELANT

Monsieur [U] [E], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Jean Pascal JUAN, avocat au barreau de TARASCON

INTIMEE

SAS MEDITOURBE, sise [Adresse 2]

représentée par Me Alexandre JAMMET, avocat au barreau de TARASCON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Antoine LEPERCHEY, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Monsieur Antoine LEPERCHEY, Conseiller

Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2022

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

Par contrat de mission, avec effet du 19 février au 28 février 2014, M. [U] [E] a été mis à la disposition de la société par actions simplifiée Meditourbe, en qualité de cariste, en vue de faire face à un accroissement temporaire d'activité. Puis, par contrat à durée déterminée du 1er mars 2014, il a été embauché par ladite société, qui a ensuite conclu avec lui un contrat de travail à durée indéterminée, le 11 août 2014, M. [E] étant affecté au poste d'agent de production.

Les relations entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des industries de carrières et de matériaux. La société Meditourbe employait habituellement plus de onze salariés.

Après une suspension de son contrat pour maladie, M. [E], qui exerçait les fonctions de conducteur de chargeuses, a été déclaré inapte à son poste, sauf conduite 'très occasionnelle', mais apte à celui d'opérateur, par avis du 9 juin 2015. A l'issue d'une seconde visite de reprise, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste de conducteur de chargeuses.

Par lettre du 7 juillet 2015, la société Meditourbe a convoqué M. [E] à un entretien préalable, à l'issue duquel elle l'a licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement, par lettre du 21 juillet 2015.

Contestant le bien-fondé du motif de recours au contrat de mission et au contrat saisonnier, de même que celui de la rupture de son contrat de travail, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes d'Arles, par lettre reçue au greffe le 2 février 2016, à l'effet d'obtenir la requalification de la relation de travail, à compter de son origine, en contrat à durée indéterminée, d'obtenir le paiement d'une indemnité de requalification et d'une indemnité de précarité, d'un rappel de salaire, et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 12 juin 2017, le conseil de prud'hommes d'Arles a rejeté l'ensemble de ses demandes, et l'a condamné aux dépens.

M. [E] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 10 juillet 2017.

Parallèlement, par décision du 5 juin 2019, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a reconnu l'aptitude du salarié à son poste d'agent de production, moyennant certaines restrictions. Cette décision a été frappée de recours.

Par un arrêt du 14 janvier 2021, la cour a confirmé partiellement le jugement du 12 juin 2017, en ce qu'il avait rejeté la demande de requalification du contrat de mission et du contrat saisonnier en contrat à durée indéterminée, ainsi que les demandes subséquentes tendant au paiement d'une indemnité de requalification, d'une indemnité de précarité et d'un rappel de salaire. En revanche, la cour a sursis à statuer sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail, dans l'attente de la décision de la juridiction administrative saisie du recours à l'encontre de la décision de la direction régionale du travail du 5 juin 2019.

Par jugement du 31 août 2021, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 2 juin 2019, en ce qu'elle avait estimé que M. [E] pouvait, à la date du 22 juin 2015, être affecté à un poste de cariste.

L'affaire a été rappelée à l'audience et mise en délibéré au 17 novembre 2022.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées le 5 octobre 2022, l'appelant sollicite :

- l'infirmation du jugement entrepris,

- la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée,

- le paiement des sommes suivantes :

- 1 450 euros à titre d'indemnité de requalification,

- 1 450 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la période du 11 juillet 2014 au 11 août 2014, outre 145 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 782,78 euros bruts à titre d'indemnité de précarité,

- qu'il soit dit que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- le paiement de la somme de 14 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- le bénéfice de l'exécution provisoire,

- le paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ces prétentions, M. [U] [E] expose :

- que le médecin du travail l'a déclaré inapte au poste de conducteur de chargeuses,

- que, toutefois, il n'avait pas été embauché pour occuper ce poste, mais celui d'agent de production,

- qu'il a également assuré les fonctions de conducteur-régleur de machines de conditionnement,

- qu'en tout état de cause, il n'a pas été déclaré inapte au poste d'agent de production,

- que, dès lors, son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse,

- qu'en outre, l'employeur a méconnu son obligation de reclassement en ce qu'il aurait pu l'affecter au poste d'opérateur de machine,

- que la société Meditourbe ne démontre pas avoir recherché un reclassement, notamment sur les postes administratifs,

- que le médecin du travail l'a estimé apte au poste de conducteur régleur d'ensacheuse automatique, sous réserve qu'il soit aidé en cas de panne ou de problème nécessitant une manutention lourde,

- que l'employeur ne démontre pas l'impossibilité de l'affecter à un tel poste,

- que la décision de l'inspecteur du travail confirmant l'avis d'inaptitude a été annulée par le tribunal administratif,

- que trois agents de production ont été embauchés après son licenciement,

- que la société Meditourbe fait partie d'un groupe, puisqu'elle est une filiale de la société Les Grandes Iles,

- que les recherches de reclassement auraient donc dû être étendues à cette société,

- que le préjudice qu'il a subi du fait de la perte de son emploi sera justement indemnisé par une somme correspondant à dix mois de salaire.

En réponse, la société intimée conclut à la confirmation du jugement entrepris, et sollicite la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de défense.

Dans ses conclusions communiquées par voie électronique le 5 octobre 2022, la société Meditourbe fait valoir :

- que M. [E] a été déclaré inapte à son poste par avis du médecin du travail du 22 juin 2015,

- qu'elle a interrogé ce dernier, par lettre du 24 juin 2015, quant à la capacité de M. [E] à occuper les postes de conducteur d'engin, de conducteur de chariot élévateur et de conducteur régleur d'ensacheuses automatiques,

- que le médecin du travail lui a répondu le 25 juin 2015 que le salarié était inapte à la conduite de chargeuse et de chariot élévateur, et a estimé qu'il demeurait apte au poste de conducteur régleur d'ensacheuses automatiques, sous réserve qu'il soit aidé en cas de panne ou de problème nécessitant de la manutention lourde ou en position inconfortable,

- que cette restriction rendait impossible l'affectation de M. [E] à ce poste de conducteur régleur d'ensacheuse automatique, cette machine devant notamment être alimentée par des rouleaux de sachets particulièrement pesants, ainsi qu'il ressort d'une attestation de M. [M], qui exerce ces fonctions,

- qu'en outre, elle n'appartient pas à un groupe,

- qu'elle n'employait que 17 salariés au mois de juillet 2015,

- qu'elle n'a donc pas méconnu son obligation de reclassement,

- que, par suite, le licenciement de M. [E] repose sur une cause réelle et sérieuse.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, si M. [E] maintient dans ses dernières conclusions sa demande de requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, et ses demandes subséquentes, tendant au paiement d'une indemnité de requalification, d'un rappel de salaire et d'une indemnité de précarité, celles-ci ont été intégralement rejetées par la cour dans son arrêt du 14 janvier 2021.

Sur les demandes liées à la rupture du contrat de travail

Sur l'inaptitude et l'obligation de reclassement

Aux termes de l'article L 1226-2 du code du travail, 'lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.'. La preuve de l'impossibilité de procéder au reclassement incombe à l'employeur.

Dans son avis du 22 juin 2015, le médecin du travail a déclaré M. [E] inapte à son poste de conducteur de chargeuses ; cet avis a été précisé dans une lettre du 25 juin, dans laquelle le médecin du travail a indiqué qu'il était inapte à la conduite d'engin ou de chariot élévateur, mais apte au poste de conducteur régleur d'ensacheuse automatique, sous réserve qu'il soit aidé en cas de panne ou de problème nécessitant de la manutention lourde ou une position inconfortable. Cet avis a été confirmé par l'inspecteur du travail par décision du 12 octobre 2015. Par jugement du 17 octobre 2017, le tribunal administratif a annulé cette décision et enjoint à l'administration de prendre une nouvelle décision sur l'aptitude de M. [E]. Aux termes d'un avis, le médecin inspecteur du travail du 20 mai 2019 a estimé M. [E] apte à son poste d'agent de production avec la restriction suivante : 'pas d'affectation au poste de conducteur de chargeuse ; affectation possible sur le poste de cariste ou de conducteur de machine de conditionnement'. La société Meditourbe a demandé au tribunal l'annulation de cette seconde décision. Par un nouveau jugement du 31 août 2021, le tribunal administratif de Marseille l'a annulée, mais seulement en ce qu'elle avait dit que le salarié pouvait être affecté à un poste de cariste. Il s'en déduit que ce dernier pouvait être affecté à un poste de conducteur de machine de conditionnement.

La société Meditourbe soutient que la restriction énoncée par le médecin du travail relative à la manutention lourde et à la position du salarié rendait impossible l'aménagement de son poste. Elle produit une attestation de M. [C] [M], qui déclare que le poste de régleur sur la chaîne d'ensachage 'requiert une large autonomie et une réactivité importante' et implique le port de charges lourdes'. Toutefois, ce moyen est inopérant, en ce qu'il a déjà été rejeté par le tribunal administratif qui a estimé que 'la société ne démontre pas que qu'il lui était impossible d'aménager le poste de M. [E] pour être compatible avec ces préconisations'. Ainsi, dans son avis d'inaptitude du 20 mai 2019, le médecin inspecteur du travail a reconnu l'aptitude du salarié au poste de conducteur de machine de conditionnement. Dès lors, par ce seul motif, la société Meditourbe ne pouvait licencier ce dernier pour inaptitude et impossibilité de reclassement, puisqu'elle ne démontre pas l'impossibilité de l'affecter au poste de conducteur de machine de conditionnement. Le licenciement de M. [E] est donc dénué de cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [E] était âgé de 28 ans à la date de son licenciement ; son ancienneté était de moins de deux années et son salaire mensuel brut de 1 450 euros. Au vu de ces éléments, le préjudice qu'il a subi du fait de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sera justement indemnisé par la somme de 4 500 euros.

Sur les frais du procès

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné M. [E] aux dépens. Ceux-ci, comme les dépens de la procédure d'appel, seront mis à la charge de la société Meditourbe. Il serait en outre inéquitable de laisser à la charge de l'appelant les frais irrépétibles exposés en la cause. La société intimée sera donc condamnée à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour le surplus, la demande tendant au bénéfice de l'exécution provisoire est sans objet, le présent arrêt étant rendu contradictoirement et en dernier ressort.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,

Infirme le jugement entrepris, en ce qu'il a rejeté la demandes de M. [U] [E] tendant au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en ce qu'il a condamné ce dernier aux dépens,

Et, statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés,

Condamne la société Meditourbe à verser à M. [U] [E] la somme de 4 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Meditourbe aux dépens de première instance et de la procédure d'appel,

Condamne la société Meditourbe à verser à M. [U] [E] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code procédure civile,

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jour, mois et an susdits.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-5
Numéro d'arrêt : 17/13293
Date de la décision : 17/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-17;17.13293 ?
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