COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 10 NOVEMBRE 2022
N° 2022/ 748
Rôle N° RG 21/12288 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BH7AR
[M] [O]
S.A.S. RIFF'ARTS
C/
[X] [H]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Eleonora MASCOLO
Me Grégory PAOLETTI
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de NICE en date du 11 mai 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/01286.
APPELANTS
Monsieur [M] [O]
né le 9 août 1955 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Eleonora MASCOLO, avocat au barreau de NICE substituée par Me Jessica CHATONNIER-FERRA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
S.A.S. RIFF'ARTS
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est situé [Adresse 2]
représentée par Me Eleonora MASCOLO, avocat au barreau de NICE substituée par Me Jessica CHATONNIER-FERRA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
Madame [X] [H]
née le 4 septembre 1935 à NICE, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Grégory PAOLETTI, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Muriel MANENT, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 04 octobre 2022 en audience publique devant la cour composée de :
M. Gilles PACAUD, Président
Mme Sylvie PEREZ, Conseillère rapporteur
Mme Angélique NETO, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2022,
Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE :
Selon acte sous seing privé du 29 octobre 2018, à effet au 1er novembre 2018, Mme [X] [H] a donné à bail commercial pour neuf ans à la SAS RIFF'ARTS, des locaux commerciaux constitués d'un entrepôt d'une superficie d'environ 400 m², les lots numéro 94 et 95, dans un ensemble immobilier situé [Adresse 3], pour l'exploitation d'une activité de création, production et diffusion d'activités de spectacles, de divertissements, de loisirs et d'événementiels, moyennant un loyer annuel hors charges et hors taxes de 36'000 euros payable par mois, soit mensuellement la somme de 3 000 euros, une provision annuelle sur charges de 5 044,80 euros payable la première année de location et le versement d'un dépôt de garantie d'un montant de 6 000 euros.
Par acte sous seing privé en date du 23 octobre 2018, M. [M] [O] s'est porté caution de la société, à hauteur de la somme de 41'044,88 euros pour une durée de neuf années.
À la suite de plusieurs vaines mises en demeure d'avoir à régler les loyers dus, Mme [H] a, le 29 juin 2020, fait signifier à la SAS RIFF'ARTS un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail pour paiement de la somme en principal de 30'155,47 euros représentant le montant des loyers impayés. Ce commandement était dénoncé le 2 juillet 2020 à la caution.
Par acte d'huissier en date du 29 juillet 2020, la SAS RIFF'ARTS a fait assigner en référé Mme [H] aux fins de voir échelonner le paiement de la dette locative sur deux années, de suspension des effets de la clause résolutoire et de condamnation de la requise au paiement d'une somme de 22'481,63 euros au titre des travaux engagés pour la mise aux normes du local commercial.
Par exploit d'huissier en date du 25 septembre 2020, Mme [H] a fait assigner en référé la SAS RIFF'ARTS et M. [O] en qualité de caution, aux fins de voir constater la résiliation du bail, ordonner l'expulsion du preneur et en paiement de provisions.
Par ordonnance en date du 11 mai 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nice a :
- ordonné la jonction des deux instances,
- constaté l'acquisition de la clause résolutoire et de fait la résiliation de plein droit du bail commercial au 30 juillet 2020,
- ordonné l'expulsion de la SAS RIFF'ARTS et celle de tous occupants de son chef à compter de la signification de l'ordonnance et après délivrance d'un commandement d'avoir à libérer les lieux, avec au besoin l'assistance de la force publique,
- dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,
- condamné solidairement la SAS RIFF'ARTS et M. [M] [O] en sa qualité de caution, à payer à Mme [H] une provision de 49'482,20 euros au titre de l'arriéré de loyers et indemnités d'occupation arrêtée au 5 février 2021,
- condamné solidairement la SAS RIFF'ARTS et M. [M] [O] en sa qualité de caution, au paiement d'une indemnité provisionnelle d'occupation égale au montant du dernier loyer, charges et taxes en sus, jusqu'à la libération effective des lieux,
- rejeté la demande de la SAS RIFF'ARTS tendant à voir condamner Mme [H] au paiement de la somme de 22'481,63 euros au titre de travaux pour la mise aux normes du local commercial,
- dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la SAS RIFF'ARTS et M. [M] [O] en sa qualité de caution aux dépens de l'instance, comprenant le coût du commandement de payer du 29 juin 2020 et ça dénonce à la caution du 2 juillet 2020.
Selon déclaration reçue au greffe le 12 août 2021, la SAS RIFF'ARTS et M. [M] [O] ont interjeté appel de cette ordonnance.
Par conclusions déposées et notifiées le 8 novembre 2021, la SAS RIFF'ARTS a conclu comme suit :
- dire et juger, au besoin constater que la SAS RIFF'ARTS est recevable et bien-fondée dans l'ensemble de ses demandes et déclarer son appel recevable,
Y faisant droit,
- ordonner la suppression des loyers et des charges relativement au mois de fermeture des locaux commerciaux sur la période du 14 mars au 22 juin 2020 ainsi que la période du 29 octobre 2020 au 9 juin 2021,
- échelonner le paiement des sommes dues sur 24 mois,
- condamner Mme [H] à lui payer la somme de 22'481,63 euros au titre des travaux engagés pour la mise aux normes du local commercial,
A titre subsidiaire,
- échelonner le paiement des sommes dues sur 24 mois,
- ordonner une diminution du prix égal à 50 % du loyer relativement au mois de fermeture des locaux commerciaux sur la période ci-dessus,
- dire et juger que les charges de copropriété ne sont pas dues pendant la période de fermeture administrative,
- condamner Mme [H] à lui payer la somme de 22'481,63 euros au titre des travaux engagés pour la mise aux normes du local commercial,
En tout état de cause,
- condamner Madame [H] la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- statuer ce que de droit sur les dépens.
La SAS RIFF'ARTS expose avoir eu des difficultés financières tenant à la nécessité d'engager des travaux de mise aux normes du local commercial, et à l'état d'urgence sanitaire.
Elle expose qu'ayant loué un local recevant du public dans le cadre de la diffusion d'activités de spectacle, elle a effectué des travaux de remise aux normes du local pour le rendre conforme à sa destination contractuelle, rappelant l'obligation de délivrance du bailleur.
Concernant l'état d'urgence sanitaire, elle fait valoir que les différents arrêtés préfectoraux l'ont obligée à fermer pendant plusieurs mois.
Par conclusions déposées et notifiées le 19 novembre 2021, Mme [H] a formé appel incident et conclu comme suit :
In limine litis :
- déclarer caduc et en tout état de cause irrecevable l'appel formé par la SAS RIFF'ARTS et M. [M] [O],
- déclarer irrecevable l'appel formé par la SAS RIFF'ARTS et M. [M] [O] et subsidiairement les en débouter,
- radier la présente affaire du rôle,
Sur le fond :
- confirmer l'ordonnance déférée à la cour sauf sur le rejet de sa demande indemnitaire au titre de la clause pénale et de la conservation du dépôt de garantie,
Statuant sur appel incident :
- réformer l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté sa demande indemnitaire au titre de la clause pénale et de la conservation du dépôt de garantie,
Statuant de nouveau :
- condamner la SAS RIFF'ARTS et M. [M] [O] à lui payer, à titre provisionnel, à la somme de 5490,94 euros au titre de la clause pénale et ordonner à titre indemnitaire, la conservation à titre provisionnel par le bailleur du dépôt de garantie d'un montant de 3 000 euros,
En tout état de cause,
- débouter la SAS RIFF'ARTS et M. [M] [O] de l'ensemble de leurs demandes,
- les condamner solidairement au paiement de la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Sur la caducité de l'appel, Mme [H] fait valoir, au visa de l'article 905-2 du code de procédure civile, que l'avis de fixation a été adressé aux appelants le 7 octobre 2021 et que ceux-ci ont notifié leurs conclusions le 8 novembre 2021, soit postérieurement au délai imposé par le texte ci dessus visé, entraînant en conséquence la caducité de la déclaration d'appel.
Au visa des articles 542 et 954 du code de procédure civile, Mme [H] fait valoir également que le dispositif des conclusions des appelants ne comporte aucune demande soit d'annulation de la décision querellée soit de réformation de celle-ci de sorte que la cour d'appel ne pourra que confirmer ladite décision.
Elle sollicite la radiation de l'appel du fait de non-paiement des condamnations mises à la charge des appelants.
Sur le fond, l'intimée relève que les appelants ne contestent aucunement le montant des sommes réclamées.
Concernant la crise sanitaire due au Covid-19, l'intimée fait valoir, s'agissant de la première période, que le commandement de payer a été délivré le 29 juin 2020 de sorte que les dispositions de l'article 4 de la loi n°2020-306 ne sont aucunement applicables au cas d'espèce, le commandement étant postérieur à la période protégée.
Elle relève que le preneur ne règle plus les loyers depuis le mois d'avril 2019 soit antérieurement à la crise sanitaire.
Concernant les mesures prises pendant la période du 17 octobre 2020 à ce jour, elle rappelle que la loi du 14 novembre 2020 s'applique au seul locataire affecté par une mesure de police administrative et qui entre dans les conditions d'éligibilité précisées par décret, ce que ne démontre pas la société locataire, rappelant en tout état de cause que ce dispositif n'a pas pour effet de suspendre l'exigibilité des loyers commerciaux mais les mesures conservatoires et les mesures d'exécution.
Concernant les délais de paiement sollicité, l'intimée relève qu'il n'est produit aucun élément comptable relatif à la situation financière de la société locataire.
Concernant la clause pénale, prévue par l'article 17 du bail, l'intimée expose qu'il est expressément prévu à titre de clause pénale, la majoration des sommes dues de 2 % outre la conservation du dépôt de garantie à titre d'indemnité en réparation du préjudice résultant de la résiliation.
Par ordonnance du 20 septembre 2022, l'affaire a été clôturée.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
La caducité de l'appel :
L'article 905-2 du code de procédure civile dispose qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l'appelant dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe.
Un avis de fixation a été adressé par le greffe aux appelants le 7 octobre 2021.
La SAS RIFF'ARTS a fait déposer des conclusions le 8 novembre 2021 mais M. [O] n'a pas quant à lui conclu, de sorte qu'à son égard, la caducité de l'appel doit être constatée.
La SAS RIFF'ARTS a conclu au-delà du délai d'un mois certes mais le 7 novembre, terme du délai imparti à celle-ci pour conclure, expire un dimanche. En application des dispositions combinées des articles 641 et 642 du code de procédure civile, le délai expirant un dimanche est reporté au premier jour ouvrable suivant, soit en l'espèce le lundi 8 novembre.
Il en résulte que la SAS RIFF'ARTS a conclu dans le délai qui lui était imparti et que la caducité de l'appel n'est pas encourue.
Le dispositif des conclusions d'appelant :
Ainsi que le relève Mme [H], la SAS RIFF'ARTS ne sollicite, dans le dispositif de ses conclusions, ni l'annulation ni la réformation de la décision.
Aux termes des articles 542 et 954 du code de procédure civile, l'appelant doit dans le dispositif de ses conclusions mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ou l'annulation du jugement et en cas de non-respect de cette règle, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement.
L'article 954 alinéa 3 précise ainsi que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif (des conclusions d'appel) et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Les conclusions d'appelant comportant un dispositif qui ne conclut pas à l'infirmation totale ou partielle de la décision déférée, ne déterminent par conséquent pas l'objet du litige porté devant la cour.
La décision doit par conséquent être confirmée sous réserve de l'appel incident concernant la clause pénale et le dépôt de garantie.
La radiation de l'affaire :
Mme [H] sollicite la radiation de l'affaire en application de l'article 524 du code de procédure civile au motif que les appelants n'ont pas exécuté les termes de l'ordonnance dont appel, ne procédant à aucun règlement ou consignation des condamnations mises à leur charge.
En l'état des développements ci-dessus relatifs au dispositif des conclusions des appelants, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande.
La clause pénale et le dépôt de garantie :
Mme [H] sollicite la réformation de l'ordonnance déférée à la cour en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande au titre de la clause pénale et de la conservation du dépôt de garantie.
Le bail conclu entre les parties prévoit en son article 17 une clause pénale selon laquelle à défaut de paiement de toutes sommes à son échéance, les sommes dues par le locataire seront automatiquement majorées de 20 % à titre d'indemnité forfaitaire.
Cette même clause prévoit qu'en cas de résiliation de plein droit du bail, le montant du dépôt de garantie restera acquis bailleur à titre d'indemnité minimale en réparation du préjudice résultant de cette résiliation.
En l'état de ce dispositif conventionnel, l'existence de l'obligation de la locataire n'est pas sérieusement contestable, de sorte qu'il est fait droit à la demande de condamnation de la SAS RIFF'ARTS au paiement de la somme de 5 490,94 euros au titre de la clause pénale, Mme [H] étant par ailleurs autorisée à conserver à titre provisionnel la somme de 3000 euros versée par le preneur au titre du dépôt de garantie.
La demande de condamnation solidaire de M. [O] avec la société locataire se heurte cependant à une contestation sérieuse tenant à la limitation de la dette cautionnée telle que cette limitation résulte du cautionnement signé par M. [O] et fixée à la somme de 41'064 80 euros, montant d'ores et déjà dépassé par les condamnations prononcées en première instance à son encontre.
Il n'y a donc pas lieu à référé de ce chef à l'encontre de M. [O].
Enfin, il y a lieu de condamner la SAS RIFF'ARTS et M. [O] au paiement de la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, à l'exclusion de toute solidarité, celle-ci ne se présumant pas.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Prononce la caducité de la déclaration d'appel à l'égard de M. [O] ;
Rejette la demande tendant à voir déclarer caduc l'appel interjeté par la SAS RIFF'ARTS ;
Dit n'y avoir lieu à procéder à la radiation de l'affaire par application de l'article 524 du code de procédure civile ;
Confirme l'ordonnance du 11 mai 2021 prononcée par le juge des référés du tribunal judiciaire de Nice, sauf concernant la clause pénale et le dépôt de garantie ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne la SAS RIFF'ARTS au paiement de la somme provisionnelle de 5 490,94 euros au titre de la clause pénale ;
Autorise Mme [H] à conserver à titre provisionnel la somme de 3 000 euros versée par la SAS RIFF'ARTS au titre du dépôt de garantie ;
Dit n'y avoir lieu à référé du chef de la condamnation solidaire de M. [O] avec la SAS RIFF'ARTS au titre de la clause pénale ;
Condamne la SAS RIFF'ARTS et M. [O] à payer à Mme [H] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Déboute Mme [H] de sa demande de condamnation solidaire des appelants au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;
Condamne la SAS RIFF'ARTS et M. [O] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
La greffière Le président