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16/11/2022 | FRANCE | N°21/02294

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-8, 16 novembre 2022, 21/02294


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8



ARRÊT AU FOND

DU 16 NOVEMBRE 2022



N° 2022/ 512









N° RG 21/02294



N° Portalis DBVB-V-B7F-BG6PO







[S] [Y]



[I] [Y]





C/





[P] [B]































Copie exécutoire délivrée

le :



à :



Me Thibaut BREJOUX



Me

Mohamed MAHALI





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Juge des contentieux de la protection de TOULON en date du 22 Janvier 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 1119002275.





APPELANTS



Monsieur [S] [Y]

né le 14 Février 1969 à [Localité 4] (TUNISIE), demeurant [Adresse 2]



Madame [I] [Y]

née le...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8

ARRÊT AU FOND

DU 16 NOVEMBRE 2022

N° 2022/ 512

N° RG 21/02294

N° Portalis DBVB-V-B7F-BG6PO

[S] [Y]

[I] [Y]

C/

[P] [B]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Thibaut BREJOUX

Me Mohamed MAHALI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge des contentieux de la protection de TOULON en date du 22 Janvier 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 1119002275.

APPELANTS

Monsieur [S] [Y]

né le 14 Février 1969 à [Localité 4] (TUNISIE), demeurant [Adresse 2]

Madame [I] [Y]

née le 27 Juillet 1971 à [Localité 5] (57), demeurant [Adresse 2]

représentés par Me Thibaut BREJOUX, avocat au barreau de TOULON

INTIME

Monsieur [P] [B]

né le 13 Juillet 1948 à [Localité 3] (72), demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Mohamed MAHALI, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Novembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Novembre 2022, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE

Suivant contrat conclu sous signatures privées, Monsieur [P] [B] à donné à bail d'habitation aux époux [S] [Y] et [I] [L] à compter du 7 mars 2005 un appartement de type 5 au sein de la résidence L'Empire située [Adresse 2], moyennant un loyer mensuel de base de 705 euros révisable annuellement en fonction de la variation de l'indice de référence.

Le 19 novembre 2018, les locataires ont conclu avec l'agence IBOX, mandataire du bailleur, un échéancier prévoyant l'apurement de leur dette locative, s'élevant à 6.823,28 euros, en 136 mensualités de 50 euros.

Toutefois, le versement de l'allocation logement ayant été suspendu par la CAF, et le bénéfice d'une aide du Fonds de Solidarité pour le Logement leur ayant été refusé, les époux [Y] n'ont pas été en mesure de régler la totalité du loyer courant, de sorte que le bailleur leur a fait signifier le 22 février 2019 un commandement de payer l'intégralité de leur dette, s'élevant désormais à la somme de 8.878,23 euros, visant la clause résolutoire stipulée au contrat.

Monsieur [B] a ensuite saisi le 20 juin 2019 le tribunal d'instance de Toulon pour voir constater l'acquisition de ladite clause, entendre prononcer l'expulsion des occupants, et obtenir paiement de l'arriéré locatif, outre une indemnité d'occupation jusqu'à la libération effective des lieux.

Les époux [Y] ont conclu principalement au rejet de ces prétentions. Subsidiairement ils ont sollicité la suspension des effets de la clause résolutoire et l'octroi de délais de paiement.

À titre reconventionnel, ils ont réclamé la condamnation sous astreinte du bailleur à effectuer des travaux de mise aux normes de décence du logement, le cas échéant après expertise, et sollicité la suspension de l'exigibilité du loyer jusqu'à leur bonne fin. Ils se sont également portés demandeurs d'une somme de 70.000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance.

Par jugement rendu le 22 janvier 2021 et assorti de l'exécution provisoire, la juridiction saisie, devenue entre-temps le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire, a fait droit à l'action du bailleur et condamné solidairement les époux [Y] au paiement de la somme de 13.187,71 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation échus jusqu'au mois de novembre 2020, outre une indemnité mensuelle de 1.023,21 euros jusqu'à la libération des lieux, ainsi que les dépens et une somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche le premier juge, après avoir relevé que les défendeurs ne s'étaient jamais plaints de quelconques désordres antérieurement à la délivrance du commandement, a rejeté l'ensemble de leurs demandes reconventionnelles.

Les époux [Y] ont relevé appel de cette décision par déclaration adressée le 15 février 2021 au greffe de la cour.

Le bailleur a fait néanmoins procéder à leur expulsion le 30 juillet 2021.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs conclusions récapitulatives notifiées le 9 novembre 2021, les époux [Y] soutiennent en premier lieu avoir respecté le plan d'apurement mis en place, tandis que le bailleur aurait agi de manière déloyale en déclarant à la CAF une situation d'impayé, conduisant à la suspension de l'allocation logement. Ils en déduisent que l'intégralité de leur dette n'était pas exigible à la date de la délivrance du commandement, de sorte que la clause résolutoire n'a pu produire ses effets.

Ils font également valoir que la résolution du plan ne pouvait intervenir qu'après une notification préalable, en vertu des articles 1224 et 1225 du code civil.

Ils ajoutent que, compte tenu des rappels ultérieurement versés par la CAF, leur dette locative se trouve désormais ramenée à 3.394,52 euros.

En second lieu, ils soutiennent que l'appartement était affecté de désordres tenant principalement dans un défaut d'étanchéité à l'air des menuiseries, la présence d'humidité génératrice de moisissures, et une installation électrique dangereuse, et ce dès l'origine de la prise à bail, caractérisant son indécence et leur occasionnant un préjudice de jouissance important, y compris sur le plan de leur santé et de celle de leurs enfants.

Pour combattre l'appréciation portée par le premier juge, ils produisent aux débats des pièces nouvelles (état des lieux d'entrée, courriers et constat d'huissier) tendant à établir la vétusté du logement et la réalité des démarches qu'ils avaient entreprises auprès du mandataire du bailleur dès l'année 2007.

Ils demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau :

- principalement, de débouter le bailleur de l'ensemble de ses prétentions,

- subsidiairement, de suspendre les effets de la clause résolutoire et de leur accorder des délais de paiement,

- en tout état de cause, de condamner M. [B], sous peine d'astreinte, à réaliser les travaux de mise aux normes de décence du logement, au besoin après avoir ordonné une mesure d'expertise, et de suspendre l'exigibilité du loyer jusqu'à leur bonne fin,

- de condamner en outre le bailleur à leur payer la somme de 75.000 euros à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudice confondues,

- et de mettre enfin à sa charge les entiers dépens de l'instance, ainsi qu'une indemnité de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives notifiées le 4 septembre 2022, Monsieur [P] [B] soutient pour sa part que le plan d'apurement n'a pas été respecté puisque les locataires ne se sont pas acquittés de l'intégralité du loyer courant, celui-ci s'avérant trop élevé par rapport à leurs ressources.

Il fait valoir que les époux [Y] ont accepté de prendre le logement à bail 'dans un état d'usage', à charge pour eux de le remettre en état en contrepartie de la gratuité du loyer durant les trois premiers mois, et qu'ils ne démontrent pas l'existence de désordres de nature à porter atteinte à leur sécurité ou leur santé ou à le rendre inhabitable, ni celle d'un quelconque préjudice de jouissance.

Il ajoute que les appelants ne précisent pas la nature des travaux dont ils réclament l'exécution, et qu'en toute hypothèse cette demande est désormais sans objet du fait de l'exécution de la mesure d'expulsion.

Il conclut à la confirmation de la décision déférée, sauf en ce qui concerne le montant définitif de la dette locative, qu'il demande à la cour de fixer à la somme de 6.852,52 euros.

Subsidiairement, pour le cas où il ne serait pas fait application de la clause résolutoire, il poursuit le prononcé de la résiliation judiciaire du bail pour cause de défaut de paiement du loyer, avec les mêmes conséquences de droit.

Il réclame en outre paiement de ses dépens d'appel, ainsi que d'une indemnité de 2.400 euros au titre de ses frais irrépétibles.

La clôture de l'instruction est intervenue le 6 septembre 2022.

DISCUSSION

Sur l'acquisition de la clause résolutoire :

Les époux [Y] ne peuvent soutenir que le plan d'apurement mis en place le 19 novembre 2018 aurait été respecté, alors qu'ils ne s'acquittaient que de la quote-part du loyer courant non couverte par l'allocation logement. Or le versement de cette prestation avait été suspendu par la CAF précisément en raison de l'existence d'un arriéré locatif, sans que cette décision ne puisse être imputée à un comportement déloyal de la part du bailleur.

La cause de la défaillance des locataires réside en réalité dans le refus du Fonds de Solidarité pour le Logement de leur accorder son concours, en raison notamment d'un loyer trop élevé par rapport à leurs ressources et d'une dette supérieure à 4.000 euros, ainsi qu'il résulte de la décision qui leur a été notifiée le 30 novembre 2018.

M. [B] était donc en droit de leur signifier le 22 février 2019 un commandement de payer la totalité de leur dette visant la clause résolutoire stipulée au contrat, cet acte valant également notification de la résolution du plan au sens de l'article 1224 du code civil, puis de saisir le tribunal à l'expiration d'un délai de deux mois en application de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989.

D'autre part, le premier juge a justement refusé de suspendre les effets de ladite clause et d'accorder aux débiteurs des délais de paiement, au regard des motifs précités de la décision de rejet émanant du FSL.

Il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail et ordonné l'expulsion des occupants, avec toutes ses conséquences de droit.

La demande des époux [Y] tendant à la réalisation de travaux dans le logement, et la demande subsidiaire aux fins d'expertise qui en constituait le corollaire, doivent donc être nécessairement rejetées, d'autant que la mesure d'expulsion a été mise à exécution.

Sur l'actualisation de la dette locative :

Il résulte du dernier décompte produit aux débats émanant de l'agence IBOX , mandataire du bailleur, arrêté au 6 septembre 2021, que la dette locative définitive des époux [Y] s'établit à la somme de 3.394,52 euros.

Sur la demande en réparation d'un préjudice de jouissance :

Les époux [Y] produisent en cause d'appel des pièces nouvelles de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur ce point par le premier juge.

Il ressort tout d'abord de l'état des lieux d'entrée que le logement donné à bail présentait de nombreux éléments à l'état usagé, voire même vétuste, et le fait que les locataires aient bénéficié de la gratuité des trois premiers mois de loyer en contrepartie de l'exécution de certains travaux (qui ne sont pas au demeurant précisés) ne dispensait pas le bailleur de remplir son obligation d'entretien durant le cours de la location, conformément à l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989.

Il apparaît ensuite que les époux [Y] ont réclamé à plusieurs reprises l'exécution de réparations dans des courriers adressés au précédent mandataire du bailleur l'agence FONCIA JOMEL les 11 décembre 2007, 18 novembre 2009 et 13 février 2012, concernant l'électricité, la plomberie, l'état des revêtements de sol et l'isolation.

Dans ses courriers en réponse, l'agence FONCIA JOMEL n'a pas contesté la réalité des désordres invoqués, mais a pris chaque fois au contraire l'engagement de faire réaliser des devis et de les soumettre à l'approbation du propriétaire. Or M. [B] ne justifie pas avoir fait effectuer les réparations correspondantes.

La responsable de l'agence IBOX, ayant succédé à FONCIA à compter du mois de février 2016, atteste également avoir été saisie aux mêmes fins par les locataires dès le mois d'avril suivant.

L'existence de désordres est également attestée par MM. [D] [O] et [Z] [H], ce dernier étant par ailleurs membre du conseil syndical de la copropriété.

En revanche, il n'est pas établi de lien de causalité direct entre les problèmes de santé des époux [Y] et de leurs enfants et l'état du logement.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les époux [Y] de leur demande en dommages-intérêts et de leur allouer la somme de 5.000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les époux [Y] de leur demande en dommages-intérêts,

Statuant à nouveau de ce chef, condamne Monsieur [P] [B] à leur payer la somme de 5.000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance,

Confirme le jugement en ses autres dispositions, sauf à préciser que la dette locative définitive des époux [Y] s'établit désormais à la somme de 3.394,52 euros,

Y ajoutant, condamne Monsieur [B] aux dépens de la procédure d'appel, ainsi qu'à verser aux époux [Y] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-8
Numéro d'arrêt : 21/02294
Date de la décision : 16/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-16;21.02294 ?
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