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16/11/2022 | FRANCE | N°20/00554

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-8, 16 novembre 2022, 20/00554


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8



ARRÊT AU FOND

DU 16 NOVEMBRE 2022



N° 2022/ 506







N° RG 20/00554



N° Portalis DBVB-V-B7E-BFNXN







[Y] [B]



[T] [V]





C/



[S] [U]



[G] [H]











































Copie exécutoire délivrée

le :



à :





Me Jean-Yves LEPAUL



Me Jean-François JOURDAN







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal d'Instance de GRASSE en date du 28 Novembre 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 11-19-0001.





APPELANTS



Monsieur [Y] [B]

né le 26 Juin 1974 à [Localité 7] (94), demeurant [Adresse 2]



Madame [T] [V]

née le 26 Novembre ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8

ARRÊT AU FOND

DU 16 NOVEMBRE 2022

N° 2022/ 506

N° RG 20/00554

N° Portalis DBVB-V-B7E-BFNXN

[Y] [B]

[T] [V]

C/

[S] [U]

[G] [H]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jean-Yves LEPAUL

Me Jean-François JOURDAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d'Instance de GRASSE en date du 28 Novembre 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 11-19-0001.

APPELANTS

Monsieur [Y] [B]

né le 26 Juin 1974 à [Localité 7] (94), demeurant [Adresse 2]

Madame [T] [V]

née le 26 Novembre 1973 à [Localité 5] (69), demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jean-Yves LEPAUL, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Luc-Philippe FEBBRARO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

Madame [S] [U]

née le 1er Octobre 1942 à [Localité 6] (75), demeurant [Adresse 1]

Madame [G] [H]

née le 29 Mai 1963 à [Localité 4] (06), demeurant [Adresse 3]

représentées par Me Jean-François JOURDAN, membre de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Me Bruno FITA, membre de la SCP FITA-BRUZI, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Novembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Novembre 2022, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE

Suivant contrat conclu sous signatures privées, Mesdames [S] [U] et [G] [H], agissant en qualité de propriétaires indivis, ont donné à bail d'habitation à Monsieur [Y] [B] et Madame [T] [V] un appartement de type 4 au sein de la Villa Adelina située [Adresse 2], pour une durée de trois années commençant à courir le 27 juillet 2007. Le bail a été tacitement reconduit à chacune de ses échéances.

Courant avril 2017, les locataires ont saisi une première fois le tribunal d'instance de Grasse pour se plaindre de nombreux désordres, et en particulier d'une humidité excessive à l'intérieur du logement.

Par jugement rendu le 13 février 2018, désormais définitif, les bailleresses ont été condamnées sous peine d'astreinte à effectuer divers travaux, ainsi qu'à réparer le préjudice de jouissance subi par leurs locataires à hauteur de 13.230,97 euros.

Suivant exploit d'huissier du 15 décembre 2018, Mesdames [U] et [H] ont fait signifier un congé pour vendre venant à échéance le 26 juillet 2019, et contenant offre de cession aux locataires moyennant le prix de 300.000 euros.

Monsieur [B] et Madame [V] ont alors saisi une nouvelle fois le tribunal d'instance par assignations délivrées les 4 et 11 février 2019 afin d'entendre annuler ledit congé et obtenir paiement de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral.

A l'appui de leur action ils soutenaient que l'imprécision des termes du congé ne leur permettait pas de déterminer si l'offre de cession correspondait à l'ensemble des lieux loués, à une partie seulement de ceux-ci, ou encore à l'intégralité de l'immeuble.

Ils faisaient également valoir que le prix demandé était excessif et volontairement dissuasif, que les propriétaires ne justifiaient d'aucune diligence sérieuse en vue de parvenir à la vente, et que leur intention réelle était d'échapper à leur obligation d'entretien, ajoutant qu'une partie des travaux ordonnés en justice n'avait toujours pas été effectuée.

Les bailleresses ont conclu pour leur part à la validité du congé, sans toutefois réclamer la libération des lieux.

Par jugement rendu le 28 novembre 2019, le tribunal a prononcé la validité du congé et condamné les demandeurs aux dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [B] et Madame [V] ont relevé appel de cette décision par déclaration adressée le 14 janvier 2020 au greffe de la cour.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs conclusions récapitulatives notifiées le 2 septembre 2022, Monsieur [Y] [B] et Madame [T] [V] reprennent l'argumentation développée en première instance, faisant successivement valoir :

- que le congé ne mentionnait pas la cave et le jardin, alors que ces dépendances faisaient partie intégrante des biens donnés à bail,

- que l'imprécision de l'acte ne leur permettait pas de déterminer si l'offre de cession correspondait à l'ensemble des lieux loués, à une partie seulement de ceux-ci, ou encore à l'intégralité de l'immeuble, lequel comprend deux logements distincts,

- que le prix de 300.000 euros demandé est manifestement excessif et volontairement dissuasif, ainsi qu'il résulte des avis de valeur qu'ils produisent aux débats,

- et que les propriétaires ne justifient d'aucune diligence sérieuse en vue de parvenir à la vente, le congé litigieux apparaissant comme une 'mesure de représailles' en suite de leur condamnation à exécuter leur obligation d'entretien.

Ils demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau :

- d'annuler le congé tant en raison de ses irrégularités de forme que de son caractère frauduleux,

- de condamner in solidum les bailleresses à leur payer la somme de 12.000 euros en réparation de leur préjudice moral,

- et de condamner en outre les intimées aux entiers dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives notifiées le 16 août 2022, Mesdames [S] [U] et [G] [H] soutiennent pour leur part :

- que tant le congé que l'offre de cession portaient sur l'intégralité des biens donnés à bail, en l'absence de toute mention contraire ou contradictoire,

- que l'acte était en effet délivré en vue d'une vente séparée des deux lots de l'immeuble,

- que l'absence de description complète des lieux loués n'a pas été de nature à causer grief aux locataires, lesquels ne démontrent pas qu'ils avaient une quelconque intention d'acquérir,

- qu'elles produisent aux débats des estimations réactualisées de la valeur du bien, confirmant que le prix demandé était conforme au marché,

- et qu'elles ont continué à entretenir les lieux loués postérieurement à la délivrance du congé.

Elles demandent à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de condamner les appelants aux dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture de l'instruction est intervenue le 6 septembre 2022, fixant l'affaire à l'audience de plaidoirie du 20 septembre.

Par conclusions de procédure notifiées le 7 septembre, les intimées ont sollicité la révocation de ladite ordonnance et le renvoi de l'affaire à une audience ultérieure, afin de leur permettre de répliquer aux dernières écritures adverses. A défaut elles ont demandé que celles-ci soient écartées des débats en raison de leur caractère tardif.

Par conclusions en réplique notifiées le 12 septembre, les appelants se sont opposés à cette dernière demande, et s'en sont remis à justice sur la demande de renvoi.

DISCUSSION

Sur les conclusions de procédure :

En vertu de l'article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

L'article 135 du même code dispose que le juge peut écarter des débats les pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utile.

Enfin, suivant l'article 803, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

En l'espèce les conclusions déposées par les appelants quatre jours avant la clôture de l'instruction ne soulèvent ni moyens nouveaux ni prétentions nouvelles, et ont été prises en réplique à des conclusions adverses récemment notifiés le 16 août 2022, de sorte qu'elles ne caractérisent aucun comportement déloyal et que le principe contradictoire a été respecté.

Les deux pièces nouvelles numérotées 23 et 24 produites à l'appui de ces conclusions font écho aux pièces complémentaires n° 13 et 14 produites par les intimées et s'inscrivent dans le cadre du débat qui s'est instauré quant à la détermination de la valeur vénale du bien immobilier en cause, chacune des parties étant en mesure d'en discuter la valeur probante dans le cadre de sa plaidoirie.

Il convient dès lors de débouter les intimées des fins de leurs conclusions.

Sur le fond :

En vertu de l'article 15 II de la loi du 6 juillet 1989, le congé délivré par le bailleur doit, lorsqu'il est fondé sur sa décision de vendre le logement, indiquer à peine de nullité le prix et les conditions de la vente projetée.

La cession proposée ne peut porter que sur les locaux et dépendances qui font l'objet du contrat de location.

Encourt la nullité le congé contenant offre de cession de l'immeuble entier, et non du seul logement donné à bail.

Est également nul le congé dont l'imprécision des termes ne permet pas au preneur de déterminer avec certitude si le bien proposé à la vente correspond effectivement au logement loué, celle-ci étant nécessairement de nature à lui causer grief.

En l'espèce, c'est par des motifs erronés que le premier juge a considéré que l'offre de cession renvoyait au contrat de bail et ne laissait ainsi subsister aucun doute quant à son objet. En effet l'acte signifié par les bailleresses le 15 novembre 2018 mentionnait simplement : ' Le présent congé est justifié par la décision de vendre cette propriété '.

Or il est constant que la Villa Adelina comprend deux logements distincts, ainsi qu'il ressort d'un constat dressé par Maître [C] le 5 février 2019, à savoir :

- l'appartement donné à bail à M. [B] et Madame [V], dont les pièces sont distribuées entre le rez-de-jardin et le premier étage,

- et un autre appartement situé au deuxième étage de la maison, desservi par une entrée indépendante.

L'imprécision des termes du congé ne permettait manifestement pas aux locataires de déterminer si l'offre de vente s'appliquait uniquement à leur logement, ou bien à l'intégralité de l'immeuble.

En outre, si les intimées soutiennent dans leurs conclusions que l'acte litigieux avait été délivré en vue d'une vente séparée des deux lots de l'immeuble, elles ne justifient pas cependant avoir requis l'établissement d'un règlement de copropriété et d'un état descriptif de division, qu'il aurait été nécessaire de porter à la connaissance des locataires en application des dispositions légales susvisées.

Enfin l'avis de valeur qu'elles avaient sollicité auprès de leur mandataire FONCIA le 9 avril 2018 portait bien sur la totalité de la maison, ce qui accroît encore le caractère ambigu de l'offre de vente.

Il convient dès lors, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens invoqués par les appelants, d'infirmer le jugement entrepris et d'annuler le congé litigieux.

La demande accessoire en paiement de dommages-intérêts formulée par les locataires doit être cependant rejetée dans la mesure où le préjudice moral qu'ils allèguent est insuffisamment caractérisé, d'autant que les bailleresses se sont abstenues de réclamer leur expulsion, tant en première instance qu'en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Déboute les intimées des fins de leurs conclusions de procédure,

Infirme le jugement déféré, et statuant à nouveau :

Annule le congé pour vendre délivré le 15 novembre 2018,

Déboute Monsieur [Y] [B] et Madame [T] [V] de leur demande accessoire en réparation d'un préjudice moral,

Condamne in solidum Mesdames [S] [U] et [G] [H] aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-8
Numéro d'arrêt : 20/00554
Date de la décision : 16/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-16;20.00554 ?
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